Paul Otchakovsky-Laurens (1944-2018), éditeur cinéphile

Posté par vincy, le 4 janvier 2018

L'éditeur Paul Otchakovsky-Laurens, qui a publié George Pérec, Marguerite Duras ou encore Emmanuel Carrère, était aussi un homme de cinéma. Disparu accidentellement le 2 janvier à l'âge de 73 ans, P.O.L (comme le nom de sa maison d'édition) était passionné par le 7e art. Il a notamment fondé la revue Trafic suite à une rencontre avec le critique Serge Daney, qui écrivait : "Les images du cinéma sont très précieuses parce qu’elles constituent pour deux ou trois générations de par le monde une véritable archive de souvenirs, un trésor d’émotions stockées et aussi une usine à questions. Le temps est venu de se servir du cinéma pour questionner les autres images – et vice versa. Trafic veut retrouver, retracer, voire inventer les chemins qui permettent de mieux savoir, dès aujourd’hui, « comment vivre avec les images »."

Un trimestriel où cinéastes, écrivains, philosophes écrivaient sur le cinéma qui a survécu à Daney grâce au soutien de Otchakovsky-Laurens. Une collection de livres fut même déclinée. Le n°104 de la revue vient de paraître.

Il a surtout publié de nombreux écrits de Serge Daney, dont Persévérance, avec Serge Toubiana, L’exercice a été profitable, Monsieur, adapté au théâtre, l’Amateur de tennis et la Maison cinéma et le monde en quatre tomes.

Outre le romancier-scénariste-cinéaste Emmanuel Carrère (La classe de neige, L'adversaire, La moustache...), P.O.L a aussi publié des romans ou des essais d'Alain Guiraudie, Jean-Luc Godard, Werner Herzog, Abbas Kiarostami, ...

L'éditeur a aussi soutenu la revue Positif durant les années 1990 et Lettre du cinéma. Plus institutionnellement, il a présidé l’Avance sur recette du CNC entre 2011 et 2014 et continuait de présider le conseil d'administration du Festival international de cinéma de Marseille (FID).

La Présidente du CNC, Frédérique Bredin, a rendu hommage à cet "esprit intuitif" dont les livres "ont également inspiré de bien belles adaptations cinématographiques", et a souligné son apport à ce travail d'adaptation quand il a été le dirigeant de la Scelf (Société civile des éditeurs de langue française) et initié au Salon du livre de Paris les Rencontres audiovisuelles et à Cannes le rendez-vous Shoot the Book, où les éditeurs et les producteurs se croisaient pour trouver des projets de films et de téléfilms.

Le FID a adressé "un salut à cet homme immense. Immense, il l’était, dans ses affections comme dans ses engagements, et jusque dans sa modestie."

Le documentaire, Paul Otchakovsky-Laurens l'avait pratiqué avec deux films: Sablé-sur-Sarthe, Sarthe, en 2009, où il évoquait son enfance douloureuse (la mort de son père, la maladie de sa mère, l'adoption par une cousine de celle-ci, un abus sexuel) et Editeur, sorti en novembre dernier, où il filme son métier et son parcours avec un regard décalé, sa courtoisie légendaire et son humilité sincère. Paradoxalement, cet homme qui a su se révéler grâce aux mots des autres, discret et sentimental, avait su s'exposer en pleine lumière grâce à la réalisation, sans filtre, sans les phrases de ceux qu'il publiait.

Adaptation : Les éditeurs français en opération séduction à Cannes

Posté par emeline, le 22 mars 2014

Ils en rêvaient. C'est maintenant une réalité. Pour la première fois, des éditeurs français pourront rencontrer formellement des producteurs de cinéma étrangers au Festival de Cannes. L'opération, intitulée « Shoot the book ! », aura lieu le mardi 20 mai, selon une information parue dans Livres Hebdo ce matin, dans le cadre professionnel du Marché du Film.

Car, l'adaptation est un marché porteur : un film sur cinq sortis dans les salles françaises est une adaptation selon une récente étude du Bief. Un film français sur trois est une adaptation de livre. En 8 ans, les spectateurs ont ainsi pu voir sur grand écran 956 adaptations! 38% des films ayant attiré plus de 500 000 spectateurs sont des adaptations. Pas négligeable. Le chiffre grimpe à 58% parmi les films ayant fait plus de 2 millions d'entrées.
Les producteurs aiment principalement les romans, les oeuvres jeunesse et les BD. A eux trois, ils regroupent 818 des 956 adaptations.

En France, depuis six ans, éditeurs et producteurs ont déjà l'occasion de se regrouper au Salon du Livre, grâce à la Société civile des éditeurs de langue française (Scelf). Hier, 75 éditeurs ont "pitché" leurs romans pour séduire les producteurs en quête de projet. Mais la grande nouveauté de cette année, c'est bien la portée internationale du projet avec l'arrivée sur la Croisette, en plein Palais des Festivals.

En 2013, Nathalie Piaskowski, directrice générale de la Scelf, évoquait Cannes comme lieu de rencontre. « C'est l'un des festivals où le plus de producteurs étrangers sont présents. Et c'est un festival qui travaille, avec des rencontres professionnelles. Ce n'est pas juste le glamour. »

Car malgré le succès de ces Rencontres Scelf de l'audiovisuel (250 producteurs par an depuis 2009), difficile d'adapter son livre à l'international quand la majorité des producteurs présents sont français – francophones au mieux. Et selon le Bureau International de l’Édition Française (Bief), rien ne vaut un ouvrage écrit en français pour décourager les producteurs étrangers.

C'est pourquoi, afin de séduire ces derniers, l'opération « Shoot the book ! » prévoit une session d'une heure où chaque maison d'édition devra vanter le livre retenu pendant cinq minutes et en anglais. Le Festival de Berlin expérimente ce concept depuis 2006 avec « Books at Berlinale » dans le cadre du marché de la coproduction.
Dix titres seront sélectionnés par un jury de professionnels. Ils seront révélés le 31 mars. Les heureux élus auront alors plus d'un mois pour préparer leur prestations, avec l'aide d'un coach, Bertrand Mouiller, professionnel anglophone du cinéma et de la télévision. Enfin, un catalogue audiovisuel en anglais, tiré à plus de 11 000 exemplaires, sera remis à tous les festivaliers dans leur sacoche de bienvenue.

Que peuvent espérer les éditeurs français de cette rencontre ? Probablement beaucoup, à en croire le Bief. Selon Isabelle Fauvel, de la société Initiative Films, qui animera la journée du 20 mai, le Festival de Cannes permet à celui qui est déjà bien intégré dans le réseau des professionnels de l'audiovisuel d'avoir des contacts avec des personnes difficiles d'accès. Et aussi – et surtout – la   « French touch » est toujours aussi populaire auprès des producteurs américains. Une coupe de champagne et le tour est joué ? Verdict le 20 mai sous le soleil de Cannes.