Avec sa 9e édition qui débute aujourd’hui, le Festival 2 Valenciennes ne semble pas prêt à lever le pied. Après avoir réuni 10 000 spectateurs en 2018 pour découvrir les deux compétitions, les 37 longs métrages et les 10 courts métrages, cette nouvelle édition s’annonce encore plus incontournable.
Entre continuité et nouveautés
En plus de proposer plus de 40 longs métrages et deux compétitions de films (fiction et documentaire) en avant-première, le Festival 2 Valenciennes continuera cette année encore d’éduquer les plus jeunes aux métiers du cinéma grâce à de multiples hommages et des séances destinées au jeune public.
Si du côté des invités, on accueillera volontiers Dominique Blanc, Arielle Dombasle et Jean-Pierre Jeunet, il est important de noter que c’est Armelle qui officiera en tant que maîtresse de cérémonie cette année tandis que Madeleine Fontaine (créatrice de costumes) et Jean-Loup Dabadie (scénariste, adaptateur et dialoguiste) bénéficieront de beaux hommages. L’an dernier, ce sont Gabriel Yared (compositeur) et Mario Luraschi (cascadeur équestre) qui avaient reçu cet honneur.
Toujours signée par Laurent Lufroy, l’affiche de cette année est extraite d’une scène clé de Taxi Driver dans laquelle Robert de Niro fait un « 2 » ou un « V » avec son doigt. D’ores et déjà visible un peu partout à Valenciennes, celle-ci devrait être inévitable cette semaine dans les Internets. A l’instar de certains grands noms du cinéma qui se retrouvent en compétition.
Deux compétitions à suivre de près
Côté fictions, c’est avec plaisir que l’on se laissera tenté par L’Adieu à la nuit d’André Téchiné, Boy Erased de Joel Edgerton, La Lutte des classes de Michel Leclerc, Companeros d’Alvaro Brechner, Noureev, le corbeau blanc de Ralph Fiennes, Le Vent de la liberté de Michael Bully Herbig, Astrid de Pernille Fischer Christensen et Her Job de Nikos Labôt. Ils se partageront un Grand prix, un Prix du jury, deux Prix d’interprétation masculine et féminine, un Prix de la critique, un Prix du public, un Prix du jury CinéPass et enfin un Prix des étudiants. Le jury officiel est composé des comédiens Jean-Christophe Bouvet, Evelyne Bouix, Myriam Boyer, Marie Bunel, Robinson Stevenin, de la directrice de la photographie Jeanne Lapoire et du réalisateur et scénariste Daniel Vigne.
Du côté des documentaires, c’est avec une grosse excitation que l’on découvrira Inna de Yard - The Soul of Jamaica de Peter Webber, Monrovia, Indiana de Frederick Wiseman, Lourdes de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, Still Recording de Saeed Al Batal et Ghitah Ayoub et Je vois rouge de Bojina Panayotova. Ils se partageront un Grand prix, un Prix du jury, un Prix du public et un Prix des étudiants. Présidé par la productrice et réalisatrice Claudine Nougaret, le jury documentaire est composé des réalisateurs Christian Rouaud et Laëtitia Carton, et des comédiens Eva Darlan et Nicolas Giraud.
Enfin, impossible de ne pas mentionner les avant-premières tant attendues de Mon Inconnue de Hugo Gélin, 68, mon père et les clous de Samuel Bigiaoui et Royal Corgi de Ben Stassen et Vincent Kesteloot.
Deux des rares films de la sélection officielle de la 69e Berlinale signés par des cinéastes connus et récompensés abordent l’Etat islamique.
Vice d’Adam McKay en retrace les origines. Avec son cinéma mashup - reportage, fiction, satire et politique -, ce film d’infotainment suit le parcours de Dick Cheney, étudiant raté et mec médiocre, qui a su et pu grimper les échelons jusqu’à là vice-présidence américaine sous George W. Bush. D’où le titre, Vice.
Qu’on peut aussi interpréter autrement : le vice, celui qui lui permet sournoisement et malicieusement de s’imposer sans scrupules comme le président bis. De ses calculs explosera la guerre en Irak, deuxième session, et le désir de revanche de certains au Moyen-Orient. Trop occupé avec Saddam Hussein, proie exutoire, trop concentré à cacher ses mensonges et ses erreurs, trop obsédé à réussir sa propagande anti Al-Qaida, le brillant stratège laissera échapper un monstre. Il a semé les graines bien fertiles de cet Etat Islamique devenu au fil des attentats en Occident la bête noire à abattre, prolongeant sans fin le conflit au Moyen-Orient.
La suite, on la trouve dans le film d’André Téchiné, L’adieu à la nuit. Ou plutôt le bonjour au brouillard. Ce drame reprend les trois axes des films du réalisateur: les liens du sang, la transgression et la faute souvent morale et induisant toujours la notion de responsabilité.
Une grand-mère est coincée dans un dilemme personnel lorsqu’elle découvre que son petit-fils va partir en Syrie combattre aux côtés de l’Etat islamique. Nous sommes plus de dix ans après la fin de l’ère Cheney. Désormais de jeunes occidentaux sont enrôlés, consentants, pour faire la guerre aux sociétés occidentales, « pourries » par la luxure, l’individualisme et le consumérisme. On en revient aux vices.
Il n’y a pas forcément de vertu. Les deux films ne sombrent pas dans la leçon moralisatrice ou le happy end réconciliateur ou salvateur.
Cheney (Christian Bale) survit mais il n’a jamais été président et subit la colère profonde de l’une de ses filles adorées. Muriel (Catherine Deneuve) perd ses repères et semble ne plus sortir de la nuit qui obscurcit ses pensées.
En dialoguant involontairement et sous des formalismes très différents - l’un avec une maitrise très hollywoodienne de la narration par le montage, l’autre avec un savoir-faire à la française qui se repose sur le scénario et les acteurs - Vice et L’adieu à la nuit montre comment la puissance d’un homme (aiguisée par l’ambition de son épouse) peut avoir des répercussions dramatiques sur des familles à l’autre bout du monde, des années plus tard.
Vice démontre la capacité d’action de la politique. L’adieu à la nuit expose les conséquences de ces mêmes politiques.
Le citoyen lambda peut en effet s’estimer victime.
Cabourg, amours toujours... glamour et humour. Ce 32e Festival du Film de Cabourg a été une nouvelle fois un succès avec des salles pleines de spectateurs (à Cabourg autant qu'à Dives-sur-mer et Houlgate, car le festival est en expansion) et du soleil, l'occasion de découvrir certains films passés par Berlin ou Cannes mais aussi de nombreux films films français en avant-première, et la venue de talents comme Olga Kurylenko, Anaïs Demoustier, Mélanie Thierry, Vincent Lacoste, Eric Judor, Benoît Poelvoorde...
"Le romantisme littéraire et cinématographique place le romanesque au cœur des récits et permet ainsi quelques échappées belles loin du réel, loin des villes, loin des deuils...." : ces mots d'accueil du festival se sont révélés prémonitoires pour certains films récompensés au palmarès. Le jury présidé par André Téchiné a préféré l'exigence de Ága de Milko Lazarov (qui nous fait découvrir le mode de vie d'une communauté iakoute) plutôt que l'évident Rafiki sur une histoire d'amour lesbienne au Kénya. Le public, lui, a voté pour l'émotion de Monsieur de Rohena Gera (une réalisatrice indienne dont c'est le premier film), qui raconte les espoirs d'une domestique à Bombay, plutôt que pour la légèreté du Guy de Alex Lutz. Leurs regards se sont ainsi portés particulièrement vers le continent asiatique, comme pour étancher une véritable soif de découverte.
Pour ce qui du Swann d'or honorant le film le plus romantiques de l'année, la récompense a été justement décernée à Abdellatif Kechiche (entouré de ses comédiens Roméo De Lacour, Ophélie Bau, Shaïn Boumedine, Hafsia Herzi) et son évocation sublime des jeunes élans amoureux avec Mektoub my love : canto uno sorti en mars. On espère d'ailleurs la suite Mektoub my love : canto due vers fin novembre, après une probable sélection à Venise.
Le palmarès
- Swann Coup de coeur :au dessinateur Sempé, en particulier pour sa bande-dessinée Raoul Taburin adaptée en film par Guillaume Laurent au scénario et Pierre Godeau à la réalisation, avec Benoit Poelvoorde et Edouard Baer.
- Grand Prix du Jury :Ágade Milko Lazarov, sortie à venir le 7 novembre - Prix de la Jeunesse :Joueursde Marie Monge, sortie le 4 juillet - Prix du public :Monsieurde Rohena Gera, sortie prévue le 26 décembre
- Swann d’Or du meilleur film :Mektoub my love : canto unod’Abdellatif Kechiche - Swann d’Or du scénario adapté d'une oeuvre littéraire :La Douleurd’Emmanuel Finkiel - Swann d’Or de la meilleure actrice :Mélanie Thierry dans La Douleurd’Emmanuel Finkiel - Swann d’Or du meilleur acteur :Pierre Deladonchamps et Vincent Lacoste dans Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré - Swann d’Or de la Révélation féminine :Clémence Boisnard dans La Fête est finie de Marie Garel-Weiss - Swann d’Or de la Révélation masculine :Anthony Bajon dans La Prière de Cédric Kahn
- Meilleur court-métrage :Bye bye les puceauxde Pierre Boulanger - Meilleure actrice court-métrage : Yafa Abu Hijleh dans Bye bye les puceaux de Pierre Boulanger - Meilleur acteur court-métrage : Jamil McCraven dans Bye bye les puceaux de Pierre Boulanger
Par ailleurs les Prix Premiers Rendez-Vous qui récompensent les débuts à l’écran d’une actrice et d’un acteur dans un premier grand rôle ont été donné à Laëtitia Clément dans Luna d’Elsa Diringer et à Shaïn Boumedine dans Mektoub my love : canto uno d’Abdellatif Kechiche.
Le 32e Festival du film de Cabourg et ses Journées Romantiques représentent le rendez-vous annuel qui lance l'été sur les plages normandes : après le cinéma en ce moment du 13 au 17 juin, place à la musique du 29 juin au 1er juillet avec 3 jours de concerts dans le cadre de 'Cabourg Mon Amour'. La soirée d'ouverture du festival romantique a d'ailleurs été rythmée par un petit concert de la chanteuse Adrienne Pauly dont le dernier disque est intitulé À vos Amours.
Rendez-vous, c'était justement le film qui a popularisé Juliette Binoche : le président du jury cette année est le réalisateur André Téchiné qui a largement exploré les champs du romantisme avec plus de 25 films en 50 ans d'activité, il tourne d'ailleurs son prochain L'Adieu à la nuit avec Catherine Deneuve qu'il a dirigée déjà de nombreuses fois.
C'est en fait presque tout le bottin du cinéma français (d'ailleurs presque tous venus dans le passé à Cabourg) qu'il a fait tourner : Isabelle Adjani, Gérard Depardieu, Isabelle Huppert, Patrick Dewaere, Sandrine Bonaire, Emmanuelle Béart, Philippe Noiret, Daniel Auteuil, Michel Blanc; et la génération suivante Sami Bouajila, Elodie Bouchez, Gaspard Ulliel, Emilie Dequenne, Guillaume Canet, Adèle Haenel, Kacey Mottet-Klein, Pierre Deladonchamps, Céline Salette... André Téchiné navigue entre films intimistes et succès populaires tout en étant devenu le cinéaste français ayant été le plus sélectionné en compétition à Cannes, où il a justement été primé pour... Rendez-vous.
Si le romantisme, « c'est la raison qui s'efface pour la passion, c'est une quête de liberté permanente, un besoin de casser les codes, de briser les tabous, d'aller vers l'action » (d'après les mots du maire de Cabourg) alors c'est l'oeuvre entière de André Téchiné qui est romantique. Il préside le jury de cette année composé de Elodie Bouchez (qu'il avait contribué à révéler dans Les roseaux sauvages en 1994), Olga Kurylenko (qui après quantité de films d'action en anglais est de retour dans le cinéma français comme Dans la brume avec Romain Duris sorti en avril ou L'Empereur de Paris avec Cassel en décembre) , Géraldine Nakache, Pascale Arbillot, Karine Silla-Perez, Nahuel Perez Biscayart, le chanteur Raphael (qui prépare un film en tant que réalisateur) et le producteur Justin Taurand.
Ce jury assiste aux projections des films en compétitions au milieu du public : Désobéissance de Sebastián Lelio (avec avec Rachel Weisz et Rachel McAdams), Dragonfly eyes de Xu Bing, Rafikide Wanuri Kahiu, Les faux tatouages de Pascal Plante, Joueursde Marie Monge (avec Tahar Rahim et Stacy Matin) et Aga de Milko Lazarov.
Il y a sans doute mille façons de dire un peu ou beaucoup "je t'aime" au cinéma, mais au Festival du film de Cabourg c'est quoi qu'il en soit toujours passionnément ! La plage normande adoptée par Marcel Proust nous donne ainsi rendez-vous du 13 au 17 juin pour la 32e édition de ses Journées Romantiques !
"Le romantisme est un état dans tous ses états" disait l'écrivain Gonzague Saint Bris, décédé l'été dernier, et qui avait soutenu la création de ce festival dès son origine. En son souvenir, un nouveau prix du meilleur scénario adapté d’une œuvre littéraire sera remis le soir du palmarès. En plus des films en compétition, Cabourg présentera une nouvelle fois un large panorama de film européens, une thématique musique, des courts-métrages...
Le président du jury sera le réalisateur André Téchiné, avec autour de lui Elodie Bouchez (qu'il avait contribué à révéler dans Les roseaux sauvages en 1994), Olga Kurylenko, Géraldine Nakache, Pascale Arbillot, Karine Silla-Perez, Nahuel Perez Biscayart (120 battements par minute était le Prix du public l'année dernière, et illustre l'affiche 2018), le producteur Justin Taurand et le chanteur Raphael.
Il leur sera difficile de départager les 7 films en compétition : Aga de Milko Lazarov (Bulgarie), Désobéissance avec Rachel Weisz et Rachel McAdams devant la caméra de Sebastián Lelio (déjà Swan d'or l'année dernière pour Une femme fantastique), Dragonfly eyes de Xu Bing (Chine), Les faux tatouages de Pascal Plante (Canada), Zagros de Sahim Omar Kalifa pour un voyage de la Turquie vers la Belgique, et deux films de Cannes : Joueursde Marie Monge (avec Tahar Rahim et Stacy Matin) et Rafiki de Wanuri Kahiu.
Pour la compétition des courts-métrages (au nombre de 7 aussi) c'est le réalisateur Thierry Kliffa qui est à la tête du jury, accompagné par Ophélie Bau, Julia Faure, Alysson Paradis, Alice Vial (qui vient de recevoir le César du meilleur court pour Les Bigorneaux), Marc Ruchmann et Johan Heldenbergh.
Le festival sera aussi l'occasion pour le public de découvrir en salles certains des films présentés à Cannes : outre Joueurs et Rafiki, il y aura Euforia de Valeria Golino, Guy de Alex Lutz, En liberté! de Pierre Salvadori, et Cold War de Pawel Pawlikowski (qui avait été Swan d'or en 2005 avec My summer of love). Cabourg aura surtout la primeur de plusieurs films prestigieux à venir : Sur la plage de Chesil avec Saoirse Ronan, The happy prince de et avec Rupert Everett, Le chant des scorpions avec Golshifteh Farahani, Le film de ma vie avec Vincent Cassel, Roulez jeunesse avec Éric Judor et Laure Calamy...
A noter qu'un coup de coeur au dessinateur Sempé est également prévu : après Le petit Nicolas, un autre de ses ouvrages est adapté sur grand écran : Raoul Taburin réalisé par Pierre Godeau avec Benoît Poelvoorde et Édouard Baer. Avant sa sortie prévue le 31 octobre, le film sera à découvrir d'abord en avant-première à Cabourg !
Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L'occasion d'une promenade à son image - en toute liberté, et forcément subjective - dans une histoire chargée de découvertes, d'audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.
En partenariat avec Critique-Film. Retrouvez tout le dossier ici.
La quinzaine a souvent eu du flair, soit en choisissant des réalisateurs prolifiques d'une cinéphilie peu exposée (Oliveira, Lester James Peries, Ray ...), soit en fidélisant des cinéastes "étiquettés" cannois, soit encore en sélectionnant des réalisateurs qui n'avaient qu'un ou deux longs métrages (pas forcément exportés) à leur actif (Paul Pawlikowski, Todd Solondz, Stephen Frears, Todd Haynes, Denys Arcand, Ann Hui, Atom Egoyan, Roberto Benigni, Ken Loach ...). Elle a aussi manqué les débuts de Hou Hsiao-hsien et Aki Kaurismaki, n'a jamais choisi Pedro Almodovar ou Nanni Moretti, et a souvent invité Newell, Chahine, Oshima, Fassbinder, Schroeter ou encore Carle.
Aussi la sélection suivante n'intègre pas des cinéastes passés par la Quinzaine comme Théo Angelopoulos, Abderrahmane Sissako, Ang Lee, Bong Joon-ho, Gregg Araki, Michel Ocelot, Lynne Ramsey, Werner Herzog, ou tous ceux que nous venons de citer, puisqu'on ne peut pas dire qu'ils aient été révélés par la sélection parallèle. Cependant on notera que trois d'entre eux sont en compétition pour la Palme d'or cette année. Et que certains ont reçu par la suite Palmes ou/et Oscars.
Bob Rafelson - Head (1969)
Produit et coscénarisé par Jack Nicholson, ce film musical est l'adaptation au cinéma d'une série télévisée The Monkees créée par Bob Rafelson. Le film sera un échec public. Mais avec Five Easy Pieces en 1970, nommé à l'Oscar du meilleur film, et Le facteur sonne toujours deux fois en 1980, le cinéaste deviendra à la fois culte et populaire.
Lucian Pintilie - La reconstitution (1970)
Son premier film, en 1965, Dimanche à six heures, n'avait pas connu une carrière internationale fracassante malgré ses prix à Mar del Plata. Avec ce deuxième long, le cinéaste roumain s'offre une belle exposition qui en fera une figure de proue du cinéma roumain dans la période communiste. Deux fois en compétition à Cannes par la suite, avec Un été inoubliable et Trop tard, il recevra pour Terminus Paradis un Grand prix du jury à Venise.
George Lucas - THX 1138 (1971)
C'est le premier long métrage de Lucas. Déjà dans la Science-fiction. Déjà à Cannes. Sans aucun doute cette sélection lui a conféré l'aura d'un auteur singulier, avant son American Graffiti et surtout avant Star Wars, qui le propulsera sur une autre planète du cinéma. C'est évidemment son ouvre la plus audacieuse.
Martin Scorsese - Mean Streets (1974)
C'est son troisième long métrage (après Who's That Knocking at My Door et Bertha Boxcar), mais c'est véritablement le premier à se frayer un chemin vers l'international. Mean Streets, dans la mouvance du nouveau cinéma américain initié par Coppola (qui le produit), Rafelson, Hopper, Lucas et Spielberg (tous deux avant leur passage au blockbuster), précède Alice n'est plus ici et Taxi Driver (Palme d'or deux ans plus tard). Le film révèle Robert de Niro, grâce auquel il reçoit ses premiers prix d'interprétation, et Harvey Keitel.
André Téchiné - Souvenirs d'en France (1975)
Six ans après son premier film, Pauline s'en va, primé à Venise, le cinéaste galère. Ce deuxième film si tardif, avec la présence de Jeanne Moreau en tête d'affiche et de Marie-France Pisier, qui sera césarisée l'année suivante, va lui ouvrir les portes du 7e art. Surtout, on se souvient de Pisier balançant l'une des répliques cultes du cinéma français: "Foutaises ! Foutaises !"
Jim Jarmusch - Stranger than Paradise (1984)
Quatre ans après Permanent Vacation, Jim Jarmusch débarque à Cannes avec son 2e film, une version longue d'un court métrage réalisé un an plus tôt. Il a tout juste 31 ans. Et il devient rapidement une sensation du festival. Le film obtient la Caméra d'or à Cannes et le Léopard d'or à Locarno quelques mois plus tard. Un tremplin vers la compétition puisqu'il y sera 8 fois sélectionné, emportant le Grand prix du jury pour Broken Flowers en 2005. Il n'a jamais été nommé à un seul Oscar.
Spike Lee - Nola Darling n'en fait qu'à sa tête (1986)
C'est son premier long métrage trois ans après son film de fin d'études. Le turbulent Spike Lee surgit dans la cinéphilie mondiale avec sa Nola. Non seulement ce fut un énorme succès mais il glana plusieurs prix dont celui du meilleur premier film aux Independent's Spirit Awards. Tourné en 12 jours, il insuffle un ton nouveau dans le cinéma indépendant américain. Le film sera même décliné en série tv. Et Spike Lee est de nouveau en compétition cette année.
Terence Davies - Distant voices, Still lives (1988)
Après trois moyens métrages, le romancier et réalisateur britannique dévoile la délicatesse de son style dans ce premier long. Et ce sera la découverte d'un grand auteur. Le film sera récompensé par un Léopard d'or au Locarno Festival 1988 et cité pour le César du meilleur film européen. Il emporte également le prix FIPRESCI à Cannes puis à Toronto. Davies revient de loin: faut de budget conséquent, il a du tourner le film durant les week-ends pendant deux ans.
Michael Haneke - Le septième continent (1989)
Le futur cinéaste double-palme d'or a commencé sa carrière à l'écart du Bunker. Connu dans son pays pour ses téléfilms, il arrive avec son premier long métrage dans la section parallèle. Il y présentera les deux suivants avant d'être "upgradé" en compétition pour presque tous les films qui suivront. C'est déjà le style Haneke avec cette histoire d'une famille dont la vie quotidienne n'est rythmée que par des actes répétitifs jusqu'à s'autodétruire.
Jaco Van Dormael - Toto le héros (1991)
Quatre ans avant le carton du Huitième jour en compétition, le réalisateur belge arrive à Cannes dès son premier coup (en même temps il n'a réalisé que quatre longs métrages en près de 30 ans). Après quelques documentaires et courts métrages, ce succès public autour d'une histoire existentielle et de revanche (comme tous ses films), formellement originale, récolte toutes les récompenses: Caméra d'or à Cannes, quatre prix du cinéma européen, un césar du meilleur film étranger, quatre "César" belges...
James Mangold - Heavy (1995)
Bien avant de tourner pour les studios et les méga-stars (Logan, Wolverine 2, Night and Day , Walk the Line et Cop Land entre autres), le réalisateur américain est venu discrètement présenté son premier film à la Quinzaine, quelques mois après son avant-première à Sundance. Le film, avec Liv Tyler, est dans la lignée du cinéma américain des seventies, un peu prolétaire, un peu dramatique.
Jean-Pierre et Luc Dardenne - La promesse (1996)
C'est leur troisième fiction, et les deux frères belges sont déjà auteurs de plusieurs documentaires. Pourtant, avant qu'ils ne soient consacrés par une double Palme d'or, les Dardenne surgissent en mobylette avec un néophyte, Jérémie Renier. Tout y est déjà: la classe moyenne (plutôt celle du bas), la caméra à l'épaule, la conscience morale, le dilemme biblique, la jeunesse. C'était bien la promesse d'un certain cinéma qui allait conquérir le plus grand des festivals. Le film obtient une quinzaine de prix dans le monde.
Jafar Panahi - Le ballon blanc (1995)
De retour en compétition à Cannes cette année, le cinéaste iranien condamné à ne plus tourner ni à sortir de son pays, s'est envolé dans les étoiles il y a 23 ans à la Quinzaine avec son Ballon Blanc, drame familial poétique. C'est le seul film du réalisateur qui est sorti en Iran. Caméra d'or avec ce film, Panahi enchaînera ensuite avec un Léopard d'or au Festival international du film de Locarno pour Le Miroir, un Lion d'or à la Mostra de Venise pour Le Cercle et un Ours d'or du meilleur film au Festival de Berlin pour Taxi Téhéran. Manque plus que la Palme.
Naomi Kawaze - Suzaku (1997)
Après plusieurs documentaires, dont l'écriture influera sur celles de ses fictions, la japonaise Naomi Kawase passe au long métrage avec un drame familial dans un village en déclin. Elle aussi reçoit la prestigieuse Caméra d'or à Cannes, ouvrant la voie à six sélections en compétition ou à Un certain regard. Elle est récompensée d'un Grand prix du jury en 2007 et auréolée d'un Carrosse d'or de la Quinzaine des réalisateurs en 2009.
Bruno Dumont - La vie de Jésus (1997)
Les débuts de Bruno Dumont ont commencé au milieu de la Croisette, deux ans avant son Grand prix du jury pour L'Humanité et neuf ans avant son deuxième Grand prix du jury pour Flandres. Cet abonné au Festival (Ma Loute fut en compétition) n'a jamais dédaigné revenir à cette sélection qui l'a révélé. on y a vu l'an dernier Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc et surtout la série tv P'tit Quinquin. Dumont filme déjà le Nord, la précarité, les exclus, avec des comédiens non professionnels, avec au centre un jeune chômeur qui vit chez sa mère à Bailleul dans un triangle amoureux pas joyeux. Le film recevra en plus le Prix Jean Vigo et une mention spéciale à la Caméra d'or.
Sofia Coppola - Virgin Suicides (1999)
Prix de la mise en scène l'an dernier à Cannes avec Les proies, lauréate d'un Lion d'or à venise, auteure d'un film culte et populaire (Lost in Translation, qui remis Bill Murray sur les rails et révéla Scarlett Johansson), l'héritière Coppola a fait ses premiers pas à Cannes avec un film qui a vite fait le buzz. Kirsten Dunst n'était pas encore connue. Kathleen Turner n'avait plus le glam d'antan. Pourtant cette tragédie familiale, enveloppée des mélodies mélancoliques du groupe Air, a lancé sa carrière avec des projections blindées et l'affirmation d'une cinéaste qu'il fallait suivre.
Cristian Mungiu - Occident (2002)
Dès son premier film, le cinéaste roumain arrive à Cannes, qu'il ne quittera plus d'une manière ou d'une autre: en sélection officielle, dans un jury... ou au palmarès en 2007 avec la Palme d'or, le Prix FIPRESCI pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, en 2012 avec le Prix du scénario pour Au-delà des collines et en 2016 avec le Prix de la mise en scène pour Baccalauréat. Occident est sans doute le plus "léger" de ses films, se focalisant sur l'exode des jeunes voulant partir dans la partie la plus prospère de l'Europe, dans un pays où la corruption, l'injustice et la pauvreté ne laissent pas beaucoup d'espoir...
Nadine Labaki - Caramel (2007)
En compétition à Cannes cette année avec Capharnaüm, la cinéaste libanaise, qui nous avait enchantés à Cannes avec son précédent film Et maintenant, on va où ? il y a sept ans, a d'abord fait étape à la Quinzaine avec ce premier film, le sensuel et féministe Caramel. Un salon de beauté et de coiffure de Beyrouth permettent à cinq femmes d'évoquer leurs amours (parfois infidèles) et leurs désirs (parfois tabous). Ce portrait du Liban, et de ses communautés comme de ses conflits, a charmé le Festival, et connu un joli succès public.
Xavier Dolan - J'ai tué ma mère (2009)
A quoi reconnait-on un chouchou cannois? A sa trajectoire cannoise: de la Quinzaine au Grand prix du jury de la compétition, en passant par une Queer Palm et le film chéri d'une édition (Mummy). Xavier Dolan s'est imposé dès son premier film. Les critiques se sont vite emballées autour de ce drame de la jeunesse, où l'on retrouve déjà les principaux thèmes de son œuvre et son style personnel. Anne Dorval, Manuel Tadros, Suzanne Clément sont déjà devant sa caméra. Ces 400 coups reçoivent à Cannes le prix Art et Essai CICAE et le prix de la SACD pour le scénario, puis plusieurs mois plus tard le prix du meilleur film québécois aux "César" locaux.
Damien Chazelle - Whiplash (2014)
Avant d'être le plus jeune réalisateur oscarisé pour La la Land, le cinéaste américain a débarqué avec un film faussement musical, vraiment dramatique, et totalement initiatique. Une pulsion violente autour du perfectionnisme. Le film, déjà sacré à Sundance, a fait explosé sa cote grâce à sa réception à la Quinzaine, dithyrambique, et ce quelques mois avant d'être distingué à Deauville et d'être nommé aux Oscars. Ironie de l'histoire, son scénario a été dans la fameuse Black List des grands scripts non produits et il lui a fallu réalisé un court métrage à partir d'une partie du scénario pour convaincre des producteurs. Désormais il est au firmament, parmi les noms les plus courtisés par Hollywood. Pourtant ce n'est pas le premier film de Chazelle (il en avait réalisé un quand il était étudiant). C'est cependant bien à Cannes que sa notoriété a décollé.
L’adieu à la nuit sera le prochain film d’André Téchiné. Quelques mois après la sortie de Nos années folles, le cinéaste prépare son 26e long métrage, qui sera soutenu par Arte France.
Il retrouve surtout son actrice fétiche Catherine Deneuve. Ce sera leur 8e collaboration! Le réalisateur retrouvera également Kacey Mottet-Klein qu’il avait déjà dirigé dans Quand on a 17 ans. A leurs côtés, Oulaya Amamra (Divines) et Kamel Labroudi (Des apaches) seront au générique.
Coécrit avec Léa Mysius (Ava), L'adieu à la nuit s'inspire des entretiens du grand reporter David Thomson parus en décembre 2016 au Seuil (en coédition avec Les jours) sous le titre Les revenants : ils étaient partis faire le jihad, ils sont de retour en France. Le livre a reçu le Prix Albert-Londres 2017. Le journaliste y dresse le portrait de 250 Français partis rejoindre la guerre sainte et qui, confrontés à la réalité des groupes jihadistes en Syrie, en Irak ou en Libye, ont choisi de revenir en France.
Deneuve incarnera une grand-mère qui s'interroge face aux actes de son petit-fils. Que peut-on quand la personne qu’on aime le plus devient un ennemi de la République ? C’est le dilemme de Muriel (Catherine Deneuve) face à son petit-fils Alex (Kacey Mottet Klein). Voilà le pitch de ce film produit par Curiosa Films (Un beau soleil intérieur, Sage femme).
Qui a dit que les lundis étaient synonymes de ras le bol? À Cannes, pas de coup de mou, surtout quand les stars se déplacent en nombre et procurent de l'émotion.
Nicole Kidman la star du lundi
La journée débute par une pléiade de jolies femmes: Nicole Kidman, Elisabeth Moss, Jane Campion et Gwendoline Christie (oui fan de Games of thrones vous pouvez vous exciter) sont venues présenter la mini-série Top of the lake: China girl (disponible sur youtube à petit prix).
Racontant l'étrange sauvetage d'une jeune Asiatique enceinte qui tente de mettre fin à ses jours dans un lac, Jane Campion revient sur le devant de la scène avec un casting quatre étoiles.
Kidman sur petit écran ce n'est pourtant pas la première fois puisqu'elle a brillé aux côtés de Reese Whiterspoon et Shailene Woodley dans la mini-série HBO Big Little Lies. L'Australienne revient à domicile avec son talent inné tout en dominant le grand écran et le red carpet cannois. Deux films en compétition, un autre hors-compétition: c'est le grand come-back de l'Australienne.
Elle sera de retour demain sur les marches pour le nouveau Sofia Coppola (Les Proies). Et ce n'est pas sa séquence émotion sur le tapis rouge qui va nous faire changer d'avis. Moment émouvant, Nicole Kidman n'a pu retenir ses larmes.
L'hommage à Téchiné
Autre événement ce lundi soir: la brochette de stars françaises sur les marches. Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Isabelle Huppert et Sandrine Kiberlain sont arrivées ensemble lors de la montée du Lanthimos pour se diriger ensuite dans la grande salle voisine, le Théâtre Debussy. A leurs côtés, un générique de rêve: Lambert Wilson, Elodie Bouchez, Emmanuelle Béart. Dans les rangs derrière: Nicole Garcia, Claude Lelouch, Michel Hazanavicius et Bérénice Bejo, John Cameron Mitchell, Gilles Jacob... Toutes ces personnalités venaient assister à l'hommage à André Téchiné, accompagné de l'avant-première de son dernier films, Nos folles années, où Céline Sallette et Pierre Deladonchamps forment un couple fusionnel singulier. L'hommage a eu lieu en trois temps. Thierry Frémaux avec un court discours présentant les vedettes présentes ; un montage "50 ans de cinéma, 50 ans de passion" où se croisaient tous les films du réalisateur (montage très bien fait et très touchant, par ailleurs) ; le discours d'André Téchiné. Il l'a commencé en rendant lui-même un hommage à son amie, sa muse, celle qui l'a suivi dans pas moins de sept films, Catherine Deneuve. Réellement émue, l'actrice ne retnait pas ses larmes après avoir vivement participé à la standing ovation, perchée sur ses talons en plexiglas. Sandrine Kiberlain à ses côtés lui tenait la main. En s'éclipsant avant la projection, Juliette Binoche lui a lancé un "à bientôt". A la fin de la projection, John Cameron Mitchell, en pantalon zébré ultra-moulant, a joué les midinettes en lui murmurant un "I love you". C'est aussi ça Cannes: une histoire de passion pour le cinéma (Téchiné y a fait naître Binoche et Wilson avec Rendez-vous) et un festival où les stars sont des fans comme les autres.
Le tweet du jour
Le tweet qui a retenu notre attention est celui de @ViggySimmons relatant la perfection de Nicole Kidman... On est tellement d'accord!
Une semaine pile poil après avoir présenté l'affiche de la 8ème édition, les organisateurs de la Queer Palm viennent de dévoiler la liste des 7 longs-métrages et 6 courts qu'ils ont sélectionnés sur le site de TÊTU, magazine partenaire de l'événement. Créée par le journaliste Franck Finance-Madureira en 2010, la Queer Palm récompense depuis les films célébrant l'altersexualité. Et à en juger par cette nouvelle sélection, Les Vies de Thérèse de Sébastien Lifshitz (lauréat 2016) et Carol de Todd Haynes (lauréat 2015) n'ont qu'à bien se tenir.
Au programme de cette nouvelle édition, on trouvera donc : Cobyde Christian Sonderegger, film documentaire proposé par l'ACID sur le changement de sexe de Suzanna, 23 ans ; They en séance spéciale sur un ado qui se cherche ; Marlina the murderer in four acts sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs sur une jeune veuve plus que déterminée à s'émanciper ; Nothingwood, documentaire également présenté à la Quinzaine des réalisateurs sur un cinéaste afghan. Mais ce n'est pas tout ! Il faudra aussi compter sur 120 battements par minutede Robin Campillo en compétition officielle et qui traite de la rencontre entre deux militants d'Act-Up Paris ; Nos années folles d'André Téchiné, en séance spéciale, sur un vrai déserteur (campé par Pierre Deladonchamps) qui a dû se travestir pour survivre ; How to talk to girls at partiesde John Cameron Mitchell (hors-compétition), qui raconte les péripéties de trois jeunes Anglais à la fin des années 1970.
Côté courts-métrages, la sélection parrainée par le réseau gay Hornet compte un film français (Les Iles), un israélien (Heritage), un croate (Cherries), un franco-portugais (Mauvais Lapin), un polonais (The best fireworks ever) et un nord-américain (Möbius).
Cette année, le jury de la Queer Palm sera présidé par Travis Mathews et comptera en son sein le journaliste Didier Roth-Bettoni, la réalisatrice Lidia Leber Terki, le directeur du festival de cinéma LGBT de Tel Aviv Yair Hochner et la responsable de programmation de la section Panorama du Festival de Berlin Paz Lazaro.
Populaire et attachant, l'acteur Victor Lanoux est mort dans la nuit du 3 au 4 mai à l'âge de 80 ans. Si les téléspectateurs le connaissent avant tout pour son rôle récurrent dans la série "Louis la Borcante", il fut également l'un des comédiens les plus en vogue dans le cinéma français des années 1970 aussi bien dans des polars que dans des comédies, parfois cultes. A partir de 1972 avec L'Affaire Dominici, Victor Lanoux devient une tête d'affiche, passant d'Yves Boisset (Folle à tuer, Dupont Lajoie) à Pierre Granier-Deferre (Adieu Poulet, Une femme à sa fenêtre). Mais c'est Jean-Charles Tacchella qui lui offre son plus beau rôle dans le sensible Cousin, Cousine, trois fois nommé aux Oscars et quatre fois aux César (dont une nomination pour l'acteur).
Cependant, c'est bien dans la comédie de mœurs qu'il va exceller grâce à Yves Robert et son diptyque culte Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, portraits d'hommes faillibles dans une époque résolument féministe, où il incarne un séducteur dont l'assurance s'effrite et la confiance mâle est déstabilisée ("On fait l’amour libre, chacun fait ce qu’il veut. Enfin surtout moi, parce que dans la femme il y a quand même la mère de famille avant tout").
Lanoux jouera pas mal de ce statut d'homme moyen et dragueur. Il essaie pourtant de ne jamais s'enfermer dans un rôle, tournant aussi bien avec Claude Berri (Un moment d'égarement, qui a donné lieu à un récent remake), Gérard Oury (La carapate, joli duo burlesque avec Pierre Richard, son partenaire de cabaret), Jean-Marie Poiré (le vaudevillesque Retour en force), Alain Jessua (l'étrange film Les chiens, avec Depardieu), Peter Kassovitz (le touchant Au bout du bout du banc) n'ont hélas pas forcément été à la hauteur de son talent. Il pouvait jouer les cocus, les papas, des flics (plutôt gradés), les salauds. Lanoux avait la gueule d'un sympathique ou d'une ordure.
Les années 80 ont été plus cruelles avec lui même s'il s'est amusé dans Y a-t-il un Français dans la salle ? de Jean-Pierre Mocky. Il enchaîne les modestes films policiers (Une sale affaire de Alain Bonnot, Un dimanche de flic de Michel Vianey, Canicule d'Yves Boisset, Les Voleurs de la nuit de Samuel Fuller, etc...), souvent partenaire des plus grandes actrices du moment, d'Annie Girardot à Nicole Garcia. Il est plus convaincant quand les auteurs l'emmènent dans des territoires plus troublants à l'instar de Yannick Bellon qui en fait un flic troublé amoureusement par un jeune musicien (La triche), Jean-Loup Hubert qui l'enrôle pour être un ancien virtuose de l'accordéon au chômage (La smala), André Téchine qui lui offre un personnage d'époux (séparé) de Deneuve et père (en conflit avec son fils) dans un drame passionnel (Le Lieu du crime).
Ses derniers films - Le Bal des casse-pieds d'Yves Robert, Les Démons de Jésus de Bernie Bonvoisin et Reines d'un jour de Marion Vernoux - montrent qu'il était ouvert à tous les styles, sans distinction, ce qui aidait sans doute des cinéastes aussi différents à projeter toutes sortes de personnages sur lui, costaud et vulnérable, bourru et charmeur, dur et émouvant.
Métissé de naissance - un père juif tunisien et une mère catholique normande - Victor Robert Nataf a vécu dans la Creuse dès le début de la Seconde Guerre sous le nom de Victor Lanoux. Ancien ouvrier, puis parachutiste et machiniste, il devient comédien en regardant jouer Anthony Quinn sur le plateau de Notre-Dame de Paris. Il suit alors les cours par correspondance proposés par Cinémas du monde et le Conservatoire indépendant du cinéma français.
En 1961, il commence sa carrière sur les planches des cabarets avec Pierre Richard, avec succès, et devient un acteur régulier du Théâtre national populaire (TNP). Il a été aussi metteur en scène de théâtre et a joué jusqu'à la fin du XXe siècle sur scène. En 2007, après un malaise et une opération qui a mal tourné, il devient paraplégique mais s'obstine à vouloir récupérer ses moyens. Il tourne pour la télévision jusqu'en 2015, date officielle de sa retraite.
Cet "artiste du peuple" tel qu'il se définissait était fragile. Il avait récemment tenté de mettre fin à ses jour, fatigué de souffrir après deux lourdes opérations de l’aorte. "Quand je repense à Pierre Richard, Barbara et d'autres, c'est une émotion. Parler de ces gens veut dire que je les ai aimés" expliquait-il nostalgique. Il était un peu las mais savait encore se battre pour défendre ses rôles ... S'il n'a jamais chômé, il a quand même sans aucun doute été frustré de ne pas être considéré comme un grand acteur de sa génération, injustement. Lucide, dans son livre, Laissez flotter les rubans, il écrivait "L'attente, disait Giraudoux, c'est un bonheur pour vierges. c'est un bonheur solitaire."