Venise 2009 : la compétition

Posté par vincy, le 30 juillet 2009

De Tornatore en ouverture au Van Dormael que personne ne voulait en passant par Chéreau, Akin et Moore, la sélection s'avère surtout renouvelée, en incluant des premiers films comme celui de l'ancien styliste Tom Ford. Etonnament la France est présente en force avec quatre films. Les américains envahissent aussi la lagune au détriment des cinémas d'Amérique latine complètement absents.

Baaria, Giuseppe Tornatore (ouverture)

Soul Kitchen, Fatih Akin

La Doppia Ora, Giuseppe Capotondi

Accident, Cheang Pou-Soi

Persecution, Patrice Chereau

Lo Spazio Bianco, Francesca Comencini

White Material, Claire Denis

Mr. Nobody, Jaco van Dormael

A Single Man, Tom Ford

Lourdes, Jessica Hausner

Bad Lieutenant: Port of Call New Orleans, Werner Herzog

The Road, John Hillcoat

Between Two Worlds, Vimukthi Jayasundara

The Traveller, Ahmed Maher

Lebanon, Samuel Maoz

Capitalism: A Love Story, Michael Moore

Women Without Men, Shirin Neshat

Il Grande Sogno, Michele Placido

36 vues du Pic Saint Loup, Jacques Rivette

Survival of the Dead, George Romero

Life During Wartime, Todd Solondz

Tetsuo The Bullet Man, Shinya Tsukamoto

Prince of Tears, Yonfan

Le prix Louis-Delluc 2008 consacre le monde rural

Posté par vincy, le 12 décembre 2008

prix louis delluc (c) vincy thomas
Avec surprise, Gilles Jacob, président du jury du Prix Louis-Delluc, a annoncé calmement que le Prix Louis-Delluc du premier film était décerné à Samuel Collardey, pour son film sorti en salle la semaine dernière, L'apprenti. Le film n'était pas dans la liste des trois finalistes. Puis, sans tambours ni trompettes, au premier étage du Fouquet's, une partie du jury de ce Goncourt du cinéma sur l'estrade, les caméras en face, le nom du 66e prix Louis-Delluc est annoncé : Raymond Depardon (pour La vie paysanne, diffusé au dernier festival de Cannes). L'apprenti a séduit 19 446 curieux dans les salles, tandis que La vie moderne a attiré en six semaines 200 017 spectateurs. "Il y a un retour à la terre et un hommage au documentaire" explique Gilles Jacob. "Une forte majorité s'est dégagée en faveur de ce film, même si nous avons à un moment imaginé de donner le prix ex aequo aux Plages d'Agnès d'Agnès Varda."

gilles jacob raymond depardon (c) vincy thomasUne demi-heure plus tard, les primés arrivent. En tenue de week-end. Point trop de formalisme. Gilles Jacob revient, entouré des lauréats : "un grand metteur en scène, un grand docuemntariste, un homme d'image, un homme de son..." Il insiste même sur cette singularité. Car, hormis Être et avoir en 2002, le genre n'a jamais reçu ce prix. "On en avait assez d'entendre "C'est un photographe qui fait du cinéma", alors que cela fait 30 ans qu'il fait des films, et des films magnifiques."

gilles jacob et samuel collardey (c) vincy thomasDepardon prend la parole. "L'important c'est de faire du cinéma." Il semble heureux. "Cela fait longtemps que vous me suivez. C'est l'aboutissement d'un parcours, une nostalgie transformée. C'est une évolution qui remonte à l'enfance, un hommage à la cinéphilie, aux cinéastes qui m'ont appris "le bon angle"."

L'obsession d'avoir le juste regard sur les choses : "Je suis toujours un photographe qui recherche la bonne place, filmer ces paysans a été un exercice de conscience et de puissance cinématographique car je ne pouvais pas les faire répéter". Il s'explique, sans amertume, que "le documentaire n'est pas toujours facile, il y a beaucoup de solitude, il faut beaucoup d'énergie et une idée fixe."

raymond depardon (c) vincy thomas raymond depardon photographie (c) vincy thomasDepardon rebondit sur l'actualité en parlant de Werner Herzog et de son cinéma vérité, où l'on ne peut pas faire répéter les acteurs. Puis il laisse Samuel Collardey connaître son quart d'heure de gloire. "Les paysans sont à l'honneur et j'en suis très fier. Je suis aussi très fier d'être associé à Raymond Depardon". Il se place directement en héritier de Depardon, avoue que, depuis la Fémis il s'est laissé accompagner par sa vision cinéphilique. Profils paysans lui a "donné envie de filmer".

La filiation est respectée. Ce cinéma-vérité, cette caméra sans artifice, ce romanesque crû demeure le genre de films qui a le vent en poupe auprès du jury du prix Louis-Delluc ces dernières années. Raymond Deaprdon connaît une saison de tous les honneurs avec une pièce de théâtre adaptée de ses films et mise en scène par Zabou Breitman, une exposition à la Fondation Cartier. Après un César du meilleur film documentaire en 1995, le Delluc 2008 est le plus important prix de cinéma qui lui est décerné.

Festival de la Rochelle, chapitre 1 : Héroïque !

Posté par Martin, le 1 juillet 2008

larochelle_affiche2008.jpgAu festival de La Rochelle, se créent parfois des raccords inattendus de film en film, comme des correspondances secrètes entre les cinéastes. Ainsi Amère victoire de Nicholas Ray était suivi de Fitzcarraldo de Werner Herzog. Ils réfléchissaient tous les deux une vision du héros sortant des chemins battus. Deux époques, deux pays et deux morales, pour une conception du héros opposée mais tout aussi mythologique.

Dans Amère victoire, Johnny Leith (Richard Burton) a tout pour être le parfait héros de guerre. On est en 1943 dans le désert de Libye où il doit récupérer avec un bataillon des documents nazis. Cela débute mal pour lui : il est sous les ordres de Commandant Brand dont il a connu – et aimé – la femme quelques années plus tôt. Un héros qui n’a pas su profiter de l’amour ? Lors de la mission, Brand reste figé l’arme à la main, n’arrivant pas à se jeter sur l’ennemi, c’est Leith qui plonge. Mais plutôt que de jouer la fierté silencieuse, il avoue immédiatement qu’il a eu peur… Cet aveu, c’est celui de tous les grands personnages masculins de Nicholas Ray : les hommes sont fragiles et ne prennent même plus la peine de le cacher. C’est comme si Leith avait conscience qu’il n’y avait plus d’héroïsme possible si ce n’est dans le renoncement. Sa mélancolie contamine tout le récit puisque même l’orgueilleux Brand accroche à la fin sa glorieuse – mais ô combien amère – médaille sur la poitrine d’un pantin d’entraînement. Et c’est ainsi que le héros est mort.

Fitzcarraldo, à l’inverse, serait l’histoire d’une résurrection. Leith est définitivement ailleurs, mais il reste tout de même une pierre dans l’armée. Brian Sweeney Fitzgerald n’appartient plus à rien. Il est seul au milieu des banquiers et apprend à diriger sa propre troupe composée d’Indiens trouvés en chemin. Personne ne croit en lui et pour cause, il est complètement illuminé : porté par un vrai grand rêve de grandeur, il veut faire construire un opéra au milieu de la forêt amazonienne. Le personnage de Klaus Kinski commence par se réinventer un nom de héros d’opéra, Fitzcarraldo, et pourrait d’ailleurs sortir d’un opéra wagnérien. C’est un héros romantique comme il n’en existe plus, ce que semble indiquer la durée du film, celle d’une épopée (2 h 37). Il en a l’énergie solaire ; une force mystérieuse le pousse à avancer et à conquérir tout paysage qui s’offre à lui : remonter le fleuve furieux, traverser la terre même en bateau… C’est absolument impossible, et pourtant il le fait. Dès la première scène, Fitzcarraldo entre dans un opéra après avoir ramé pendant deux jours. Pour qu’on le laisse entrer, en retard, sans billet, il montre ses mains meurtries : c’est la prouesse physique qui lui ouvre les portes, toutes les portes. L’avancée du héros herzogien est filmée comme une montée au ciel : il contemple son œuvre de la cime d’un arbre. Au milieu de la forêt amazonienne, il est vêtu de blanc, cheveux au vent couleur soleil, avec ce regard fou que seul peut avoir Klaus Kinski : voilà le portrait du héros, puissant de sa seule volonté.

Lire le reste de cet article »