Du propre aveu d'Aki Kaurismäki, le Finlandais n'est pas très expansif, voire renfermé.
Il n'y a qu'à se référer à son œuvre, pleine de personnages masculins mutiques et superbes dont seuls les yeux sont expressifs, à l'image du duo magnifique de Tiens ton foulard, Tatiana.
De ce film, il dit d'ailleurs sans détour "l'essentiel est de rendre hommage au silence de l'homme finlandais."
Au festival de Lecce, dont il est l'invité, Aki Kaurismäki a fait honneur à cette réputation. Détendu et souriant, il s'est livré lors de la conférence de presse à ce qui semble être son exercice préféré, la création d'aphorismes mi-ironiques, mi-surréalistes.
"Je suis au service du cinéma", "Le monde change, alors pourquoi le cinéma ne changerait pas lui aussi ?", "Si vous pensez à Cary Grant et Brad Pitt, vous pouvez voir la différence", "Je suis un homme paresseux : je mets de la musique à la place des dialogues car il faut écrire les dialogues alors que la musique est déjà là", "Si les acteurs sont bons, pourquoi en changer ?"...
Inutile d'attendre de longs développements ou des commentaires sur son oeuvre, on n'en saura guère plus, si ce n'est peut-être que le jour où l'on ne trouvera plus de pellicule, il cessera de filmer.
La superbe exposition qui est consacrée au travail de Kaurismäki dans le château de la ville joue aussi sur cette propension qu'a le cinéaste finlandais à expliquer son œuvre en quelques formules bien senties.
Au détour des panneaux reproduisant des images de ses films, on peut ainsi lire : "c'est facile de tirer un drame épique de 2h30 d'un regard échangé dans la rue, à condition de ne pas se promener avec les mains dans les poches. Métaphoriquement, bien sur" ou "Mon éternel projet est de faire un film qu'une paysanne chinoise pourrait comprendre sans sous-titres." (au sujet d'Ombres au paradis).
Mais aussi : "J'ai réalisé que je devais traiter les personnages féminins exactement comme les personnages masculins. Après tout, d'un point de vue existentiel, les problèmes sont les mêmes." (L'homme sans passé) ; "J'ai toujours eu l'ambition secrète que le spectateur sorte du cinéma en se sentant un peu plus heureux que lorsqu'il est arrivé." (Au loin s'en vont les nuages) ; "Le casting, pour moi, c'est engager les bons acteurs, afin de ne pas avoir à les diriger, ce qui est bien pour un homme paresseux." (J'ai engagé un tueur)...
En plus de l'exposition, le Festival de Lecce organise une rétrospective de son œuvre, permettant de revoir pratiquement tous ses films. Un vrai régal, des Leningrad cowboys go to America à son dernier long métrage en date, Le havre. Justement, le meilleur moyen d'en savoir plus sur Aki Kaurismäki est probablement de revoir ses films. Tout ce qu'il a toujours voulu dire est là, à portée de mains, mâtiné d'humour et de cette mélancolie profonde qui vient toujours rappeler que la vie est une farce à la fois noire et ironique.