Pour sa 11e édition, Mon premier festival propose jusqu'au 27 octobre plus de 200 projections et animations pour s’éveiller au 7e art. Une semaine consacrée aux jeunes cinéphiles de tous les âges, à partir de deux ans, mêlant une compétition de dix-neuf avant-premières et films inédits, une programmation sur le thème « Là où je vis », avec une pastille environnement, en écho à la COP 21, un focus sur le cinéma tchèque, 15 ciné-concerts et plus de 50 animations autour des films.
Dans le rôle de la bonne fée chargée de veiller sur cette grande fête du cinéma, la réalisatrice et dessinatrice Marjane Satrapi a accepté d'être la marraine du Festival et de proposer trois films "coups de cœur" : Les Bêtes du Sud sauvage de Benh Zeitlin, Microcosmos, le peuple de l’herbe de Claude Nuridsany et Marie Pérennou, et Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki. Rencontre avec l'artiste franco-iranienne.
Ecran Noir : Vous avez des souvenirs d'enfance liés au cinéma ?
Marjane Satrapi : J'ai un père qui était très cinéphile. Il était étudiant dans les années 60, il allait voir les films qu'il aimait deux ou trois fois. A l'époque en Iran, les films passaient tous à un moment ou à autre. Il adorait regarder des films ! Et puis j'avais des cousins qui étaient plus grands que moi et qui m'emmenaient voir des films car on avait un cinéma tout près de chez nous. J'y suis donc allée très tôt, et ça a toujours été mon activité favorite enfant, et ça l'est toujours aujourd'hui.
EN : Pourquoi ?
MS : Parce que c'est comme si vous étiez coupé du monde pendant un moment. C'est pour ça que j'aime pas regarder les films en DVD ou VoD. Au cinéma, vous êtes dans une salle noire avec des gens. Vous ne pouvez pas vous dire "ah, maintenant j'ai envie d'aller faire pipi" ou "je vais répondre au téléphone". Non, vous êtes là, et il y a l'effet du son, et vous rentrez dans le grand écran, et pendant deux heures vous êtes complètement ailleurs. C'est un voyage ! Je pense que le cinéma est la plus grande machine à empathie. Aucun média dans le monde ne crée autant d'empathie. Ca m'est arrivé de pleurer en lisant un livre, mais un livre vous mettez beaucoup plus de temps à le lire : un jour, deux jours, une semaine... Alors qu'au cinéma, tout est condensé en deux heures. C'est quelque chose de très émouvant. J'aime beaucoup à cause de ça. On vous raconte des histoires, c'est super. Qu'est-ce qu'il y a de mieux ? Et puis, moi, à plusieurs reprises, le cinéma a changé mon avis sur le monde. Ca me fait réfléchir. C'est beaucoup plus intéressant que de faire des mondanités... Au cinéma, je n'ai jamais l'impression de perdre mon temps, mais d'apprendre quelque chose. Même quand le film est nul. Par exemple, pourquoi vous croyez que dans un pays comme les Etats-Unis, qui est quand même plus conservateur et religieux que la France, l'homosexualité a été beaucoup moins un problème, et depuis plus longtemps ? Eh bien à force de montrer des films avec le voisin gay sympa, etc., au bout d'un moment, le voisin gay sympa, c'est quelqu'un qu'on accepte ! Et ça, ce sont les films qui font ça, qui parviennent à changer les mentalités. Si les films n'avaient pas ce pouvoir-là, les régimes dictatoriaux ne les auraient jamais utilisés comme outil de propagande.
EN : Et les échanges liés au film, ça vous intéresse ?
MS : Pas vraiment... Parce qu'il y a une façon très française de discuter d'un film : on veut vous persuader. Mais le rapport que vous avez avec un film, c'est un rapport très subjectif. Si vous l'aimez ou si vous ne l'aimez pas, on peut vous donner tous les arguments du monde, rien ne va vous faire changer d'avis.
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