Ministre depuis quelques jours, Aurélie Filippetti, en charge de la Culture et de la communication, réalise une opération de charme sur la Croisette. Parmi les temps forts de sa visite de 48 heures, la remise des insignes de Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres à 65e édition du festival de Cannes.
Au Café des Palmes, dans le Palais des Festivals, en cette fin d'après midi, on côtoie Gilles Jacob, Thierry Frémaux, le jury du festival au grand complet, Eric Garandeau, Président du CNC, David Kessler, tout juste nommé conseille culture et médias du président de la République, les responsables communication des différentes institutions... La Ministre arrive, serre les mains. Elle va commencer son discours, avec à ses côtés le cinéaste de La chambre du fils, Palme d'or en 2001.
Elle commence avec l'histoire qui relie le réalisateur au Festival. Six de ses films ont été sélectionnés. "En 1978, il réalise Ecce Bombo qui raconte les rapports difficiles d’un étudiant avec son entourage. Gilles Jacob qui vient de prendre ses fonctions de Délégué général du Festival de Cannes, décide de le programmer en sélection officielle car il pressent déjà le devenir du réalisateur Nanni Moretti." Elle n'oublie pas les autres sélections : "En 2004, la Quinzaine des Réalisateurs lui rend hommage en lui décernant le Carrosse d’or en hommage à « Un italien qui a su rendre l’honneur à son pays par la qualité d’œuvres singulières de ses films, ses prises de positions publiques et son courage politique » déclare à cette occasion Pascal Thomas, alors délégué Général de la Quinzaine."
Rappelant sa polyvalence (producteur, acteur, exploitant, distributeur...), elle loue ses initiatives, notamment celle d'avoir "donner aux jeunes cinéastes qui débutaient la chance que vous-même aviez eue".
Dans un bel hommage, Aurélie Filippetti évoque son travail : "Dans vos œuvres, vous avez souvent semblé parler de vous, au premier abord. C’est votre présence qui donne à votre cinéma sa cohérence. Mais c’est en fait pour mieux parler des autres, et de ce qui vous entoure. (...) Pour interroger, souvent, cette Italie que vous aimez, que nous aimons ; pour évoquer les crises qui ébranlaient « il bel Paese »."
Les origines italiennes de la Ministre, ainsi que son engagement politique, donnent une tournure particulière à cette remise de médaille. "Vous n’avez pas hésité à vous engager publiquement au tournant des années 2001/2002. Comment oublier ces rondes citoyennes, ces « girotondi » impulsées notamment par vous, face au pouvoir de l'époque?"
"Comme l’a écrit Serge Toubiana, à travers votre cinéma, tel un sismographe, vous avez raconté l’histoire de l’Italie de ces trente dernières années" poursuit-elle. Saluant "l'immense créateur formel", remémorant "ce long travelling vous filmant en Vespa à travers les rues de Rome déserte en plein mois d’août, jusqu’à la plage d’Ostie" avec "en fond sonore, une composition de Keith Jarrett", s'arrêtant su cette plage d'Ostie pour prendre "dans nos bras tremblants le corps martyrisé de Pier Paolo Pasolini, immense cinéaste, poète, romancier, dramaturge : la quintessence de l’artiste total", elle rend hommage aux artistes engagés, aux artistes du monde.
Elle conclura en italien, bien qu'elle ait hésité à le faire, son discours. "Vous êtes, pour toujours, une page vibrante de notre « journal intime »".
Une fois la médaille autour du cou, Nanni Moretti parle à son tour. "Je suis un spectateur heureux a Cannes." commence-t-il. "Ma Vespa que vous avez cité, je l'ai encore et malheureusement pour mon dos, je n'arrive pas à m'en passer." Il remercie chaleureusement la France, où son "cinéma n'a toujours pas été recalé" à l'examen. Comme il l'avait dit lors de la conférence de presse du jury, mercredi 16 mai, il "remercie la Ministre pour l'attention" qu'elle "porte, pas seulement aux films, mais au cinéma en tant que fait artistique et culturel". "Les Français sont généreux avec mes films et c'est une histoire d'amour qui continue", a-t-il ajouté. Il termine son discours en remerciant tout le monde et notamment "Jacob et Frémaux". Moretti est désormais El Commandor, comme l'avait surnommé Alexander Payne, membre du jury, la veille de l'ouverture du Festival.