Cannes 2013 / Un film, une ville : Tanger

Posté par vincy, le 23 mai 2013

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Jim Jarmusch à Tanger (et à Detroit). La vampire Tilda Swinton profite de cette ville mythique de la littérature et de la peinture, sillonnant les ruelles, profitant d'un café, mordant dans les veines de jeunes marocains quand elle n'a pas sa dose d'hémoglobine. De Peter Bowles à Henri Matisse, la lumière de Tanger, ville africaine qui fait face à l'Espagne, a attiré de nombreux grands artistes. Et il était logique que le cinéma s'en empare aussi. Jarmusch filme Tanger essentiellement la nuit dans Only Lovers Left Alive. Il la rend envoûtante et mystérieuse.

Tanger est une ville de tournage qui rassure : comme souvent, le Maroc sert d'alibi à des grosses productions qui cherchent un pays arabe pour des scènes qui ne se passent pas dans ce pays : ce fut le cas d'Inception, d'un James Bond comme Tuer n'est pas jouer, mais aussi de Cloclo (pourtant l'Egypte n'est pas si loin).

Le cinéma français a souvent planté ses caméras dans la ville. Dans quelques mois, Gibraltar va s'y dérouler. Normal, Tanger est face à la colonie anglaise de Gibraltar. C'est le carrefour des drogues et des migrations clandestines. André Téchiné a préféré donner une vision plus romanesque de la ville dans Les temps qui changent, avec Deneuve et Depardieu qui y retombent amoureux, et une vision plus réaliste et sociale dans Loin, avec Stéphane Rideau et Lubna Azabal. Un écrivain anglais, James, rappelle d'ailleurs l'ombre de Peter Bowles.

Pour adapter Bowles justement, Bernardo Bertolucci a servit Un thé au Sahara sur place, avant que ses personnages ne partent dans le désert. Tanger c'est le mythe de l'exotisme avant que la modernité et les voyages de masse ne réduisent le monde à quelques heures d'avion.

Mais la ville n'a jamais été aussi bien filmée que par Paul Greengrass dans le troisième épisode de Jason Bourne, La vengeance dans la peau. Moment crucial du film, Bourne (incarné par Matt Damon) ne flâne pas vraiment, mais on a le temps de profiter des quartiers populaires, des belles places ombragées, du souk et des toits de la ville à travers une périlleuse et très longue course-poursuite, qui se terminera avec une baston brutale dans une salle de bain. On est loin de la vision évaporée et romantique de Jarmusch.

Pour sauver son cinéma, le Maroc va construire plus de salles

Posté par vincy, le 14 janvier 2011

Le Maroc a décidé de faire son bond en avant en augmentant de 50% le nombre d'écrans d'ici à 2012. La nouvelle loi permettant d'obtenir des exonérations fiscales pour la construction de cinémas a déjà permis à deux multiplexes d'être en chantier et à plusieurs cinémas des six principales villes de s'équiper en projection numérique.

Avec seulement 72 écrans, dont 15 dans le multiplexe de Casablanca et 10 dans celui de Marrakech (tous deux gérés par la société française Megarama), le retard était indispensable à combler. Les deux multiplexes représentent 54% des recettes annuelles et 36% des entrées : il était urgent de mieux répartir l'attraction cinématographique.

Megarama construit donc un complexe de 9 écrans dans la capitale Rabat et un autre de 10 écrans dans la ville portuaire de Tanger. À chaque fois, sur le modèle existant en Occident, ils sont intégrés dans des centres commerciaux sortant de terre.

D'autres centres commerciaux devraient appliquer la règle à Fez, Agadir et Meknes. Des villes comme Ouarzazate et Sale songent à reconvertir des salles en cinémas numériques de un ou deux écrans.

Au total, 250 écrans devraient être répartis dans le Royaume d'ici 2015, dont la moitié équipés en numérique. Ces nouveaux équipements sont très attendus par les producteurs nationaux. Avec 30% de part de marché, le cinéma marocain est l'un des plus dynamiques d'Afrique. Hassan Benjelloun, qui vient de remporter le prix du meilleur scénario au Festival d'Oran pour son film Les oubliés de l'histoire, un film controversé à cause de ses nombreuses scène de sexe, a déclaré mardi au journal Le Matin : "Le cinéma marocain, selon moi, est en effervescence. En effet, actuellement on a plus de salles de projections, plus de festivals de renommée internationale. Également, on peut voir l'ouverture de plusieurs écoles de cinéma, de théâtre et ce à travers tout le Royaume."

Le Maroc est considéré comme un partenaire international fiable pour le 7e art international, avec des studios et des professionnels ayant une longue expérience dans le domaine, et un Festival (Marrakech) qui gagne en respect chaque année.

Pour le Maroc il s'agit surtout de ne pas se faire doubler par les aspirations de l'Algérie, qui monte en puissance : Festival d'Oran, nouvelles lois favorisant la production, nouvelles salles...

Après des années de disette, où les salles disparaissaient les unes après les autres (357 dans les années 90, 104 en 2007) et une baisse du nombre d'entrées qui accompagnait ce fléchissement (37 millions d'entrées en 1987, moins de 3 millions en 2009), , il fallait réagir avant que le piratage et la vidéo ne prennent l'ascendant dans les habitudes (voir aussi notre actualité du 23 novembre 2008).

Par conséquent, pour sauver des salles de cinéma au Maroc, une association (« Save Cinemas In Marocco »), présidée par le jeune comédien Tarik Mounim (photo), a lancé le SCIM Tour 2011. "À travers les écoles privées et publiques du Maroc, l'association Save Cinemas In Marocco lance une série de débat accompagnée d'exposition sur le thème de l'histoire du cinéma. Les étudiants participants pourront profiter d'une journée découverte à travers le SCIM Ciné Tour."  Visites guidées des cinémas  de studio de production, rencontres avec des professionnels de l'industrie du cinéma au Maroc, le SCIM Tour 2011 a été reçu à l'école HEM de Casablanca mercredi dernier.

Les 50 ans du cinéma marocain : Marrakech (1)

Posté par vincy, le 21 septembre 2008

marrakech.jpgLe cinéma marocain est né en 1958. Nous reviendrons sur les grands noms de son histoire, mais aussi sur l'affirmation de plus en plus nette d'un cinéma qui est devenu l'une des trois cinématographies les plus importantes en Afrique.

Mais le Maroc c'est aussi, et depuis longtemps, une terre d'accueil pour les tournages hollywoodiens et même français. Nous y reviendrons lors de l'étape à Ouarzazate.

Même si Casablanca a donné son nom à l'un des films les plus emblématiques de l'histoire du 7e Art, ce sont Tanger et Marrakech qui ont servi le plus souvent de décors aux réalisateurs occidentaux fascinés par ce monde arabe riche en couleurs.

Marrakech a ainsi été rendue célèbre par Alfred Hitchcock en 1955. Sur la place Jemaâ El Fna, Daniel Gélin se fait planter un couteau dans le dos et meurt dans les bras de James Stewart dans L'homme qui en savait trop.

Mais Marrakech a aussi été à l'image de nombreux films lorsque le Maroc était sous protectorat français. Notamment en 1934, Jacques Feyder, sur un scénario de Marcel Carné, y réalise Le grand jeu, avec Charles Vanel, Françoise Rosay et Marie Bell.

C'est aussi à Marrakech qu'une partie des plans de Shéhérazade (avec Anna Karina), du Grand Escroc (de Jean-Luc Godard, avec Jean Seberg), de 100 000 dollars au Soleil (de Henri Verneuil, avec Jean-Paul Belmondo et Lino Ventura), de L'homme qui voulait être roi (de John Huston, avec Sean Connery et Michael Caine) furent tournés, ou détournés. Dans les années 90, on notera juste le film "flower power" Hideous Kinky (Marrakech express), avec Kate Winslet.

C'est enfin à Marrakech que se tient le seul grand festival international de films du Maroc. Outil marketing pour attirer stars, touristes, investisseurs et donner une image glamour et jet-set à une ville globalement pauvre.

Mais, hormis Hitchcock, personne ne fut tenté par l'idée d'utiliser le labyrinthe de la Médina comme prétexte à scénario. Des films d'auteur confidentiels s'y tourneront. Mais l'essentiel des productions migrera vers Ouarzazate, dotée de studios d'envergure internationale. Etonnant pour une ville si cinégénique. Pas un James Bond. Juste une mention dans les périples d'Indiana Jones. Et un passage furtif dans Mamma Mia !, où Stellan Skarsgard traverse, à moto, la place Jemaâ El Fna. Toujours la même (en photo).

crédit photo : Marrakech (c) vincy thomas