Fruitvale Station : rencontre avec le réalisateur Ryan Coogler
Fruitvale Station est un film dont on connaît d’avance la fin mais dont on ignore le début, et c’est cette histoire qui est racontée. Dès le début il y a les images d’un fait divers tragique enregistrées avec un téléphone portable. Sur le quai de cette gare à Oakland en Californie le 1er janvier 2009 à 2h15 du matin, un contrôle de police dégénère : le jeune Oscar Grant de 22 ans reçoit une balle dans le dos tirée par un policier. Bavure banale? Oui mais la victime est noire, le policier est blanc. Et le premier ne menaçait pas le second.
Le film nous fait le portrait de qui était Oscar Grant durant les 24 heures qui ont précédées ce drame. Il sort en France le jour de la date anniversaire du 1er janvier. Le film avait déjà été récompensé au Festival de Sundance, à Cannes et au dernier Festival américain de Deauville où nous y avions rencontré son réalisateur Ryan Coogler :
Ecran Noir : Fruitvale Station montre à différents moments de la journée des instants de la vie de Oscar Grant devant nos yeux…
Ryan Coogler : Je voulais trouver le moyen que les acteurs se surprennent entre eux, et qu’il y ait une fraîcheur de jeu. On avait un planning de tournage très serré, je me suis basé avant tout sur le scénario pour les plans prévus dans le planning de tournage, et après ça on pouvait respirer et essayer des choses. Pour moi il s’agissait d’abord de rendre compte des faits en s’attachant à l’humanité des personnes impliquées. L’histoire du film est avant tout celle de ces gens.
EN : Qu’est ce qui était le plus difficile à recréer comme scène de vie : la tension entre policiers et jeunes dans le train où l’intimité familiale entre Oscar, sa femme et sa fille ?
Ryan Coogler : Ce sont deux choses qui ont été difficiles à tourner pour différentes raisons. En premier lieu c’est la contrainte du planning, très serré. Pour ce qui des séquences avec les policiers, on avait le quai de la gare à disposition seulement pour 4 heures de tournage ! Pour les scènes domestiques avec la famille, il y avait beaucoup d’émotions différentes à capturer à travers les disputes ou les coups de téléphones. Et là aussi il a fallu composer avec le facteur temps en ce qui concerne la jeune actrice qui joue leur petite fille : puisque c’est une enfant il y a des limitations spécifiques du nombre d’heures consécutives de tournage. Par exemple on ne pouvait pas la faire tourner après minuit. C’est la gestion du temps de tournage qui était la principale difficulté.
EN : Pensez-vous qu'une fiction réaliste est un témoignage plus puissant qu’un reportage aux informations de la télévision ?
Ryan Coogler : Oui je pense que cela peut être le cas. Je pense qu’un film peut rendre le public beaucoup plus proche des personnages. Pour ce qui de la télévision, cela dépend comment le reportage est monté. Pour le cas d’Oscar, le drame a été enregistré par des téléphones. Voir ce genre d’enregistrement des faits nous fait devenir témoin de ce qui c’est passé, mais d’autres incidents arrivent sans qu’on puisse en voir des images. Ils ne sont que racontés. Un film apporte beaucoup de proximité, voir même de l’intimité, et peut apporter d’autres éléments à mettre en perspective. Fruitvale Station a eu une certaine répercussion dans le milieu de la police, à propos des procédures de certains agents. J’espère que ce genre d’incident ne se reproduira plus.
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