Fruitvale Station : rencontre avec le réalisateur Ryan Coogler

Posté par kristofy, le 2 janvier 2014

ryan coogler fruitvale station cannes 2013Fruitvale Station est un film dont on connaît d’avance la fin mais dont on ignore le début, et c’est cette histoire qui est racontée. Dès le début il y a les images d’un fait divers tragique enregistrées avec un téléphone portable. Sur le quai de cette gare à Oakland en Californie le 1er janvier 2009 à 2h15 du matin, un contrôle de police dégénère : le jeune Oscar Grant de 22 ans reçoit une balle dans le dos tirée par un policier. Bavure banale? Oui mais la victime est noire, le policier est blanc. Et le premier ne menaçait pas le second.

Le film nous fait le portrait de qui était Oscar Grant durant les 24 heures qui ont précédées ce drame. Il sort en France le jour de la date anniversaire du 1er janvier. Le film avait déjà été récompensé au Festival de Sundance, à Cannes et au dernier Festival américain de Deauville où nous y avions rencontré son réalisateur Ryan Coogler :

Ecran Noir : Fruitvale Station montre à différents moments de la journée des instants de la vie de Oscar Grant devant nos yeux…
Ryan Coogler : Je voulais trouver le moyen que les acteurs se surprennent entre eux, et qu’il y ait une fraîcheur de jeu. On avait un planning de tournage très serré, je me suis basé avant tout sur le scénario pour les plans prévus dans le planning de tournage, et après ça on pouvait respirer et essayer des choses. Pour moi il s’agissait d’abord de rendre compte des faits en s’attachant à l’humanité des personnes impliquées. L’histoire du film est avant tout celle de ces gens.

EN : Qu’est ce qui était le plus difficile à recréer comme scène de vie : la tension entre policiers et jeunes dans le train où l’intimité familiale entre Oscar, sa femme et sa fille ?
Ryan Coogler : Ce sont deux choses qui ont été difficiles à tourner pour différentes raisons. En premier lieu c’est  la contrainte du planning, très serré. Pour ce qui des séquences avec les policiers, on avait le quai de la gare à disposition seulement pour 4 heures de tournage ! Pour les scènes domestiques avec la famille, il y avait beaucoup d’émotions différentes à capturer à travers les disputes ou les coups de téléphones. Et là aussi il a fallu composer avec le facteur temps en ce qui concerne la jeune actrice qui joue leur petite fille : puisque c’est une enfant il y a des limitations spécifiques du nombre d’heures consécutives de tournage. Par exemple on ne pouvait pas la faire tourner après minuit. C’est la gestion du temps de tournage qui était la principale difficulté.

EN : Pensez-vous qu'une fiction réaliste est un témoignage plus puissant qu’un reportage aux informations de la télévision ?
Ryan Coogler : Oui je pense que cela peut être le cas. Je pense qu’un film peut rendre le public beaucoup plus proche des personnages. Pour ce qui de la télévision, cela dépend comment le reportage est monté. Pour le cas d’Oscar, le drame a été enregistré par des téléphones. Voir ce genre d’enregistrement des faits nous fait devenir témoin de ce qui c’est passé, mais d’autres incidents arrivent sans qu’on puisse en voir des images. Ils ne sont que racontés. Un film apporte beaucoup de proximité, voir même de l’intimité, et peut apporter d’autres éléments à mettre en perspective. Fruitvale Station a eu une certaine répercussion dans le milieu de la police, à propos des procédures de certains agents. J’espère que ce genre d’incident ne se reproduira plus.

Pour les moins de 14 ans, le ticket de cinéma est à 4€

Posté par vincy, le 2 janvier 2014

Au 1er janvier 2014, la TVA sur les billets de cinéma a été réduite à 5,5%, comme pour les livres ou les billets de spectacle. Cette baisse de la TVA ne devrait pas se faire ressentir sur le prix du ticket. Au mieux cela conduirait à une baisse de 9 centimes par ticket.

Par conséquent, la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) a préféré lancer une opération ciblée vers le jeune public et donc les familles. Depuis hier, un spectateur né dans les années 2000 ne paiera que 4 euros sa place de cinéma.

Cette opération a pour but de relancer la fréquentation des salles. Certes, elle est restée à un haut niveau en 2013 (195 millions de spectateurs), mais elle recule. Il s'agit aussi de promouvoir le cinéma auprès des futures générations de spectateurs, de fidéliser les gamins pour qu'ils continuent d'aller dans les salles quand ils seront plus grands. Les moins de 14 ans représenteraient 8 à 9% des entrées et, en moyenne, le billet de cinéma valait 5,5€ pour eux jusqu'à présent.

Une mesure qui pourrait fragiliser de nombreux films

Pour les parents, c'est une aubaine financière. Pour la profession, ça l'est moins. Cette opération ne sera réussie que si le volume de nouveaux spectateurs compense la perte financière qu'enregistreront les producteurs et les distributeurs.

La mesure a été prise sans concertation réelle, de façon unilatérale même. Et si, en nombre d'entrées, on verra peut-être un effet significatif sur les films familiaux et d'animation, en recettes, le résultat sera très différent et pourrait s'avérer périlleux pour la rentabilité de certains films. Certains films font en effet la moitié de leurs entrées avec des moins de 14 ans. Autant de billets moins chers qui pèseront sur la profitabilité d'une sortie et réduiront les marges des distributeurs et les royalties des ayant-droits.

Dans l'immédiat, les dépenses marketing vont sans doute en souffrir, y compris pour les blockbusters américains, si un distributeur veut rentrer dans ses frais. Ce n'est pas la même chose d'espérer un film réalisant 15 millions d'euros de recettes (La Reine des neiges par exemple) et au final de n'en recevoir que 12 millions. Des films de type Les profs, les Marvel, Belle & Sébastien qui attirent les enfants comme les pré-ados seront fragilisés financièrement. Rien ne dit que les producteurs ne prendront pas en compte cette donnée pour encadrer davantage, en amont, les budgets de production d'un film.

Pour l'instant, on attendra les rapports d'étape pour voir si cette mesure est viable économiquement. Mais le doute est permis. Le blllet à 4 euros ne pourrait vivre qu'un an. Et on pourrait regretter que la FNCF n'ait pas imaginé une mesure forte pour les films art et essais, plus vulnérables et indispensables à la diversité cinématographique. Car, ne nous leurrons pas, ce ticket "low cost" pour les jeunes profitera avant tout à des films populaires, qui n'avaient pas forcément besoin ni de ce coup de pouce en termes de fréquentation, ni de ce coup de couteau en termes de recettes.