Dinard 2012 : les belles échappées de Marjane Satrapi
Membre du jury du Festival du film Britannique de Dinard cette année, la touche-à-tout Marjane Satrapi savoure cette pause bretonne avant une année 2013 chargée.
Elle vient de boucler son troisième long-métrage, mais le premier qu'elle réalise en solo : La bande de jotas. Tourné en douze jours dans le sud de l'Espagne avec une équipe réduite de cinq personnes, elle a imaginé ce délire - tuer des gens sous prétexte que leur prénom commence par une jota - sans vraiment penser à le sortir en salles. "Je dans, je chante, je joue. J'ai même filmé mon mari en slip" explique-t-elle. L'idée n'était pas forcément de le sortir en salles. "Si c'était réussi, j'étais prête à le montrer à mes copains lors d'une projection spéciale". Mais voilà, un distributeur a aimé le projet. Urban distribution compte le sortir sur dix à quinze copies. Et l'auteure de Persépolis avoue désormais vouloir faire une série de films avec cette bande au fil des années qui passent. "Je suis fumeuse, je bois, il me reste quoi, trente ans à vivre. Un projet me prend trois ans..." La voici donc avide de profiter de son autonomie. Le film lui a coûté 40 000 euros, dont la moitié en production. "Je préfère mettre mon épargne dans un film que dans des vêtements, une maison de vacances ou ce genre de choses". Cette "chef d'entreprise", tel qu'elle se voit, un peu "communiste" au fond, a financé ce projet dans un esprit de coopérative : "je voulais une liberté totale". Elle s'est donnée les moyens de s'affranchir du qu'en dira-t-on et s'amuse à être là où on ne l'attend pas. Aucune BD en perspective et d'ailleurs, étrangement, même la belle affiche du film, stylisée, qu'elle nous montre sur son iPhone a été dessinée par son compositeur. Son talent graphique s'exprime autrement ces temps-ci.
Marjane Satrapi peint le matin. Elle prépare sa première exposition, qui débutera le 29 janvier à la galerie Jérôme de Noirmont (Paris 8e). L'après-midi, elle travaille sur son quatrième film, The Voices. Une commande américaine à partir d'un scénario de Michael Perry (Paranormal Activity 2). Une histoire de psychopathe qu'elle devrait tourner en avril prochain. "C'est un scénario irrévérencieux, pas moraliste" explique-t-elle. L'irrévérence, c'est ce qu'elle aime dans le cinéma britannique : "ils ont inventé le punk, les Monty Python, la pop..." C'est une des raisons pour laquelle elle est ici, à Dinard.
L'autre raison c'est la curiosité. "C'est bien de découvrir, de rencontrer des films, des gens qu'on n'aurait jamais vu. Même les mauvais films nous apprennent des choses" nous confie-t-elle. Marjane Satrapi aime être dans les jurys. "Ce n'est pas pour le bel hôtel, ou parce qu'on m'offre du foie gras. J'ai les moyens d'aller dans ces hôtels et de l'offrir du foie gras". Et le cinéma anglais lui parle, qu'il soit drôle comme Joyeuses funérailles ou social. Fan d'Aki Kaurismaki, elle l'est aussi de Ken Loach. "Ce sont les deux seuls qui font un cinéma social où ce n'est pas un bourgeois qui regarde les pauvres dans un zoo. Ils font un cinéma humain, pas misérabiliste."
Avec un emploi du temps chargé, des projets plein la tête, un enthousiasme communicateur, un humour aussi franc qu'incorrect, Satrapi a un moteur qui tourne à l'envie. La vie est courte : il faut la remplir.
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