2017 dans le rétro : une année plutôt animée

Posté par MpM, le 23 décembre 2017

Après une année enchantée en 2016, où l'on avait pu découvrir à la fois Ma vie de courgette, La tortue rouge, Louise en hiver ou encore Tout en haut du monde, le cinéma d’animation semble avoir moins brillé en 2017. Pourtant, cela ne signifie pas qu’il ait été moins présent en salles, puisqu’on compte tout de même une soixantaine de sorties de films ou programmes d'animation, ce qui fait plus d'un par semaine.

Suites et reboots


Les suites, reboots et autres déclinaisons de franchises étaient comme c’est de plus en plus souvent le cas à l’honneur, avec notamment Cars 3, Paddington 2, Moi, moche et méchant 3, Opération casse-noisettes 2, Les Schtroumpfs et le village perdu, LEGO Ninjago et LEGO Batman, My Little Pony, Bob Le bricoleur : Megamachines, Pokémon, le film : Je te choisis, Yo-Kai Watch, le film... Des œuvres clairement à destination des enfants / pré-adolescents et dont le principal objectif est de capitaliser sur leurs acquis.

Très jeune public


L'autre grande tendance sont les programmes (souvent collectifs) de courts métrages à destination d'un très jeune public, comme À deux, c'est mieux !, Le Voyage en ballon, La Ronde des couleurs, Au Fil des saisons, Mr Chat et les Shammies, La Fontaine fait son cinéma, Des trésors plein ma poche, Les P'tits explorateurs, A la découverte du monde, Polichinelle et les contes merveilleux, Myrtille et la lettre au Père Noël... De quoi initier les plus jeunes en douceur à l'expérience du cinéma.

Animation française


Côté animation française, on ne peut pas dire que l’année ait été mauvaise. On retiendra bien sûr Benjamin Renner et son merveilleux Grand méchant renard qui a enchanté un large public, sans distinction d'âge, mais aussi le très beau programme de courts Le vent dans les roseaux, qui faisait la part belle à la liberté et à la résistance. Citons également le "blockbuster" Zombillénium d'Arthur de Pins et Alexis Ducord, tonitruante adaptation de la série BD à succès, Ernest et Célestine en hiver de Julien Chheng et Jean-Christophe Roger (4 épisodes de la série télévisée Ernest et Célestine, la collection), La cabane à histoires de Célia Rivière, Les As de la Jungle de David Alaux, adaptation sous forme de long métrage de la série télévisée du même nom ou encore Drôles de petites bêtes d'Arnaud Bouron et Antoon Krings (également adapté d'un succès d'édition qui bénéficiait déjà d'une série télévisée).

Les révélations d'Annecy


À l’international, trois films primés à Annecy ont fait parler d’eux : Lou et l’île aux sirènes de Masaaki Yuasa (cristal du long métrage), qui raconte l'amitié hors normes entre un collégien solitaire et une sirène ; Dans un recoin du monde de Sunao Katabuchi (prix du jury), portrait d'une jeune femme rêveuse confrontée à la guerre et à la tragédie d'Hiroshima, et La passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman (prix du public) dont la principale prouesse est de donner vie à la peinture de Van Gogh, bien que cela soit au service d’un scénario raté.

Disney et compagnie


On notera aussi Coco, le Disney de l’année, qui nous emmène au royaume des morts, et Ferdinand (Fox) sur un taureau bien décidé à retrouver son village natal. La Grande Bretagne a elle livré Un conte peut en cacher en autre de Jakob Schuh et Jan Lachauer, l’un des rares longs métrages en stop motion de l’année, qui se moque des contes de fées de notre enfance. Mentionnons enfin deux adaptations de livres pour enfants qui jouent la carte de la comédie mal dégrossie et à moitié à poil : Baby boss de Tom McGrath et Capitaine Superslip de David Soren.

Animation pour adultes

psiconautas

Bien que l’animation soit toujours considérée comme un genre à part, réservé aux plus jeunes, quelques films clairement destinés à un public adulte ont eux-aussi eu les honneurs de la salle, à commencer par le nouvel opus de Bill Plympton, La vengeresse, co-réalisé par Jim Lujan. On pense également à Psiconautas d’Alberto Vasquez, cruel conte post-apocalyptique sur un monde en décomposition, et à Téhéran Tabou d’Ali Soozandeh, regard sans fard sur les contradictions de la société iranienne, surtout pour tout ce qui touche à la sexualité. Des œuvres puissantes qui utilisent l’animation à la fois comme un formidable vecteur de liberté et de créativité, et comme une manière de transcender la réalité qu’elles dépeignent.

Films du patrimoine


Enfin, il faut souligner le travail accompli par certains distributeurs dans le domaine du cinéma de patrimoine. On a ainsi pu (re)découvrir des joyaux du cinéma d’animation tchèque avec les programmes Quel cirque (Bretislav Pojar, Zdenek Ostrcil, Karel Zeman) et Les nouvelles aventures de Ferda la fourmi d’Hermina Tyrlova, qui brillebt tous deux par la délicatesse de l’animation (marionnettes et animation à plat), la virtuosité des mouvements et l'onirisme du récit. On a aussi pu revoir La ferme des animaux, d’après George Orwell, Brisby et le secret de Nimh, sans oublier le duo star des studios Aardman : Wallace et Gromit, de retour avec le programme Cœurs à modeler comportant un inédit : Un sacré pétrin, et réservant un festival de prouesses visuelles, de références cinématographiques et de gags aussi drôles au second degré qu’au premier.

Un bref panorama des sorties 2017 met ainsi en lumière l'éclectisme et la richesse du cinéma d'animation proposé sur grand écran. Si les plus films les plus médiatisés occupent beaucoup le terrain (et les salles), ils ne dissimulent heureusement qu'à moitié une offre pléthorique, contrastée, et adaptée à tous les publics. Visuellement comme thématiquement, c'est une explosion de propositions parfois audacieuses et d'expérimentations singulières, qui côtoient des œuvres plus balisées qui tentent de se renouveler, ou au contraire se contentent d'appliquer toujours les mêmes recettes. Sans réelle surprise, le cinéma d'animation est à ce titre exactement au même niveau que le cinéma en prise de vues réelles : pris en étau entre des créatifs qui osent, des faiseurs qui reproduisent, et des grands financiers qui comptent. L'essentiel étant que le spectateur, lui, ait toujours le choix.

Mon premier festival 2017 : une semaine d’aventures en salles obscures

Posté par MpM, le 31 octobre 2017

A chaque édition, on le répète : Mon premier festival est une formidable occasion d'initier les enfants au cinéma sur grand écran, en jonglant avec les styles et les époques, et en profitant des chouettes ateliers organisés en marge des projections. Cette année, nous avons décidé d'aller plus loin en vivant le festival de l'intérieur, en conditions réelles, c'est-à-dire en compagnie d'un jeune cinéphile de 5 ans, cobaye plutôt consentant. Récit d'une semaine d'aventures en salles obscures.

Jour 1


Il est 10h du matin, nous sommes au cinéma L'entrepôt (XIVe), l'un des 14 cinémas partenaires de Mon premier festival. L'accueil est chaleureux dès l'entrée, entre fébrilité et excitation. Dans la salle, ton convivial et complice : "C'est la première séance du festival !" s'exclame la présentatrice. "Au fait, les enfants, vous savez ce qu'est un festival ?". Participation ravie du public, qui réagit au quart de tour aux différentes questions et explications, et fait sagement silence dès que la salle s'éteint.

On a décidé de commencer doucement, avec le très joli programme de courts métrages Neige et les arbres magiques du studio Folimage (sorti en 2015). Le jeune cinéphile aime beaucoup l'arbre qui part en balade, entraînant avec lui une foule disparate, dans One, two, tree de Yulia Aronova. Il est aussi séduit, mais également interpellé, par les Tigres à la queue leu leu de Benoît Chieux, qui provoquent une quantité astronomique de questions ("Mais par où il sort, le chien, quand il est dans l'estomac du tigre ?"). Enfin, Neige fait son petit effet avec ses personnages inuits et son hymne à l'amitié interculturelle.

Jour 2


"Bon, alors, qu'est-ce qu'on fait, aujourd'hui ?" Cette fois, le jeune cinéphile prend les choses en mains, et ouvre son programme de festivalier. "D'accord, on va au cinéma, mais au festival, hein !" Après réflexion, son choix finit par se porter sur Cadet d'eau douce de Buster Keaton et Charles Reisner. Ca tombe bien, la séance (qui a lieu au Chaplin Denfert, XIVe) s'accompagne d'un quiz sur le cinéma muet.

Quiz plutôt ambitieux qui aborde à la fois les spécificités techniques du cinéma muet, ses grands auteurs, le cinéma burlesque, et l'oeuvre de Buster Keaton. Le jeune cinéphile n'a pas l'air d'avoir tout retenu, et pourtant le lendemain on le trouvera en train de pérorer sur Charlie Chaplin. Pas si mal.

Le film, lui, rencontre un immense succès. Dans la salle, les fous rires devant les irrésistibles (et indémodables) gags de Buster Keaton alternent avec les moments d'apnée, yeux écarquillés face aux ravages de la tempête finale. Voilà comment on inculque (très) jeune l'amour du cinéma muet et en noir et blanc !

Jour 3


Le jeune cinéphile est un inconditionnel de Wallace et Gromit, il a donc sursauté en voyant un visuel de Chicken run dans le catalogue : "Regarde maman, on dirait Wallace déguisé en poule". Comme il ne faut jamais laisser passer l'occasion d'emmener un enfant voir un film sur la résistance et la désobéissance civique, ce matin, ce sera donc Chicken run au Luminor Hôtel de Ville (IVe) !

Lire le reste de cet article »

Quel cirque ! Un programme d’animation enchanteur et insolite

Posté par MpM, le 11 octobre 2017

Ce n'est pas encore Noël, et pourtant Malavida nous gâte au-delà du raisonnable cette semaine avec Quel cirque !, un programme enchanteur de trois courts métrages réunis autour du thème du cirque, et issus de la grande école d'animation tchèque de la seconde moitié du XXe siècle.

Formant un ensemble cohérent, les trois films sont véritablement à destination de tous les publics, à partir de trois ans, et tellement captivants, voire émouvants, que des spectateurs adultes peuvent y aller sans hésiter, même s'ils n'ont pas d'enfants à accompagner.

Le premier film, Le petit parapluie, est réalisé par Bretislav Pojar en 1957. Cet animateur tchèque collaborateur de Jirí Trnka est connu pour sa virtuosité technique. Il a été récompensé à plusieurs reprises à Cannes (prix du film de marionnettes pour Un verre de trop en 1953, grand prix du court métrage pour Balablok en 1973 et prix du jury animation - court métrage pour Boom en 1979). Le petit parapluie, également sélectionné à Cannes en 1957, met en scène un personnage connu du grand public tchèque, Ole ferme l’œil, conçu par Trnka pour ses illustrations des Contes d’Andersen. Il est ici détourné de sa fonction première (aider les enfants à s'endormir) pour se transformer en une sorte de Monsieur Loyal facétieux et tout-puissant qui donne vie aux jouets de la maison et leur intime de se livrer à des numéros de cirque.

On est évidemment frappé par la poésie et la délicatesse de l'animation, notamment lorsque le personnage crée un Pierrot fait de bulles aériennes qui s’anime soudain, ou que des dragons de papier deviennent de terribles fauves à dompter. C'est ainsi tout un monde onirique qui apparaît ainsi sous nos yeux, le temps d'une unique représentation, magnifié par le travail de précision de Pojar, qui anime les marionnettes devant la caméra à l'aide d’une tringle, d’une gaine, d’une tige ou de fils en nylon translucides (l'un d'entre eux apparaît fugacement dans une scène) et combine ce premier plan avec une animation à plat et des ombres en arrière-plan.

Deux cœurs en piste de Zdenek Ostrcil est à la fois le film le plus récent du programme (1983), et le seul à ne pas être réalisé en volume. Le cinéaste, qui fut un proche collaborateur à la fois de Karel Zeman et de Hermina Tyrlova, choisit ici une animation image par image, en plans fixes, qui joue sur les échelles de plans pour donner un sentiment de dynamisme à l'action.

Très découpé, utilisant le montage alterné et les plans de coupe, le film raconte avec humour et légèreté une histoire d'amour contrariée entre l'acrobate et le clown du cirque. Plein de gags visuels, tournant en ridicule le "méchant" du récit, un monsieur Loyal fantoche à souhait, c'est clairement le film le plus comique du programme, ode à irrévérence, à la liberté d'esprit et à l'insouciance.

Enfin, Monsieur Prokouk acrobate de Karel Zeman et Zdenek Rozkopal reprend un personnage créé par Zeman en 1946 pour une série de films éducatifs dans lesquels il « découvre » qu’il est bon de modérer sa consommation d’alcool, de recycler ou de faire des économies. Il est donc surprenant, et par avance réjouissant pour le public, de le retrouver en acrobate dans un cirque itinérant. D'autant que Monsieur Propouk s'avère tout à fait à son aise dans cet univers où il présente un numéro époustouflant de patinage en duo avec un lion...

Dès la séquence d'ouverture, une parade d'embarcations toutes plus décalées les unes que les autres, on pénètre dans un monde insolite et humoristique qui mêle les prouesses visuelles à une très grande fantaisie. Les situations cocasses se succèdent, et détournent les attentes du spectateur : le lion danse avec la tête de son partenaire dans la gueule, il mange avec un couteau et une fourchette, le clown jongle avec un piano... La fin délivre malgré tout un message éducatif (afin de rester fidèle au personnage) qui passe d'autant mieux qu'il est distillé avec une bonne dose de second degré, à l'image du film lui-même. L'animation est évidemment remarquable, si fluide et naturelle qu'elle laisse totalement la place aux clins d’œil visuels et aux facéties du scénario.

C'est déjà une chance énorme que de pouvoir (re)découvrir ces chefs d'oeuvre de l'animation tchèque sur grand écran, mais en plus, un très beau dossier pédagogique permet de travailler sur les différents niveaux de lecture des films avec les plus jeunes, leur présentant à la fois des jeux et des informations pour mieux comprendre le principe du cinéma d'animation et, par extension, apprendre à lire et analyser l'image animée. Une occasion incontournable d'initier les jeunes cinéphiles au langage cinématographique tout en découvrant la féerie enchantée d'un monde du cirque, magnifié et même réinventé avec une fantaisie qui n'a rien perdu de son acuité.