Et si on regardait… des films en hommage à Lynn Shelton

Posté par kristofy, le 17 mai 2020

Il y a 11 ans, en mai 2009, à la Quinzaine des Réalisateurs, on découvrait le film Humpday et la révélation de sa réalisatrice/scénariste Lynn Shelton. Ce 15 mai, elle est morte, âgée de 54 ans (un désordre sanguin). Alors que ces quelques dernières années, le monde du cinéma tente de valoriser les femmes cinéastes présentes dans les festivals ou aux commandes de blockbusters, elle était parmi celles qui faisaient entendre sa voix depuis bien plus longtemps. Humpday était d'ailleurs un nouveau symbole d'un cinéma indépendant américain à mini-budget, fait entre amis, qui pouvait triompher à l'international (comme Clerks en 1994,  Le projet Blair Witch en 1999...), avec un sujet singulier.

Dernièrement Lynn Shelton a réalisé un ou deux épisodes de diverses séries mais sans s'y impliquer (Mad Men, New Girl, Bienvenue chez les Huang, Love, Glow, The morning show), le genre de propositions où on officie comme 'exécutant' en attendant l'opportunité d'un nouveau projet. Elle est revenue au premier plan avec la moitié des épisodes de la série Little Fires Everywhere produite par Reese Witherspoon et Kerry Washington.

Outre sa trilogie personnelle, Lynn Shelton a également réalisé  Girls only sorti en mai 2015 dans l'indifférence générale, film de commande où le casting avec Keira Knightley, Chloë Grace Moretz, Sam Rockwell ne suffit pas à compléter la faiblesse d'un scénario qui n'est pas le sien.

Lynn Shelton va donc rester comme la réalisatrice d'une trilogie Humpday - Ma meilleure amie sa sœur et moi - Touchy Feely avec un duo d'interprètes : Mark Duplass et Rosemarie DeWitt. Ces trois films joue sur une même thématique, celle de surmonter des regrets intimes, et interroge à la fois l'amitié, l'amour, et la famille.

Humpday : la fraicheur et l'humour de ce film en ont fait la comédie qui a fait connaître Lynn Shelton à l'international après un Prix du jury au Festival de Sundance 2009, puis à Cannes à La Quinzaine des Réalisateur, et dans la foulée au Festival américain de Deauville en compétition, juste avant sa sortie en salles le 16 septembre 2009. Un couple (dont Mark Duplass) qui essaye d'avoir un enfant et reçoit la visite d'un ancien ami toujours sans attache, après une nuit de fête, les deux hommes ont fait le pari de réaliser ensemble une film porno gay alors qu'ils sont hétéro...

Ma meilleure amie, sa sœur et moi : Mark Duplass en déprime est invité par sa meilleure amie Emily Blunt à passer quelques jours dans une maison de campagne, mais il y trouve sa soeur lesbienne Rosemarie DeWitt. Après une nuit de confidences, il couche avec elle alors que c'est sa soeur qui est amoureuse de lui... Un autre triangle où se mélange amitié, amour et désir d'enfant.

Touchy Feely : Rosemarie DeWitt, de nouveau, mai aussi Ellen Page, Allison Janney, Scoot McNairy, et Ron Livingston, sont du casting. A nouveau présenté au Festival de Sundance, le film s'écarte de la structure d'un triangle romantique pour évoquer plus largement les liens et les malentendus au sein d'une famille, dans une sorte de variation féminine de Woody Allen.

Les films de Lynn Shelton ont eu un succès d'estime en salles mais ont été plus connus ensuite en dvd. Les 'professionnels de la profession' ont eux tous vu la qualité de ces films, au point d'en acheter les droits pour en faire des remakes inutiles : Humpday est ainsi devenu en 2012 Do Not Disturb remake raté d'Yvan Attal (il forme le duo avec François Cluzet, entourés de Laetitia Casta et  Charlotte Gainsbourg)  ; Ma meilleure amie, sa sœur et moi est devenu Et ta soeur en 2016 par Marion Vernoux (avec Virginie Efira, Géraldine Nakache, et Grégoire Ludig). On vous conseille les originaux.

Irrfan Khan (1967-2020), de Bollywood à Hollywood

Posté par vincy, le 29 avril 2020

L’acteur indien Irrfan Khan est décédé des suites de complications au niveau du colon ce mercredi matin. Il avait 53 ans et se battait contre un cancer depuis deux ans environ. Né le 7 janvier 1967, de son vrai nom Sahabzade Irrfan Ali Khan, marié à l'écrivaine Sutapa Sikdar, il a débuté dans de nombreuses séries TV avant de devenir une star de cinéma.

Ses débuts sur grand écran ne furent d'ailleurs pas très glorieux. Une scène coupée au montage dans Salaam Bombay! de Mira Nair, des rôles oubliés dans des films bollywoodiens. Il doit patienter jusqu'en 1998 pour être remarqué en second-rôle (le père du héros) dans Such a Long Journey, film britannico-canadien réalisé par Sturla Gunnarsson.

En 2001, il est propulsé au premier plan, après quinze ans de carrière remplie de feuilletons pour le petit écran, grâce au réalisateur britannique d'origine indienne, Asif Kapadia. Il tient le rôle principal, très intériorisé et quasi mutique, de The Warrior, où il incarne l'homme de main d'un riche propriétaire du Rajasthan qui renonce à sa profession de tueur et part chercher le salut dans les hauteurs himalayennes. Le film reçoit le Prix du meilleur film britannique aux BAFTA, le Douglas Hickox Award aux British Independent Film Awards et l'Hitchcock d'or à Dinard.

Il enchaîne alors les bons choix: une version de Macbeth, Maqbool, par Vishal Bhardwaj, Haasil, qui lui vaut le Prix du meilleur vilain aux Filmfare Awards 2004, Rog, où il est enfin en tête d'affiche d'un film bollywoodien, Life in a Metro (Anurag Basu) pour lequel il reçoit le Prix du meilleur second-rôle masculin aux Filmfare Awards. En 2006, il est à l'affiche de The Namesake (Un nom pour un autre) de Mira Nair, qui termine dans le Top 10 des films indépendants du National Boaord of Review américain.

Alternant productions indiennes de premier plan et films internationaux, rôles de méchants et personnages bienveillants, Irrfan Khan s'impose tranquillement parmi les vedettes du"world cinema" des années 2000. Il a cette faculté des acteurs indiens à pouvoir jouer drame, comédie ou polar, et cette particularité très occidentale d'être en retenue, sensible et énigmatique. On le voit ainsi, aux côtés d'Angelina Jolie dans le beau mélodrame inspiré d'une histoire vrai, Un cœur invaincu de Michael Winterbottom et, dans la comédie colorée de Wes Anderson, À bord du Darjeeling Limited.

Cependant c'est bien l'année suivante, en 2008, que tout va décoller. Il s'offre un gros succès en Inde, Krazzy 4 (Jaideep Sen), et Mumbai Meri Jaan de Nishikant Kamat, prix de la critique aux Filmfare Awards 2009. En flic intrigué et un poil blasé, intègre et un brin autoritaire, il marque les esprits dans Slumdog Millionaire de Danny Boyle, Oscar du meilleur film l'année suivante. De quoi séduire Hollywood qui ne va plus le lâcher entre trois ou quatre films bollywoodiens. On le voit en double rôle dans The Amazing Spider-Man de Marc Webb, en adulte narrant son improbable survie dans L'Odyssée de Pi d'Ang Lee, et plus tard dans Jurassic World de Colin Trevorrow, propriétaire un peu barré du parc d'attraction et dans Inferno de Ron Howard. Irrfan Khan est aussi invité sur le divan d'En Analyse, en patient du psychiatre vedette de la série de HBO. Et en inde, il était la voix de Balou dans la nouvelle version du Livre de la Jungle.

Réalisateur de films pornos dans The Killing of a Porn Filmaker, coiffeur dans Billu de Priyadarshan, poète dans 7 Khoon Maaf, père contrarié dans Le Secret de Kanwar, père obsessionnel dans Hindi Medium (qui lui vaut un "Oscar" indien), joaillier dans New York I Love you, policier repenti dans Jazbaa, l'acteur n'a jamais étiqueté dans un rôle ou un genre. Avec le biopic Paan Singh Tomar de Tigmanshu Dhulia en 2012, il reçoit une pluie de récompenses.

Son film le plus emblématique, celui où il su et pu montrer toute l'étendue de son talent est d'ailleurs une coproduction indo-franco-allemande, The Lunchbox, de Ritesh Batra, présenté à Cannes en 2013 à la Semaine de la critique, et lauréat de plusieurs prix (Grand prix aux Asian Pacific Awards, prix de la critique à Toronto). Il est récompensé par le prix du meilleur acteur aux Asian Film Awards pour son personnage de comptable solitaire, méticuleux, chrétien, qui reçoit par erreur de savoureux plats d'une femme qu'il ne connait pas...

Il était un homme d'affaires accompli dans son dernier film, Angrezi Medium, de Homi Adajania, sorti sur les écrans français le 13 mars dernier, juste avant le confinement. Irrfan Khan, bon joueur de cricket, avait la volonté d'exporter le cinéma indien et ses talents à l'étranger. Il était de loin le comédien indien le plus respecté hors des frontières avec Anil Kapoor. Reconnaissant qu'en inde, il n'y a pas cette culture du jeu réaliste, qu'il a souvent défendu, préférant les personnages complexes et dérangés aux premiers rôles romantiques, faisant le pont entre les cinémas, il affirmait: "J'ai réalisé que mon «destin», ou une force, m'a poussé à identifier la recherche de votre zone de confort comme une sorte de limitation. Et tout le monde a tendance à tomber dans la zone de confort." Clairement, il a choisi d'en sortir durant près de 40 ans.

Philippe Nahon (1938-2020), un « ogre » seul contre tous…

Posté par kristofy, le 20 avril 2020

Son visage était rarement sur les affiches mais son nom est pourtant au générique de pas loin d’une centaine de films : l’acteur Philippe Nahon est décédé le 19 avril à 81 ans, suite à l’aggravation de son état de santé compliqué par le coronavirus.

Ses débuts se sont faits devant les caméras de Jean-Pierre Melville (Le doulos), Jacques Doillon, René Féret (avec qui il fera plusieurs films tout au long de sa carrière) et Romain Goupil. Mais les propositions de cinéma se font rares et espacées de plusieurs années, alors, pendant ce temps-là, il joue  sur les planches et pour la télévision. Il n’aura presque jamais cessé de tourner des téléfilms, et ce n’est qu’après ses 55 ans que le cinéma s'est souvenu de lui.

Devenu alors très sollicité, il un des rares acteurs avec une certaine notoriété qui acceptait de tourner sans mépris dans des courts-métrages : on le voit trimballer sa gueule et son corps imposant dans 45 courts-métrages de réalisateurs alors débutants (Erick Zonca, Pierre Vinour, Julien Leclercq). C’est justement en tournant un court-métrage, Carne, en 1991, qu'il rencontre Gaspar Noé. Leur collaboration allait s'étendre dans le long-métrage avec le cultissime Seul contre tous en 1998. Ce rôle de boucher incestueux, à la voix râpeuse, va lui coller à la peau longtemps, et Philippe Nahon devient une sorte d’icône contre-culturelle pour une nouvelle génération de cinéastes.

D'Audiard à Spielberg

Curieusement, il n’a pas beaucoup joué pour les réalisateurs de son âge, ni avec les abonnés aux nominations aux César. Philippe Nahon c’est un regard perçant, une présence et un charisme. A la suite des films avec Gaspar Noé (dont Irréversible), il se retrouve alors dans ceux de Mathieu Kassovitz (Les rivières pourpres), Jacques Audiard (Un héros très discret), Guillaume Nicloux (Le poulpe, Une affaire privée), Christophe Gan (Le pacte des loups), Rémi Bezançon (Ma vie en l'air) ou encore Bouli Lanners (Eldorado). Il s'amuse aussi chez Benoît Mariage, Sam Karman, Hélène Fillières ou encore chez Alexandre Astier dans la série Kaamelott, incarnant savoureusement Goustan le cruel…, et mêmes dans les gros films de Jean-Marie Poiré (Les angles gardiens, Les visiteurs 2), Alain Corneau (Le deuxième souffle), Olivier Marchal (MR 73), Luc Besson (Adèle Blanc-sec), ou Steven Spielberg (Cheval de guerre) !

Presque tout ce qui va se tourner en cinéma de genre et d’horreur francophone voudra l’avoir à l’image : Haute Tension d'Alexandre Aja, Calvaire de Fabrice Du Welz, Lady Blood de Jean-Marc Vincent, Humains de Jacques-Olivier Molon, La Meute de Franck Richard, Kill me please d'Olias Barco, Cannibal de Benjamin Viré, Au nom du fils de Vincent Lannoo, Nos héros sont morts ce soir de David Perrault, Ablations d'Arnold de Parscau, Horsehead de Romain Basset…

"Un Gaulois, direct et sentimental"

Et pourtant, si il a été en quelque sorte un ogre inquiétant dans le cinéma, Philippe Nahon était  un bonhomme qui préférait rigoler. Une de ses dernières apparitions publiques aura été en septembre dernier sur la scène de l'Etrange Festival pour une première de Irreversible-inversion integrale de Gaspar Noé où la salle l'a vivement applaudi au point de le faire un peu pleurer...

C’est évidement la lettre de Gaspar Noé (parue dans Libération) qui représente l’hommage le plus émouvant à Philippe Nahon : « Nous, on s’est connus il y trente ans, je rêvais de m’amuser à faire du cinéma, comme Buñuel ou comme Franju. Toi, de vingt-cinq ans mon aîné, tu en faisais déjà depuis longtemps. Au retour de cette sale guerre coloniale que tu n’avais pas réussi à déserter et qui t’a valu trois ans de camp disciplinaire, tu avais commencé à faire du cinéma avec Reggiani et Melville. Moi, je voulais faire un premier film avec un personnage masculin qui soit la quintessence de ce que je croyais être un homme normal, donc complexe et le plus souvent perdu. Ce «héros» devait être bien plus âgé que moi. C’était un vrai homme qu’il fallait, d’une cinquantaine d’années, avec un visage universel et intemporel comme celui de Jean Gabin. Je voulais un Gaulois, direct et sentimental. J’ai vu une photo de toi et le coup de foudre a été immédiat. Tu es venu chez moi, un peu imbibé, et rigolard face à ce jeune étranger à la diction inaudible. Tu rêvais de vrais rôles. Jouer, te transformer, pour t’amuser, pour te faire de nouveaux amis. »

Christophe (1945-2020) rejoint les paradis perdus

Posté par vincy, le 17 avril 2020

Le musicien et chanteur Christophe est mort jeudi, à 74 ans, des suites du coronavirus. Dandy et perfectionniste, ses compositions élégantes et ses mélodies qui hantent nos esprits, en ont fait l'un des géants de la chanson françaises, mélangeant la variété et le blues, l'électro et l'expérimental, le rock anglo-saxon et pop épurée.

Le cinéma était son autre passion: il collectionne des grands films et était proche du fondateur de la Cinémathèque française, Henri Langlois. Pourtant il fut rare au cinéma. Il a signé la bande originale du film La Route de Salina, de Georges Lautner. Le film d'Alain Corneau, Les mots bleus, en 2004, est construit autour de son tube mythique. On le voit en acteur dans le film de Xavier Giannoli, Quand j'étais chanteur, où sa chanson Les Paradis perdus ressuscite avec grâce, et dans Le Fils de de HPG, dont il compose et interprète la bande originale.

Il compose aussi la BOF d'Arrête ou je continue de Sophie Fillières et de Par accident de Camille Fontaine. L'an dernier, on le voit dans Jeanne de Bruno Dumont, pour lequel il compose et interprète la bande originale. "Certaines séquences sont pourtant des moments de grâce pure, à l’image de l’apparition du chanteur Christophe, qui signe et interprète une BO en apesanteur" écrivait-on lors de sa sortie l'an dernier.

Christophe savait mélanger les genres mais aussi passer de Jean-Michel Jarre à un tube pop comme "Boule de flipper", rendre hommage à Michel Berger comme reprendre une chanson de Brigitte Fontaine, chanter avec Alain Bashung, Julien Doré, Loane ou Alain Vega.

On lui doit des chansons atemporelles dans des albums mythiques (Les Paradis perdus, Les Mots bleus, Samouraï, Le Beau Bizarre, Bevilacqua, Paradis retrouvé, Les Vestiges du chaos...). On va longtemps fredonner "Les paradis perdus", "Aline", "Les mots bleus", "Succès fou", "Enzo", "Le dernier des Bevilacqua"... C'était son vrai nom, Daniel Bevilacqua, hanté par les icônes de son panthéon personnel: Elvis Presley, David Bowie, Otis Redding, Michael Jackson, Lou Reed, Jimmy Hendrix, Björk, James Brown...

"Dans ma veste de soie rose, Je déambule morose, Le crépuscule est grandiose
Peut-être un beau jour voudras-tu, Retrouver avec moi, Les paradis perdus
Dandy un peu maudit, un peu vieilli, Dans ce luxe qui s'effondre
Te souviens-tu quand je chantais, Dans les caves de Londres...
"

La grande traversée pour Albert Uderzo (1927-2020)

Posté par vincy, le 24 mars 2020

Le dessinateur Albert Uderzo est mort ce matin à l'âge de 92 ans. Créateur avec René Goscinny d'Astérix le gaulois, il est l'un des plus grands maîtres de la bande dessinée, assurément celui qui a connu le plus important succès éditorial dans le monde avec des albums francophones (380 millions d'exemplaires, dans plus de 110 langues). Il était entré au Hall of Fame Will Eisner, panthéon mondial des auteurs du 9e art.

Uderzo était influencé par le western spaghetti, les comédies burlesques du cinéma muet, Laurel et Hardy, et surtout les cartoons américains, à commencer par les dessins animés de Walt Disney. Tout cela - des gros plans au mouvement, des gags à la fluidité du récit - se retrouve dans Astérix, comme les héros du 7e art qu'il a croqués dans ses cases: Brigitte Bardot, Bernard Blier, Coluche, Sean Connery, Tony Curtis, Kirk Douglas, Jean Gabin, Charles Laughton, Stan Laurel et Oliver Hardy, Jack Lemmon, jean Marais, Aldo Maccione, Yves Montand, Raimu, Arnold Schwarzenegger, Pierre Tchernia, Peter Ustinov, Lion Ventura...

Patron de studio

Après avoir été déçu par la première adaptation d'Astérix en film d'animation par Belvision (Astérix le Gaulois), il avait, avec son compère scénariste, créé les studios Idéfix, qui assume aussi bien les films autour d'Astérix que ceux avec Lucky Luke. Il a réalisé Astérix et Cléopâtre en 1968 (1 951 615 entrées) et Les douze travaux d'Astérix en 1976 (2 202 481 spectateurs), qui était une histoire écrite pour le cinéma et non pas issue d'un album.  Ce premier studio d’animation européen, « contre toute rationalité budgétaire », s'arrête brutalement la mort de Goscinny en 1977.

Uderzo gardera un oeil sur toutes les autres adaptations, en animation comme en prises de vues réelles. Son attendues la série animée autour d'Idéfix et un Astérix en Chine par Guillaume Canet, Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu, avec Marion Cotillard et Gilles Lellouche.

Du cinéma à la télévision en passant par le jeu vidéo, Uderzo apparaît dans 35 génériques en tant qu'auteur. Astérix reste le héros de BD le plus populaire jusque sur les écrans. Le dernier film, Le secret de la potion magique, a attiré 4 millions de spectateurs en France et 3,5 millions à l'étranger.

Lucia Bosè (1931-2020) dans les ténèbres

Posté par vincy, le 23 mars 2020

L'actrice italienne Lucia Bosè, née le 28 janvier 1931 à Milan est morte le 23 mars 2020 en Espagne, première célébrité du cinéma à être victime de la pandémie de coronavirus. Elle avait 89 ans.

Miss Italie en 1947, découverte par Luchino Visconti alors qu'elle était vendeuse de pâtisserie, elle fera ses premiers pas chez Michelangelo Antonioni en 1950 avec Chronique d'un amour (Cronaca di un amore). Elle tourne beaucoup dans ces années 1950, pour Giuseppe De Santis (Pâques sanglantes, Onze heures sonnaient), Antonioni (La Dame sans camélia), Jean-Paul Le Chanois (Le village magique), Juan Antonio Bardem (Mort d'un cycliste), Jean Cocteau (Le testament d'Orphée) et Luis Buñuel (Cela s'appelle l'aurore).

Durant ces années fastes, elle épouse le matador, Luis Miguel Dominguín, un ex d'Ava Gardner, avec qui elle va avoir trois enfants, dont le chanteur et comédien Miguel Bosé (Suspiria, Talons aiguilles, La reine Margot, Gazon Maudit).

Désormais installée en Espagne, elle se met en retrait durant 8 ans. A son divorce, elle retrouve le chemin des plateaux. On la voit ainsi dans Satyricon de Federico Fellini, Metello et Vertiges de Mauro Bolognini, Nathalie Granger de Marguerite Duras, Lumière de Jeanne Moreau, Dans les ténèbres, l'un des premiers films de de Pedro Almodóvar, Chronique d'une mort annoncée de Francesco Rosi ou encore Le Dernier Harem de Ferzan Ozpetek en 1999.

Jouant les personnages issus du théâtre classique ou dans des films considérés alors comme avant-gardistes, elle n'a jamais pu rivaliser avec ses consoeurs italiennes révélées après la seconde guerre mondiale. Sa discrétion, sa beauté et son exigence ont sans doute joué contre elle, trop souvent utilisée comme une créature splendide et éthérée.

Suzy Delair prend l’air (1917-2020)

Posté par vincy, le 16 mars 2020

Suzanne Pierrette Delaire dite Suzy Delair, née le 31 décembre 1917, est morte le 15 mars 2020 à l'âge de 102 ans.

Actrice, danseuse et chanteuse, encanailleuse aussi, elle avait tourné durant les années 1930 dans La Dame de chez Maxim's d'Alexander Korda, Poliche d'Abel Gance, L'assassin habite au 21 d'Henri-Georges Clouzot (qui fut son compagnon), puis après la seconde guerre mondiale dans La Vie de bohème de Marcel L'Herbier, Quai des Orfèvres d'Henri-Georges Clouzot , Lady Paname d'Henri Jeanson, Le Fil à la patte de Guy Lefranc, Gervaise et Paris brûle-t-il de René Clément, Rocco et ses frères (Rocco e i suoi fratelli) de Luchino Visconti, Les Régates de San Francisco de Claude Autant-Lara...

Sa carrière s'interrompt assez brusquement au milieu des années 1960, même si on l'aperçoit encore dans Les Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury en 1973.

Suzy Delair a surtout brillé dans les comédies musicales et les opérettes comme La Vie parisienne de Jacques Offenbach, qu'elle aura joué quatre fois entre 1959 et 1969. Elle passait ainsi, comme pour le cinéma, de la légèreté à la gravité, avec L'Ours d'Anton Tchekhov, Tricoche et Cacolet d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy, Le Tube de Françoise Dorin. Parlant de tubes, on lui doit "C'est si bon" ou encore "Frou-frou".

Car c'est par le music-hall que cette fille d'une couturière et d'un sellier-carrossier qu'elle a connu le succès très jeune. Pouvant jouer les délurées comme les mélancoliques, les gaffeuses et les enquiquineuses, les séductrices comme les prolétaires, elle a aussi traversé l'Occupation avec une amitié, voire une admiration, très dérangeante pour les Nazis. À la Libération, elle est suspendue de tournage pour trois mois par les comités d'épuration.

De Bourvil à Laurel et Hardy, elle a été une formidable partenaire du cinéma classique français et européen. Mais rejetée par la Nouvelle vague, à l'écart des chapelles, préférant ses amours à ses rôles, elle se plaignait de ne pas assez travailler. Si la télévision lui a offert trois rôles dans les années 1980, elle avait complètement disparue des écrans et de la scène par la suite.

Ses parents espéraient qu'elle devienne une sage-femme. L'ancienne apprentie modiste n'en a toujours fait qu'à sa tête. Elle a connu de grands succès, croisé de très beaux rôles, elle savait aussi amuser et faire pleurer. Une comédienne à l'ancienne, avec du tempérament, qui alertait déjà sur le harcèlement sexuel dès 1982: "Sans doute me fait-on payer (...) mon refus de flirter quand il aurait fallu le faire."

Tonie Marshall au plus près du paradis (1951-2020)

Posté par vincy, le 12 mars 2020

C'est la seule femme à avoir reçu le César de la meilleure réalisation. La cinéaste Tonie Marshall vient de s'éteindre à l'âge de 68 ans, des suites d'une longue maladie. Elle apparaissait encore sur les tapis rouges, y compris celui du spectacle de Jean-Paul Gaultier, le Fashion Freak Show, qu'elle a mis en scène.

Sa mère, l'actrice Micheline Presle, 97 ans, lui survit. Enfant de la balle, avec une chambre donnant sur la cabine de projection du cinéma le Studio des Ursulines à Paris, elle a réalisé une dizaine de longs métrages, dont le plus récent, Numéro Une en 2017.

Son cinéma, profondément féministe, valorisant des femmes dirigeantes et émancipées, croquait l'air du temps sous forme de comédies douces-amères (et parfois acides).

Depuis Pentimento en 1989, elle a ainsi creusé ce sillon, avec plus ou moins de succès. Son plus gros succès reste Vénus Beauté (Institut). Avec un casting de haute volée (Nathalie Baye, Bulle Ogier, Samuel Le Bihan, Jacques Bonnaffé, Mathilde Seigner, Audrey Tautou, Robert Hossein, Marie Rivière, Edith Scob, Hélène Fillières, Brigitte Roüan, Claire Nebout, Micheline Presle, Emmanuelle Riva, Elli Medeiros et Claire Denis), le film a séduit près de 1,4 million de spectateurs, a été décliné en série TV en 2005 et a reçu 7 nominations aux César, repartant avec ceux du meilleur film, meilleur réalisateur (trice), meilleur scénario (pour Marshall), et meilleur espoir féminin (pour Tautou).

Tu veux ou tu veux pas (avec Sophie Marceau et Patrick Bruel) en 2014 a aussi passé le cap du million d'entrées. Pour le reste son ton plutôt intimiste, souvent porté sur les classes prolétaires ou moyennes, avant de passer à la bourgeoisie, et son regard souvent moqueur sur les travers de nos sociétés l'ont souvent empêchée de trouver un large public. Elle aimait confronter les genres (polar, comédie, mélo...) avec des situations familiales parfois retors comme dans Pas très Catholique ou Enfants de salaud. Et sinon elle filmait des rencontres amoureuses chaotiques, improbables, en écho aux comédies américaines des années 40-50.

Du Télé-achat dans France Boutique à une variante d'Elle et lui dans Au plus près du Paradis, ses tours de passe-passe l'ont amenée à tourner avec Catherine Deneuve, William Hurt, Karin Viard, Anémone, Jean Yanne, François Cluzet, Emmanuelle Devos, François Cluzet....

Vivante et drôle, chaleureuse et attachante, Tonie Marshall est passée à la réalisation dans les années 1990, après avoir commencé en tant que comédienne peu convaincante (L'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune de Jacques Demy, Les Sous-doués de Claude Zidi, Pour rire ! de Lucas Belvaux). Proche de Jean-Michel Ribes, avec qui elle partage l'humour devant la caméra et sur scène, Tonie Marshall était aussi une femme très engagée dans la profession et dans les luttes féministes. Elle se battait pour la place des femmes et contre les inégalités de sexe à la manière d'une combattante.

Dans un entretien en 2018, elle affirmait ainsi : "dans la société, il y a beaucoup de morales, beaucoup de religions qui sont enclins à enfermer les femmes dans des cases, à les cantonner dans un rôle. Tout est organisé sur le masculin depuis le début. Changeons ça ! On va y arriver. Mais pour y parvenir, il faut embarquer les hommes. Il ne faut surtout pas donner l’impression que les femmes prennent la place de qui que ce soit. Elles prennent seulement leur place dans une société où elles sont à 50 % au moins …" Et de rappeler: " Si les femmes comptaient davantage dans la société, elles compteraient aussi davantage à l’écran."

Didier Bezace (1946-2020) quitte la scène

Posté par redaction, le 11 mars 2020

Le comédien et metteur en scène français Didier Bezace est décédé des suites d'une longue maladie, a annoncé mercredi à l'AFP son attachée de presse. il avait 74 ans.

Au cinéma, il a joué dans une trentaine de films durant quarante ans de carrière. On l'a ainsi remarqué dans de nombreux second-rôles, avec sa diction bien prononcée et son regard souvent en coin: La petite voleuse de Claude Miller, L.627, Ça commence aujourd'hui et Quai d'Orsay de Bertrand Tavernier, Petits arrangements avec les morts de Pascale Ferran, Les voleurs d'André Téchiné, La femme de chambre du Titanic de Bigas Luna, La dilettante de Pascal Thomas, Ça ira mieux demain, C'est le bouquet! et Cause toujours! de Jeanne Labrune, Mariages ! de Valérie Guignabodet, Ma vie en l'air de Rémi Bezançon, Le pressentiment de Jean-Pierre Darroussin... Il a été nommé au César du meilleur acteur dans un second rôle pour Profil bas de Claude Zidi.

Si le cinéma était si peu présent dans sa vie de comédien, il tournait de nombreux téléfilms. Mais c'est le théâtre qui occupait toute sa vie, cofondateur du Théâtre de l'Aquarium à La Cartoucherie de Vincennes et directeur du Théâtre de la Commune d'Aubervilliers durant 16 ans.

Molière de la révélation théâtrale en 1995 avec La Femme changée en renard, il a reçu deux autres Molières en 2005 en tant que metteur en scène et adaptateur pour La version de Browning.

Echec et mat pour Max Von Sydow (1929-2020)

Posté par vincy, le 9 mars 2020

Carl Adolf von Sydow, né le 10 avril 1929, s'est éteint le 8 mars à l'âge de 90 ans. Il était citoyen français depuis 2002. Sa grande silhouette (1m93), sa voix caverneuse, forte et profonde, et son visage coupé au couteau, trois caractéristiques qui lui conféraient souvent des rôles de dirigeants ou de méchants, des bienveillants ou des inquiétants, de prêtres ou le diable, d'oppresseurs ou d'auteurs. A chaque fois il était charismatique.

Révélé par Alf Sjoberg (Mademoiselle Julie, 1951) et Ingmar Bergman avec qui il tourne 11 films (Le Septième sceau, où il joue une partie d'échecs avec la mort, 1956, Les fraises sauvages, Au seuil de la vie, Le visage, La source, A travers le miroir, Les communiants, L'heure du loup, Une passion, Le lien) , Max Von Sydow devient très vite courtisé par Hollywood (George Roy Hill, John Huston et George Stevens pour commencer).

L'Exorciste de William Friedkin fera de cet acteur admiré une star mondiale en 1973. On le voit ensuite alternants grands films et blockbusters, films d'auteurs et navets: Les trois jours du condor de Sydney Pollack, A nous la victoire de John Huston, Flash Gordon de Mike Hodges, Conan le Barbare de John Milius, un James Bond (Jamais plus Jamais), Dune de David Lynch, Hannah et ses sœurs de Woody Allen, SOS Fantômes 2 d'Ivan Reitman, L'éveil de Penny Marshall, en vilain dans Minority Report de Steven Spielberg, en docteur dans Shutter Island de Martin Scorsese, avant de conclure sa filmographie avec Ridley Scott (Robin des Bois), Stephen Daldry (Extrêmement fort et incroyablement près) et Star Wars épisode VII: Le réveil de la force. On se doute que tous ces cinéastes voulaient s'emparer un peu de l'âme de Bergman à travers lui.

Il a aussi tourné en Italie, en France, au Danemark... On le croise ainsi dans Cadavres exquis de Francesco Rosi, Le désert des tartares de Valerio Zurlini, La mort en direct de Bertrand Tavernier, Pelle le conquérant de Bille August (Palme d'or), Europa de Lars von Trier, Jusqu'au bout du monde de Wim Wenders, Les meilleures intentions de Bille August (Palme d'or encore), Le sang des innocents de Dario Argento, Le scaphandre et le papillon de Julian Schnabel, Un homme et son chien de Francis Huster, Oscar et la dame rose d'Eric-Emmanuel Schmitt, ou son dernier film, Kursk de Thomas Vinterberg... On l'a vu aussi dans la mini-série Nuremberg, dans les Tudors et dans Game of Thrones.

Il ne se souciait pas du genre - fantasy ou drame, SF ou thriller, mélo (nombreux) ou historique - ni de la taille du rôle. Avec 8 langues parlées, ce provençal d'adoption avait arrêté de tourner, ne trouvant plus de rôles intéressants. Il voulait vivre, tout simplement.

Nommé une fois à l'Oscar du meilleur acteur (Pelle le conquérant) et une fois dans la catégorie second-rôle masculin (Extrêmement fort...), il avait reçu un trophée spécial à Cannes en 2004 et plusieurs prix honorifiques dans les festivals internationaux. Son prestige était sans doute ailleurs: il a tourné dans cinq films nommés à l'Oscar suprême, et a été le double de Bergman au cinéma durant les années 1950-1960. "La plupart de ce que je sais, je l'ai appris de lui" expliquait-il à propos du maître suédois. Préférant la littérature et le théâtre, et tout art de l'oralité, au cinéma, Max Von Sydow était considéré comme intellectuel, reconnaissant le cinéma et le jeu comme futiles. Athée, il ne croyait pas dans une forme de vie après la mort. Même si, chez lui, il y avait toujours une part de doute. Cette ambiguïté qui lui permettait d'être si nuancé et si subtil dans chacun de ses personnages, les empathiques comme les monstrueux.