Venise 2019 : une promesse de renouveau ?

Posté par kristofy, le 27 août 2019

Le 76e Festival de Venise est prêt à lever le rideau le 28 août, et ce jusqu'à la remise du Lion d'or le 7 septembre à l'un des 21 films en compétition.

Le jury de la compétition internationale sera présidé par la réalisatrice argentine Lucrecia Martel: un choix à saluer puisque Venise a rarement choisi une femme à la tête de son jury: Annette Bening, Catherine Deneuve, Gong Li, Jane Campion, Sabine Azéma sont les exceptions. Martel est donc la deuxième réalisatrice à occuper le poste, et la première personnalité sud-américaine.

Le jury est désormais dévoilé : Piers Handling (critique et historien, Canada), Mary Harron (réalisatrice, Canada), Stacy Martin (actrice franco-britannique), Rodrigo Prieto (directeur de la photographie, Mexique), Shinya Tsukamoto (réalisateur, Japon), et Paolo Virzi (réalisateur, Italie). Certains de ces talents connaissent déjà Venise: Paolo Virzi avait gagné un Lion d'argent en 1997 pour Ovosodo, Shinya Tsukamoto était déjà juré en 1997 et avait présenté en compétition Killing en 2018, Rodrigo Prieto était le directeur de la photo de Ang Lee pour Le Secret de Brokeback Mountain Lion d'or en 2005, Stacy Martin jouait avec Natalie Portman dans Vox Lux en compétition en 2018, et Lucrecia Martel avait présenté Zama hors-compétition en 2017. Un jury d'experts plus que glamour. Alors que la compétition cherche de plus en plus à conquérir les productions internationales à gros castings ou même les films hollywoodiens oscarisables.

Pour la compétition internationale 21 films ont été sélectionnés : seulement deux films sont réalisés par des femmes (Babyteeth de Shannon Murphy - Australie; The Perfect Canditate de Haifaa Al-Mansour - Arabie saoudite). Il y a aussi un film d'animation (No.7 Cherry Lane de Yonfan - Hong Kong) et un documentaire (La mafia non è più quella di una volta de Franco Maresco - Italie). La compétition sera rythmée par La Vérité de Hirokazu Kore-eda (avec Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Ludivine Sagnier, Ethan Hawke) en ouverture de festival ce 28 août, et par les nouveaux films de James Gray,  Pablo Larrain, Atom Egoyan, Roman Polanski, Steven Soderbergh, Noah Baumbach, Lou Ye, Ciro Guerra, Roy Andersson... En compétition on y verra plusieurs représentants de la France : les actrices de La Vérité de Hirokazu Kore-eda, J'accuse de Roman Polanski (avec Jean Dujardin et Louis Garrel), Gloria Mundide Robert Guédiguian (avec sa fidèle troupe), et Wasp Network de Olivier Assayas (et un casting hispanique).

Il est encore trop tôt pour évoquer d'éventuels favoris mais on peut déjà supposer que le Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir pourrait aller à l'actrice Eliza Scanlen pour sa métamorphose dans Babyteeth (on va ensuite la découvrir dans Les Filles du docteur March de Greta Gerwig).

L'année dernière, Venise avait suscité de nouveaux débats à propos de la présence de films sélectionnés produits par la plateforme Netflix et prévus sans sortie en salles de cinéma. Comble ou ironie, le Lion d'or avait été remis à Roma de Alfonso Cuaron (qui décrochera ensuite quelques Oscars). Cette fois encore ,Venise va servir de vitrine promotionnelle à Netflix (au moment où ce géant du streaming va devoir faire face à de la concurrence avec l'ouverture de la plateforme Disney+) avec, hors-compétition, The King de David Michôd (Timothée Chalamet, Joel Edgerton, Robert Pattinson, Lily-Rose Depp...) et deux films en compétition: The Laundromat de Steven Soderbergh (avec Meryl Streep et Gary Oldman) et Marriage Story de Noah Baumbach (avec Adam Driver et Scarlett Johansson). Si Netflix se retrouve au palmarès, nul ne doute de plusieurs grincements de dents.

Ce n'est pas forcément en compétition qu'on cherchera de nouveaux talents. Les surprises proviennent surtout de la section d'Orizzonti et de la sélection parallèle Venice Days. Après une grande édition cannoise, Venise ne peut pas vraiment décevoir (comprendre: il lui faut un maximum de films allant aux Oscars). Même si le festival se soucie de moins en moins du cinéma émergeant et des exploitants. Cependant, en allant d'un film issu d'un univers de super-héros à la science-fiction, en mariant l'humour absurde nordique au drame historique français, en cherchant des cinéastes réputés qui sortent de leur confort, le Festival fait son job et distingue des auteurs au milieu d'une production pléthorique.

Durant le festival, Venise décernera également deux Lion d'or d'honneur pour leur carrière à l'actrice Julie Andrews ainsi qu'au réalisateur Pedro Almodovar (qui y avait gagné un prix de meilleur scénario en 1988 pour Femmes au bord de la crise de nerfs). Le prix 'Glory to the Filmmaker' cette année sera remis à Costa-Gavras à l'occasion de la présentation hors-compétition de Adults in the Room.

Cannes 2016 – Télex du marché: Helen Mirren, Halle Berry, Nadine Labaki, Laurent Cantet et Boris Vian

Posté par vincy, le 20 mai 2016

- Paolo Virzi, en sélection à la Quinzaine avec Folles de joie, va réaliser son premier film en langue anglaise avec The Leisure Seeker. Cette comédie dramatique réunira l'oscarisée Helen Mirren et le membre du jury Donald Sutherland, qui seront un couple de retraités dont les jours sont comptés et qui décident de partir en voyage à travers les Etats-Unis. Le tournage est prévu pour cet été et la sortie au printemps 2017.

- Deniz Gamze Ergüven, la réalisatrice de Mustang prépare son prochain film qui sera aussi tourné en anglais aux États-Unis. Kings se déroulera à Los Angeles lors des émeutes de South Central, en 1992. Halle Berry y jouera une mère de famille vivant dans ce quartier.

- Après Caramel et Et maintenant, on va où?, la cinéaste libanaise Nadine Labaki réalisera Capharnaüm, fable documentaire sur un enfant qui porte plainte contre ses géniteurs pour l'avoir mis au monde. Le tournage devrait commencer cet automne.

- Laurent Cantet, Palme d'or pour Entre les murs, va tourner cet été L'atelier, et revient au huis-clos pédagogique. Des jeunes, lors d'un atelier d'écriture, doivent écrire un roman policier dans un temps limité. Portrait de jeunesse, le film confrontera le passé de La Ciotat et la vie présente de cette génération.

- On avait eu L'Ecume des jours par Michel Gondry. On va avoir J'irai cracher sur vos tombes de l'espagnol Santiago Zannou (Alacrán enamorado). Boris Vian is hype. L'adaptation sera signée Cyril Gely à qui l'on doit Chocolat. Ce sera la deuxième fois que ce roman connaîtra une déclinaison cinématographique.

Cannes 2015 – les télex du marché: Kristen Stewart chez Assayas, l’actrice de Borgen chez Bercot, Abd Al Malik et deux folles en Italie

Posté par vincy, le 16 mai 2015

marché du film - cannes

- Kristen Stewart avait annoncé qu'elle retournerait un film en France. C'est confirmé. L'actrice, césarisée cette année pour son second-rôle dans Sils Maria (Cannes 2014), retrouvera son réalisateur Olivier Assayas pour Personal Shopper. Après l'annulation de son projet américain, Assayas a décidé de se lancer rapidement dans un autre film. Personal Shopper est une histoire de fantômes qui se déroule dans le monde de la mode à Paris. Le tournage est prévu pour la fin de l'année.

- La Tête haute a déjà attiré 70000 spectateurs sur Paris et Périphérie, deux jours après avoir fait l'ouverture du 68e Festival de Cannes. Mais la cinéaste Emmanuelle Bercot a déjà la tête ailleurs, dans son prochain film. Elle adaptera le best-seller d'Irène Frachon, Mediator 150 Mg, qui a révélé le scandale du Mediator et s'est battue contre les laboratoires Servier. La fille de Brest, un "Erin Brokovitch à la française", sera incarné par Sidse Babbet Knudsen (After the Wedding et surtout Borgen). La comédienne danoise vient de jouer avec Fabrice Luchini dans L’hermine de Christian Vincent.

- Après son premier film, nominé aux César, Qu'Allah bénisse la France, l'écrivain-musicien-chanteur et réalisateur Abd Al Malik finalise le montage financier de son deuxième long métrage. Et ce sera un changement de style radical puisque Déshabillez-moi est l'histoire de la relation amoureuse entre la chanteuse Juliette Gréco, qui fait actuellement ses adieux à la scène en tournée, et le musicien Miles Davis. Le récit se déroule dans les années 50 à Paris et sera narrée par un rappeur noir américain d'aujourd'hui.

- Le réalisateur italien Paolo Virzi, tourne actuellement avec la star de son film les Opportunistes Valeria Bruni-Tedeschi et celle de La prima cosa bella, Micaela Ramazzotti. La Pazza Gioia (Like Crazy) suit deux patientes qui se rencontrent dans un hôpital alors qu'elles sont traitées pour des problèmes psychiatriques. Elles décident de s'évader et vont commencer un drôle de voyage qui les mènera à Rome. Le film est prévu dans les salles l'année prochaine. Les Opportunistes avaient récolté 7 prix David di Donatello, dont ceux du meilleur film, meilleur scénario et de la meilleure actrice.

Villerupt 2008 : portraits de l’Italie contemporaine

Posté par MpM, le 7 novembre 2008

comencini_bianco-e-nero.jpgParfois, en festival, on se demande si l’on prend tant le pouls de la cinématographie d’un pays que de sa société. Un peu des deux probablement, tant les films présentés ont tendance à dresser un catalogue plus ou moins exhaustifs des maux d’une nation. La compétition du Festival de cinéma italien de Villerupt, ou tout au moins ce que l’on en a vu jusque là, ne semble pas faire exception. Emigration, racisme, exploitation, chômage, politique, mafia… on serait tenté de dire que les ingrédients ne varient pas beaucoup. Mais ce qui indubitablement change, c’est le ton utilisé. Ni misérabiliste, nous emmenant vers le mélodrame social, ni si alambiqué que tout devient mystérieusement allégorique et obscur. Au contraire, et comme pour contrebalancer l’énormité de leur sujet, les réalisateurs choisissent la voie de la légèreté, voire de l’humour le plus débridé, et affrontent les questions frontalement, quitte à mettre les pieds dans le plat. Au moins sont-ils conscients qu’une thématique ne suffit pas et font-ils l’effort de raconter des histoires illustrant leurs préoccupations, et ne servant pas seulement de prétexte.

Ainsi le destin de Gaetano (La terramadre de Nello La Marca) qui vit sur la côte sud de la Sicile où, chaque jour, on retrouve échoués les corps de clandestins dont les embarcations de fortune ont fait naufrage. Il observe incrédule ses compatriotes malmener les malheureux survivants et en même temps rêver à l’Allemagne, pays de cocagne où bien des hommes du village s’exilent pour échapper à la pauvreté. Curieusement, Gaetano semble être le seul à faire le lien entre ces fantômes rejetés par la mer et celui qu’il pourrait devenir en Allemagne. A tous les arguments matériels qu’on lui oppose, il ne peut que répondre, parlant des réfugiés : "et eux, qui sait ce qu’on leur avait promis ?" Mais Gaetano est face à un choix impossible : exploiter plus misérable que lui sur sa terre natale, ou devenir à son tour l’exploité sur une terre étrangère. Le film, lui, ne tranche pas, mais quoi que ce soit avec un style maniéré et un sérieux manque de subtilité, il a le mérite de poser les questions qui mettent chacun devant ses responsabilités.

SOS terriens en détresse

Question subtilité, peut-être que Cristina Comencini (photo) pourra repasser elle-aussi. Dans Bianco e nero, une fable sur le racisme qui s’ignore, ses personnages commettent en effet tous les impairs possibles avec la meilleure volonté du monde. A trop vouloir dénoncer l’hypocrisie ambiante, la cinéaste a bien dû mal à éviter les bons sentiments… Au moins pousse-t-elle la réflexion un cran plus loin que d’habitude. Sa cible n’est pas tant les racistes virulents, ceux qui ne tolèrent aucune différence et veulent "renvoyer tous les étrangers chez eux", que ceux, probablement plus insidieux et plus nombreux, qui veulent à tout prix se donner bonne conscience et ne parviennent pas à envisager simplement l’altérité.

Une scène illustre merveilleusement ce racisme inconscient : invitée à une fête d’anniversaire, une petite fille noire vole une poupée. Et les parents de la fillette spoliée de trouver à leur invité indélicate toutes les excuses du monde, et de finir par lui donner la poupée. "Vous faites seulement ça parce qu’elle est noire", s’insurge (à raison) leur fille… Le tableau que dresse Cristina Comencini de la coexistence entre Blancs et Noirs fait froid dans le dos : deux univers parallèles qui ne peuvent ni se mêler, ni se comprendre, et dont la rencontre réveille pas mal de tabous.

On est tout aussi horrifié par la vision que Tutta la vita davanti de Paolo Virzi donne du travail en centre d’appels : embrigadement, lavage de cerveau, exploitation et manipulation éhontés, le tout en musique et avec sourire réglementaire. Le réalisateur croque à merveille cet univers aseptisé et décérébrant auquel il ne fait pas de cadeau. C’est presque systématiquement hilarant, et suffisamment bien vu pour démonter intelligemment le mécanisme du travail précaire et son corolaire : la lutte sociale souvent pleine de bonnes intentions, mais incapable de prendre en compte tous les paramètres, notamment humains. Là encore, le réalisateur ne livre pas de réponses, et même son message d’espoir est ténu. Certes, la petite Lara deviendra peut-être philosophe grâce aux sacrifices consentis par sa précaire de mère… mais qui sait si, comme l’héroïne, thésarde que personne ne peut embaucher, elle ne devra pas se rabattre sur le premier boulot humiliant venu ?