Le Festival du film de Tokyo subit la guerre diplomatique du Japon avec la Chine

Posté par vincy, le 20 octobre 2012

feng shui wang jing yan bingyanLe 25e Festival de Tokyo, prévu du 20 au 28 octobre 2012, est dans la confusion la plus totale avec l'un de ses films de la compétition.

Feng Shui, de Wang Jing, est-il toujours dans la course aux prix du vénérable festival (et l'un des plus importants d'Asie)? La Chine a décidé de le retirer, unilatéralement, de la sélection, en guise de représailles diplomatiques. Depuis cet été les deux pays sont en litige autour des îles - inhabitées - Senkaku (nom japonais, les Chinois les appelant Diaoyutai). Cette dispute territoriale a déjà amené les Chinois à retirer des livres japonais de la vente en Chine.

Seulement voilà. Le Festival indique dans un communiqué qu'il n'a, pour l'instant, reçu aucune lettre ou notification officielle de la Chine à propos du film. Il est fort probable que le Festival conserve son indépendance artistique en ne tenant pas compte de la volonté chinoise.

Par conséquent, le film est maintenu dans la compétition même si les producteurs (qui dépendent politiquement et financièrement du gouvernement chinois) ont annoncé jeudi que "le gouvernement japonais et les partis d'extrême-droite n'ont pas manifesté une attitude sincère quand aux causes même de ce différend qui a heurté profondément le peuple chinois", confirmant ainsi la volonté de la Chine de ne pas être présente au Festival de Tokyo.

Par le relais de l'agence chinoise Xinhua, un communiqué a été envoyé, affirmant que Feng Shui était retiré de l'événement, qui débute aujourd'hui. L'organisation de la manifestation a également confirmé que l'actrice du film, Yan Bingyan avait annulé sa venue, sans donner une raison particulière.

Sans savoir si lié, le hong-kongais Raymond Chow, certes très vieux (83 ans), fondateur mythique de la Golden Harvest (Bruce Lee, Jackie Chan), a lui aussi annulé sa participation. Il devait recevoir un prix d'honneur pour l'ensemble de sa carrière. A priori, il invoque plutôt une raison médicale.

Le Festival de Tokyo présentera en compétition le film français Le fils de l'autre, en séances spéciales Les adieux à la Reine, le nouvel Assayas, dans la sélection World Cinéma, mais aussi l'avant-première de Skyfall, le film du Cirque du Soleil, Worlds Away, en ouverture et Une nouvelle chance, avec Clint Eastwood, en clôture. Le jury est présidé par Roger Corman.

Saint-Jean de Luz 2012 : trois questions à Patrick Ridremont (Dead Man Talking)

Posté par redaction, le 20 octobre 2012

Après avoir totalement bluffé le public du Festival des jeunes réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz la veille de notre entretien, Patrick Ridremont nous a raconté le laborieux travail qu’a été Dead Man Talking, son premier long métrage en compétition, qui a reçu le prix du public . L'acteur et réalisateur belge, encore fatigué de la soirée, a pourtant trouvé le moyen d’égayer avec finesse et humour décalé cet échange convivial.

Ecran Noir : C’est votre première venue au festival et aussi votre premier long métrage. Anxieux ?
Patrick Ridremont : Oui ! Hier c’était la première fois que le film était confronté à un public français, alors que le film est déjà sorti en Belgique. Mon humour, mon second degré, ma cruauté correspondent à quelque chose que les belges connaissent. Mais le côté un peu plus anglo-saxon qu’il y a dans le film, le décalage, je ne savais pas si le public français allait être réceptif. C’est un public un peu plus pointu sur certaines choses. Donc il y avait en effet une grosse angoisse, mais aujourd’hui je suis rassuré.

EN : Pour une première expérience sur grand écran, pourquoi avoir choisi ce sujet [NDLR : le récit d'un condamné à mort avant son exécution] ?
PR : Par mon métier de comédien, je me pose beaucoup de question sur cette chose bizarre qui pousse quelqu’un à vouloir rentrer dans la lumière et plaire aux gens. Je vis dans mon fond de commerce. Et sans vouloir en faire une question de métaphysique, ça peut créer des angoisses, en tout cas des questions existentielles chez moi. Et partant de là, je m’interroge aussi sur la vie de tout le monde. Je suis absolument athée, mais je suis un profond humaniste. C’est très simple : je ne m’interroge pas sur : « y a-t-il une vie après la mort » mais « y a-t-il une vie avant la mort ». Et mon film parle un peu de ça : d’un homme mort-né, de personnes non-existantes. Et il y a des personnes autour de nous qui donnent le sentiment de ne pas vraiment vivre, qui ne vivent pas, et c’est ça qui m’intéressait. C’est une fable existentielle.


EN : On devine très bien votre expérience théâtrale passée dans le film. Cela n’a pas été difficile de départager théâtre et cinéma ?

PR : C’est un travail très compliqué mais il ne faut pas être honteux du théâtre. Personnellement, le cinéma qui m’insupporte le plus, c’est celui qui essaie d’être trop naturel, où le texte se prononce du bout des lèvres. J’aime quand tout est construit, quand les lumières sont étudiées, quand les couleurs sont théâtrales. Je préfère un cinéma qui ressemble plus à un roman graphique qu’à un simple documentaire. Ce qui a été difficile, ça a été de convaincre les autres que je pouvais faire ça, que c’était une bonne idée d’aller dans l’extra-théâtralité. Je n’ai pas eu peur de cette théâtralité, je revendique une certaine forme de représentation. Représenter les choses, au lieu de les montrer, réinventer le temps et le lieu, chose que le théâtre fait tout le temps. Mettre une musique dans un film sur un passage triste, c’est l’extra-théâtralité et ça ne correspond à rien dans la vie : on n’entend pas de musique autour de soi à un enterrement. Il n’y a qu’au cinéma que l’on fait ça, c’est pour ça que je le trouve théâtral. Ce travail a pris douze ans. C’est un travail de longue haleine, un travail terrible. J’ai l’impression d’avoir fait mon requiem, c’est comme un testament. Et si je devais m’arrêter à un film, je serai fier de m’arrêter avec celui-là.

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Propos recueillis par Yanne Yager