Cinespana 08 : plongée dans le cinéma espagnol de demain

Posté par MpM, le 10 octobre 2008

Final de Hugo Martin CuervoTraditionnellement, les sélections de courts métrages présentées lors des festivals permettent de se faire une idée plus précise de la manière dont pourrait évoluer une cinématographie nationale dans les années à venir. Le panorama proposé par Cinespana, constitué d’une quinzaine de films, est à ce titre une sorte d’instantané des pistes et des thèmes qui préoccupent la jeune génération de cinéastes espagnols. Rares sont ceux qui en sont à leur coup d’essai, et cela se sent dans la maîtrise technique de la plupart des œuvres.

Contrairement à leurs aînés, les réalisateurs du panorama sont plus inspirés par la fiction pure que par le passé (seul El talento de las moscas de Laura Sipan a pour toile de fond la deuxième guerre mondiale à travers la rencontre entre une jeune femme espagnole et Antoine de St Exupéry) ou même par des sujets "contemporains" (un film sur l’émigration clandestine, Mofetas de Ines Enciso, et un autre sur le trafic de femmes, Natacha d’Antonio Bertolo). Une incursion dans le film de genre confirme l’intérêt des cinéastes espagnol pour ce domaine, mais ne convint pas : Humanos con patatas des frères Prada est lourdingue, mal fichu et extrêmement téléphoné.Tout le reste repose sur des anecdotes cocasses (un voyage en taxi pour Taxi de Telmo Esnal, la rencontre entre un vieil homme et un vieux poisson solitaires dans El mistero del pez de Giovanni Maccelli) ou des histoires plus ambitieuses, mais résolument fictionnelles. Des enfants se vengent d’une voisine cruelle (Porque hay cosas que nunca se olvidan de Lucas Figueroa), deux personnes faites l’une pour l’autre se croisent fugacement (18 segundos de Bruno Zacharias et Miguel Lopez "Mac Gregor"), un médecin se lie d’amitié avec une femme que tout le monde juge folle (La felicidad de Miguel Aguirre et Marco Fettolini)… On oscille entre légèreté et profondeur, avec presque toujours une pointe d’humanité et de bienveillance.

Au final, trois films sortent malgré tout du lot, donnant réellement envie de suivre leurs auteurs. Dio vi benedica a tutti de Luis Alejandro Berdejo, qui fait partie de Limoncello, tres historias del oeste, joue des codes du western traditionnel en racontant une chasse au trésor façon Le bon, la brute et le truand. Tous les ingrédients sont réunis pour inventer le "western-paëlla", même un retournement de taille dans les dernières minutes. Dans un genre complètement différent, Gonzalo de Pedro et Javier Garmar nous entraînent dans une ronde sous acide et filmée caméra à l’épaule dans les couloirs d’un hôpital avec Historia n°52785/614-18. La voix-off, obsédante, s’adresse au(x) patient(s) dont elle décline les pathologies. Nerveux, urgent et efficace. Enfin, Final de Hugo Martin Cuervo, est un huis clos épuré autour d’un jeune homme dans le coma et de ses parents confrontés à une décision difficile. Une fable très habile et un peu glaçante sur notre rapport à la mort ("l’essentiel, c’est d’avoir une bonne fin") servie par une esthétique bleutée onirique à souhait.

Cinespana 08 : histoire et cinéma, le couple infernal

Posté par MpM, le 9 octobre 2008

las13rosas.jpgPas de festival de films sans un grand classique du genre : la fresque historique directement inspirée d’éléments réels. Puisqu’à Toulouse, il s’agit de cinéma espagnol, la guerre civile opposant Républicains et Franquistes entre 1936 et 1939 semble un passage obligé. Près de soixante-dix ans après les faits, cet épisode brûlant de l’Histoire espagnole continue en effet à hanter bien des films, que ce soit anecdotique (un ancien républicain réfugié en Uruguay et confronté au coup d’état de 1973 dans Paisito d’Ana Diez), ou plus structurel (le héros de El hombre de arena de José Manuel Gonzalez-Berbel qui, pour avoir tenté d’obtenir justice pour ses parents assassinés par un phalangiste, est jeté en prison). Dans tous les cas, on sent le sujet douloureux, et pas vraiment apaisé.

Un peu à part, Las 13 rosas d’Emilio Martinez-Lazaro se déroule dans l’immédiate après-guerre, en avril 1939, lorsque les troupes triomphantes de Franco entrent dans Madrid. Basé sur des événements réels, il raconte le démantèlement puis l’élimination d’un réseau de partisans en grande partie constitué de jeunes filles mineures dont le seul crime est d’avoir distribué des tracts réclamant "moins de Franco, plus de pain". Le principal intérêt du film est le portrait très juste qu’il brosse de cette période troublée où la peur, la lâcheté, l’instinct de survie et la bêtise l’emportent sur l’humanité. Ce sont de vieilles femmes affolées qui dénoncent n’importe qui, des anciens combattants terrifiés prêts à trahir leurs amis pour sauver leur peau, des policiers zélés à qui le pouvoir monte à la tête, des franquistes sincères embarqués dans une chasse aux sorcières qui les dépasse… Et face à eux, non pas des héros, non pas des guerriers féroces, mais simplement une poignée de jeunes femmes à l’insouciance presqu’inconsciente, juste mues par une cause qu’elles croient juste.

Même si Emilio Martinez-Lazaro ne fait pas forcément dans la nuance, ne nous épargnant notamment ni la violence des diverses méthodes musclées d’interrogatoire, ni le pathos d’une fin inutilement mélodramatique, qui plus est filmée sans subtilité ni retenue, là n’est pas l’essentiel. Ce qui frappe, c’est la résonance universelle de son film, qui pourrait se dérouler dans l’Allemagne nazie comme dans la France de la collaboration, ou dans n’importe quel pays autoritaire où une partie de la population fait la chasse à une autre. Immanquablement, on pense à Sophie Scholl les derniers jours de Marc Rothemund qui met en scène, quoiqu’ avec plus de maîtrise et de rigueur, une autre jeune fille naïve faisant trembler la lourde machine de la police politique, et qui le paye de sa vie dans un simulacre de procès. Les dirigeants et les causes changent, les méthodes de répression restent les mêmes, nous met en garde le réalisateur. Comme un appel à la vigilance ? En tout cas, dans la salle de Cinespana, quand les lumières se rallument, quelques voix reprennent en chœur "viva la Republica" au milieu des applaudissements.

Cinespana 08 : premier aperçu de la compétition

Posté par MpM, le 8 octobre 2008

lesilencedebach.jpgPour cette première prise de pouls de la production espagnole des dix-huit derniers mois, la curiosité est au rendez-vous. Que devient le cinéma de l’autre côté des Pyrénées ? A en juger par les trois films en compétition du jour, il n’a rien perdu de sa diversité ni de son désir d’expérimentation. Par contre, s’il est toujours ancré dans l’Histoire du pays, principalement au travers de références à la guerre civile, il semble également résolument tourné vers l’universel, avec des intrigues facilement transposables n’importe où.

Le plus évident, c’est Ladrones (Voleurs), premier long métrage du scénariste Jaime Marqués, qui suit la déchéance d’un jeune pickpocket à la recherche de sa mère. Le réalisateur lui-même l’avoue : le film n’a rien de spécifiquement espagnol, et ce cadre urbain plein de recoins, de parkings et de stations de métro pourrait se situer dans pas mal de grandes villes occidentales. Quant à son personnage, un adolescent paumé et désespérément à la recherche de quelqu’un qui l’aime, il est plus représentatif de son époque que d’une quelconque identité nationale. Côté réalisation, Marqués lorgne tantôt vers le teen movie à l’américaine (avec love story et séance shopping), tantôt vers la pure tragédie méditerranéenne, à mi-chemin entre classicisme et maniérisme (le prologue et l’épilogue du film, en teintes bleutées et avec effets de ralentis…)

Dans un genre totalement différent, le très attendu Silence avant Bach (photo) de Pere Portabella se moque forcément des frontières et des références nationales puisqu’à partir de l’exemple de Bach, il propose une réflexion sur l’importance de la musique dans nos sociétés. On y perçoit la discipline absolue nécessaire à l’exercice d’un instrument, mais également (quoique fugacement, hélas) le pouvoir que peuvent avoir chants et mélodies sur l’esprit et le corps. Le film, d’un abord peu facile, mêle reconstitutions historiques, performances musicales et bribes de vérités historiques sans réellement suivre d’intrigue ou de ligne directrice. Comme une rêverie autour de l’œuvre de Bach à laquelle il ne serait pas donné à tout le monde de participer.

Enfin, il y a de quoi rester perplexe devant le dernier film de Ventura Pons, Barcelona (un mapa), qui s’ancre indéniablement dans la capitale catalane (au travers notamment d’images d’archives rappelant l’hispanisation forcée de la région) mais se déroule presqu’exclusivement dans le huis clos d’un appartement impersonnel. Cet essai mi-dramatique, mi-cynique sur la solitude urbaine et l’abjection humaine a quelque chose d’une mauvaise pièce de boulevard artificiellement entrecoupée de flashbacks sous acide. La thématique, là encore, est tristement universelle… et confirme la variété du cinéma espagnol, extrêmement ouvert sur le monde, avide de renouvellement et peu enclin à se laisser topographier a priori.

Cinespana2008 : qui est José Luis Alcaine ?

Posté par MpM, le 7 octobre 2008

On doit à ce passionné d’image et de peinture parmi les plus belles lumières et atmosphères du cinéma espagnol des trente dernières années. D’abord photographe de plateau, José Luis Alcaine est en effet devenu dans les années 80 l’un des directeurs de la photographie les plus respectés dans son pays. Collaborateur de Fernando Fernán Gómez, Manuel Gutiérrez Aragón, Carlos Saura, Pedro Almodóvar, Bigas Luna, Fernando Trueba, Pilar Miró... il offre à chacun un style adapté à ses désirs et contraintes, bien loin d’une recette toute faite qu’il ne ferait que décliner. On lui doit notamment la tonalité bleue, presque indigo, de Démons dans le jardin (Manuel Gutiérrez Aragón, 1982), la faible luminosité et l’ambiance poussiéreuse des intérieurs espagnols des années 50 dans Amants de Vicente Aranda (1993) ou encore l’intense combat entre la lumière et l’ombre qui imprègne El Sur (Víctor Erice, 1983), poème visuel proche de Vermeer. Obsédé par les nuances de lumière selon les lieux et les heures du jour, il crée également la luz de siesta ("lumière de sieste"), où les rayons du soleil, encore haut dans le ciel, envahissent doucement les pièces tout en se réfléchissant sur le sol. Il l’utilise notamment dans Tasio (Montxo Armendáriz, 1984) et Belle époque de Fernando Trueba, où, selon lui, la couleur et la lumière faisaient écho à la sensualité des jeunes filles et au monde champêtre et pictural de Renoir.

Pour José Luis Alcaine, la lumière doit être la plus réaliste possible et générer un volume et un relief mettant en valeur acteurs et objets. "La question du volume est inhérente à ma façon de voir les choses", explique-t-il. "C’est peut-être à cause de l’influence d’un tableau qui m’a toujours obsédé, Las Meninas de Velázquez, où la lumière crée au fur et à mesure une foisonnante échelle de volumes." Autre caractéristique de son travail, le contraste inspiré du clair-obscur pictural qui lui permet de créer des ombres sans forcer l’intensité et en marquant le rythme du film. Lui-même définit son art comme une "peinture avec la lumière", permettant de façonner à l’infini les émotions et les perceptions de chaque scène. En lui rendant hommage au cours de sa 13e édition (jusqu’au 12 octobre prochain), Cinespana le met en lumière à son tour, offrant au public de (re)découvrir une partie de son œuvre, et honorant à travers lui une profession souvent méconnue.

Cinespana 2008 : qui est Fernando Fernán Gómez ?

Posté par MpM, le 5 octobre 2008

fernando fernan gomezFigure emblématique du cinéma et de la culture espagnols, Fernando Fernán Gómez, qui est décédé à la fin de l’année 2007, avait à son actif plus de deux cent films en tant qu’acteur, une trentaine en tant que réalisateur, ainsi que plusieurs romans et pièces de théâtre. Lui qui débuta sur les planches sous la direction de Jardier Poncela en 1940 travailla aussi bien avec le communiste Juan Antonio Bardem et l’anarchiste Luis García Berlanga dans Esa pareja feliz, véritable comédie se riant des modèles dominants, qu’avec des proches du régime comme Rafael Gil, José Luis Sáenz de Heredia ou Antonio Ruiz Castillo. Toutefois, son cœur et son idéologie le portaient vers un cinéma plus moderne et irrévérencieux comme celui de Carlos Saura (Anna et les loups en 1972, Maman a cent ans en 1979) ou Victor Erice (L’esprit de la ruche en 1973). Au fil des ans, on l’a également retrouvé chez Pedro Almodovar (Tout sur ma mère), Fernando Trueba (Belle époque), José Luis Cuerda (La langue des papillons), mais aussi au théâtre dans des pièces de Bernard Shaw, Mihura,Tolstoï ou encore André Roussin.

En tant que cinéaste, il réalisa quelques drames et comédies pendant les années de dictature avant d’aborder, après la chute de Franco, tous les thèmes qui ont fortement marqué l’histoire espagnole du XXe siècle : la République (Mi hija Hildegart en 1977), la guerre (Mambrú se fue a la guerra en 1986), l’exil (El mar y el tiempo en 1989), etc. Son film le plus personnel (et le plus autobiographique) reste néanmoins El viaje a ninguna parte (1986) qui met en scène une troupe de théâtre en tournée dans la campagne espagnole d’après-guerre. On pourra revoir ce film, ainsi qu’une demi-douzaine d’autres, lors de l’hommage que lui rend le festival Cinespana de Toulouse jusqu’au 12 octobre prochain.

Cinespana à Toulouse, 13e clap

Posté par Morgane, le 19 juillet 2008

Du 3 au 12 octobre, et ce pour la 13ème fois, Toulouse accueillera le festival Cinespana. Ecran Noir sera pour la deuxième année consécutive partenaire de l'événement.

Au coeur de Toulouse ainsi que dans diverses salles de la région, le festival proposera à chacun de découvrir un panorama assez large de la production cinématographique espagnole d'aujourd'hui ainsi qu'une rétrospective permettant de repartir sur ses traces... Jorge Semprun (écrivain espagnol, scénariste et homme engagé sur la scène politique), parrain de Cinespana, devrait être présent lors de la clôture du festival.

Durant ces 10 jours, le festival rendra hommage à Fernando Fernan Gomez, acteur et réalisateur espagnol disparu cette année. Quant à la rétrospective, elle sera consacrée au chef opérateur José Luis Alcaine. En attendant la sélection de longs métrages (inédits en France) qui seront en compétition pour la Violette d'Or , on sait que les courts métrages seront jugés par trois professionnels : Pierre Cadars, ancien Délégué Général de La Cinémathèque de Toulouse, Serge Regourd, Professeur d’Université et Guy Chapouillié, directeur de l’Ecole supérieure d’audiovisuel de Toulouse (ESAV).

A chaque jury, son prix. Le Jury Etudiant (révélation meilleur espoir masculin ou féminin), le Jury des lecteurs de La Dépêche du Midi (coup de coeur), le Jury de Raíces (meilleur documentaire) et le prix du public.