Toute tentative pouvant accentuer le sentiment de communautarisme pourrait être critiquable. Cependant, on peut comprendre que la réalité de la discrimination soit bien plus pénible à combattre.
En créant les Trophées du monde noir, le Cran (Conseil représentatif des associations noires) veut, le 23 septembre, récompenser les artistes issus des cultures afro-caribéennes de la littérature, de la musique et du cinéma. Ils auront lieu au Théâtre du Châtelet, lieu d’accueil des récents César.
Aux Etats-Unis, différentes cérémonies segmentent les Afro-américains des autres. Ainsi au cinéma, il y a les Black Reel Awards et surtout, les Image Awards. Ces derniers, à l’origine destinés aux Afro-américains s’est ouvert aux autres minorités. Même si les Latinos ont aussi leur propre cérémonie. Les Image Awards existent depuis 39 ans et sont diffusés en prime time depuis 12 ans. Ils récompensent aussi auteurs, musiciens, artistes du cinéma et de la télévision.
Ainsi des films comme Ali, Ray ou Crash ont été primés, ainsi que des actrices comme Angela Bassett, Morgan Freeman, Whoopi Goldberg, Denzel Washington, Halle Berry, Djimon Hounsou, Kerry Washington, Forrest Whitaker, Queen Latifah ou Jamie Foxx.
« Est-ce un film de Noirs ? »
Pour le Cran, la tâche va être dure. Le cinéma français a peu de stars afro-caribéennes. L’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’Acse, qui a développé avec le CNC une aide dédiée à favoriser la diversité dans la production audiovisuelle, constate que, si la production comprend l’enjeu, ce n’est pas le cas de la diffusion, notamment télévisée.
Le manque de visibilité de cette minorité est réel. Il n’y a aucun Will Smith français… Pire, comme dit le président du Cran, Patrick Lozès, « où sont les fictions où l’on voit un cadre noir déjeuner avec sa femme et ses enfants avant d’aller au travail » à l’image d’un Cosby.
Ceci dit, ne nous leurrons pas. Le chemin est difficile. Comme le dit Queen Latifah dans Hairspray : « un pas après l’autre ». Danny Glover, autre récipiendaire d’un Image Award, grande figure d’Hollywood (La couleur pourpre, L’arme fatale, La famille Tenenbaum), confessait cette semaine : « Vous n’imaginez pas le nombre de producteurs que je suis allé voir, aux Etats-Unis et en Europe. Ils ont dit « C’est un superbe projet », puis « Est-ce un film de Noirs ? » ».
Glover a annoncé qu’il allait réaliser un film sur le révolutionnaire haïtien Toussaint-Louverture. « Ils pensent tous qu’un film sans héros blancs ne marchera ni en Europe, ni au Japon… » Il a dû réunir un budget de 22 millions d’euros, dont plus de la moitié proviendra d’un organisme culturel vénézuélien créé par le président Hugo Chavez. Il réunira Don Cheadle, Mos Def, Wesley Snipes et Angela Bassett.
Mais, même si les Trophées du monde noir sont légitimes, quel sera leur impact sur le seul indice qui compte pour les producteurs : la popularité d’un artiste ou les recettes d’un film... ?
P.S. L'illustration parle d'elle-même. D'un côté le Cosby Show, programme mondialement connu dans les années 80 ; de l'autre Plus belle la vie, programme très populaire des années 2000.