Arras 2012 : rencontre avec Anna Novion et Jean-Pierre Darroussin

Posté par MpM, le 14 novembre 2012

Après Les grandes personnes, Anna Novion retrouve Jean-Pierre Darroussin pour son deuxième long métrage au 13e Arras Film Festival, Rendez-vous à Kiruna, un road-movie burlesque et touchant qui nous emmène des portes de Paris au nord de la Suède. Ernest, architecte trop sérieux, y croise la route de plusieurs personnages hauts en couleurs, dont un biker agressif et un auto-stoppeur sensible.

Ecran Noir : On trouve beaucoup de poins communs entre vos deux longs métrages, à commencer par les personnages et le thème des rencontres de hasard...
Anna Novion : Le point commun entre les deux personnages interprétés par Jean-Pierre [Darroussin] dans Les grandes personnes et Bienvenue à Kiruna, c'est que ce sont deux hommes très sérieux, pleins de certitude, et qui ne veulent pas montrer leur vulnérabilité. Qui pensent que leur vulnérabilité est une faiblesse. L'un comme l'autre vont faire un cheminement en rencontrant des personnes qu'ils n'auraient pas dû rencontrer. A travers ces rencontres, ils vont découvrir une partie d'eux-même qui était cachée et faire une force de leur vulnérabilité. Il y a quelque chose qui m'intéresse à parler de vulnérabilité. Je trouve qu'on est dans une société où il faut toujours être le plus fort, être dans la performance. Moi j'aime bien dire que c'est bien de faire ce qu'on peut, qu'on n'est pas des surhommes.

EN : Et vous, Jean-Pierre, comment voyez-vous votre personnage ?
Jean-Pierre Darroussin : C'est un type qui a essayé de se réaliser, qui a pris de l'importance. Cette importance est la clef de voûte de son existence. C'est un architecte très connu qui dirige des gens, il a l'attitude permanente de quelqu'un qui doit faire des choix. C'est quelqu'un d'assez odieux. Fortuitement on va le placer dans une situation où il va être déstabilisé. Déjà il va être à l'étranger, plus personne ne va le reconnaître. Il va ouvrir des portes, des portes vont s'ouvrir devant lui, il va rencontrer des gens par épisodes, avec quand même cet auto-stoppeur qu"il va prendre au début un peu comme un objet, comme un GPS dont il va avoir besoin. Il a l'habitude d'utiliser les gens mais ça se retourne contre lui. parce que finalement il va sentir quelque chose qu'il n'avait jamais senti, c'est la possibilité d'être abandonné. Au moment où il ressent ça, il comprend ce que ça veut dire que d'avoir des relations affectives avec les autres.

EN : Comment s'est passée l'écriture du film ?
AN : Assez  étrangement, j'ai écrit toute seule au début, puis j'ai commencé à écrire avec mon père [NDLR : Pierre Novion, également chef opérateur] car l'histoire l'intéressait. On a écrit tous les deux pendant quelques mois et ensuite il est parti sur un tournage donc j'ai continué avec un scénariste qui s'appelle Olivier Massart. Il m'a apporté beaucoup de choses. Notamment, avant son arrivée, le personnage d'Ernest allait reconnaître un enfant qu'il avait connu un petit peu. Et Olivier m'a dit : "c'est impossible qu'il ait connu cet enfant si tu veux qu'il y ait aussi de la légéreté parfois, et puis le personnage ne serait pas capable de prendre un jeune homme en stop tout en allant reconnaître un enfant qu'il a connu. " Il m'a apporté cette idée assez évidente. Puis, petit à petit, on a écrit un traitement. Avec Jean-Pierre, on est parti en voiture jusque dans le Nord pour voir si les paysages correspondaient à ce qu'on écrivait. Et comme on avait juste écrit une vingtaine de pages, j'avais encore la liberté d'écrire quelques scènes. Et par exemple, le groupe de folk-rock, c'est un groupe qu'on a vraiment vu en Laponie. Je les ai trouvés tellement formidables que j'ai eu l'idée d'écrire cette scène. Ensuite, pendant le tournage, on les a recontactés.

Crédit photo : Marie-Pauline Mollaret

Arras 2012 : retour en vidéo sur le jour 4 avec Anna Novion, Jean-Pierre Darroussin, Justine Lévy…

Posté par MpM, le 14 novembre 2012

Invités : Anna Novion et Jean-Pierre Darroussin pour Rendez-vous à Kiruna ; Patrick Mille et Justine Lévy pour Mauvaise fille ; RIchard Rericha pour Don't stop...

L'équipe du quotidien vidéo du Arras Film Festival : Jessica Aveline, Nina Debail, Vincent Escriva, Pearl Hart, Olympe Le Touze et Alain Pétoux.
Propos recueillis par Marie-Pauline Mollaret et Jovani Vasseur.
Merci à David Lesage.

Arras 2012 : retour en vidéo sur le jour 3 avec Jean-Pierre Améris et Marc-André Grondin

Posté par MpM, le 14 novembre 2012

Invités : Jean-Pierre Améris et Marc-André Grondin pour L'homme qui rit .

L'équipe du quotidien vidéo du Arras Film Festival : Jessica Aveline, Nina Debail, Vincent Escriva, Pearl Hart, Olympe Le Touze et Alain Pétoux.
Propos recueillis par Marie-Pauline Mollaret et Jovani Vasseur.
Merci à David Lesage.

Arras 2012 : rencontre avec Jean-Pierre Améris et Marc-André Grondin

Posté par MpM, le 13 novembre 2012

Présent à Arras en 2010 pour Les émotifs anonymes, Jean-Pierre Améris est de retour pour la 13e édition du festival avec son nouveau film, L'homme qui rit, d'après le célèbre roman de Victor Hugo et qui avait fait la clôture du dernier festival de Venise.

Le film, qui sortira sur les écrans français le 26 décembre prochain, réunit à l'écran Marc-André Grondin, Christa Théret, Gérard Depardieu et Emmanuelle Seigner.

Il s'agit d'une adaptation atemporelle et d'une grande beauté formelle, où se mêlent histoire d'amour déchirante, destin tragique et thématiques politiques d'une extrême actualité.

Ecran Noir : Pourquoi avoir eu envie d'adapter L'homme qui rit de Victor Hugo ?
Jean-Pierre Améris : C'est un choc de mon enfance puisqu'il y avait eu un feuilleton à la télévision en 1971, en noir et blanc, réalisé par Jean Kerchbron. J'avais 10 ans et je n'avais pu en voir qu'une partie car mes parents m'avaient envoyé me coucher parce que ça faisait un peu peur. Cinq ans après, je lis le roman et je suis passionné et bouleversé par le personnage de Gwynplaine auquel je m'identifie. A cette époque, j'étais un adolescent très complexé, je faisais deux mètres, j'avais droit à de nombreux quolibets sur ma taille. De voir ce personnage différent des autres, et de le voir trouver sa place dans le théâtre, comme moi j'ai trouvé ma place dans le cinéma, ça m'a bouleversé. Après j'ai relu le roman une dizaine de fois et après chaque film je me disais : "est-ce que je me lance dans son adaptation ?". J'ai essayé de le faire il y a dix ans et je n'ai pas trouvé de producteur. En 2006, un producteur m'a demandé quel film j'aimerais le plus faire dans ma vie, c'était L'homme qui rit, et il m'a dit : "on y va".

EN : Quelles libertés vous êtes-vous autorisé avec le roman original ?
JPA : Une adaptation n'est pas une illustration. Il est impossible de l'adapter tel quel puisque c'est un roman qui fait presque 800 pages et qui est assez peu narratif. C'est un roman fait de digressions politiques et historiques. Moi je voulais ne jamais quitter le personnage de Gwynplaine, comme dans un conte. Je ne voulais pas faire une reconstitution historique. Donc ça a été une adaptation assez longue, on a fait pas mal de versions mais c'était assez simple de tirer le récit de ce roman de Victor Hugo.

EN : On retrouve dans le film l'un de vos thèmes de prédilection, celui de la différence...
JPA : Je fais toujours des films sur les gens qu'on met de côté, sur les marginaux, les inadaptés. C'est mon expérience de la vie qui me pousse à m'identifier à ces gens avec le désir de les mettre au centre de l'écran. Là, en plus de ça, il y a la question de la différence physique mais aussi la question de l'identité et de la place dans le monde. Moi j'ai eu une chance folle, ça m'a sauvé à l'adolescence d'avoir trouvé ma passion pour le cinéma. J'étais devenu celui qui filme un peu comme Gwynplaine à un moment donné trouve sa place sur les planches. Tout le malheur du personnage vient du fait que par besoin de reconnaissance il veut aller dans ce qu'il croit être le monde réel qui est plus cruel que le monde du spectacle.

EN : De votre côté, Marc-André Grondin, qu'est-ce qui vous a plus dans le personnage de Gwynplaine que vous interprétez ?
Marc-André Grondin : J'ai été touché par sa naïveté. C'était comme si la vie avait fait qu'il semble regarder chaque chose pour la première fois. Je crois que ça vient du fait qu'il doit décrire à Déa tout ce qu'il voit. Il se doit de porter attention à des détails. Nous, si on marche dans la rue, on ne fait plus attention aux détails. Mais si on marche avec un aveugle, il faut s'arrêter pour regarder les choses. ET puis, chez lui, il y a un amoncellement de trucs très forts et très naïfs.

EN : Comment vous êtes-vous approprié le personnage ?

MAG : En fait, le personnage était hyper clair à la lecture du scénario. Parfois, quand on lit un scénario, il y a énormément de trous à remplir et après ce sont des discussions et des discussions avec le réalisateur pour essayer de trouver comment remplir ces espaces. Mais le scénario de L'homme qui rit était extrêmement précis, à tout point de vue. J'ai rarement vu un film aussi précis que ce soit dans la mise en scène ou dans les décors. Tout était tourné dans la tête de Jean-Pierre. Donc à la lecture du scénario, les personnages s'imposaient et il fallait juste suivre.

Crédit photo : Marie-Pauline Mollaret

Arras 2012 : retour en vidéo sur le jour 2 avec Costa-Gavras, Fernando Trueba, Clément Michel…

Posté par MpM, le 13 novembre 2012

Invités : Costa-Gavras pour la leçon de cinéma ; Jacques Cambra pour le ciné-concert Aelita ; Fernando Trueba pour L'artiste et son modèle ; Clément Michel, Charlotte Le Bon et Raphaël Personnaz pour La stratégie de la poussette ; Thomas Liguori pour L'histoire du petit Paolo.

L'équipe du quotidien vidéo du Arras Film Festival : Jessica Aveline, Nina Debail, Vincent Escriva, Pearl Hart, Olympe Le Touze et Alain Pétoux.
Propos recueillis par Marie-Pauline Mollaret et Jovani Vasseur.
Merci à David Lesage.

Arras 2012 : retour en vidéo sur le jour 1 avec Costa-Gavras et René Vautier

Posté par MpM, le 12 novembre 2012

Invités : Costa-Gavras (invité d'honneur) pour Le capital ; René Vautier pour Avoir 20 ans dans les Aurès ; Ivano de Matteo pour Les équilibristes...

L'équipe du quotidien vidéo du Arras Film Festival : Jessica Aveline, Nina Debail, Vincent Escriva, Pearl Hart, Olympe Le Touze et Alain Pétoux.
Propos recueillis par Marie-Pauline Mollaret et Jovani Vasseur.
Merci à David Lesage.

Arras 2012 : retour en vidéo sur la cérémonie d’ouverture

Posté par MpM, le 12 novembre 2012

Avec : Eric Miot et Xavier Leherpeur pour la cérémonie d'ouverture ; Sara Forestier, Michel Leclerc et Félix Moati pour Télégaucho.

Merci à l'équipe du quotidien vidéo du Arras Film Festival et à David Lesage.

Arras 2012 : rencontre avec Fernando Trueba

Posté par MpM, le 11 novembre 2012

Au 13e Arras Film Festival, le cinéaste espagnol Fernando Trueba, fraîchement récompensé à San Sebastian d'un prix de mise en scène, est venu présenter aux festivaliers arrageois son dernier long métrage.

L'artiste et son modèle met en scène Jean Rochefort dans le rôle d'un sculpteur retrouvant son énergie créatrice après avoir trouvé un nouveau modèle. Situé dans le contexte difficile de la seconde guerre mondiale, c'est une fable poétique et pleine d'espoir sur la création, la vie, la vieillesse et la nature.

Ecran Noir : Comment situez-vous L'artiste et son modèle dans votre filmographie ?
Fernando Trueba : C'est le premier film de ma vieillesse (rires) ! Non, mais c'est un film que j'ai porté en moi pendant pas mal d'années. Je rêvais toujours de le faire mais à chaque fois j'arrivais à trouver un autre projet à faire avant parce que je trouvais qu'il fallait attendre plus longtemps pour comprendre un personnage comme Marc Cros, le sculpteur joué par Jean Rochefort. D'ailleurs, les gens qui me connaissent me reconnaissent dans le film. Pas nécessairement dans le personnage, mais dans le film, dans l'addition des choses de la vie.

EN : Quel a été le premier élément qui s'est imposé à vous et vous a donné l'envie de faire le film ? Le personnage du sculpteur ?
FT : Je ne saurais pas dire exactement. Je crois que ce n'est pas une chose mais plusieurs choses. C'est le rapport entre un personnage vieux et un personnage jeune qui est un sujet que j'ai traité pas mal de fois dans mes films, de façon complétement différente. En même temps, l'atelier comme endroit, comme décor où il se passe quelque chose, où l'artiste travaille, ça m'attirait beaucoup. Lorsque j'étais enfant, je rêvais de peindre, ce que j'ai abandonné à la fin de mon adolescence parce que déjà le cinéma avait pris la place, mais à l'époque j'étais fasciné par les ateliers d'artistes. Toutes ces photos de Brassaï, de Cartier-Bresson, tous ces photographes des années 30-40 qui comme moi et avant moi aimaient l'atelier de l'artiste comme un endroit presque magique où l'on voudrait passer une partie de sa vie ! Alors je voulais raconter une histoire dans cet atelier magique. Et puis il y a cette espèce de fondu enchaîné entre une vie qui se termine et une vie qui commence.

EN : Comment s'est fait le choix de Jean Rochefort pour le rôle principal ?
FT : Dès le début, Jean Rochefort était pour moi le personnage principal. Il était le premier de ma liste. Il a accepté de jouer dans le film et ç'a vraiment été un moment exceptionnel. D'un point de vue professionnel mais d'un point de vue humain aussi. Au niveau de l'humour, de l'amitié, de tout ce qui s'est passé. Qu'est-ce qu'on a pu rire ! On s'est raconté nos vies... C'est une chose formidable du cinéma, les rencontres qu'on peut faire. Chaque fois qu'on se voit depuis, c'est une nostalgie... on aimerait recommencer lundi prochain !

EN : Comment avez-vous travaillé avec Daniel Vilar, le directeur de la photographie, qui a fait un travail magnifique sur les images ?

FT : Ca a été très joli. J'avais travaillé avec lui comme assistant à la caméra puis comme opérateur, et finalement je lui ai proposé d'être le directeur de la photo du film. Il est très cinéphile, il aime beaucoup le cinéma mais il est jeune donc il connaissait très bien le cinéma moderne, les films indépendants, tout ça. Mais à un moment donné je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de références que je lui donnais qui appartenaient à un cinéma plus classique qu'il ne connaissait pas. Ca a été très joli de l'inviter à connaître ce cinéma et à lui montrer notamment beaucoup de films français. Des films de Renoir, de Bresson, de Truffaut. Maintenant il adore voir ces films ! Donc pour lui ça a été un joli voyage d'inititation dans le cinéma classique. Suvent les jeunes ne voient que les films contemporains et ils ne connaissent pas assez le cinéma classique. Or c'est très important, il y a plein de trésors dans ce cinéma. On découvre un monde dont on ne veut plus sortir. Ca a été très intéressant de travailler avec Daniel car il était très ouvert. J'aurais pu appeler un grand directeur de la photo espagnol avec qui j'avais déjà travaillé mais je voulais quelqu'un de frais, sans préjugés.

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Arras 2012 : trois questions à Costa Gavras

Posté par MpM, le 10 novembre 2012

L'un des invités d'honneur de ce 13e Arras Film Festival est le cinéaste Costa Gavras à qui est consacré une rétrospective. Avant de participer dimanche à une leçon de cinéma animée par Serge Toubiana, il a présenté en avant-première son nouveau film, Le capital, qui sort sur les écrans le 14 novembre prochain.

L'occasion d'évoquer sa vie de réalisateur engagé et son nouveau challenge, faire entrer le spectateur dans la tête d'un banquier confronté aux réalités d'un système financier cynique et avide.

Ecran Noir : Depuis quelques films, et notamment avec Le capital, vos thèmes semblent être passés de clairement politiques, comme la dictature ou le fascisme, à des thèmes plus sociaux, voire sociétaux, et même économiques...

Costa-Gavras : Jusqu'à une certaine période de notre histoire et même de l'histoire du monde, nous avions des choix de société assez clairs : il y avait l'Est, il y avait l'Ouest. Il était simple de prendre position. Mais depuis quelques temps, le monde a changé complétement et on s'aperçoit de plus en plus que le politique a quitté la politique et appartient désormais de plus en plus à la finance, ce qui est presque une malédiction. En plus, il est compliqué de prendre position car on a besoin de la finance, les gouvernements ont besoin des banques, et dans la plupart des cas elles travaillent dans la légalité. Mais il y a une partie opaque que le film essaye d'explorer.

EN : Comment avez-vous préparé le film et notamment comment s'est faite l'adaptation du roman de Stéphane Osmont ?

CG : J'ai commencé d'abord avec une envie de faire un film sur l'argent et sur la manière dont il change la nature humaine et je dirais même la nature masculine. Les hommes plus que les femmes semblent attirés par l'argent et le pouvoir qu'il procure. J'ai donc commencé comme ça et en cherchant une histoire, je suis tombé sur le livre de Stéphane Osmont. Il y avait là le personnage qui m'intéressait. J'ai donc adapté le livre avec mes coscénaristes. On a pas mal changé de choses et on a fini par faire le film mais avec pas mal de difficultés car personne ne voulait donner d'argent pour le film. Il faut préciser que Stéphane Osmont a fait une belle carrière dans la finance et au bout d'un moment je crois qu' il était dégoûté et très fatigué par ce qu'il faisait, et il a abandonné. Donc dans le livre il y a beaucoup d'événements qui sont basés sur le réel. Pour adapter le livre, j'ai aussi cherché de vraies histoires et de vrais dialogues sur lesquels me baser pour compléter. Pour dire la vérité, c'est très difficile d'inventer ce monde car on le connaît mal et il est toujours inattendu. Par exemple, quand on a eu fini le scénario, je l'ai fait lire à l'un des banquiers que j'avais rencontrés et il m'a dit qu'il fallait augmenter tous les chiffres (salaires, bonus...). Je ne l'ai pas fait car ça me paraissait extravagant.

EN : On a l'habitude de voir Gad Elmaleh dans des rôles plus légers. Comment votre choix s'est porté sur lui ?

CG : Il me fallait quelqu'un avec lequel le spectateur sympathise. C'est d'ailleurs pour cela que dès le début du film, je le fais parler au spectateur. Il établit une sorte d'intimité avec lui. Et alors, au fur et à mesure qu'il fait des choses négatives, le spectateur va se poser la question : "je l'aime bien mais pourquoi il fait ça ?". Jusqu'à la fin où vraiment le personnage va à l'extrême, et je voudrais que le spectateur soit gêné et qu'éventuellement il se pose des questions.

Crédit photo : Marie-Pauline Mollaret

Arras 2012 : Télé gaucho ouvre la 13e édition du Festival

Posté par MpM, le 9 novembre 2012

La 13e édition du Arras Film Festival s'est ouverte avec la première projection publique du nouveau film de Michel Leclerc, Télé gaucho. Le réalisateur avait fait le déplacement en compagnie de deux de ses acteurs principaux, Sara Forestier et Félix Moati, pour présenter cette comédie joyeusement foutraque qui s'inspire de ses années de participation à la télé libre Télé Bocal.

Avec le ton qui le caractérise, burlesque et décalé, le cinéaste dresse le portrait critique mais bienveillant d'une petite bande de doux rêveurs  bien décidés à inventer leur propre télé, à contre-courant des chaînes commerciales et lénifiantes. Mi-nostalgique, mi-satirique, le cinéaste évoque ainsi une "parenthèse enchantée" de son existence, faite d'idéalisme, d'engagement sincère et d'action collective, mais aussi de système D délirant et de grandes causes à défendre.

"Je faisais partie de l'équipe qui a démarré Télé Bocal, explique-t-il. Je n'étais pas là tout le temps mais j'ai fait ça pendant quatre ou cinq ans pendant les années 90. Le film est inspiré de ces moments-là. C'est vraiment un film de groupe sur ce que c'est de fonder une télé libertaire, engagée  et bordélique à cette époque-là. Mon implication était réelle parce que j'ai adoré ça. On a tous envie à un moment donné de partager quelque chose de collectif. C'est un peu ce qu'on vit sur un film, d'ailleurs... Mais c'est quelque chose que l'on garde, surtout lorsque l'on est encore jeune."

"Je voulais aussi parler d'une certaine forme de cinéphilie, continue-t-il. Surtout quand on ne fait pas encore de films, il y a une espèce de plaisir à sortir des noms de cinéastes rares ou au contraire très connus. Je voulais aussi parler de quelque chose d'un peu ridicule, et là pour le coup c'est de l'autodérision : quand on a 20 ans et qu'on a l'impression de vivre dans un film, qu'on sort tout le temps des citations de tel ou tel film parce qu'on a l'impression que ça nous fait exister. Mais l'ironie n'empêche pas la sincérité, c'est-à-dire que les cinéastes dont parle le personnage de Victor, ce sont des cinéastes qu'en général j'aime bien. Mais on peut quand même se moquer de cette manière de se faire valoir en passant par les oeuvres des autres."

"J'espère que je porte un regard tendre sur l'époque, et que c'est un regard juste. En tout cas je ne crois pas que ce soit un regard méchant. Il faut être lucide sur les travers... mais il me semble quand même que la tendresse domine", conclut-il.

Assez tendre en effet, Télé gaucho s'inscrit dans la lignée du Nom des gens, à la fois engagé et bourré de fantaisie, souffrant parfois de vouloir trop en dire et de manquer de cohésion, mais plein d'une vitalité et d'une finesse qui en font une comédie intelligente plutôt qu'un pensum prêt-à-penser. Extrêmement bien accueilli par le public arrageois, preuve qu'il ne heurte finalement aucune sensibilité politique, le film pourrait connaître un joli succès en salles et marcher sur les pas de son prédécesseur... Réponse le 12 décembre prochain.

Crédit photo : Marie-Pauline Mollaret