Linnea dans le jardin de Monnet : l’impressionnisme est un jeu d’enfants

Posté par MpM, le 24 décembre 2013

linneaEn 1976 naissait sous la plume des illustratrices et auteures suédoises Christina Björk et Lena Anderson une petite héroïne brune aux pommettes saillantes appelée Linnea. Cette fillette curieuse et maligne, qui aime les fleurs et le jardinage, est au centre de trois livres pour enfants : Les plantes de Linnea, L'almanach de Linnea et Linnea dans le jardin de Monnet sorti en 1985.

Ce dernier, inspiré de l'expérience-même des auteures, et qui connut un franc succès à travers le monde, raconte le voyage de Linnea jusqu'à Paris où, en compagnie de son ami Monsieur Blom, elle marche sur les traces du peintre Claude Monnet, du musée Marmottan aux jardins de Giverny. Très vite, l'idée naquit d'adapter le livre pour le cinéma et c'est finalement en Suède que le projet vit le jour.

En 1992, après plusieurs années de travail acharné (40 000 dessins auront été nécessaires pour réaliser les parties animées), Linnea dans le jardin de Monnet (réalisé par Christina Björk et Lena Anderson) sortait sur les écrans suédois dans une version de 30 minutes, avant de connaître une belle carrière internationale en Scandinavie, puis en France, aux Etats-Unis, au Japon et au Brésil. Ce 25 décembre, il ressort dans les salles françaises, accompagné d'un jeu vidéo et de dossiers pédagogiques destinés à un accompagnement scolaire.

L'occasion pour toute Linnea dans le jardin de Monnetune génération d'enfants de découvrir les splendeurs de l'impressionnisme et du travail de Monnet à travers un film divertissant et ludique qui mêle aquarelles animées, reproduction des peintures de Monnet, photographies et prises de vues réelles.

Ce mélange des techniques permet de passer de la fiction (le voyage de Linnea et de Monsieur Blom) au documentaire (la vie et l’œuvre de Monnet), en s'appuyant à la fois sur des documents d'époque (photographies), des images de Giverny tel qu'il était au moment de la fabrication du film, et des tableaux du peintre.

Par un jeu de surimpression, on peut ainsi voir en un seul plan le lieu réel (le pont japonais, le bassin aux nénuphars...), puis la manière dont Monnet l'a représenté dans ses œuvres.

Linnea dans le jardin de MonnetDe l'histoire (à la narration peu complexe) aux choix esthétiques (couleurs pastels, animation traditionnelle), tout est fait pour simplifier la compréhension d'un très jeune public (quitte à sembler peut-être un peu trop simple aux plus grands), et pour lui permettre d'appréhender les lignes directrices de l'impressionnisme et du travail de Monnet.

Linnea dans le jardin de Monnet semble ainsi un exemple réussi de ce que le cinéma peut apporter à l'art et à la pédagogie. Le jeu vidéo qui l'accompagne (constitué d'une série de questions en rapport avec les thèmes du film) permet de compléter intelligemment, et dans une démarche interactive, l'enseignement ludique qu'il distille. A dévorer en famille pendant les vacances, et à approfondir à l'école dès la rentrée ?

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Linnea dans le jardin de Monnet de Christina Björk et Lena Anderson
En salles à partir du 25 décembre

Tomboy au coeur d’une polémique d’un autre âge

Posté par redaction, le 24 décembre 2013

tomboyTomboy, le film de Céline Sciamma, est au coeur d'une polémique aussi stérile que stupide. Ce joli film qui raconte l'histoire d'une petite fille de 10 ans qui se fait passer pour un garçon est inscrit dans le dispositif « Ecole et cinéma » soutenu par le ministère de l'Education nationale et par le ministère de la Culture et de la Communication. Depuis la rentrée 2012, des enseignants peuvent donc montrer cette excellente oeuvre à leurs élèves dans le cadre de cours de culture cinématographique, pendant le temps scolaire.

Ce joli succès en salles (350 000 spectateurs) a été montré à 47 000 élèves jusqu'à présent. Mais avec les débats sur le mariage pour tous, la PMA, la théorie du genre, la France a vécu une année passionnée. Tomboy en fait les frais.

Pétition et réaction

Le Monde a ainsi rapporté qu'un titre de la PQR, Le Courrier de l'Ouest, a titré le 9 décembre « Tomboy a-t-il sa place à l'école ? », à partir d'une lettre qu'une mère avait envoyée à l'instituteur de son enfant en classe de CM1. Elle estime « tout à fait dangereux de laisser penser à des enfants de 9 ans que l'on peut changer de sexe, qui plus est sans dommage ». Ce n'était pas la première fois que dans le Centre-Ouest de la france, politiquement modéré mais encore très ancré dans une culture catholique, la presse relayait ce genre de doutes et de critiques.

Une pétition sur CitizenGO « contre la diffusion de Tomboy dans les écoles » affichait 18 320 signatures aujourd'hui. Et le nombre de médias nationaux qui en parlent devraient accélérer le nombre de signataires.

Dans un communiqué, la Société des réalisateurs de films a décidé de répliquer : "Nous souhaitons rappeler à cette occasion que notre liberté de création ne peut être entravée, non plus que la liberté pédagogique des enseignants qui, chaque jour, étudient des œuvres de fiction dans leurs classes comme dans les dispositifs d'éducation artistique. Nous demandons aux ministres de l'Éducation nationale et de la Culture de mettre rapidement et fermement un terme à cette polémique. Et nous assurons de notre soutien total Céline Sciamma ainsi que le réseau École et cinéma et les enseignants qui doivent pouvoir continuer de diffuser son film dans un climat apaisé au plus vite."

Il serait temps. Le ton se durcit depuis cet automne. Beaucoup de parents ne comprennent pas ce qu'est réellement la théorie du genre, mais nombreux sont ceux qui y voient une attaque à la famille et un prosélytisme homosexuel (ce qui, dans les deux cas, est faux). La droite conservatrice fait de ce film sur un garçon manqué un symbole idéologique. Le corps enseignant essaie de les convaincre qu'il s'agit d'expliquer comment on devient un homme, une femme, au-delà des stéréotypes véhiculés par la société (qui contribuent d'ailleurs aux inégalités hommes/femmes).

Education

Seulement 15 écoles (sur 450) se sont désinscrites de la projection de Tomboy à Paris. C'est peu. Les enseignants plébiscitent le film puisque 79% d'entre eux le trouvent très intéressant. Seul Peau d'âne fait mieux (pourtant une fable sur l'inceste, ce qui ne semble pas choquer les familles). Rappelons que les lycéens ont le droit de voir Elephant de Gus Van Sant (pourtant une tuerie dans un lycée).

Reste que la représentation de l'homosexualité à l'écran devant des enfants semble toujours poser problème. C'est pourtant grâce à l'éducation et à l'image qu'on peut résoudre d'autres problèmes : homophobie, homosexualité refoulée, rapport aux autres, tolérance... Nier l'homosexualité, que des parents considèrent toujours comme un péché, ou nier l'identité sexuelle, qui est souvent caricaturée dans les films, publicités et émissions de télévision, est sans doute plus grave que de montrer une fille qui aspire à être un garçon embrassant une autre fille.

Toujours dans Le Monde, une enseignante explique : « Grâce à ce débat sur Tomboy, dit-elle, j'ai ressenti que l'on peut encore sortir du processus de fanatisation. Le cinéma peut ouvrir les consciences, et l'école est là pour enlever les carcans moraux. »

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Cahier de notes / dossier pédagogique sur Tomboy (source CNC)

Serge Toubiana, nouveau Président de l’Avance sur recettes

Posté par vincy, le 24 décembre 2013

Frédérique Bredin, présidente du CNC a nommé, en accord avec la ministre de la culture et de la communication, Aurélie Filippetti, Serge Toubiana à la présidence de la commission d’avance sur recettes, pour une durée d’un an (renouvelable une fois) à compter du 1er janvier 2014.

Il remplace l'éditeur Paul Otchakovski-Laurens dont le mandat commencé en 2011 arrivait à échéance. Dans son communiqué, Frédérique Bredin "se réjouit que Serge Toubiana ait accepté de lui succéder et d’assumer désormais cette responsabilité à un moment crucial pour l’avenir du cinéma français."

Serge Toubiana a été le rédacteur en chef de la revue Les Cahiers du cinéma avant de devenir le directeur de la Cinémathèque française en 2003.

Dans une tribune publiée dans Le Monde aujourd'hui, Paul Otchakovski-Laurens rappelle les vertus de l'Avance sur recettes alors qu'elle semble critiquée par des professionnels comme par des élus ou haut-fonctionnaires : "nous choisissons, et donc excluons par la force des choses, ce qui explique bien des amertumes, c'est dans la plus grande transparence et avec le souci jamais démenti de l'ouverture et de la diversité de nos choix. Curieusement, cette diversité et cette ouverture sont également critiquées. Un film à gros budget est-il soutenu, nous sommes accusés de voler au secours du succès. Un film d'auteur, comme on dit étrangement ? On nous reproche alors de ne pas tenir compte des goûts supposés du public. Mais il faut savoir que des films ne se feraient pas sans l'Avance sur recettes. Et s'il arrive qu'elle soutienne des films qui se feraient sans elle c'est avec cette conviction qu'ils se feront mieux avec elle."

La commission d’avance sur recettes est composée de trois collèges siégeant séparément, de trois vice-présidents et de 25 membres titulaires. Le président est commun aux trois collèges. Le premier collège examine les demandes d’avance avant réalisation présentées pour une première œuvre cinématographique de longue durée d’un réalisateur. Le deuxième collège étudie les demandes d’avance avant réalisation pour des œuvres de réalisateurs ayant réalisé déjà au moins un long métrage. Le troisième collège est compétent pour examiner les demandes d’avance après réalisation.

Cinéaste, scénariste, producteur, danseur, écrivain, éditeur, techniciens du cinéma plasticien, critique, vidéaste : les collèges fédèrent des passionnés de cinéma venus de tous les horizons. Dans cette commission 2014, on retrouve Marie Darrieussecq, Delphine Gleize, Alain Attal, Olivier Assayas, Jérémie Elkaïm, Hervé de Luze, Xavier Leherpeur ou encore Rebecca Zlotowski.

L’avance sur recettes sur scénario (avant réalisation) a soutenu en 2013, 55 projets de long métrage, sur 647 demandes.

Leonardo DiCaprio : un loup à Hollywood

Posté par geoffroy, le 24 décembre 2013

martin scorsese leonardo dicaprio

Le loup de Wall Street est la cinquième collaboration entre l’acteur Leonardo DiCaprio et le réalisateur Martin Scorsese depuis leur première rencontre (la fresque historique Gangs of New-York) sorti il y a 11 ans.

La date, comme le film, est charnière, puisqu’elle annonce, dans la fureur et le sang, l’explosion artistique d’un acteur encore "bouffé" par son statut d’icône à midinettes suite au succès planétaire de Titanic (1997). Au-delà de la notion même de fidélité entre deux hommes nourris d’une même passion, Gangs of New-York révèle au grand jour les ambitions, forcément hautes, d’un acteur passionné comme obnubilé par l’expertise de son travail autour du jeu. Las d’être sans cesse renvoyé au Jack Dawson de Titanic, DiCaprio va prendre son destin en main pour se construire une carrière brillante, en tout point exigeante, parsemée de choix presque toujours judicieux. Soit l’exact opposé des sirènes entonnées par les studios hollywoodiens. Pour autant, il ne sortira pas du système, ni s’empêchera d’apparaître dans de superbes productions réalisées par les plus grands réalisateurs américains. Sacrifice nécessaire – celle d’une gloire planétaire pas toujours désirée par l’intéressé –, pour obtenir la liberté artistique dans une industrie tellement normée.

Un tel paradoxe est rare, et reflète les raisons de l’amour du public américain envers celui qui aura su, mieux que quiconque, incarner dans ses différents rôles la complexité d’une Amérique à la fascination intacte. Et les figures ne manquent pas pour celui qui a eu très tôt la reconnaissance de ses pairs (même si, paradoxalement, il attend toujours son Oscar). Les figures auront été historiques (Howard Hughes dans Aviator, Hoover dans J. Edgar), littéraires (Jay Gatsby dans Gatsby le magnifique) ou témoins d’une époque (Amsterdam Vallon dans Gangs of New-York, Franck Abagnale Jr. dans Arrête-moi si tu peux, Franck Wheeler dans les Noces rebelles, Calvin Cardie dans Django Unchained, Jordan Belfort dans le Loup de Wall Street). Le reste de sa filmographie ne résiste pas à la notion du rôle dans sa dimension humaine, psychologique, en réaction avec l’environnement dans lequel il se confronte. Il illustre une Amérique tourmentée, fondée sur la violence, les subterfuges, mensonges et autres manipulations, une civilisation du chaos, intime et global, où le génie est toujours valorisée, mais mène souvent à sa propre destruction, où le cerveau est un ennemi intérieur et les pulsions des amies indomptables. Il est la folie américaine, centrée sur sa propre gloire, sonnée par sa chute inévitable, capable de se relever ou de s'amender.

Car, oui, il est presque toujours question avec DiCaprio de combat, de confrontation, d’interaction, de challenge, de perte de contrôle ou de survie. Inception, les Infiltrés, Mensonges d’état, Blood Diamond et, bien évidemment, Shutter Island, ont ceci en commun qu’ils n’enferment jamais l’acteur/personnage dans une case.

leonardo dicaprioL'héritier des géants hollywoodiens, de Cooper à Stewart

DiCaprio se débat alors comme un damné avec son/ses rôles (s) pour le (s) faire exister au-delà du genre ou des codes qui vont avec. Son exigence plaît. Son implication aussi. Sa façon de donner corps à un personnage, à coup sûr. Au point d’en faire parfois de trop, de flirter avec la caricature de l'excès. Néanmoins, il possède ce talent rare, presque magnétique, d’immortaliser après son passage les personnages qu’il aura incarné. En cela il perpétue le mythe propre aux géants d’un âge d’or du cinéma devenu intemporel. Il n’y a pas à sourciller, DiCaprio est une légende vivante, un acteur à part entière reconnaissable entre mille que le public veut voir. Il revendique, par son implication toute particulière, à la liberté du rôle. Peu importe où cela le mène. Une chose est sûre, vous ne l’avez jamais vu sauver le monde dans un blockbuster quelconque ou bien faire rire aux éclats la ménagère de plus de cinquante ans dans une comédie ordinaire. Par peur, évidemment, de devenir l’esclave d’un genre ou d’un rôle (il n’a jamais joué deux fois le même personnage), forcé qu’il serait de se plier aux codes hollywoodiens pour le moins avilissants. Pas étonnant alors que Scorsese en ait fait son égérie, tandis que son ancienne muse, De Niro, diluait son talent, jusqu'à industrialiser son jeu et s'autoparodier, dans des films médiocres.

Un duo très rentable

Le succès de Leonardo, qui dure depuis quinze ans, fait de lui une "bête" du box-office capable de monter un film sur son seul nom. Cette année, il enchaîne les hits, capable de passer de Tarantino à Luhrman en séduisant le plus grand nombre. Rien que dans les années 2000, il a été tête d'affiche de 8 films qui ont passé le cap des 100 millions de $ en Amérique du nord (en recettes ajustées à l'inflation de 2013), dont 4 d'entre eux qui ont rapporté plus de 300 millions de $ dans le monde. Et on comprend mieux le pacte Scorsese/DiCaprio à la lecture des box offices : tous les films du cinéaste avec l'acteur ont été des succès. 4 des 7 plus gros hits du réalusateur sont donc des films avec DiCaprio, Les Infiltrés en tête, puisque c'est le film de Scorsese le plus populaire en Amérique du nord. Le duo cumule ainsi 1 milliard de recettes dans le monde avec 4 films qui ont coûté moins de 400 millions de $.

leonardo dicaprioQuestion de maturité, de choix de carrière, d’exigence artistique. Adoré des studios, il s’est offert une liberté bien plus grande. En effet, si sa filmographie force le respect aussi bien dans son adhésion populaire que dans sa tenue qualitative, il le doit en grande partie aux réalisateurs qui l’ont fait tourner, Scorsese en tête. Avec Christopher Nolan, Clint Eastwood, Danny Boyle, James Cameron, Ridley Scott, Steven Spielberg, Quentin Tarantino, Sam Mendès, Baz Lurhmann ou encore Woody Allen, les conditions de son ambition émancipatrice sont réunies. Au même titre que l’empreinte qu’il est en train de laisser au cinéma comme, jadis, les Brando, Newman, McQueen, DeNiro et plus loin encore Peck, Stewart, Cooper...

En cela; il n'est pas étonnant qu'année après année, DiCaprio soit devenu à chaque fois l'acteur qui comptait, la star qu'on aimait, le futur monument qu'on devinait. Il a transcendé les générations et les publics. Il symbolise ce cinéma hollywoodien d'auteur qu'on apprécie tant. Il est à la fois une marque et un talent. Un monstre sacré et l'acteur d'une époque. Pas étonnant que Le Loup de Wall Street

Il a imposé son visage, ni beau comme un jeune premier, ni gueule comme un acteur mature, juste celui des grands hommes, comme des plus petits, et qui, par leur courage, habileté, petitesse, doute, passion ou désespoir, représentent, chacun à leur manière, une Amérique des possibles constamment torturée par sa propre histoire.