Vesoul 2020 : Mariam au palmarès, Wet Season et Jinpa dans les salles

Posté par kristofy, le 19 février 2020

Le 26ème Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul, qui s'est tenu du 11 au 18 février, a pu compter sur ses fidèles et nouveaux spectateurs pour une nouvelle fois faire salles pleines (32200 spectateurs au total) pour plus de 80 films en provenance de 24 pays ! C'est plein succès pour la rétrospective sur le cinéma du Tibet avec en particulier l'ensemble des films des réalisateurs Pema Tseden et ceux de Sonthar Gyal (malheureusement absents à cause des difficultés à voyager depuis la Chine depuis le coronavirus), l'hommage à l'actrice Ronit Elkabetz, et la thématique "Liberté, Egalité, Créativité".

Wet Season de Anthony Chen et Jinpa de Pema Tseden sont à voir en salles dès ce mercredi 19 février :

Pema Tseden est le chef de file du cinéma du Tibet, il impose la langue Tibétaine dans ses films et même dans ses génériques. C'est le seul a avoir remporté deux fois un Cyclo d'or à Vesoul pour Tharlo et Jinpa. Ses films sont souvent découverts au Festival de Venise (Tharlo, Jinpa, et le suivant Balloon centré sur un couple déjà marié et une autre romance contrariée devrait connaître encore plus de succès). En attendant le dernier né, Balloon, et peut-être The sacred arrow d'avant (un tournoi de tir à l'arc où le meilleur archer d'un village est amoureux de la soeur du champion du village rival...), Jinpa sort aujourd'hui dans les salles françaises. On y découvre le chauffeur d'un camion sur une route déserte qui prend en stop un homme mystérieux qui dans un prochain village à l'intention de retrouver quelqu'un pour le tuer et se venger... Le cinéaste poursuit son expérimentation de très longs plans fixes. Rappelons que la production de Jinpa a été soutenue par Wong Kar-wai. Tendu et fascinant, le film est aussi beau qu'exigeant. C'est bien l'étrangeté du cinéma de Tsden qui lui donne une poésie alors qu'a priori nous sommes plongés dans un western absurde et radical...

De son côté, Anthony Chen avait été découvert au Festival de Cannes où son premier film Ilo Ilo de Singapour. Il avait remporté la Caméra d'or. Le voici plusieurs années plus tard qui accouche de son second film Wet Season (à lire ici) : une femme professeur dans un collège qui ne parvient pas à tomber enceinte doit faire face à un éloignement de son mari et à un élève qui s'imagine la séduire...

La compétition du FICA de Vesoul :

Les films en compétition montraient certes une parité homme/femme réalisatrice mais surtout la moitié d'entre eux étaient des premiers films : c'est justement ces nouveaux talents qui ont été récompensés par les différents jurys ! Mis à part le vétéran Prasanna Vithanage du Sri Lanka avec Children of the Sun (d'ailleurs curieusement oublié du palmarès), la plupart des films étaient des premières œuvres. Malgré la jeunesse de ces cinéastes, ces films ont, pour la plupart, raconter des histoires complexes de famille, centrées plutôt sur une génération bien plus âgée avec, comme personnage central, des mères (Hava, Maryam, Ayesha, Mariam) ou des grands-parents (Just like that, A Bedsore).

Un film cependant se distingue, avec un sujet plus moderne, l'escalade du harcèlement d'un écolier après la divulgation d'une vidéo accusatrice John Denver Trending. Il a d'ailleurs séduit le jury de la Critique et surtout le Prix du Public. Le jury des lycéens a préféré primer le film qui a eu le plus d'impact avec une réflexion sur la violence du terrorisme Saturday Afternoon, récompensé aussi par le jury NETPAC. Chacun des 9 films en compétition semblaient traversés par une même problématique : des gens qui se heurtent à des traditions du passé qu'il est de plus en plus difficile voir impossible à supporter (en particulier pour les femmes ou pour des personnes isolées).

Cyclo d'or pour Sharipa Urazbayeva, réalisatrice de Mariam

Le grand jury était présidé par Jay Jeon (directeur du Festival International du Film de Busan), avec Yuliya Kim (directrice du Festival International du Film d’Almaty, et productrice), Joji Alonso (productrice) et Ariel Schweitzer (critique) a créée la surprise pour la plus haute récompense le Cyclo d'or pour le film Mariam de la réalisatrice Sharipa Urazbayeva du Kazakhstan, en saluant ce "portrait poignant d’une femme en lutte pour la survie de sa famille dans une société traditionnelle".

Dans l'histoire des palmarès du FICA de Vesoul, seul un film du Kazakhstan avait reçu le Cyclo d'or. C'était en 2009 avec Un cadeau pour Staline de Roustem Abdrachev (il y avait eu en 2012 l'organisation d'un Regard sur le cinéma du Kazakh avec une vingtaine de films rares et la venue du réalisateur Ermek Chinarbev). C'est aussi rare que la récompense soit décernée à une réalisatrice, qui signe ici son premier film.

Ce Cyclo d'or pour Mariam est d'autant plus beau qu'il s'agit à priori de la production la plus fragile : l'actrice principale est non-professionnelle et joue en quelque sorte son propre rôle avec ses vrais enfants à l'image, le tournage a duré seulement 5 jours. Une femme se retrouve seule avec ses quatre enfants dans un village isolé avec des conditions de vie rudes, sans électricité ni eau courante : son mari ayant disparu, on lui a retiré le bétail qui était son gagne-pain, plus aucune ressource. Elle ne peut  prétendre à aucun versement d'allocation tant que le corps de son mari n'est pas retrouvé pour le certifier décédé. La seule solution a un prix et elle est illégale : avec certaines complicités, on peut reconnaître le corps d'un autre homme à la morgue pour débloquer le versement d'une allocation...

Mariam avait été repéré au Festival de Busan et sélectionné aussi à celui de Locarno. Il a maintenant triomphé à Vesoul :

Le Palmarès du FICA de Vesoul 2020 :

Cyclo d'Or : MARIAM de Sharipa Urazbayeva (Kazakhstan)

Grand prix du jury international : JUST LIKE THAT de Kislay (Inde)
Prix du jury international ex-aequo : JOHN DENVER TRENDING d’Arden Rod B. Condez (Philippines) & A BEDSORE de Shim Hye-jung (Corée) Prix NETPAC (Network for the promotion of asian cinema): SATURDAY AFTERNOON de Mostofa Sarwar Farooki (Bangladesh)

Prix de la critique : JOHN DENVER TRENDING d’Arden Rod B. Condez (Philippines)

Prix INALCO : A BEDSORE de Shim Hye-jung (Corée)
Coup de cœur INALCO : JUST LIKE THAT de Kislay (Inde)

Prix du public : JOHN DENVER TRENDING d’Arden Rod B. Condez (Philippines)

Prix du jury lycéen : SATURDAY AFTERNOON de Mostofa Sarwar Farooki (Bangladesh)

Prix du public du film documentaire : WE MUST CLOWN de Dima Al-Joundi (Liban)
Prix du jury jeune : A PUNK DAYDREAM de Jimmy Hendrickx & Kristian Van der Heyden (Belgique)
Prix des exploitants : A DARK DARK MAN d’Adilkhan Yerzhanov (Kazakhstan)

Vesoul 2020 : trois films sur l’émancipation des femmes

Posté par kristofy, le 18 février 2020

La place des femmes réalisatrices est devenu un enjeu dans les festivals et plus généralement le cinéma depuis quelques années : le nombre de réalisatrices présentes en compétition à Cannes ou à Venise varie souvent entre 0 et 2 sur pour une vingtaines de films réalisés par des hommes, le nombre de femmes qui ont pouvoir de vote aux Césars est proche de 35%...  La place des femmes (par rapport aux hommes mais aussi à la religion ou à la politique ou aux traditions) est depuis longtemps interrogées dans des films, et depuis longtemps dans le cinéma asiatique.

Le 26e Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul présente dans les deux sections de films en compétition (fictions et documentaires) une parité femmes/hommes en réalisation, mais aussi dans la composition des membres des différents membres de jury : de plus le jury de la Critique, le jury Netpac, le jury Inalco, le jury Jeunesse ont tous une femme présidente. Le FICA de Vesoul est l'un des rares festivals où la parité est naturelle depuis déjà plusieurs années (même pour les chauffeurs où pour les opérations de sous-titrage), tout en affirmant que le critère de sélection des films est d'abord le talent, le coup de cœur, et aussi la recherche de films qui n'ont pas encore de distributeurs en France pour justement y remédier.

Hava, Maryam, Ayesha, de la réalisatrice Sahraa Karimi :

La gageure du film est de raconter l’Afghanistan sans rapport avec les guerres incessantes (ce qui est le premier cliché de ce pays) en faisant le portrait de trois femmes différentes face à leurgrossesse : grossesse qui devient impossible au regards des traditions patriarcales et religieuses du pays,  alors que l’avortement est officiellement interdit…

Les afghans ne sont pas du tout familier de ce genre d’histoire intime et personnelle du point de vue féminin : une femme ou jeune-femme pour avoir de la considération et être respectée se doit de devenir enceinte dans le cadre du mariage, la maternité est presque comme une obligation. Un mariage arrangé contraint une adolescente de trouver le moyen d’avorter et de faire réparer son hymen. A l'inverse, une procédure de divorce avec un mari notoirement infidèle lui permet quand même de décider du destin d'un bébé pas encore né de son ex-femme. Le film montre justement trois femmes qui voudront mettre un terme à leur grossesse, dans des situations où le poids des traditions devient impossible.

C’est aussi un des films forts de la compétition pour un Cyclo d’or.

Le procès de Viviane Amsalem, de la réalisatrice Ronit Elkabetz :

Cette année Vesoul rend hommage à l’actrice Ronit Elkabetz, disparue en 2016, devenue au fil de sa filmographie une figure du militantisme féministe israélien. Elle est passé à l’écriture et à la réalisation avec trois films, comme une trilogie qui bouscule les traditions de son pays. Le procès de Viviane Amsalem dénonce le fonctionnement d’un tribunal rabbinique. Une femme demande le divorce mais le mari refuse d'y consentir. Pendant plusieurs années d’audiences espacées de plusieurs mois, la décision est toujours reportée sans accorder ce divorce tant souhaité : la femme serait comme une "propriété" de son mari et le foyer serait à préserver à tout prix même contre son avis…

Le dispositif est simple et efficace: presque tout se passe dans le huis-clos d’un tribunal, où les deux époux (et des témoins) font face à trois dignitaires religieux qui semblent toujours donné raison au mari (même quand il refuse de venir). On en arrive à des situations ubuesques où bien que s’étant installée ailleurs depuis plusieurs mois, il est demandée à cette femme de revenir vivre chez son mari pour qu'elle change d’avis sur sa demande de divorce… A la fois férocement drôle et subtilement dénonciateur, le film est un réquisitoire contre les lois décidées par les hommes en faveur des hommes.

Le Héros (Nayak), du réalisateur Satyajit Ray :

Le FICA de Vesoul est l'endroit où il est possible de (re)découvrir sur un grand écran de cinéma des films de patrimoine méconnus ou pour certains jamais distribués : par exemple cette année Conte des chrysanthèmes tardifs du japonais Mizoguchi Kenji (1939), Pirosmani du géorgien Gueorgui Chenguela (1969), ou Le Héros de l'indien Satyajit Ray (1966).

L'influence de l'immense Satyajit Ray (qui en plus de la mise en scène était souvent scénariste, cadreur, et compositeur de musique) va jusqu'à inciter Wes Anderson à lui rendre hommage à travers A bord du Darjeeling Limited avec trois frères en voyage dans un train en Inde... Le Héros raconte justement le voyage d'une star de cinéma en train, en direction Delhi, où il doit recevoir un prix pour sa carrière alors que son nouveau film ne démarre pas avec un succès aussi haut que ses précédents, et qu'en plus des journaux racontent qu'il a été mêlé à une bagarre... En apparence le héros du film est justement cet acteur - héros de cinéma, mais le film raconte ses différentes interactions avec les autres voyageurs des compartiments voisins.

En général le comportement des hommes n'est pas glorieux, tandis que justement celui des femmes est plutôt positivement mis en lumière. Un voyageur, publicitaire de son métier, compte sur les charmes de son épouse pour séduire un entrepreneur et signer un contrat… Le premier personnage féminin est celui d'une jeune femme qui rédige un magazine féministe sérieux qui ne s'intéresse guère aux rumeurs. Elle ne se laisse pas éblouir par cet acteur populaire, et même elle va l'aider à se confier sur ses angoisses intimes liées à son statut de célébrité. Durant ce voyage en train le grand acteur va être dérouté puis séduit par les convictions modernistes de cette jeune femme pas comme les autres. Il s'agit de l'actrice indienne Sharmila Tagore, qui fût membre du jury du Festival de Cannes en 2009.

Festivals et sorties de films: la Chine absente pour cause de virus

Posté par redaction, le 17 février 2020

Le coronavrius - aka COVID-19 - commence à produire son effet dans le cinéma. Ce virus potentiellement mortel né dans la région de Wuhan, en Chine, à la fin de l'année 2019, a entraîné une forme de paralysie économique dans l'Empire du milieu. Il était circonscrit à la Chine, avant de se propager progressivement dans le monde. Les liaisons aériennes avec la Chine sont suspendues. Et les manifestations culturelles commencent à être impactées.

Si, à Vesoul, capitale du cinéma asiatique en Europe le temps d'une semaine, les salles sont pleines, et les invités comme le public ne portent aucun masque, le président du jury n'a pas pu se déplacer. Le tibétain Pema Tseden n'a pas pu venir. Même s'il avait pu prendre un avion, une mise en quarantaine de deux semaines lui aurait été imposée. On l'a appris quelques jours avant le début du festival. D'autres invités chinois ont également annulé leur voyage dans l'Est de la France, notamment l'autre cinéaste tibétain Sonthar Gyal et la réalisatrice chinoise Wang Jing, qui a envoyée une petite vidéo pour parler de son film (et sa déception ne pas venir en France).

La Berlinale qui commence demain, avec son European Film Market qui attire des professionnels du monde entier, a commencé à prendre des mesures sanitaires et a mis à contribution différents instituts et hôpitaux. L'EFM a déjà enregistré plus de soixante annulations, principalement des professionnels chinois qui n'ont pas reçu l'autorisation de voyager et l'incapacité à obtenir un visa. La Chine présente cette année 3 longs et un court métrage, en plus d'une conversation avec Jia Zhangke, qui vient montrer son dernier documentaire dans le festival allemand.

Le festival de cinéma de Hong Kong a annoncé il y a quatre jours qu'il décalait ses dates aussi bien pour le festival que pour le marché du film. Normalement prévu fin mars, le festival, l'un des plus importants en Asie, aura lieu fin août. Toute l'industrie du cinéma semble à l'arrêt. Il est trop tôt pour savoir si le festival de Shanghai en juin aura bien lieu aux dates prévues. Mais la Chine, deuxième marché cinématographique du monde en recettes, a mis sous cloche le 7e art. Les sorties sont annulées semaines après semaines, y compris celles des blockbusters américains. Les équipes de James Bond ont tout annulé: la première à Pékin comme la sortie du film. Disney a fermé ses parcs de Hong Kong et Shanghai, et reporté la sortie chinoise de Mulan, pourtant calibré pour le marché national. Les studios hollywoodiens ont interrompu leurs voyages professionnels avec la Chine, Hong Kong et Macau.

Depuis le 24 janvier, les salles de cinéma chinoises sont fermées et le box office est dans le coma (aucune recette engrangée). Aucune date de réouverture n'est prévue. Durant les fructueuses fêtes du nouvel an chinois (20 à 30% des recettes annuelles), les exploitants ont perdu environ 200-250M$ de recettes.

Malgré tout, certains studios de tournage ont rouvert pour éviter de mettre trop de gens en chômage technique.  Le gouvernement chinois a promis des aides financières pour éviter des faillites dans le secteur. Reste que de nombreuses productions ont été reportées sans date de reprise. Et de nombreux cinémas indépendants pourraient fermer. Pour limiter la casse, un studio, Huanxi Media, a décidé de diffuser sa dernière production, Lost in Russia sur Internet, provoquant la fureur des exploitants. Les plateformes de type Netflix ont d'ailleurs été les premières à réagit en avançant des dates de diffusion de certains films: les Chinois restant chez eux, la demande est importante.

L'impact commence à se propager à Taiwan et en Corée du sud, qui voit son box office et les tournées promotionnelles ralentir voire abandonner. A Singapour, les films chinois ont été privés de sortie.

Le virus a infecté 70000 malades et tué au moins 1775 personnes, parmi lesquels le réalisateur Chang Kai, qui travaillait pour Hubei Film Studio.

Vesoul 2020 : le choc Saturday Afternoon

Posté par kristofy, le 16 février 2020

Après une année 2019 où la Corée du Sud a brillé à l'international avec Bong Joon-ho et une année 2018 où c'était le Japon avec Hirokazu Kore-eda (Parasite et Une affaire de famille ont été Palme d'or à Cannes et ont été multi-récompensés ailleurs ensuite (dont 4 Oscars à Parasite), sans oublier l'Iran en 2017 avec Mohammad Rasoulof (Un homme intègre, Prix Un Certain Regard à Cannes), d'où viendra le prochain film asiatique qui marquera 2020 ?

Le 26e Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul a déjà sélectionné en compétition 9 films aux univers aussi variés qu'aux thématiques fortes. Ces 9 films portent un regard sur une interrogation qui dépasse les frontières de leur pays : John Denver Trending (Philippines) parle du mécanisme en marche sur les réseau sociaux après le divulgation d'une vidéo accusatrice (alors que le phénomène vient de se produire en France pour un homme politique, Benjamin Griveaux, candidat à la mairie de Paris); Hava, Maryam, Ayesha (Afghanistan) raconte le dilemme d'une femme qui se retrouve enceinte, devant cacher sa grossesse ou avorter clandestinement à cause du poids d'une société trop patriarcale (alors que le droit à l'avortement est parfois remis en question aux Etats-Unis et même en France)... Certains sujets sont d'ailleurs plus difficiles que d'autres, notamment celui des attentats terroristes.

Le cinéma essaie de se saisir de cette problématique du terrorisme en prenant le point de vue des assaillants oue choc subit par les victimes. Peu de films se sont aventurés sur le terrain d'une confrontation idéologique entre assaillants et victimes… C’est le pari de cette confrontation que fait au Bangladesh Saturday Afternoon de Mostafa Sarwar Farooki (dont Doob: No Bed of Roses était déjà sorti en salles françaises en 2017). Il s'agit d'une reconstitution, en fiction, d'un véritable attentat avec prise d'otages ayant eu lieu à Dacca en juillet 2016. Ce film se focalise sur des interprétations d'une même religion partagée entre attaquants et otages, avec en bonus le défi technique d’un unique plan-séquence en temps réel.

Saturday Afternoon débute durant une après-midi de juillet 2016 avec une opération terroriste déjà en cours dans un restaurant où se trouvent plusieurs touristes. Toute l’action du film restera circonscrite dans le presque huis-clos d'une salle de ce restaurant. C'est le moment où les assaillants armés sont surpris par la rapidité d’intervention des forces de police qui arrivent autour du bâtiment, où ils s’y retrouvent retranchés avec les otages. Très vite une ‘sélection’ des otages est faite : les étrangers (italiens, japonais…) sont exécutés tandis que les Bangladais locaux à priori de confession musulmane sont regroupés à part. Le message de présence de bonbonnes de gaz qui pourraient exploser retarde une intervention extérieure, et pendant ce temps-là les terroristes ont le temps de s’organiser, ils vont tuer toute personne qui ne serait pas conforme à leur idéal de religion : les otages devront prouver leur obédience... Parmi les otages plusieurs femmes, des employés, des clients, divers profils dont plusieurs en font des cibles "parfaites". Certaines actions ne sont pas vues directement à l'image mais sont entendues hors-champs, le plan-séquence sans coupure en temps réel provoque une forte impression.

Nusrat Imrose Tisha Mostafa Sarwar FarookiMostafa Sarwar Farooki : « La forme du récit en un seul plan-séquence renforce l’impression de suffocation. De ce véritable évènement on n’a pas eu d’informations complètes sur ce qui s’est passé à l’intérieur, il y a eu différents témoignages de ce qui s’est passé dans les différentes pièces sans que tout ce recoupe. J’ai voulu retranscrire à travers cette forme de fiction ce qui peut fabriquer de la haine. La même religion est invoquée pour tuer des gens par certaines personnes et aussi par d'autres personnes pour sauver des gens lors de cette prise d'otages. C'est un paradoxe où des attaquants et des victimes se disent musulmans mais avec une interprétations différentes de leur religion. »

Nusrat Imrose Tisha, actrice : « On a eu 13 jours de répétition avant le tournage pour comprendre cette suffocation et cette peur intense. On nous a demandé de ne pas se parler entre les différents acteurs, il fallait ressentir à la fois l’étouffement du lieu et l’oppression grandissante entre des gens qui ne se connaissaient pas. »

Mostafa Sarwar Farooki : «Le concept de faire tout le film en un seul et unique plan séquénce sans aucune coupure est arrivé assez vite. On ne savait pas si on y arriverait, il y a eu un gros effort de l'équipe technique pour la mise en place de tout ce qui devait survenir durant le récit. Lors de la deuxième tentative le cadreur opérateur de steadycam en est même tombé malade avec une grosse fièvre. En fait la troisième tentative a été la bonne et est devenue le film. C'est bien une seule prise sans coupure ni trucage de retouche, juste un peu de post-production pour les effets sonores. Le film n'est pas autorisé pour le moment a être diffusé au Bangladesh alors que c’était prévu. On avait montré le film terminé au comité de censure et ça avait été approuvé, on avait même eu avant des échos de différents médias car c'était un projet attendu, une sortie en salles s'annonçait bien. Puis en quelques jours des religieux islamistes se sont léguer contre le film avec des relais sur internet et une pression sur le comité de censure, comité qui a alors demandé une nouvelle vision du film pour ensuite rendre un avis inverse, du coup il n’a pas encore pu être montré  aux spectateurs de notre pays. »

Saturday Afternoon avait été sélectionné dans divers Festival comme Moscou, Londres, Sydney, c'est l'un des 9 films en lice pour le Cyclo d'or.

Vesoul 2020 : Regard sur le cinéma tibétain et hommage à Ronit Elkabetz

Posté par kristofy, le 11 février 2020

La ville de Vesoul, en Haute-Saône, devient comme chaque année le temps d'une large semaine une capitale asiatique : du 11 au 18 février le 26e Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul vous ouvre ses portes avec 84 films en provenance de 24 pays, dont 40 films inédits accompagnés d'autant d'invités. Comme toujours, on y met en lumière des cinématographies parfois raresn du continent asiatique au sens géographique, du proche à l'extrême orient : Afghanistan, Bangladesh, Chine, Corée, Inde, Indonésie, Iran, Japon, Kazakhstan, Liban, Myanmar, Philippines, Sri Lanka...

Cette année le FICA de Vesoul va mettre particulièrement à l'honneur le Tibet, avec pour la première fois une rétrospective sur ce cinéma: l'ensemble des films du réalisateur Pema Tseden (qui est d'ailleurs le seul a avoir gagné deux fois le Cyclo d'Or à Vesoul) et ceux de Sonthar Gyal, en plus de découvertes.

Les deux autres pays mis en avant seront Israël par le biais d'un hommage particulier à l'actrice Ronit Elkabetz, et le Japon avec notamment des films d'Akira Kurosawa et le meilleur de l'animation récente avec Les enfants du temps, Le mystères des pingouins, ou encore Millennium actress.

Une nouvelle fois le Festival sera riche de multiples sections, avec une compétition documentaires, une thématique "Liberté, Egalité, Créativité", qui sera l'occasion de voir ou revoir une vingtaine de classiques éclectiques tels Conte des chrysanthèmes tardifs de Mizoguchi Kenji (1939), Le Héros de Satyajit Ray (1966), Dunia de Jocelyne Saab (2005), Taxi Téhéran de Jafar Panahi (2015)...

Il y aura en avant-première Hotel by river de Hong Sang-so, le délicat et sensible Wet season d'Anthony Chen, ou le nouveau film de Pema Tseden, Balloon.

Enfin, la compétition internationale de 9 films (encore sans distributeur en France) sera arbitrée par le jury, présidé par Jay Jeon (directeur du Festival International du Film de Busan en Corée), lui-même entouré de Yuliya Kim (directrice du Festival International du Film d’Almaty au Kazakhstan, et productrice), Joji Alonso (productrice aux Philippines) et Ariel Schweitzer (critique, en Israël).

La compétition:

  • Hava, Maryam, Ayesha, de Sahraa Karimi (Afghanistan)
  • Saturday Afternoon, de Mostofa Sarwar Farooki (Bangladesh)
  • Changfeng Town, de Wang Jing (Chine)
  • A Bedsore, de Shim Hye-jung (Corée du sud)
  • Just Like That, de Kislay (Inde)
  • Among the Hills, de Mohammad Reza Keivanfar (Iran)
  • Mariam, de Sharipa Urazbayeva (Kazakhstan)
  • John Denver Trending, de Arden Roz Condez (Philippines)
  • Children of the Sun, de Prasanna Vithanage (Sri Lanka)

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26e Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul

Du 11 février au 18 février 2019
Informations pratiques sur le site de la manifestation