Le jour le plus court 2013 : Sébastien Betbeder, invité d’honneur d’Ecran Noir

Posté par MpM, le 20 décembre 2013, dans Festivals, Films, Personnalités, célébrités, stars, Vendôme.

sbetbederA l'occasion de la 3e édition du Jour le plus court, grande fête du court métrage qui a lieu le 21 décembre, Ecran Noir a choisi un invité qui est à la frontière entre le long et le court métrage, le réalisateur Sébastien Betbeder, dont le prochain film (Deux automnes, trois hivers, un long métrage sélectionné par l'ACID au Festival de Cannes 2013, et présenté dans différents festivals dont Paris, Londres, Arras, Vendôme...) sort sur les écrans le 25 décembre, et dont le suivant, Inupiluk (un court) est sélectionné à Clermont Ferrand en 2014.

Sébastien Betbeder fait en effet partie de ces rares cinéastes qui alternent longs et courts métrages au gré de leurs envies. "Quand on fait un film, c'est le sujet, le budget, le mode d'écriture et de production qui imposent la durée", expliquait-il lors du dernier Festival de Vendôme où était proposé un focus autour de son travail.

Nous lui avons donc demandé de nous parler des films courts en général et de ses expériences en particulier, mais aussi de sélectionner trois courts métrages qui l'ont particulièrement marqué. Ces trois films seront dévoilés sur notre site tout au long de la journée du 21 décembre.

En attendant, première étape de cette carte blanche, Sébastien Betbeder parle sans fard du format court, trop souvent considéré comme un simple exercice de style avant le passage au long, ou un pré-programme avant le "vrai film", mais aussi des critères de durée qui sont parfois un peu absurdes à remplir. Alors qu'au contraire, le court métrage devrait être un formidable espace de liberté et de d'expérimentation.

Ecran Noir : La semaine passée, au Festival de Vendôme, un spectateur demandait au réalisateur Xavier Legrand à quoi sert le court métrage et quel peut être son avenir, notamment commercial, dans la mesure où il est très peu diffusé...

Sébastien Betbeder : A quoi ça sert ? Je ne sais pas. Je considère qu’un film, c’est un film. Je ne me pose pas la question dans ce sens-là. Je me dis qu’il y a des récits, des histoires, qui nécessitent cette durée-là, et je ne me vois pas gonfler une histoire qui ne nécessite pas une durée plus longue qu’une demi-heure, et inversement, réduire un scénario… J’ai toujours fonctionné comme ça. Il y a des idées qui me viennent et qui ne peuvent exister que sous format court.

Je déteste l’expression "carte de visite pour le long métrage". Pour le coup, je trouve ça très triste. Ca voudrait dire que ce format n’est destiné qu’aux jeunes cinéastes dans l’attente de leur premier long. Alors que c’est un format, dans l’histoire du cinéma, qui a toujours compté. Il y a énormément de chefs d’œuvre, de très belles choses. Je ne l’ai jamais considéré comme une carte de visite, mais comme le format adéquat pour l’histoire que j’avais à raconter. La seule fois où je me suis posé cette question : "à quoi ça sert ?", c’est effectivement quand j’ai recherché de l’argent pour mon premier long métrage. C'était bien d’avoir quelque chose à montrer pour dire qu’on avait déjà fait quelque chose. Mais si ça ne devait servir qu’à faire des longs métrages, j’aurais arrêté.

EN : Ce qui est assez révélateur que personne ne demande à quoi sert le long métrage…

SB : Oui, voilà, exactement !

EN : Mais la question de son manque de diffusion est réelle.

SB : Les gens disent : "ah, c’est dommage, on ne voit pas de courts métrages". Ou alors : "je me souviens d’une époque où ça passait avant le long métrage"… Ca aussi c’est une idée reçue. C’est un peu dommage de considérer que le court métrage, c’est forcément un avant programme. Ce n’est pas forcément une solution. En plus ça veut dire que le court métrage sera forcément court et ne dépassera pas dix minutes, sinon c’est un programme trop long.

C’est un drôle de format, c’est très compliqué de lui donner sa place, à part dans les festivals. Je ne sais pas, je n’ai pas trop de solutions… En plus, je trouve qu’il n’y a rien de plus difficile que de programmer un programme de courts métrages. L’ordre des films. Quel film à côté de quel autre… C’est vraiment très compliqué. Je sais qu’il y a des programmateurs qui sont très sensibles à ça, des sélectionneurs de festival. Parce que ça peut être dangereux, un film peut en gêner un autre, installer le spectateur dans un état qui est presque contradictoire avec le projet revendiqué par le cinéaste.

EN : Lorsque vous préparez un film, à quel stade savez-vous si votre projet est plutôt un court ou un long ?

SB : Le problème, c’est que le contexte  nous oblige à décider ça très tôt. On ne dépose pas au même endroit au CNC et dans les chaînes de télévision selon si le film sera un long ou un court (ou moyen, en ce qui me concerne, c’est souvent des moyens). Donc on doit le décider assez tôt. Sauf que moi, j’ai travaillé pas mal sur des durées proches de l’heure, donc c’était un vrai handicap. Surtout que mes scénarios sont assez ouverts, et l’expérience du tournage offre toujours des possibilités autres que ce que l’écriture propose, donc je me retrouve souvent dans des situations assez délicates.

Même sur 2 automnes, 3 hivers, c’était un peu la même question. Il y avait cette idée d’un projet très singulier dans la forme, donc je n’avais pas la certitude que le film tiendrait la durée d’une heure et demie. En même temps il faut mettre des règles. Il a fallu décider qu’un court métrage c’était un film jusqu’à 59 minutes, et ce n’est pas une heure et une seconde… C’est une règle imposée à laquelle je me soumets, mais qui, dans mon cas, pose tout le temps des problèmes.

Ce qui fait que les Nuits avec Théodore, on l’a déposé en court métrage parce qu’il faisait 58 pages et qu’on a tendance à dire "une page correspond à une minute". Après, on se retrouve en salle de montage avec un film d’une heure dix, on arrive à un objet qui nous satisfait qui fait une heure sept, sauf qu’on avait eu de l’argent pour 59 minutes… [NDLR : Le film existe finalement sous une forme courte intitulée Je suis une ville endormie et est sorti en salles dans une version longue qui s'appelle Les nuits avec Théodore.] C’est un peu absurde, mais il faut faire avec.

A revoir, la bande-annonce des Nuits avec Théodore :

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