22% des films européens réalisés par une femme

Posté par vincy, le 29 juillet 2020

Alice RohrwacherLes femmes représentent moins d’un réalisateur sur quatre en Europe selon le dernier rapport de L’Observatoire européen de l’audiovisuel.

Entre 2015 et 2018, seuls 22 % des réalisateurs de longs métrages européens étaient des femmes. Dans la fiction audiovisuelle, cette proportion est encore plus faible (19 %). Côté écriture, les femmes représentent 25 % des scénaristes de films et 34 % des scénaristes de séries de fiction audiovisuelle. A cela s'ajoute que 67% des films écrits par une femme l'ont été en équipe, souvent avec des hommes.

Toujours entre 2015 et 2019, seuls 18 % des films européens ont été réalisés par une équipe majoritairement féminine, sans évolution significative au fil des ans. Ce chiffre n’est que de 14 % pour les épisodes de fiction audiovisuelle. Les femmes ne pilotent ainsi que 17% des scénarios pour les films et 21% pour les fictions audiovisuels en cas de coécriture.

Les femmes restent donc minoritaires dans la réalisation et l’écriture des films et des fictions. Globalement en quatre ans, la proportion reste identique. C'est dans le format documentaire qu'elles sont les plus présentes avec 28% de réalisatrices.

L'avenir n'est pas forcément plus encourageant puisque seulement 24% des premiers films durant cette période ont été réalisés par des femmes.

Notons quand même que géographiquement, ce sont les pays frugaux de l'Europe (Pays-Bas, Autriche, Norvège, Suède) qui sont les bons élèves avec plus de 30% de femmes cinéastes. L'Autriche est ausssi en tête pour le scénario avec plus de 35% de scénaristes femmes.

Vesoul 2020 : trois films sur l’émancipation des femmes

Posté par kristofy, le 18 février 2020

La place des femmes réalisatrices est devenu un enjeu dans les festivals et plus généralement le cinéma depuis quelques années : le nombre de réalisatrices présentes en compétition à Cannes ou à Venise varie souvent entre 0 et 2 sur pour une vingtaines de films réalisés par des hommes, le nombre de femmes qui ont pouvoir de vote aux Césars est proche de 35%...  La place des femmes (par rapport aux hommes mais aussi à la religion ou à la politique ou aux traditions) est depuis longtemps interrogées dans des films, et depuis longtemps dans le cinéma asiatique.

Le 26e Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul présente dans les deux sections de films en compétition (fictions et documentaires) une parité femmes/hommes en réalisation, mais aussi dans la composition des membres des différents membres de jury : de plus le jury de la Critique, le jury Netpac, le jury Inalco, le jury Jeunesse ont tous une femme présidente. Le FICA de Vesoul est l'un des rares festivals où la parité est naturelle depuis déjà plusieurs années (même pour les chauffeurs où pour les opérations de sous-titrage), tout en affirmant que le critère de sélection des films est d'abord le talent, le coup de cœur, et aussi la recherche de films qui n'ont pas encore de distributeurs en France pour justement y remédier.

Hava, Maryam, Ayesha, de la réalisatrice Sahraa Karimi :

La gageure du film est de raconter l’Afghanistan sans rapport avec les guerres incessantes (ce qui est le premier cliché de ce pays) en faisant le portrait de trois femmes différentes face à leurgrossesse : grossesse qui devient impossible au regards des traditions patriarcales et religieuses du pays,  alors que l’avortement est officiellement interdit…

Les afghans ne sont pas du tout familier de ce genre d’histoire intime et personnelle du point de vue féminin : une femme ou jeune-femme pour avoir de la considération et être respectée se doit de devenir enceinte dans le cadre du mariage, la maternité est presque comme une obligation. Un mariage arrangé contraint une adolescente de trouver le moyen d’avorter et de faire réparer son hymen. A l'inverse, une procédure de divorce avec un mari notoirement infidèle lui permet quand même de décider du destin d'un bébé pas encore né de son ex-femme. Le film montre justement trois femmes qui voudront mettre un terme à leur grossesse, dans des situations où le poids des traditions devient impossible.

C’est aussi un des films forts de la compétition pour un Cyclo d’or.

Le procès de Viviane Amsalem, de la réalisatrice Ronit Elkabetz :

Cette année Vesoul rend hommage à l’actrice Ronit Elkabetz, disparue en 2016, devenue au fil de sa filmographie une figure du militantisme féministe israélien. Elle est passé à l’écriture et à la réalisation avec trois films, comme une trilogie qui bouscule les traditions de son pays. Le procès de Viviane Amsalem dénonce le fonctionnement d’un tribunal rabbinique. Une femme demande le divorce mais le mari refuse d'y consentir. Pendant plusieurs années d’audiences espacées de plusieurs mois, la décision est toujours reportée sans accorder ce divorce tant souhaité : la femme serait comme une "propriété" de son mari et le foyer serait à préserver à tout prix même contre son avis…

Le dispositif est simple et efficace: presque tout se passe dans le huis-clos d’un tribunal, où les deux époux (et des témoins) font face à trois dignitaires religieux qui semblent toujours donné raison au mari (même quand il refuse de venir). On en arrive à des situations ubuesques où bien que s’étant installée ailleurs depuis plusieurs mois, il est demandée à cette femme de revenir vivre chez son mari pour qu'elle change d’avis sur sa demande de divorce… A la fois férocement drôle et subtilement dénonciateur, le film est un réquisitoire contre les lois décidées par les hommes en faveur des hommes.

Le Héros (Nayak), du réalisateur Satyajit Ray :

Le FICA de Vesoul est l'endroit où il est possible de (re)découvrir sur un grand écran de cinéma des films de patrimoine méconnus ou pour certains jamais distribués : par exemple cette année Conte des chrysanthèmes tardifs du japonais Mizoguchi Kenji (1939), Pirosmani du géorgien Gueorgui Chenguela (1969), ou Le Héros de l'indien Satyajit Ray (1966).

L'influence de l'immense Satyajit Ray (qui en plus de la mise en scène était souvent scénariste, cadreur, et compositeur de musique) va jusqu'à inciter Wes Anderson à lui rendre hommage à travers A bord du Darjeeling Limited avec trois frères en voyage dans un train en Inde... Le Héros raconte justement le voyage d'une star de cinéma en train, en direction Delhi, où il doit recevoir un prix pour sa carrière alors que son nouveau film ne démarre pas avec un succès aussi haut que ses précédents, et qu'en plus des journaux racontent qu'il a été mêlé à une bagarre... En apparence le héros du film est justement cet acteur - héros de cinéma, mais le film raconte ses différentes interactions avec les autres voyageurs des compartiments voisins.

En général le comportement des hommes n'est pas glorieux, tandis que justement celui des femmes est plutôt positivement mis en lumière. Un voyageur, publicitaire de son métier, compte sur les charmes de son épouse pour séduire un entrepreneur et signer un contrat… Le premier personnage féminin est celui d'une jeune femme qui rédige un magazine féministe sérieux qui ne s'intéresse guère aux rumeurs. Elle ne se laisse pas éblouir par cet acteur populaire, et même elle va l'aider à se confier sur ses angoisses intimes liées à son statut de célébrité. Durant ce voyage en train le grand acteur va être dérouté puis séduit par les convictions modernistes de cette jeune femme pas comme les autres. Il s'agit de l'actrice indienne Sharmila Tagore, qui fût membre du jury du Festival de Cannes en 2009.

Cannes 2019 : Le politique et l’absurde s’invitent à la Quinzaine des réalisateurs

Posté par wyzman, le 29 mai 2019

Egalement appelée « la Quinzaine », cette section parallèle du Festival de Cannes créée par la Société des réalisateurs de films a véritablement brillé cette année. Après le traditionnel magnéto sur les réalisateurs qui ont été découverts à la Quinzaine (George Lucas, Ken Loach, Spike Lee, Céline Sciamma, Xavier Dolan), les festivaliers ont cette année pu découvrir les nouvelles réalisations de Bertrand Bonello, Quentin Dupieux, Takashi Miike ou encore Rebecca Zlotowski. Incroyablement riche durant les premiers jours du Festival, la Quinzaine faisait la part belle aux films politiques et aux comédies absurdes cette année.

Le politique entre en jeu

Premier constat de taille, les films de la Quinzaine se font de plus en souvent le reflet de la société dans laquelle nous évoluons. Voilà pourquoi les projets ambitieux et qui dénoncent des vérités ce sont faits récurrents dans la sélection de cette année. Cela commence avec Alice et le Maire, la nouvelle comédie politique de Nicolas Pariser qui suit les mésaventures du maire PS de Lyon. Après avoir montré de quel bois il se chauffait avec Le Grand Jeu, le cinéaste utilise un ton plus léger pour dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas : le Parti socialiste français est mort par manque d’ambition.

L’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron a complètement bouleversé le paysage politique français et ce n’est pas On va tout péter de Lech Kowalski qui nous prouvera le contraire. Le film qui retrace la lutte pour leurs emplois d’ouvriers d’une usine GM&S met l’accent sur les promesses non tenues de l’actuel Président et les tensions qui règnent entre la population et les forces de l’ordre. Par le biais de son héros conducteur de minibus pour personnes handicapées, Give Me Liberty de Kirill Mikhanovsky prend le temps de montrer toutes les minorités que le gouvernement américain rechigne à épauler, financièrement et psychologiquement. Avec Oleg, Juri Kursietis pose un regard particulièrement dur sur les réseaux qui exploitent la misère et la détresse des migrants européens. Une oeuvre majeure de la Quinzaine qui pousse le spectateur à s’interroger sur la manière dont il perçoit les étrangers qui l’entourent.

De son côté, Halte rassure avec son univers dystopique et apocalyptique. Si l’on en croit Lav Diaz, le pire peut encore être évité à condition que populations et politiques prennent conscience dès maintenant de leurs responsabilités. Qu’il s’agisse de l’environnement, du partage des richesses ou de la sécurité, de vrais débats doivent avoir lieu. Car ce sont ces mêmes débats qui viennent bouleverser le quotidien des héros de The Orphanage, le musical historique qui montre comment l’Afghanistan est devenu un état islamique dans la violence.

La relève de la comédie absurde

Dans un ton plus léger, on notera que les cinéastes français ont repris le pouvoir à la Quinzaine en faisant rire le public. Si les années précédentes ont été marquées par Un beau soleil intérieur de Claire Denis, En liberté ! De Pierre Salvadori et Le Monde est à toi de Romain Gavras, le cru 2019 est loin d’avoir démérité. Projeté en ouverture, Le Daim de Quentin Dupieux n’a laissé personne indifférent. Porté par le duo Jean Dujardin-Adèle Haenel, le film qui raconte le grand projet qu’un homme de 44 ans a avec sa blouson 100% daim a fait mourir de rire les spectateurs. Dialogues proches du ridicule et twist de haute volée ont fait de ce film un incontournable.

A l’instar d’Yves de Benoit Forgeard ! Le film qui traite de la complicité entre un rappeur raté et un réfrigérateur intelligent a marqué les esprits par ses productions musicales et les réparties hilarantes dudit réfrigérateur. Malgré un scénario en creux, le film est assuré de faire un carton au box-office. Ce que l’on souhaite également à Perdrix. Le film d’Erwan Le Duc joue avec des situations absurdes (mais comiques) pour démontrer qu’il n’y a pas d’âge pour tomber amoureux et être heureux. Bien moins réussi, Por El Dinero d’Alejo Moguillansky aussi enchaîne les situations cocasses et frôle le ridicule de très près. Tour à tour, ces films ont permis aux festivaliers de s’évader et de rire entre deux drames.

Des femmes fortes en formation

Ne pas évoquer les femmes de la Quinzaine serait une grave erreur. Moins manipulatrices que les hommes des films sélectionnés cette année, elles ont réussi à reprendre le pouvoir de manière bien plus subtile. Dans Zombi Child de Bertrand Bonello et de Sick, Sick, Sick d’Alice Furtado, des adolescentes en proie à un chagrin amoureux se tournent vers le vaudou haïtien. Preuve s’il en fallait une que les héroïnes d’aujourd’hui n’ont peur de rien et sont prêtes à tout pour ceux qu’elles aiment. Qu’elles soient issues de bonne famille ou particulièrement introverties, ces femmes ont beaucoup de caractère et ne sont pas les seules.

Dans Une Fille facile, Rebecca Zlotowski propose une confrontation culturelle très attendue dans laquelle l’ancienne escort-girl Zahia Dehar dévoile les codes de la séduction à sa cousine fictive incarnée par la débutante Mina Farid. Entre révélations et manipulations, les deux femmes tentent de garder la tête hors de l’eau. Un peu comme Mona, la dominatrice SM de Dogs Don’t Wear Pants. Le film de J.-P. Valkeapää qui s’intéresse au deuil particulièrement morbide d’un cardiologue a permis une révélation, celle de l’actrice Krista Kosonen.

Enfin, dans un autre registre, Andreas Horvath modernise le mythe de la femme aventurière avec Lillian. Son presque-biopic d’une femme qui décide de traverser les Etats-Unis pour rentrer en Russie est un vrai mélange de road movie et de survival movie. Enfin, impossible de mentionner The Staggering Girl. L'oeuvre la moins aboutie de Luca Guadagnino nous offre à voir une Julianne Moore en proie à des souvenirs particulièrement porteurs de sens qui la mènent jusqu'à la résidence familiale en Italie. Un film énigmatique signé Valentino.

Une forte hausse de films réalisés par les femmes, mais des inégalités fortes persistantes

Posté par vincy, le 8 mars 2019

Le CNC vient de publier une étude sur la place des femmes dans la réalisation de films en 2017. 23,3% des longs métrages agréés ont été réalisés par des femmes, soit une progression de 62,8% depuis 2008. Le chiffre monte à 31,8% pour les courts métrages (avec une baisse de 9,6% depuis 2009).

45 réalisatrices ont tourné 3 ou 4 films en 10 ans

Le CNC révèle aussi que 37% des films aidés sont des projets de réalisatrices (la moyenne sur 10 ans étant de 38,7% pour 32,6% de projets candidatés par des femmes). Globalement, en 2017, 31,9% des premiers longs concernent des réalisatrices (contre 27,5% pour des deuxièmes long métrages).

Sur la période 2008-2017, 11 femmes ont réalisé au moins 4 films pendant les dix années étudiées, contre 71 hommes. 3 d’entre elles-dont deux actrices déjà installées-ont réalisé leur premier film (Valérie Donzelli, Mélanie Laurent, Marie-Castille Mention-Schaar). 39 femmes ont réalisé au moins 3 films entre 2008 et 2017. 14 d’entre elles ont réalisé leur premier film pendant cette période et plus d’un quart des femmes ayant réalisé au moins trois films : Sophie Letourneur, Amanda Sthers, Hélène Cattet, Fanny Ardant, Aida Bagic, Valérie Donzelli, Pelin Esmer, Katell Quillévéré, Rebecca Zlotowsky et Axelle Roppert. La championne toute catégorie este Anne Fontaine avec 6 films en dix ans.

La France derrière la Scandinavie mais devant l'Europe du sud

Globalement, en moyenne, depuis 5 ans, un film sur quatre est réalisé par une femme en France. C'est moins qu'en Suède (30,9%), en Norvège (27,9%), en Allemagne (25,9%) en Finlande (25,4%) et au Danemark (25%), mais bien plus qu'en Espagne (14,2%), au Royaume-Uni (12,1%) et en Italie (10,1%). Mais avec 370 films réalisés par des femmes sortis en salles entre 2012 et 2017, la France représente à elle seule plus du tiers (35,8 %) de l’ensemble des films réalisés par des femmes sortis sur la période dans les neuf pays européens étudiés.

Inégalités salariales encore fortes

Dans la production cinématographique de fiction, 15208 femmes ont travaillé à la production de fictions cinématographiques, soit une sous-représentation loin de l'égalité des sexes (43,2% de femmes, 56,8% d'hommes). Les métiers de scriptes, costumières, coiffeuses-maquilleuses, mais aussi les postes comptabilité-juridique-communication sont largement féminisés. Les stéréotypes sont persistants il y a ainsi peu de femmes chez les machinistes, électriciens-éclairagistes, mixeurs, preneurs de sons...). Pire, le salaire moyen d’une réalisatrice de long métrage, s'il a augmenté entre 2009 et 2017, reste inférieur de 42,3% à celui d’un réalisateur (un record tous postes confondus dans le cinéma). Et le tableau par métiers révèlent d'importants écarts chez les interprètes (8,8% en défaveur des femmes), les chargés de productions (38,9% d'écart) ou les directeurs/directrices de la photographie (13,2%).

Pourtant, 12 films réalisés ou coréalisés par des femmes ont dépassé le million d'entrées entre 2008 et 2017, avec en tête LOL de Lisa Azuelos, seul film de réalisatrice classé dans le Top 25 de la période, La rafle de Roselyne Bosch et Polisse de Maïween Le Besco. Ce sont les trois seuls succès au dessus de 2 millions d'entrées. Au total, 40 films de réalisatrices ont passé le cap des 600000 spectateurs, certaines cinéastes cumulant plusieurs titres entre 2008 et 2017 telles Maïwenn Le Besco, Anne Fontaine, Nicole Garcia, Lisa Azuelos, Carine Tardieu, Danièle Thompson.

Budgets et distribution toujours en faveur des réalisateurs

Malgré tout, avec un devis moyen de 3,47M€, les budgets des films des réalisatrices est inférieur de 37,1% par rapport à un film de réalisateur. Cependant, cet écart a tendance à diminuer. En dix ans le budget moyen des films d’initiative française réalisés par des femmes augmente très légèrement (+4,3 %) tandis qu’il a baissé de 24,1% pour les hommes. Sur dix ans, l'écart est visible par budgets de films: seulement 21 films de plus de 10M€ ont été filmés par des femmes, contre 211 (dix fois plus!) par des hommes. Plus généralement, au dessus de 7M€ de devis, les femmes sont largement sous-représentées.

On note la même inégalité sur la distribution. Entre 2008 et 2017, les coûts de distribution moyens des films d’initiative française réalisés par des femmes sont de 408,0 K€, soit 34,4 % de moins que ceux des films réalisés par des hommes. Sur la période, les films réalisés par des femmes sortent en moyenne dans 118 cinémas en première semaine, contre 170 établissements pour ceux réalisés par des hommes. En 2017, l'écart était plus dramatique avec 169 cinémas pour un film de femme contre 251 pour un film d'homme.

Les choses évoluent aussi dans les genres. Ainsi deux films d'animation agréés ont été réalisés par des femmes l'an dernier, et un troisième coréalisé avec une femme. C'est une première. 9 films documentaires ont été réalisés ou coréalisés par une femme. Sur dix ans, le drame (30,6%), le documentaire (23,1%), la comédie (22,8%) et la comédie dramatique (20,3%) restent les genres dominants pour les réalisatrices. Par rapport aux hommes, la proportion diffère. Plus présents dans le thriller/policier et l'animation, ils le sont surtout davantage dans la comédie (26,7%).

Cannes 2018 : Des jurys Caméra d’or et Un certain regard très féminins

Posté par wyzman, le 8 mai 2018

Quelques heures seulement avant le début du 71e Festival de Cannes, les organisateurs ont dévoilé la liste complète des jurys pour la Caméra d'or et la section Un certain regard. Et une chose est sûre, les femmes sont une nouvelle fois à l'honneur sur la Croisette. En effet, sur les 12 personnalités qui ont répondu présent, 7 sont des femmes.

Ursula Meier présidente

Il y a quelques jours, la réalisatrice de L'Enfant d'en haut expliquait : "Un premier film, c'est le lieu de tous les possibles, de toutes les audaces, de toutes les prises de risques, de toutes les folies." Pas étonnant dès lors qu'elle soit à la tête du jury qui choisira lequel des 19 films en lice mérite d'être récompensé d'une Caméra d'or. Le verdict sera rendu le samedi 19 mai. Pour rappel, le lauréat succédera à Jeune Femme de Léonor Serraille.

Pour l'accompagner dans sa tâche, Ursula Meier pourra compter sur la réalisatrice française Marie Amachoukeli, la cinéaste franco-américaine Iris Brey, le président de Cinéphase Sylvain Fage, la directrice de la photographie Jeanne Lapoirie et des réalisateurs et scénaristes Arnaud et Jean-Marie Larrieu.

Un certain regard très attendu

Créée en 1978 par Gilles Jacob, cette section parallèle de la sélection officielle favorise depuis toujours les films originaux. Il n'est pas surprenant que Benicio Del Toro succède donc à Uma Thurman en tant que président du jury. Après son Oscar du meilleur acteur pour Traffic (2000), l'acteur portoricain et espagnol a reçu un prix d'interprétation masculine à Cannes pour Che de Steven Soderbergh. C'était en 2008. Depuis, on l'a vu dans Somewhere de Sofia Coppola, Savages d'Oliver Stone, Paradise Lost d'Andrea Di Stefano et Sicario de Denis Villeneuve. Le 27 juin prochain, il sera à l'affiche de la suite : Sicario : La Guerre des cartels.

Réalisatrice et scénariste palestinienne, Annemarie Jacir a déjà marqué la Croisette avec Salt of This Sea (2008), a représenté son pays d'origine avec When I Saw You pour les Oscars 2012 et remué le TIFF avec Wajib (2017). Omniprésente et savoureusement incontournable depuis ses débuts à 13 ans dans Mima de Philomène Esposito, Virginie Ledoyen sera bien plus que la caution charme de ce jury. Vue dans La Plage de Danny Boyle et Huit Femmes de François Ozon, elle est actuellement à l'affiche de MILF d'Axelle Laffont.

Directrice exécutive du Festival du Film de Telluride, Julie Huntsinger a les mains dans la production cinématographique depuis 1993. Pour la petite anecdote, elle a étudié la littérature française et l'histoire de l'Art à l’Université de Berkeley (Californie) et demeure un gage de qualité au niveau du palmarès. Enfin, pour clore ce jury, un deuxième homme : le réalisateur russe Kantemir Balagov. Âgé de 26 ans, il  a déjà remporté un prix FIPRESCI l'an dernier à Cannes pour son premier film, Tesnota (Une vie à l'étroit). Son prochain film traitera de femmes-soldats au sortir de la Seconde guerre mondiale. Vous l'aurez compris : sa carrière est à suivre de près !

Cannes 2018 : Thierry Frémaux impose son style

Posté par wyzman, le 23 mars 2018

A l'approche de la 71e édition du Festival de Cannes, son délégué général, Thierry Frémaux, s'est entretenu avec nos confrères du Film français. L'occasion pour lui de mettre les point sur les "i" après une édition anniversaire qui était malheureusement en demi-teinte. Marquée par ce que l'on appelle communément l'affaire Netflix, Cannes 2017 semblait en effet être un terrain d'affrontement entre les organisateurs du festival et les studios de production et les distributeurs. Voici la liste des mesures entreprises par Thierry Frémaux concernant Cannes 2018 :

  • La fin du selfie : afin de fluidifier la montée des marches, le délégué général du Festival de Cannes l'a annoncé, "les selfies seront interdits pour les spectateurs sur le tapis rouge". Il précise : "Nous avons décidé avec Pierre Lescure de carrément les prohiber. En haut du tapis rouge, la trivialité et le ralentissement provoqués par le désordre intempestif créé par la pratique des selfies nuit à la qualité de la montée des marches. Et donc au Festival tout entier." Une initiative qui devrait ravir les photographes présents sur place mais laisser un goût amer aux anonymes souhaitant immortaliser leur passage sur la Croisette.
  • Plus d'avant-première pour la presse : afin de "redonner toute leur attractivité et tout leur éclat aux soirées de gala", le festival se passera désormais des projections réservées aux journalistes et programmées le matin. En effet, pour s'assurer que "le suspense sera total" au moment des projections publiques, Thierry Frémaux a choisi de modifier complètement la manière dont la presse devra travailler. Les projections presse auront donc lieu le jour même de la montée des marches par l'équipe du film (ou le lendemain matin si le film en question est projeté à 22 heures).
  • Netflix perd sa place en compétition : marqué par le scandale lié à Okja et The Meyerowitz Stories, Thierry Frémaux assure regretter que les deux films se soient "perdus dans les algorithmes de Netflix et n'appartiennent pas à la mémoire cinéphile". Voilà pourquoi un film produit et/ou distribué par Netflix en France ne pourra plus concourir à la Palme d'or. Le géant américain du streaming pourra néanmoins proposer ses films hors-compétition.
  • La place des femmes donnera lieu à une réelle réflexion : persuadé que "sur un sujet pareil, le plus grand festival du monde doit être exemplaire", Thierry Frémaux devrait rencontrer "prochainement" la secrétaire d’État Marlène Schiappa afin de s'assurer que Cannes reste le festival de prédilection des réalisatrices et actrices. Malgré ses 23% de femmes présentes en sélection officielle l'an dernier, l'événement a vu son image terni par l'affaire Harvey Weinstein et le mouvement #MeToo. Pour rappel, Cate Blanchett sera la présidente du jury de cette 71e édition qui se tiendra du mardi 8 mai au samedi 19 mai. Elle est la 12e femme à se voir confier cette fonction.

Le carton de Wonder Woman pourrait ouvrir la voie aux super-héroïnes

Posté par vincy, le 4 juin 2017

Il était temps qu'Hollywood mette une super-héroïne en tête d'affiche. Après des années de beaux mâles, muscles saillants et collants moule-burnes (aplaties le plus souvent), Wonder Woman et son lasso s'emparent du box office. Plus de 100 millions de $ de recettes aux Etats-Unis ce week-end selon les premières estimations, 125 millions de $ dans le reste du monde (dont un gros carton en Asie de l'est). Preuve qu'une femme, même si le nom de l'actrice (Gal Gadot) n'apparaît pas sur l'affiche, peut porter un blockbuster. Mieux un film avec une femme comme héroïne et réalisé par une femme (c'est seulement la 4e fois qu'un film réalisé par une femme dépasse les 100M$ au B.O. nord américain). Le sexisme habituel du 7e art en prend un coup: le succès n'est pas réservé aux mecs.

Pourtant, dans le genre action/aventures/super pouvoirs, on savait qu'un personnage féminin pouvait cartonner. Il suffit de voir la filmographie de Angelina Jolie, les récents gros succès de Star Wars (Le Réveil de la Force, Rogue One), Hunger Games, Divergente ou Lucy. Une femme, avec des "guns", peut faire plier n'importe quel méchant, en plus de rapporter beaucoup d'argent.

Finalement, Marvel comme DC Comics ont mis du temps à le comprendre. Même si dans les Avengers ou les Batman, avec respectivement Black Widow et Catwoman, il y a un personnage féminin qui vole presque la vedette aux héros du film, c'est bien la première fois avec Wonder Woman qu'une super-héroïne a le droit de s'affranchir et de sortir de l'ombre des super-héros.

Une bonne dizaine de super-héroïnes en stock

Pourtant, il y a du potentiel dans les comics: Miss Hulk, Sorcière rouge (actuellement incarnée par Elisabeth Olsen dans les Avengers), Raven / Mystique (jouée par Rebecca Romjin puis Jennifer Lawrence dans les X-Men), Phantom Lady, Natasha Irons, Poison Ivy bien entendu (autrefois interprétée par Uma Thurman), Thor Girl, Super Girl, Catwoman (pour oublier Halle Berry) et Elektra (pour zapper Jennifer Garner), Malice (qui sera incarnée par Lupita Nyong'o dans Black Panther), Elsa Bloodstone, Power Girl, ou encore Harley Quinn (Margot Robbie dans Suicide Squad).

Avec une douzaine de films de super-héros dans les tuyaux, Disney/Marvel et Warner Bros/DC Comics pourraient être tenté de donner une chance à l'une de ces héroïnes. Depuis décembre, un projet avec Poison Ivy, Harley Quinn et Catwoman est dans les cartons. Pour l'instant, seul Captain Marvel (avec Brie Larson) est confirmé et programmé pour mars 2019.

Et il est probable que Warner annonce une suite à Wonder Woman dès cette semaine.

Cannes 2017 : 10 questions (im)pertinentes pour faire le bilan

Posté par kristofy, le 31 mai 2017

Le 70ème Festival de Cannes est terminé officiellement, mais en réalité il va continuer durant quelques mois encore sous une autre forme au rythme des sorties de films en salles de cinéma. Pourquoi la Palme d'or à The Square et pas à 120 battements pas minute ? Que s'est-il est passé avec Okja et Netflix ? Et du côté des films de Lynne Ramsay et de Sofia Coppola ? On s'est déjà posé 10 questions (im)pertinentes, avec des réponses possibles. Avec des si on referait le monde... alors refaisons Cannes.

1 - Pourquoi Okja de Bong Joon-ho ne figure pas au palmarès ?

En ouverture de festival, Pedro Almodovar a été questionné en tant que président du jury à propos d'une éventuelle Palme d'or à un film distribué par Netflix. Il a fait une déclaration qui a été comprise comme une exclusion de deux films en compétition (Okja et The Meyerowitz Stories) pour la récompense suprême : « Ce serait un énorme paradoxe que la Palme d'or ou un autre prix à un film ne puisse pas être vu en salles, il ne faut pas que cette nouvelle plate-forme se substitue au fait d'aller voir des films en salles... » (il ne faut pas découvrir un film sur un écran plus petit que sa chaise... lire aussi notre actualité du 19 mai). A savoir qu'il y aurait eu recadrage pour une correction diplomatique dès le lendemain : «Ni moi ni aucun des membres de mon jury ne ferons de distinction entre les deux films Netflix et les autres en compétition. Nous sommes ici pour juger les dix-neuf longs métrages sélectionnés sur le plan artistique... ». Reste que Bong Joon-ho est l'un des plus grands réalisateurs de sa génération et que son film Okja était l'un des meilleurs de la sélection cette année. Alors l'ignorer en dit long sur la capacité à juger un film populaire et divertissant, tout en étant porté par un message politique (coucou les jurés du festival de Cannes 2006 qui ont oublié dans leur palmarès Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro).

2 - Quel est le vrai problème avec Netflix ?

En France il y a diverses règlementations liées à la chronologie des médias, avec un délais pour un film entre son exploitation en salles de cinéma et sa diffusion en VàD sur internet. Le système est plutôt vertueux en France. Le cinéma français est en partie financé via le CNC avec un pourcentage prélevé sur chaque ticket de cinéma vendu. Les plateformes de VàD sont soumises à un impôt sur leurs revenus (comme toute entreprise). Netflix diffuse des films en France sans vraiment être taxé - le problème de l'évasion fiscale est d'ailleurs un macro-problème européen puisque des sociétés géantes de par leurs bénéfices minimisent leur imposition au maximum (dont Amazon qui distribue aussi des films, dont L'Oréal partenaire du festival de Cannes, dont Renault, autre partenaire, qui a installé son siège au Pays-Bas...).
Pedro Almodovar (et son frère producteur Agustin Almodovar) connait bien le sujet pour avoir été impliqué en avril 2016 dans le scandale des 'Panama papers' avec un compte offshore, au point d'arrêter la promotion de son film Julieta en Espagne (lire notre actualité du 12 avril 2016). Cela ne l'a pas empêché d'ailleurs de venir présenter Julieta ensuite en mai à Cannes.
Netflix, dont on ne conteste absolument pas la qualité des productions, loin de là, c'est avant tout un problème d'argent : les impôts d'une part, le financement du cinéma d'autre part. Ce n'est donc pas simplement un souci de chronologie des médias.

3 - Un film Netflix peut-il sortir en salles de cinéma ?

Netflix est, selon certains films et certaines séries, co-producteur et/ou diffuseur. Quand Netflix achète un titre pour le diffuser dans le monde via sa plateforme on dit alors qu'il s'agit d'un "film Netflix". Ainsi le film Message from the King réalisé aux Etats-Unis par le belge Fabrice Du Welz est un film Netflix qui est donc diffusé via Netflix, mais un accord a été trouvé avec la société de distribution The Jokers pour la France qui aura été l'un des rares pays à sortir ce film en salles de cinéma, c'était le 10 mai bien avant le débat à Cannes... Okja sortira en salles le 28 juin en Corée du Sud. Quant à The Meyerowitz Stories, s'il veut concourir aux Oscars, il devra au moins être diffusé à Los Angeles sur grand écran. Preuve que quand Netflix veut, Netflix peut. En France, il semblerait qu'aucun accord n'ait été trouvé avec des distributeurs. Mais il s'agirait plutôt d'un manque de volonté de la part de la plateforme. Dans cette histoire, c'est le spectateur qui est perdant. Il va falloir revoir la Loi. Pour l'instant, seul Arte a réussi à contourner le problème avec des films comme Carole Matthieu ou I am not your Negro, les diffusant en exclusivité durant 7 jours sur sa chaîne en "replay" après une diffusion en prime-time, avant de les rendre disponible pour une sortie en salles. D'un côté un million de téléspectateurs ont vu le documentaire de Raoul Peck. De l'autre, il n'a été vu que par 31000 spectateurs en salles.

4 - Quel est l'enjeu pour Okja?

Pour Okja de Bong Joon-ho, c'est bien plus compliqué que pour un (télé)film avec Isabelle Adjani. Ce film est considéré comme une poule aux œufs d'or par Netflix, qui attend un retour sur investissement après l'avoir financé à hauteur de 50 millions de dollars ! Il faut savoir que le film précédent du réalisateur Snowpiercer, le Transperceneige avait été exploité aux Etats-Unis par the Weinstein Company en VàD avec succès, c'était même un record de bénéfices de l'année en vidéo à la demande. Snowpiercer, le Transperceneige est devenu un 'gamechanger' pour l'industry : distribuer ce film en VàD a coûté moins cher et a rapporté plus d'argent que via un circuit de salles de cinéma (nuançons: les Weinstein avait massacré au montage la version cinéma aux USA)...
Il faut se souvenir que en France cette expérience de produire un film et de maximiser les recettes sans passer par les salles avait déjà eu lieu. Wild Bunch l'avait expérimenté en 2014 avec Welcome to New-York de Abel Ferrara avec Gérard Depardieu, tout en profitant de Cannes pour son lancement (mais lors de projections hors sélections cannoises, lire aussi notre actualité du 4 mai 2014).

Okja est produit et diffusé par Netflix, mais ce film est aussi coproduit par Plan B, la société de production de Brad Pitt, dont le dernier film, War Machine n'est visible que sur Netflix. Plan B produit donc des films dans lesquels Brad Pitt est acteur bien entendu mais aussi quantité de films d'auteur qui ont été récompensés aux Oscars, comme il y a quelques mois Moonlight, mais aussi The big short: Le casse du siècle ou 12 years a slave... Plan B a eu aussi des films sélectionnés en compétition au Festival de Cannes comme en 2012 Cogan: killing them softly, et avant en 2011 The Tree of life de Terrence Malick qui a obtenu la Palme d'or. En dehors du débat Netflix, Okja de Bong Joon-ho avait bien évidement toute sa place en compétition à Cannes.

5 - Comment juger de la qualité de la sélection des films en compétition ?

Environ 1500 longs métrages ont été vus par le comité de la sélection officielle, et 19 films ont été retenus en compétition, le tout sous la responsabilité de Thierry Frémaux. Il a d'ailleurs publié un livre à ce sujet (Sélection officielle, journal) où il indique notamment avoir refusé le dernier film de Emir Kusturica pourtant déjà double-palmé d'or et avoir avertit Sean Penn qu'il fallait mieux revoir le montage de son The last face (hué l'année dernière)... Certains films ne sont pas achevés lors de leur sélection, d'autres revoient leur montage après les projections cannoises.

Cannes se doit d'être dans une certaine mesure fidèle à "ses" auteurs, les fameux "abonnés" comme Michael Haneke, Naomi Kawase, Andreï Zviaguintsev, Sergei Loznitsa, Hong Sang-soo... (et bien entendu Pedro Almodovar, au détriment de tout autre réalisateur espagnol), tout en étant une vitrine du meilleur du cinéma international. Difficile donc de figurer en compétition pour un premier film (même si ça a été le cas). Généralement, il y a une sorte de parcours fléché, qui va d'un premier film en section parallèle, à une sélection à Un certain regard puis un passage en compétition. Il arrive aussi que des fidèles et même des palmés, à l'instar de Kawase ou Cantet ou même Van Sant, soient retenus à Un certain regard et pas en compétition.

Si la sélection ressemble parfois à du name-dropping Thierry Frémaux le premier sait bien que les films choisis sont de qualité inégale. Certains décèlent un indice de faiblesse quand le film "monte les marches" en pleine après midi (cette année ce fut le cas avec Wonderstruck de Todd Haynes, Le jour d'après de Hong Sang-soo, Rodin de Jacques Doillon, Une femme douce de Sergei Loznitsa, tous ignorés du palmarès). Chaque année on se dit rétrospectivement que tel film ne méritait pas la compétition et aurait été mieux dans la sélection Un Certain Regard, et inversement. Ainsi Jeune Femme le premier film français de Leonor Seraille était à découvrir à Un Certain Regard et a d'ailleurs remporté le prix de la Caméra d'or. Mais comme on le constate dans les tableaux d'étoiles des divers critiques de la presse écrite mondiale, tous les goûts sont dans la nature. Et une chose est sûre: la moitié de la compétition, comme chaque année, fera l'événement lors des palmarès de fin d'année et des sorties en salles (il suffit de voir tous les prix récoltés par Toni Erdmann alors que le film n'a pas reçu un seul prix au palmarès cannois).

6 - Quelle place pour les femmes réalisatrices ?

La question revient chaque année: il faudrait plus de femmes en compétition. Mais doit-on se soucier qui est derrière la caméra quand on doit sélectionner la crème du cinéma? Michel Ciment nous confiait lors de cette 70e édition qu'il s'agissait d'un faux procès: combien de chefs d'œuvre réalisés par une femme ont été oubliés sur la Croisette ? Le problème est en amont: dans l'accès à la réalisation pour les cinéastes femmes. Pas dans une sélection qui choisi en fonction des films qu'on lui propose. L'actrice Jessica Chastain membre du jury a déclaré après le palmarès: « Il y a des exceptions, mais pour la majeure partie j'ai été surprise par la représentation des personnages féminins à l'écran, cette vision des femmes à l'écran est assez perturbante pour être honnête ». Névrosée, soumise, battue, violée, trompée, victime, absente, abusée: on ne peut pas dire que les personnages féminins étaient radieux cette année. La réalisatrice allemande Maren Ade a ajouté: « Nous n’avons pas primé des femmes parce que ce sont des femmes, mais il est vrai que c’est la première fois que le prix de la mise en scène est remis à une femme » (en fait c'est la deuxième fois: en 1961, la russe Ioulia Solntseva était entrée dans l'Histoire en étant la première réalisatrice primée) et par l’actrice chinoise Fan Bing Bing « très heureuse d’avoir remis le prix à Sofia Coppola qui a fait un travail remarquable ».

On aime vraiment beaucoup les films de Sofia Coppola, mais son dernier Les Proies n'est pas son film le plus fort : ce remake de Don Siegel d'après un roman écrit par un homme ((lire notre décryptage sur le sujet) et où les personnages féminins se perdent dans la jalousie jusqu'à préméditer torture et meurtre est même un peu le contraire de l'intention féministe affichée. Donner un prix de mise en scène à Sofia Coppola parce que ce serait une femme, si c'est le cas, c'est aussi troublant que si Naomi Kawase avait été palmée pour Vers la lumière, moins convaincant que le sublime Still the Water (ignoré par le jury à l'époque). Et quitte à faire du féminisme, alors Lynne Ramsey méritait une Palme d'or pour You Were Never really Here, l'un des rares chocs du Festival. La britannique est repartie avec un prix du scénario ex-aequo. Dommage que Jessica Chastain, Maren Ade et Fan Bing Bing n'aient pas vu Jeune Femme de Leonor Seraille (où d'ailleurs dans l'équipe technique il y avait quasiment que des femmes cheffe de poste à l'image, au montage, au son...)...

7) Pourquoi la réalisatrice Lynne Ramsay n'a pas eu le prix de mise en scène ou la Palme d'or ?

Le prix de mise en scène au remake Les Proies de Sofia Coppola est une hérésie, surtout que plus de la moitié des cinéastes en compétition méritait davantage ce prix (de Hong Sang-soo aux frères Safdie). Au fait, et pourquoi ce prix de mise en scène n'a pas été à Lynne Ramsay qui, avec son You were never really her, était largement plus justifié ? Il y a une explication : le règlement actuel du festival n'autorise plus que ce prix de la mise en scène puisse être cumulé avec un autre prix. Et comme le jury voulait pour ce film remettre le prix du meilleur acteur à Joaquin Phoenix, alors il a cité Lynne Ramsay ailleurs dans le palmarès avec un prix ex-aequo du scénario. Ce qui d'ailleurs est assez cocasse vu le scénario minimaliste du film : "un tueur à gages au grand-coeur sensible va protéger une jeune fille victime d'une élite pourrie" (soit la même trame dont se sert Luc Besson pour produire Léon, Le baiser mortel du dragon, Le Transporteur, Hitman, Taken...). Ici, évidemment, c'est brillant, percutant, audacieux. C'est bien grâce à sa direction d'acteur, sa réalisation, son jeu avec le hors-champs, son sens du montage, que le film se distingue des autres.

8 - Pourquoi les marches avaient un air de déjà-vu ?

On constate depuis quelques années un autre groupe de fidèles: les acteurs et actrices. Quand il y a au générique Isabelle Huppert, Marion Cotillard, Juliette Binoche, Vincent Lindon, Nicole Kidman, Robert Pattinson, Kirsten Stewart, Tilda Swinton ou encore Jessica Chastain, la probabilité d'être à Cannes augmente. Il y a un "casting" Cannes. Des acteurs qui choisissent les bons auteurs ou des auteurs qui préfèrent la sécurité d'un comédien ou d'une comédienne renomé(e) dans le circuit art et essai? Reste que cette concentration ne favorise pas l'excitation. Voir quatre fois Kidman, aussi bonne soit-elle et aussi judicieux soient ses choix, ou Huppert (l'an dernier) en douze jours, ça frôle l'overdose. Retrouver Cotillard tous les ans sur les marches depuis quelques festivals, ça lasse un peu. Il manque de la fraîcheur, de la nouveauté, du jamais vu à Cannes. D'où le "hot buzz" autour de Will Smith cette année ou de Julia Roberts l'année dernière. En compétition au 70e Festival, ce sont finalement les jeunes qui ont apporté cet oxygène (Okja, 120 BPM, Wonderstruck, ...) et ce sont deux acteurs plus rares à Cannes qui ont emporté le prix d'interprétation: Diane Kruger (pour la deuxième fois en compétition sur 6 films en sélection officielle) et Joaquin Phoenix, qui n'avait pas eu de films en compétition depuis quatre ans (et qui l'a toujours été avec James Gray jusque là).

9 - C'est quoi un bon film de minuit ?

L'année dernière on a été gâtés avec la Corée du Sud et Dernier train pour Busan, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut considérer le polar coréen comme un réservoir où trouver des films de minuit. Pourtant ce fut encore le cas en 2017 avec The Villainess et The Merciless, certes plaisants, parfois jouissifs, mais sans plus. Quitte à mettre un film d'action coréen en séance de minuit il aurait mieux valu choisir par exemple The Battleship Island de Ryoo Seung-wan en avant-première (sortie en juillet en Corée). Si d'autres années les séances de minuit ont été inoubliables avec L'armée des morts de Zack Snyder ou Jusqu'en enfer de Sam Raimi, ce n'est pas seulement parce que il y avait des zombies ou des démons : c'est parce que c'était avant tout des bons films, qui nous font revivre un genre de cinéma qu'on a découvert bien plus jeune (et différent de certains films trop longs de 2h20 avec des plans fixes...). Le mot-clé pour une séance de minuit c'est 'divertissement', une séance de minuit ça doit être un peu festif comme par exemple avec la venue l'année dernière de Mel Gibson pour Blood Father ou carrément sulfureux comme Love de Gaspar Noé. On aurait bien voulu une séance de minuit idéale avec le film Baby Driver réalisé par Edgar Wright en sa présence avec sa bande d'acteurs (Ansel Elgort, Lily James, Jamie Foxx, Kevin Spacey, Jon Hamm...) qui va sortir en juillet. Malheureusement, cette année, les films hors-compétition ou séances spéciales étaient avant tout des (bons) documentaires, trois films d'auteurs grand public plutôt ratés (Miike, Cameron Mitchell, Polanski) et des formats singuliers (série TV, Réalité virtuelle). Pas l'ombre d'un blockbuster hollywoodien, pour la première fois depuis très longtemps.

10 - Et si le festival de Cannes interdisait qu'un film en compétition sorte en salles durant le festival ?

Rodin de Jacques Doillon est sorti en salles le 24 mai, L'amant double de François Ozon est sorti en salles le 26 mai : ces films qui étaient en compétition officielle furent donc visibles dans n'importe quel cinéma en même temps (voir même avant) que la projection officielle de Cannes. C'est le cas chaque année pour certains titres. Le règlement actuel impose que le film en compétition ne soit pas sorti avant dans un autre pays que le sien (ainsi les Almodovar sortent souvent en avril, même s'ils sont à Cannes en mai).

Pour le cinéma français, depuis Cyrano, en salles deux mois avant sa sélection cannoise, les films peuvent, au mieux, sortir le même jour que sa montée des marches. Ce qui est surprenant c'est que la plupart des distributeurs ont cessé de sortir un film cannois pendant Cannes. A une époque, durant le Festival, plusieurs films essayaient de profiter du buzz de la Croisette et de son exposition médiatique maximale pour séduire les spectateurs. Il s'avère que c'était assez contre-productif. D'une part, le distributeur et l'attaché de presse frôlaient le burn-out entre la présence cannoise et la sortie du film. Ensuite, pour peu que le film ait été mal reçu par la presse à Cannes, cela le plombait.

Généralement, désormais, les films cannois sortent entre la mi-août et le début de l'hiver. Il y a plusieurs avantages. La presse peut revoir à la hausse son évaluation du film avec le temps. En sortant plus tard, il revient à la mémoire des professionnels quand il s'agit de voter pour les césar, Oscars & co. Cela permet aussi d'installer une attente sur certains films, notamment quand ils figurent au palmarès. Enfin, il y a plus de spectateurs adeptes de films art et essai en octobre et décembre dans les cinémas qu'entre mai et juillet, où les productions hollywoodiennes dominent les écrans.

La moindre des choses seraient au moins d'attendre la fin du festival et un éventuel prix au palmarès. On sent bien que Cannes ne sert que de vitrine promotionnelle. Le Festival a déjà pris des mesures en 2018 pour qu'un film Netflix ne soit pas en compétition sans la possibilité d'une sortie en salles en France (ce qui laisse une porte ouverte à une sélection de prestige hors-compétition...). Il faudrait aussi contraindre les films en compétition à ne pas sortir durant le Festival. Chiche ?

Cannes 2017: Isabelle Huppert et Maysaloun Hamoud, lauréates du 3e Women in Motion

Posté par vincy, le 15 mai 2017

Kering et le Festival de Cannes remettront le 3e Prix Women in Motion 2017 à Isabelle Huppert. L'actrice a choisi d'attribuer le Prix Jeunes Talents à Maysaloun Hamoud.

Les Prix seront décernés lors du dîner officiel Women in Motion le dimanche 21 mai 2017.

"Libre et audacieuse entre toutes, Isabelle Huppert a multiplié les prises de risque artistique, et joué auprès des plus grands pour imposer son style dans les registres les plus variés, allant du drame à la comédie. Faisant bouger les lignes à travers les rôles forts et loin de tout stéréotype qu’elle interprète depuis ses débuts, qu’elle soit dirigée par des réalisateurs mythiques ou par une nouvelle génération de créatrices et créateurs brillants, Isabelle Huppert est l’une des figures les plus inspirantes du monde du cinéma" explique le communiqué. Par ailleurs, Kering, partenaire officiel du Festival, a choisi un portrait d’Isabelle Huppert pour l’affiche officielle de la 3e édition de Women in Motion.

Et pour conforter l'image de cette comédienne qui multiplie les sélections cannoises années après années (pour cette édition 2017, Huppert est présente deux fois en sélection officielle), il suffit de voir son choix pour le Prix Jeunes Talents. La jeune réalisatrice et scénariste palestinienne Maysaloun Hamoud a réalisé en 2016 Je danserai si je veux (Bar Bahar), à l'affiche en France depuis un mois. Le film avait déjà été récompensé par le Prix NETPAC (Network for the Promotion of Asian Cinema) au 41e Festival International du Film de Toronto et trois récompenses au 64e Festival de San Sebastian : le Prix Sebastiane, le Prix L’Autre Regard et le Prix de la Jeunesse.

Ce premier long-métrage suit le quotidien de trois jeunes femmes palestiniennes vivant à Tel Aviv, partagées entre leur désir d’indépendance et les traditions familiales. "Ce film remarqué dans les Festivals du monde entier a été produit par Shlomi Elkabetz dont la soeur, la grande scénariste, réalisatrice et actrice Ronit Elkabetz, disparue l'année dernière, a marqué de son empreinte le cinéma israélien" rappelle le communiqué.

Le Prix Jeunes Talents, accompagné d’un soutien financier de 50 000 euros, permettra à Maysaloun Hamoud de poursuivre ses projets cinématographiques.

Un partenariat avec Unifrance

Isabelle Huppert et Maysaloun Hamoud rejoignent ainsi les personnalités mises à l’honneur lors des éditions précédentes de Women in Motion. En 2016, Geena Davis et Susan Sarandon, les deux actrices américaines de Thelma et Louise particulièrement engagées dans la défense des droits des femmes, avaient ainsi reçu le Prix Women in Motion, avant de mettre à l’honneur les trois jeunes réalisatrices Leyla Bouzid, Gaya Jiji et Ida Panahandeh. Cinq femmes de talent qui succédaient à l’actrice mythique Jane Fonda et à la productrice Megan Ellison, récipiendaires de la première édition.

Lancé en 2015, Women in Motion continuera cette année à organiser des Talks ouverts aux journalistes et aux professionnels du cinéma permettront de confronter les expériences et les points de vue de grandes personnalités autour de la question de la contribution des femmes au cinéma, et de partager leurs recommandations pour faire avancer leur représentation au sein de ce secteur.

Cette année, Kering et Unifrance se sont associés pour accélérer le déploiement de Women in Motion et assurer sa présence dans les festivals à l’étranger. Un partenariat de deux ans a été signé pour accroître la portée du programme et l’inscrire dans des manifestations cinématographiques internationales.

Terre de roses, quand les femmes se battent pour la liberté

Posté par MpM, le 8 mars 2017

La journée internationale des Droits des femmes n'est pas seulement une opération marketing permettant de vendre des fleurs ou de promouvoir des parfums, de s'enthousiasmer sur ces femmes qui font des métiers d'hommes, ou ces sportives qui battent tous les records. C'est surtout l'occasion de rappeler très concrètement que les femmes continuent d'être exploitées, maltraitées et considérées comme des êtres inférieurs à travers la planète. Que même dans les pays occidentaux, leurs droits élémentaires sont régulièrement remis en cause. Qu'elles sont toujours fréquemment victimes de violences conjugales ou sexuelles. Mais aussi qu'elles sont les cibles privilégiées en période de conflits, et notamment de la guerre de conquête menée par Daech en Irak et en Syrie, car elles ne sont pas seulement tuées, mais également violées, vendues et transformées en esclaves sexuelles.

C'est avec ce constat en tête que l'on découvrira Terre de roses, un documentaire canadien qui montre le quotidien de combattantes du Parti des travailleurs kurdes (PKK) dans un camp caché au milieu des montagnes du Kurdistan. Ces femmes, vives et joyeuses, ont toutes choisi de rejoindre la guérilla kurde pour s'opposer aux horreurs de l'auto-proclamé Etat islamique. Zaynê Akyol, la jeune réalisatrice, les filme à l'entraînement et pendant les réunions politiques, mais aussi au repos et même dans des moments intimes de toilette ou de confidence. Si l'on sent dans les propos des combattantes l'influence de l'idéologie politique propre au PKK, les raisons qu'elles ont de se battre n'appartiennent qu'à elles. Elles expriment d'ailleurs avec beaucoup de force leur désir d'agir au nom de toutes les femmes du monde, afin d'affirmer non seulement l'égalité entre les sexes, mais surtout leur refus de se laisser réduire par tous les Daech du monde en éternelles victimes.

Terre de roses (ainsi nommé car il s'agit de la traduction française du nom "Gulistan" qui évoque la baby-sitter de Zaynê Akyol partie rejoindre la résistance kurde lorsque la réalisatrice était enfant) s'avère ainsi un document précieux pour connaître la réalité de ces combats lointains qui hantent nos journaux télévisés. C'est aussi un très beau portrait collectif, entre amitié et émulation, bienveillance et bravoure, complicité et abandon. On sent que ces femmes se sont créé une nouvelle famille, une communauté d'esprits tous tendus vers un même but : défendre leur peuple contre la barbarie et l'horreur. Elles savent mieux que quiconque que le prix à payer pour vivre libre et selon ses convictions ne peut jamais être trop élevé.

__________________

Terre de roses de Zaynê Akyol
En salles le 8 mars
Distribué par Eurozoom