L’instant Court : Annabelle, avec Christelle Cornil

Posté par kristofy, le 28 avril 2013, dans Courts métrages, Festivals, Films, L'instant court, Le blog.

Christelle CornilComme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après le court-métrage A Ninja pays half my rent réalisé par Steven Tsuchida, voici l’instant Court n° 108.

Cette semaine a débuté la 16e édition du Brussels Short Film Festival (24 avril - 4 mai), l'un des festivals de courts métrages les plus intéressants au monde puisqu'il se déroule sur 12 jours (durée équivalente au festival de Cannes) avec plus de 300 films courts en provenance de 50 pays !

En compétition, on retrouve notamment le court métrage Electric indigo réalisé par Jean-Julien Colette et avec l’actrice Christelle Cornil. Son visage éclaire autant de courts que de longs métrages, aussi bien en Belgique qu'en France depuis Le vélo de Ghislain Lambert avec Benoît Poelvoorde.

Voici donc Annabelle, un court-métrage réalisé par Agathe Cury, et en même temps une belle rencontre avec Christelle Cornil.

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Rencontre avec Christelle Cornil

annabelleEcran Noir : A propos de ce court-métrage Annabelle, comment as-tu choisi de t’engager sur un scénario qui n’avait quasiment aucun dialogue ?
Christelle Cornil : Je me souviens que la réalisatrice Agathe Cury était venue dans un festival de courts à Paris et elle avait vu le court métrage Stencil (de Dominique Laroche) dans lequel je joue avec une amie comédienne et réalisatrice. Agathe avait beaucoup aimé le travail qu’on avait fait et c’est comme ça qu’elle était venue vers moi et qu’elle m’a demandé de participer à son film. La première chose, c’est d’abord de se rencontrer et de se parler.

Elle m’avait envoyé le scénario de Annabelle qui en effet ne comportait que des descriptions : "scène1 elle fait ci", "scène2 elle fait ça"… C’était assez facile de s’imaginer ce que ça allait devenir parce qu'Agathe était très claire dans ses descriptions.

Moi de mon côté j’avais déjà fait un court-métrage totalement muet, et du coup je n’avais pas vraiment de craintes à aborder ça. C’était Révolution, le deuxième film de Xavier Diskeuve, j’étais déjà dans son court d’avant Mon cousin Jacques (qui était notamment en compétition au festival de Cabourg). En faisant Révolution, c’était difficile de savoir ce que ça allait donner, en tant que comédienne en général tu te bases sur l’interaction avec l’autre et sur les dialogues, et tu arrives à sentir si ce que tu donnes est juste. Et là c’était comme si j’étais partie dans un univers que je ne connaissais pas du tout, avec que des actions visuelles, les trois premiers jours j’avais des doutes et fait alors totale confiance dans le réalisateur, et le film est super.

Pour Annabelle on a répété deux jours avant le tournage avec Agathe Cury. Ce qui comptait pour moi, c’était qu’il y ait une chouette relation qui s’installe avec la réalisatrice, une relation de confiance, qu’il y ait quelque chose à défendre, qu’on travaille en amont pour bien savoir où on allait, et j’ai été comblée au niveau de mes attentes à ce niveau-là.

EN : Quelles différences fais-tu entre le travail à faire sur un court-métrage et sur un long-métrage où souvent c’est juste quelques journées où venir dans un planning de plusieurs semaines ?
CC : Sur un film où tu arrives pour faire juste deux ou trois jours de tournage, où parfois tu viens juste une date et tu reviens faire un jour trois semaines après et un autre jour la semaine qui suit pour un rôle secondaire, en ce qui concerne les liens à tisser avec l’équipe, c’est beaucoup plus difficile. Pour avoir vécu aussi l’expérience d’un long avec un rôle principal, l’investissement est total, l’attention du réalisateur est toujours concentrée sur toi et sur les personnages principaux, et il y a un autre type de relations qui se tisse. Il y a souvent plus de construction en amont, plus de préparation et de discussions.

En ce qui concerne la préparation à proprement parler, ça demande moins de travail si j’ai trois jours sur un film que si j’en ai trente, mais le temps que je passerai sur chaque scène est aussi important. Sauf si c’est des choses que j’ai déjà faites cinquante fois et où je sais que ça ne me demande pas un travail approfondi. Mais si c’est un rôle avec des émotions ou une sensibilité que je n’ai pas encore creusée, c’est différent. Ca dépend du projet.

EN : Quel effet ça fait de recevoir un Magritte pour le film Illégal réalisé par Olivier Masset-Depasse ?
CC : J’étais super fière. A la fois, c’est peu de chose parce que les Magritte c’est encore le début, ce n’est pas encore une institution comme les Césars en France, il faut le temps que ça devienne plus reconnu aux yeux du public, mais aux yeux de la profession ça a vite pris une place importante. On a vraiment besoin que le public belge nous suive et soutienne notre travail, ça c’est quelque chose qu’il faut nourrir, et les Magritte c’est une bonne chose dans le sens où ça met un petit peu en lumière ce qui se passe chez nous.

Je suis heureuse de l’avoir eu pour Illégal, c’est un film qui me tient très à cœur. Cette année-là, j’étais aussi dans d’autres films comme Sœur sourire avec Cécile de France qui était une belle expérience et aussi My Queen Karo (avec Déborah François et Matthias Schoenaerts), et un petit rôle dans Sans laisser de tracesIllégal c’est quelque chose qui parle de valeurs au niveau social et humain qui me sont vraiment chères, et j’aime beaucoup Anne la comédienne principale et Olivier le réalisateur, c’est vraiment des amis, symboliquement c’était important cette récompense. (Illégal a obtenu deux prix aux Magritte du cinéma 2011 : Meilleure actrice pour Anne Coesens et Meilleure actrice dans un second rôle pour Christelle Cornil)

EN : Et quel effet ça fait d’être nominée au cul du loup il y a quelques mois pour un nouveau Magritte de meilleure actrice pour le film Au cul du loup réalisé par Pierre Duculot et que la récompense soit remportée par Emilie Dequenne pour A Perdre la Raison ?
CC : Pour moi c’était évident ! Je trouve qu'Emilie a fait un travail admirable dans le film. Le Magritte que j’ai eu pour Illégal, c’est aussi le rôle qui était très porteur, avec un personnage très fort. Dans A perdre la raison dans lequel joue Emilie, il faut y aller pour incarner ce personnage difficile, il y a quelque chose de reconnu du courage de la comédienne qui y va, et elle y va avec toute sa générosité d’actrice.

Parmi les autres nominées, il y avait aussi Déborah François pour Les tribulations d’une caissière, et aussi Marie Gillain que je trouve très bien dans Toutes nos envies mais elle partage le film avec Vincent Lindon. Toutes les filles nominées je les aime beaucoup humainement et dans leur travail, Emilie c’est la seule que je ne connais pas personnellement. J’aime vraiment beaucoup Marie et Déborah, avec Déborah j’avais tourné My Queen Karo et avec Marie j’ai tourné quelques jours le film Landes de François-Xavier Vivès.

C’est vrai que moi et Emilie Dequenne on est plus en rôle central dans les films nominés dans lesquels on a joué.
A la base quand j’ai appris cette nouvelle nomination je me suis dit super, mais est-ce qu’il y a beaucoup de comédiennes belges qui ont eu la chance d’avoir des rôles principaux ? Je me suis rendu compte qu’il y avait en fait pas mal de films potentiels avec des rôles "nommables", j’ai été touchée, ça veut dire qu’il y a des gens qui me soutiennent. Comme pour les Césars ce sont des gens du métier qui votent, c’est une reconnaissance du métier cette nomination.

EN : Comment ça se fait que toi tu ne sois pas plus connue avec plus de premiers rôles depuis Au cul du loup ?
CC : Je n’en sais rien, il y a plusieurs personnes qui me disent ça, c’est gentil, ça fait plaisir. Je suis peut-être à un âge où il n’y a pas pléthore de rôles féminins, et on est quand même dans une conjoncture très compliquée pour percer. Soit c’est des jeunes comédiennes qui émergent pour l’instant et je leur souhaite que leur carrière continue à prendre leur envol, soit de notre génération à nous il y a déjà des comédiennes en place depuis un certain temps et peu qui émergent à l’âge de 35 ans par exemple.

Peut-être que d’ici quelques années je vais passer un cap et être dans un autre créneau où on cherchera du monde, mais surtout il n’y a pas beaucoup de rôles pour les femmes, l’offre n’est pas énorme. Il y a eu une période de ma vie où je me disais "oh tout ces films qui se font, tout ces rôles que je pourrais jouer avec des comédiennes de mon âge", il y avait une espèce de bouillonnement intérieur : "pourquoi pas moi ?". J’ai encore un travail à faire avec mon agent pour être plus reconnue en France où presque personne n’a vu Au cul du loup : il était sorti dans quelques salles en plein août…

J’ai quelques fidèles comme le réalisateur Xavier Diskeuve, après plusieurs courts ensemble, je devrais tourner dans son premier long-métrage cet été si tout va bien. Je parle anglais et j’ai aussi envie de jouer dans cette langue à l’étranger mais ça demande du temps et beaucoup d’énergie. Là, en deux mois, j’ai passé quatre castings, je les ai tous réussis dans le sens où ça c’est bien passé à chaque fois avec de chouettes retours, et il y en trois où je sais que je n’ai pas eu le rôle, à chaque fois pas loin parce que finalement ce n’est pas une blonde mais une brune ou simplement ils ont flashé sur quelqu’un d’autre, ça n’enlève rien à la qualité du travail. Il y a la difficulté de ne pas avoir un nom, les chaînes de télévision veulent un nom pas spécialement connu mais reconnaissable. Je serai dans les prochains longs-métrages de Xabi Molia, de Patrice Leconte, de Fred Cavayé. Il y a d’autres projets sur le feu et qui arrivent, et qui j’espère pourront ouvrir plus de portes.

EN : Comment c’est de tourner face à Meryl Streep dans Julie & Julia de Nora Ephron ?
CC : C’était trop court avec Meryl Streep ! Dans le film, je fais une panouille, une petite apparition. Je suis arrivé le matin et Meryl Streep était arrivée la veille la nuit, elle était crevée en plein jetlag mais elle était adorable, lumineuse et rigolote. Elle était pleine d’attentions par rapport à nous en nous posant plein de questions, ce qu’on faisait au théâtre, elle s’est intéressée à nous, le comédien qui jouait aussi avec moi avait son grand-père qui avait joué dans Out of Africa, on a parlé de plein de choses…

On a improvisé des petites choses dans la scène où son personnage venait nous rendre visite, au final ce que tu vois à l’image c’est hyper court, mais nous on a vraiment joué ensemble avec plaisir. Ce dont je me souviens, c’est d’une actrice généreuse, entre les prises on lui proposait de retourner dans sa loge et elle disait non, elle restait là et elle se posait dans un tout petit coin de la boulangerie avec autour tous les techniciens qui travaillent, elle était en lien avec nous, une chouette rencontre, une belle personne.

J’ai eu aussi le plaisir de jouer avec Michael Caine dans un film qui va sortir je ne sais pas quand, Mr Morgan's last love où il incarne un vieil anglais ronchonnant qui vient tout les jours chercher son sandwich au même endroit, je suis aussi dans une boulangerie, on doit me voir deux fois dans le film mais c’est des toutes petites scènes, avec Michael Caine aussi c’était une jolie expérience humaine.

EN : Beaucoup d’acteurs, qui ont commencé par des courts métrages, arrêtent complètement les courts après quelques longs métrages pour ne viser que des projets de cinéma grand-écran…
CC : J’aimerais bien éviter ça, j’aimerais continuer à alterner les deux formats, courts et longs. Moi par exemple, je continue de rester en contact avec des étudiants en école de cinéma, c’est la génération de demain, les courts métrages. Il y a les festivals pour rencontrer des gens mais on est quand même assez coupé de ce qui se passe, donc je ne voudrais pas perdre le contact avec la jeune génération. Je ne veux pas paraître inaccessible sous prétexte que je fais du long métrage.

Je voudrais continuer à faire ce qu’on fait maintenant, rencontrer des gens. Ce qui pourrait me faire peur par rapport à certains projets de court métrage, c’est les dates de tournage, c’est de se dire "ok je m’engage sur ce court" mais s'il y a un projet de long qui arrive stratégiquement parlant, je ne vais pas pouvoir refuser le long... Donc je l’annonce toujours au tout début : "je suis disponible à cette période sous réserve" parce que j’ai aussi un agent qui met en place des choses pour que je travaille, tout dépend des dates.

Là, j’ai un nouveau court-métrage qui s’appelle Electric indigo où je joue en anglais et en français, réalisé par Jean-Julien Colette, qui est en compétition au Brussels short film festival, et ça c’est super comme projet, le film est vraiment ambitieux. Il est évident que je veux faire des courts métrages avec des gens qui ont une vision. Jean-Julien Colette m’avait déjà contactée pour un tout petit rôle dans Tabou, une concierge qui parlait anglais, et on s’était dit qu’on retravaillerait ensemble. Son scénario de Electric indigo était très audacieux, intelligent, avec de vraies questions. C’est le rôle d’une maman bipolaire à moitié dépressive avec une petite fille dont elle est séparée et qui reviens douze ans après voir sa gamine, et ça fait des étincelles.

Crédit photo : image modifiée, d’après un extrait de Annabelle.

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