Lettre à Xavier Dolan

Posté par wyzman, le 21 septembre 2016, dans Actualité, société, Cannes, Critiques, Films, Personnalités, célébrités, stars.

Cher Xavier,

Avec toi, c'est toujours la même chose. A chaque passage à Cannes, tu fais un malheur. Certains t'adorent, d'autres te détestent. Mais rares sont ceux qui, après avoir vu l'un de tes films, se disent "Mouais… Bof… Ça passe !" Il y a deux ans, Mommy faisait le job comme personne. Je m'en souviens comme si c'était hier. Tu étais partout, tout le monde te citait, tu allais gagner. Jusqu'à la dernière minute, tout le monde te voyait remporter la Palme d'or… Et puis finalement non. Ce n'est pas grave. Ton nouveau bébé, Juste la fin du monde, est la preuve que ton meilleur film (à ce jour !) allait sortir deux ans plus tard.

Alors oui, nombreux sont ceux qui t'ont reproché et vont continuer à te reprocher la mise-en-scène de cette adaptation de la pièce de Jean-Luc Lagarce. Mais on s'en fiche. Comme tout metteur en scène, tu t'es approprié l'oeuvre de J.-L. L., quitte à la modifier légèrement. C'est tant mieux. En modernisant un peu le tout, tu m'as donné envie de découvrir le travail de ce dramaturge. Et ce n'était pas gagné d'avance. Comme avec Tom à la ferme à l'époque, il est évident que ton nouveau film va diviser et déranger. N'est-ce pas ce que les grands artistes sont censés faire ? En n'allant là où tu n'étais pas franchement attendu, tu nous as prouvé (si c'était nécessaire) que tu étais seul maître de ta carrière. Et je ne te remercierai jamais assez pour cela.

Dramatique au possible et sincèrement prenant, Juste la fin du monde m'a réconcilié avec ma famille (j'y reviendrai plus tard) et avec cette belle et grande famille du cinéma français. Parce que cela mérite d'être dit : ton casting cinq étoiles est une merveille. Oui, l'interprétation de Léa Seydoux risque d'en agacer certains. Oui, Nathalie Baye aurait dû forcer encore un petit peu le trait. Mais en face, impossible de résister au jeu de Gaspard Ulliel (un bonheur qui mérite une nomination aux César), de Marion Cotillard (plus juste que la justesse elle-même) et de Vincent Cassel (parfait au possible).

Parce que tous tes acteurs sont incroyables, je suis d'autant plus content que tu n'aies pas lésiné sur les gros plans. Si pour certains spectateurs et internautes, ce n'est que du cadrage, pour moi, cela a fait toute la différence. Et ne me lance même pas sur ces regards qu'Ulliel et Cotillard s'échangent ou sur tes ralentis ! En mettant en scène et de manière brillante mais osée une pièce de théâtre essentiellement basée sur les non-dits, tu as réussi un véritable exploit. Et au cas où tu ne le saurais pas, tu es officiellement l'un des meilleurs réalisateurs de cette décennie et de notre génération.

Mais assez parlé de ton excellent travail (tu méritais plus qu'un Grand Prix, ça reste entre nous), parlons maintenant de moi et de toutes les personnes qui vont aller voir ou revoir ton film dès aujourd'hui. Évoquons brièvement tous ceux qui vont être pris par les tripes, songer à leur famille pendant de longues minutes et se baisser sur leur siège de cinéma pour pleurer discrètement. Car oui, Juste la fin du monde est d'une telle beauté que j'en ai pleuré. Bon d'accord, j'ai pleuré devant chacun de tes films, mais celui-ci m'a vraiment laissé en PLS pendant plusieurs heures. D'ailleurs, je ne m'en suis toujours pas remis. D'où cette lettre.

Après avoir vu Juste la fin du monde, j'ai presque changé d'avis sur les repas de famille. Presque. Je les déteste toujours autant parce que tout le monde semble y être en pleine représentation, mais je les tolère davantage. J'y communique et y partage également plus. Avec la puissance d'un électrochoc, ton nouveau film m'a fait comprendre que ce sont ces petits moments passés autour d'une table qui font les familles et pas juste les liens du sang.

Alors merci. Merci pour ces 95 minutes absolument flamboyantes. Merci d'être toujours toi-même (talentueux, franc, sensible et parfois mal compris). Merci de partager ton regard sur le monde et ta maturité avec le public (même les purs haters). Mais plus encore, merci de ne jamais avoir cédé sous la pression des critiques.

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