Seulement 17 films français rentables dans les salles en 2012

Posté par kristofy, le 8 janvier 2013, dans Bilan 2012, Business, Films.

Le cinéma français est en ébullition depuis la tribune de Vincent Maraval, producteur et distributeur de la société Wild Bunch : il pointe du doigt e les acteurs payés trop chers et le financement des télévisions qui alimentent des films qui perdent de l’argent : "L'année du cinéma français est un désastre, tous les films français de 2012 dits importants se sont plantés, perdant des millions d'euros". Et les réactions de se suivent pour préciser qu’il ne faut pas tout mélanger, chaque clocher (acteurs, réalisateurs, producteurs, CNC…) défendant sa position (voir les différentes réactions ici). Pourtant Vincent Maraval n’a pas tort quand il dénonce que "les films sont trop chers", beaucoup sont produits avec un budget beaucoup trop élevé par rapport au nombre de spectateurs potentiels… Maintenant leur rentabilité ne dépend pas que des salles : ventes internationales, vidéo, diffusions TV, vidéo à la demande, éventuelles licences... les revenus sont multiples et se répartissent sur des années.

Trop de films?

Reste qu'en salles, la vérité est cruelle :  seuls 17 films français de l'année 2012 auraient été rentables (dont 3 documentaires) soit seulement 14% de la production cinématographique française des douze derniers mois. D’un point de vue strictement financier c’est une catastrophe, cependant il y a des nuances d’interprétation de ces chiffres qu’il convient de prendre en compte. Déjà la concurrence est rude avec des sorties hebdomadaires encombrées d’une quinzaine de nouveaux titres : si la France peut s’enorgueillir de faire bénéficier sa production nationale de 40% des entrées, le fait qu’il y ait trop de films en même temps sur les écrans est un réel problème. Ainsi, plus de la moitié des films ne peut pas trouver son public… A noter que le fait n’est pas nouveau : déjà en 2010 seuls trois films auraient amorti leur coût de production directement avec leurs entrées dans les salles françaises : Des hommes et des dieux, film d'auteur primé à Cannes, L’Arnacoeur, avec deux acteurs réputés "non bankables" pour les chaînes de télévision qui n'avaient du coup pas financer le film, et Mammuth avec Gérard Depardieu, qui avait d’ailleurs tourné pour un cachet minimal. Globalement ces 14% de films rentables se situent dans la moyenne des dernières années. Pas de quoi paniquer.

Du Fils de l'autre au Prénom

Cette année, le top 10 des films bénéficiaires rassemble Les Kaïra, champion toute catégorie (1,015 M d'entrées, 4,4 M d'euros de budget), Adieu Berthe ou l'enterrement de mémé (700 000 spectateurs), Le Prénom (3,3 millions), Kirikou et les hommes et les femmes (1,08 M d'entrées), Et si on vivait tous ensemble? (520 000 entrées), Camille redouble (876 000 entrées), Le fils de l'autre (251 000 spectateurs), Les infidèles (2,3 M d'entrées), Du vent dans mes mollets (614 000 spectateurs), Mince alors! (1,45 M d'entrées), selon un ratio budget/nombre d’entrées en France.

Il s’agît d’un indicateur important à partir duquel il est possible de faire des prospectives pour de futures opérations de marketing (date de sortie idéales et médias et public-cible à privilégier), et surtout pour favoriser le financement d’autres histoires à priori pas forcément ‘bankable’. Ainsi,, hormis Kirikou, aucun de ces films n'est sorti durant le dernier trimestre. Contrairement aux préjugés, 4 films sont sortis durant l'été. Côté histoires, on retrouve deux films à sketches (dont une suite, qui plus est animée), une adaptation théâtrale, une adaptation d'un programme court... et six scénarios originaux. Trois de ces films sont signés par des réalisatrices. Et sinon, on compte malgré tout une grande part de comédies (avec des nuances : romantiques, dramatiques, ...). Ce sont tous des films "du milieu", disposant de budgets corrects mais pas ostentatoires.

On peut ajouter trois documentaires à la liste : Bovines ou la vraie vie des vaches, La vierge, les coptes et moi et Les invisibles (118%).

La vérité si je mens 3, Cherchez Hortense, Le grand soir et L'amour dure trois ans ont quasiment équilibré les comptes lors de leur exploitation.

Des films ciblant plusieurs publics

La liste des films les plus rentables depuis 2002 est bien plus éloquente, le podium revient à Intouchables, Bienvenue chez les Ch'tis et Les Choristes. Ensuite, on trouve Être et avoir, Mariage chez les Bodin's, Brice de Nice, Des hommes et des dieux, Les 11 commandements, La Marche de l'empereur, Entre les murs, Nos enfants chéris, Je vous trouve très beau, Neuilly sa mère!, L’auberge espagnole, et La Guerre est déclarée. Il est même possible d’en déduire (ainsi que pour 2012) que la majorité des tranches d’âges de spectateurs se dirigent d’abord vers des films plutôt étrangers, et que les films français les plus rentables sont ceux qui savent attirer le plus les deux tranches extrêmes de la population : les enfants (moins de 18 ans, les classes scolaires) et les seniors…

Les marchés internationaux, nouvel eldorado ?

Il ne faut pas oublier que ce ratio budget/recettes en salles françaises est réducteur car il exclu injustement certains films français encore plus rentables : ceux exploités à l’international et qui ont du succès ailleurs dans le monde. En 2012, les productions françaises ont gagné 130 millions de spectateurs hors de nos frontières, proche du double de 2011 avec 74 millions de spectateurs dans d’autres pays. Ces bons chiffres sont emmenés par The Artist (13 millions de spectateurs à l'étranger), Intouchables (30 millions de spectateurs hors des frontières, le film en langue française le plus vu au monde), et surtout par Taken 2 (46 millions de spectateurs contre 38 millions de spectateurs étrangers pour le 1er Taken). La production française la plus vue au monde est donc une production de Luc Besson en langue anglaise et destinée dès l’origine au marché international : Taken 2 (dont une partie du tournage a eu lieu en France dans les studios de Bry-sur-Marne) disposait d'un budget élevé de 45 millions de dollars, mais a encaissé 365 millions de dollars de recettes.

Le scénario, talon d'Achille

A titre de comparaison le film Le Prénom, adaptation d'une pièce à succès, énième film  "théâtral" en huis-clos, avec Patrick Bruel , n'a coûté que 11,03 millions d’euros, soit environ le double du film Maniac tourné à Los Angeles avec Elijah Wood et destiné à être exploité à l’international (production française de La petite reine, Studio 37, Canal+…) dont le budget s'élève à 6,5 millions d’euros ! Entre 2011 et 2012 on observe une augmentation inquiétante des longs métrages au budget supérieur à 10 millions d’euros (+50%) tandis que le nombre de films dits "du milieu" avec des budgets entre 4 et 7 Millions d’euros diminue de 26% ! La part dédiée à l’écriture (droits d’adaptation, minimum garanti du scénariste, minimum garanti du réalisateur écrivant, consultants éventuels) tourne en moyenne à 3,3 % du budget du film, le plus souvent le minimum garanti du scénariste atteint que 1 % du budget, très très loin du salaire des acteurs !

Flop 10

Cela explique peut être quelques fiascos : le dessin animé Cendrillon au Far West (22 000 spectateurs, 11 millions d'euros de budget, La Traversée ( 64 000 spectateurs, avec Michaël Youn, Comme un homme (27 000 spectateurs) avec Charles Berling. Sans oublier des films à stars comme Confession d'un enfant du siècle avec Charlotte Gainsbourg, Dans la tourmente et Do Not Disturb, tous deux avec Yvan Attal, L'Homme qui rit avec Gérard Depardieu, Mais qui a re-tué Pamela Rose ? avec Kad Merad, Bye Bye Blondie, avec Emmanuelle Béart, La mer à boire et Le guetteur, tous deux avec Daniel Auteuil, ou encore David et Madame Hansen avec Isabelle Adjani.

Pour conclure avec les mots de Vincent Maraval "les films sont trop chers" : en fait ce sont les producteurs qui gonflent les devis à la hausse alors que bien évidement le nombre de spectateurs n’augmente pas, au contraire ils se divisent face au trop grand nombre de nouveautés chaque semaine. Le défi est peut-être de produire avec mois d’argent des films, mieux écrit et visant moins les Festivals que les spectateurs, tout en conservant un style cinématographique singulier, loin du moule imposé par les chaînes de télévision. Rude équation.

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