5 bonnes raisons de voir Sorry to Bother You de Boots Riley

Posté par wyzman, le 29 janvier 2019

En salle dès aujourd’hui, Sorry to Bother You est de ces oeuvres qui divisent tant il est inclassable. Voici pourquoi :

Le pitch est génial. Après avoir décroché un boulot de vendeur en télémarketing, Cassius Green (à prononcer "cash is green")  découvre une méthode magique pour gagner beaucoup d’argent. Au moment où sa carrière décolle, amis et collègues se révoltent contre leur propre exploitation. Malheureusement, Cassius semble bien plus intéressé par sa prochaine augmentation. Annoncé comme une comédie, Sorry to Bother You oscille constamment entre la satire anarchique, le thriller politique et le film de science-fiction. Le spectateur rit — beaucoup — mais ne manque pas d’être bousculé voire révolté par certaines scènes.

Le scénariste-réalisateur a mis tout son coeur. Plus connu sous le nom de "Boots Riley", Raymond Riley s'est fait un nom grâce aux groupes The Coup et Street Sweeper Social Club. Très apprécié dans le milieu du hip-hop pour ses textes politiques, le rappeur de 47 ans se mue ici en cinéaste de génie. Sa mise-en-scène rappelle par moments celles de Michel Gondry chez les Français et de Charlie Kaufman chez les Américains. Coloré et sombre à la fois, Sorry to Bother You est un grand film, drôle et effrayant, réfléchi et réflexif, à ranger près des oeuvres de Spike Lee et Stanley Kubrick.

Le sous-texte politique est ahurissant. Sur les conseils du sympathique Langston, Cassius adopte "une voix de Blanc", véritable symbole de l’Amérique actuelle. En effet, pour éviter de se fermer des portes et avoir une chance de réussir dans un pays où le taux de chômage des Noirs est deux fois supérieur à celui des Blancs, le particulièrement fauché Cassius est prêt à tout. Peut-être même un peu trop puisque Sorry to Bother You raconte ici et là comment des minorités sont contraintes d'atténuer certaines de leurs spécificités pour mieux s'intégrer. Running gag qui ne déçoit jamais, les changements de voix sont l’oeuvre d’un doublage réussi. Raison de plus voir Sorry to Bother You en version originale !

Le casting vaut le détour. Pour incarner son héros un peu salaud sur les bords, Boots Riley a fait confiance au génial Lakeith Stanfield (Get Out, Atlanta). Les incontournables Tessa Thompson et Danny Glover incarnent respectivement et avec brio la petite amie arty de Cassius et son collègue pragmatique. Bien que l’on note les présences des hilarants Terry Crews et Steven Yeun, c’est finalement par Armie Hammer que l’on ressort encore plus conquis. En PDG déjanté et cocaïnomane, la star de Call Me by Your Name fait des merveilles.

Le résultat final est passionnant. A la fois drôle, piquant et complètement barré, Sorry to Bother You est la comédie dont nous avions cruellement besoin pour commencer l’année. Indépendant sur le papier mais aussi foutraque qu’un projet trop ambitieux de major hollywoodienne une fois à l’écran, Sorry to Bother You est presque incomparable, une oeuvre que l’on adore ou que l’on déteste mais qui ne peut pas être mise devant tous les yeux. Si vous avez aimé la folie de Get Out, celle de Sorry to Bother You vous fera un bien fou.

Nelson Mandela (1918-2013), un destin cinégénique!

Posté par vincy, le 5 décembre 2013

Rarement personnage public, a fortiori politique, n'aura été autant incarné au cinéma, de son vivant. Comme si le mythe était déjà évident, comme si la légende se construisait avant même son décès. Nelson Mandela, symbole de la lutte contre l'Apartheid, ancien Président de l'Afrique du Sud "réconciliée", Prix Nobel de la paix, est décédé aujourd'hui à l'âge de 95 ans.

Morgan Freeman l'a incarné dans le film de Clint Eastwood, Invictus (2009), qui se focalisait sur les enjeux de la coupe de monde de rugby qui se déroulait dans le pays alors que Mandela était président.

Récemment Terrence Howard fut Mandela dans Winnie (2011). Et le 18 décembre sur les écrans français Idris Elba sera "Madiba", comme on le surnomme, dans le biopic Mandela: Long Walk to Freedom, qui reprend ainsi le titre de l'autobiographie de Mandela parue il y a 18 ans, de Justin Chadwick. Le film suit l'itinéraire de Mandela, depuis son enfance chez les Xhosas jusqu'à son investiture à la présidence du pays en 1994, et s'attarde sur sa relation politique et intime avec sa femme Winnie Mandela.

Trois autres grands comédiens afro-américains ont eu l'honneur d'être Mandela au cinéma et à la télévision. Dennis Haybert l'a interprété dans Goodbye Bafana (2007), en tant que prisonnier politique sur l'île de Robben : jugé en 1964 et condamné à perpétuité, il avait été envoyé dans ce bagne insulaire, où l'incarcération fut pénible et éprouvante. Sidney Poitier (face à Michael Caine) refit l'histoire dans le téléfilm Mandela and de Klerk (1997). De Klerk, qui partagea le prix Nobel avec Madiba, est celui qui leva l'interdiction du mouvement ANC et libéra Mandela en 1990.
Mais c'est dix ans plus tôt, que Danny Glover dans un autre téléfilm de prestige, Mandela, fit entrer le grand homme dans l'univers d'Hollywood.

Un seul cinéaste a osé mettre à l'écran Nelson Mandela lui-même, dans le rôle d'un enseignant à Soweto : Spike Lee, dans Malcom X (1992).

Stephen Frears tourne un téléfilm sur Mohammed Ali

Posté par vincy, le 10 août 2012

Depuis quelques années, Stephen Frears nous gratifie de comédies plus ou moins réussies et légères. Dernière en date, Lady Vegas, sur nos écrans depuis mercredi, qui a séduit à peine 3 000 spectateurs français le jour de son lancement. Il semblerait que le cinéaste opère un virage vers les biopics. Les producteurs du film biographique sur Freddie Mercury, le leader du groupe Queen, l'ont mis en tête de liste pour le réaliser. Le scénario est en phase de finalisation, écrit par Christopher Wilkinson et Stephen J. Rivele (Ali, Nixon). Sacha Baron Cohen devrait interpréter l'icône gay du rock anglais.

En attendant son accord définitif, Frears tourne actuellement  Muhammad Ali's Greatest Fight pour la chaîne de télévision HBO (ce qui n'empêchera pas le film de sortir éventuellement dans les salles à l'étranger ou d'être présenté dans un grand festival. Le film se concentre sur le combat de Mohammed Ali contre le gouvernement américain, dans le cadre de la guerre du Vietnam. Scénarisé par Shawn Slovo, le film est interprété par Danny Glover (dans le rôle du premier juge suprême afro-américain, Thurgood Marshall), le réalisateur Barry Levinson (dans le rôle du juge suprême Potter Stewart), Christopher Plummer, Frank Langella, Benjamin Walker.

Le récit se concentre essentiellement sur deux années de sa vie. Mohammed Ali, qui fut ovationné lors de la cérémonie des J.O. de Londres il y a deux semaines, avait refusé, en 1966, de servir dans l'armée américaine et devint objecteur de conscience. En avril 1967, il refuse l'incorporation et le 8 mai il est jugé. Le 20 juin, il est condamné à 5 ans d'emprisonnement, perdant du même coup sa licence de boxe et son titre. Grâce à son appel, il ne sera pas incarcéré mais son affaire ne sera résolue que par la Cour Suprême en 1971. Il devra attendre 1974 pour récupérer son titre de champion du monde poids lourds.

Frears a deux autres projets en ligne de mire : le remake américain de son propre film, The Hit (1984) et l'adaptation du documentaire The Bengali Detective (voir actualité du 19 novembre 2011).

Deauville 2011 : Hommage à Danny Glover

Posté par kristofy, le 7 septembre 2011

Le Festival du Cinéma Américain de Deauville a rendu un hommage à l’acteur Danny Glover. A cette occasion Deauville fait redécouvrir ses films La couleur pourpre, L’arme fatale, La rage au cœur, Grand Canyon, Boesman et Lena.

Pour accompagner cet hommage il y a eu la projection en avant-première de Black Power Mixtape 1967-1975 de Göran Hugo Olsson dont Danny Glover est un des co-producteurs, et qui avait été primé meilleur documentaire étranger au festival de Sundance 2011. On y découvre le mouvement Black Power avec des images d’archives de télévision suédoise (des reporters qui donnent une image positive des activistes alors les médias américains conservateurs n’évoquaient surtout que troubles et violences) avec un commentaire de différents artistes afro-américians d’aujourd’hui (Erykah Badu, Talib Kweli, Questlove, Melvin Van Peebles…). Le documentaire évoque les figures de Martin Luther King, Stokely Carmichael et Angela Davis avec des propos qui résonnent encore aujourd’hui.

Après un rôle dans L’évadé d’Alcatraz de Don Siegel, ses débuts d’acteur sont remarqués avec des films qui sont nommés aux Oscars : La saison du cœur de Robert Benton, Witness de Peter Weir, La couleur pourpre de Steven Spielberg. Il sera ensuite un visage connu à Hollywood avec des films aussi différents que la quadrilogie de L’arme fatale de Richard Donner, L’idéaliste de Francis Ford Coppola, La famille Tenenbaum de Wes Anderson, Saw de James Wan, 2012 de Roland Emmerich. Il apparaît aussi dans Manderlay de Lars Von Trier, Be kind rewind de Michel Gondry et Blindness de Fernando Meireilles. Il a aussi joué dans plusieurs films à destination de la télévision pour lesquels il est co-producteur.

Danny Glover a eu 65 ans en juillet dernier et pour lui cet hommage lui fait mesurer le chemin parcouru, et plus important que sa carrière au cinéma ce sont les personnes qui l’ont accompagné et le regard de son petit-fils et celui de sa femme.

- A propos du dixième anniversaire des évènements du 11 septembre 2001 :

- La question qu’il faut se poser c’est : est-ce que le monde est plus sûr dix ans après ? Le monde sera plus sûr si on s’attelle aux questions de pauvreté, de partage des ressources. La seconde guerre mondiale ferait pâle figure à côté du mal que nous avons fait en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud. Le monde sera plus sûr si on donne du bien-être à ceux qui vivent sur cette planète.

Danny Glover est aussi un homme engagé en faveur de différentes causes (droits civiques, travailleurs défavorisés, le parti démocrate, contre la guerre en Irak, accès à l’éducation…) pour lesquelles il fait entendre sa voix, il a d’ailleurs été Ambassadeur de bonne volonté pour les Nations Unies entre 1998 et 2004 et aussi Ambassadeur pour l’Unicef. Depuis 2005 il est co-producteur de différents films qui portent d’autres visions du monde comme Bamako de Abderrahmane Sissako, Le temps qu’il reste de d’Elia Suleiman ou Oncle Boonmee celui qui se souvient de ses vies antérieures de Apichatpong Weerasethakul.

Danny Glover en images

Deauville 2011 : une 37e édition qui condense le meilleur du cinéma américain contemporain

Posté par MpM, le 18 août 2011

Deauville 2011Chaque année, le Festival américain de Deauville lance la rentrée cinématographique en proposant un condensé de films US attendus ou ayant fait parler d'eux tout au long de l'année. On retrouvera donc dans la programmation 2011 une poignée de bonnes surprises cannoises (l'excellent Take shelter de Jeff Nichols, bien placé pour un grand prix, Drive de Nicolas Winding Refn, Restless de Gus Van Sant, et même The artist de Michel Hazanavicius) et quelques titres qui ont fait parler d'eux lors d'autres manifestations comme Yelling to the Sky de Victoria Mahoney (Berlin) ou En secret de Maryam Keshavarz (Paris Cinéma). Sans oublier l'avant-première française du nouvel Abel Ferrara, en compétition à Venise, 4:44 Last Day on Earth.

C'est à la fois l'occasion de faire le point sur la programmation "indépendante" (à l'honneur dans la compétition), et de prendre de l'avance sur les "grosses sorties" de l'automne, voire de l'hiver, telles que Too Big to Fail de Curtis Hanson, La Couleur des sentiments de Tate Taylor (d'après le best-seller éponyme) ou Dark Horse de Todd Solondz (vérifier les dates). Pas vraiment de quoi découvrir des pépites insoupçonnées jusque-là, mais un moyen efficace de se tenir au courant.

D'autant que Deauville s'agrémente également d'une section documentaire (Les docs de l'Oncle Sam), de nuits rétrospectives "pour se réapproprier le patrimoine du cinéma américain" et de sessions consacrées aux séries télé. Sans oublier des hommages rendus, parfois en leur présence, à des personnalités incontournables du cinéma américain. Cette année, ce sont ainsi Francis Ford Coppola, Todd Solondz, Naomi Watts, Shirley MacLaine et Danny Glover qui seront à l'honneur.Un hommage à Blake Edwards sera rendu.

Bien sûr, Ecran Noir sera sur place pour vous faire vivre cette grande fête du cinéma américain au jour le jour.

Les quatorze films de la section compétitive :
Another Happy Day de Sam Levinson,
All She Can d'Amy Wendel,
Another Earth de Mike Cahill,
Detachment de Tony Kaye,
En secret (Circumstance) de Maryam Keshavarz,
Jess + Moss de Clay Jeter,
On the Ice d'Andrew Okpeaha MacLean,
Return de Liza Johnson,
Take Shelter de Jeff Nicols, Terri d'Azazel Jacobs,
The Dynamiter de Matthew Gordon,
Trust de David Schwimmer,
Without de Mark Jackson,
Yelling to the Sky de Victoria Mahone

Les jurys

Le jury principal : Olivier Assayas (Président), Nathalie Baye, Chiara Mastroianni, Bruno Todeschini, Claire Denis,  Nicolas Godin (Air),  Angelin Preljocaj et Jean Rolin.

Le jury révélation : Samuel Benchétrit (Président), Leila Hatami, Sabrina Ouazani, Elisa Sednaoui et Benjamin Siksou

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Festival du cinéma américain de Deauville
37e édition
Du 2 au 11 septembre 2011
Informations et programme sur le site de la manifestation

Lancement des Trophées du monde noir

Posté par vincy, le 22 juillet 2008

blacks.jpgToute tentative pouvant accentuer le sentiment de communautarisme pourrait être critiquable. Cependant, on peut comprendre que la réalité de la discrimination soit bien plus pénible à combattre.
En créant les Trophées du monde noir, le Cran (Conseil représentatif des associations noires) veut, le 23 septembre, récompenser les artistes issus des cultures afro-caribéennes de la littérature, de la musique et du cinéma. Ils auront lieu au Théâtre du Châtelet, lieu d’accueil des récents César.

Aux Etats-Unis, différentes cérémonies segmentent les Afro-américains des autres. Ainsi au cinéma, il y a les Black Reel Awards et surtout, les Image Awards. Ces derniers, à l’origine destinés aux Afro-américains s’est ouvert aux autres minorités. Même si les Latinos ont aussi leur propre cérémonie. Les Image Awards existent depuis 39 ans et sont diffusés en prime time depuis 12 ans. Ils récompensent aussi auteurs, musiciens, artistes du cinéma et de la télévision.
Ainsi des films comme Ali, Ray ou Crash ont été primés, ainsi que des actrices comme Angela Bassett, Morgan Freeman, Whoopi Goldberg, Denzel Washington, Halle Berry, Djimon Hounsou, Kerry Washington, Forrest Whitaker, Queen Latifah ou Jamie Foxx.

« Est-ce un film de Noirs ? »
Pour le Cran, la tâche va être dure. Le cinéma français a peu de stars afro-caribéennes. L’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’Acse, qui a développé avec le CNC une aide dédiée à favoriser la diversité dans la production audiovisuelle, constate que, si la production comprend l’enjeu, ce n’est pas le cas de la diffusion, notamment télévisée.
Le manque de visibilité de cette minorité est réel. Il n’y a aucun Will Smith français… Pire, comme dit le président du Cran, Patrick Lozès, « où sont les fictions où l’on voit un cadre noir déjeuner avec sa femme et ses enfants avant d’aller au travail » à l’image d’un Cosby.

Ceci dit, ne nous leurrons pas. Le chemin est difficile. Comme le dit Queen Latifah dans Hairspray : « un pas après l’autre ». Danny Glover, autre récipiendaire d’un Image Award, grande figure d’Hollywood (La couleur pourpre, L’arme fatale, La famille Tenenbaum), confessait cette semaine : « Vous n’imaginez pas le nombre de producteurs que je suis allé voir, aux Etats-Unis et en Europe. Ils ont dit « C’est un superbe projet », puis « Est-ce un film de Noirs ? » ».
Glover a annoncé qu’il allait réaliser un film sur le révolutionnaire haïtien Toussaint-Louverture. « Ils pensent tous qu’un film sans héros blancs ne marchera ni en Europe, ni au Japon… » Il a dû réunir un budget de 22 millions d’euros, dont plus de la moitié proviendra d’un organisme culturel vénézuélien créé par le président Hugo Chavez. Il réunira Don Cheadle, Mos Def, Wesley Snipes et Angela Bassett.

Mais, même si les Trophées du monde noir sont légitimes, quel sera leur impact sur le seul indice qui compte pour les producteurs : la popularité d’un artiste ou les recettes d’un film... ?

P.S. L'illustration parle d'elle-même. D'un côté le Cosby Show, programme mondialement connu dans les années 80 ; de l'autre Plus belle la vie, programme très populaire des années 2000.