Année après année, le constat semble sans appel : inclure des personnages joués par des acteurs de couleur permet d’attirer plus de monde en salle ou du moins de diversifier le public. Cette année, malgré l’absence d’énormes blockbusters faussement destinés à des communautés précises comme Black Panther ou Crazy Rich Asians, la diversité à néanmoins payé.
L’Amérique de Disney frappe fort
Si l’on se penche sur le box-office américain, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Produire des films représentatifs, c’est-à-dire respectueux de la diversité de couleurs qui composent les Etats-Unis est porteur. Et ce n’est certainement pas Disney qui dira le contraire. Véritable carton, Avengers : Endgame et son casting multiculturel ont rapporté plus de 858 millions de dollars sur le seul sol nord-américain. Grâce aux acteurs de Black Panther — oui, encore — (Chadwick Boseman, Danai Gurira, Angela Bassett, Letitia Wright, Winston Duke) et aux "cautions diversité" des autres franchises Marvel (Don Cheadle, Zoe Saldana, Anthony Mackie et Tessa Thompson pour ne citer qu’eux), le mega-crossover des frères Russo a atteint son objectif : être le film le plus commenté de l’année.
A mieux y regarder, tous les films Marvel proposent désormais un rôle important à un personnage joué par un acteur de couleur (noir le plus souvent). Dans Captain Marvel sorti quelques semaines avant Avengers : Endgame, c’est Lashana Lynch qui captivait le public. A ses côtés, Samuel L. Jackson continuait d’oeuvrer bien plus sobrement que dans Spider-Man : Far From Home (sorti cet été) où son Nick Fury semblait prendre beaucoup (trop) de place. D’ailleurs, pour continuer à parler de Samuel L. Jackson, c’est bien évidemment son rôle dans Glass de M. Night Shyamalan qui demeurera le moment fort de son année ciné !
Toujours du côté de Disney, impossible de ne pas parler du Roi Lion de John Favreau. En plus d’effets spéciaux ultra-réalistes, le film disposait d’un casting de rêve bien qu'invisible une fois dans la salle : Donald Glover, Beyoncé, James Earl Jones, Chiwetel Ejiofor, Alfre Woodard et Keegan-Michael Key. Autant d’acteurs qui sont devenus un véritable atout marketing, bien au-delà de l’envie de voir la version live de ce film d’animation culte. En parallèle, pour surfer sur la vague africanisante qui a soudainement frappé la pop culture à la fin de cette décennie, la production a eu la bonne idée de laisser à Beyoncé le soin de produire toute une bande originale qui fait la part belle au continent africain. Encore et toujours du marketing de génie !
Mais Le Roi Lion n’est pas le seul remake en live-action à avoir fait du bruit en 2019. Malgré des critiques loin d’être élogieuses, l’Aladdin de Guy Ritchie a su tirer son épingle du jeu, amassant plus d’un milliard de dollars à travers le monde. Comme quoi, le mélange d’inspirations arabes, persanes et indiennes continue d’être porteur. Et ce mois-ci, Disney espérait compter sur Star Wars, épisode IX : L’Ascension de Skywalker pour continuer à prétendre être une multinationale inclusive. Mais le peu de temps à l’écran accordé à l'actrice Kelly Marie Tran n’a pas échappé à la toile !
Dans le reste du box-office américain, on note bien évidemment les très bons scores de Fast and Furious : Hobbs and Shaw (173 millions de dollars de recettes) et Jumanji : Next Level (151 millions). Tous deux portés par Dwayne Johnson, le premier joue à fond la carte des racines polynésiennes de l’acteur tandis que le second était une nouvelle excuse pour mettre ses muscles (saillants) à rude épreuve.
Des films indépendants branchés stars
Mais pour comprendre tout l’intérêt d’une meilleure représentativité dans l’espace cinématographique américain, c’est sans surprise du côté du cinéma indépendant qu’il convient de se tourner. En effet, l’adaptation US d’Intouchables (The Upside) a créé la surprise outre-Atlantique grâce au duo formé par Bryan Cranston et Kevin Hart. The Last Black Man in San Francisco de Joe Talbot et qui raconte l’histoire d’un homme qui veut à tout prix récupérer la maison construite par son grand-père a fait pleurer dans les chaumières tandis qu’Eddie Murphy est réussi à revenir sur le devant de la scène avec le film distribué par Netflix Dolemite is My Name.
Les deux événements « diversité » de cette année s’appelaient sans l’ombre d’un doute Us et Hustlers (Queens en VF). Après Get Out, Jordan Peele a décidé de mettre en scène les traumas d’une famille Noire-américaine avec Lupita Nyong’o et Winston Duke (encore lui !) dans les rôles des parents. La performance de l’actrice l'a rapidement placée sur la it-list des prochaines nominations aux Oscars. Un peu comme Jennifer Lopez, fausse révélation de l’année. La chanteuse d’origine portoricaine en a ébloui plus d'un(e) dans ce film de braqueuses extrêmement sexy. Grâce aux participations de Constance Wu, Keke Palmer, Cardi B et Lizzo, le film est rapidement devenu un must-see pour la génération E!
Le cinéma français peut remercier Cannes
Dans l’Hexagone, le constat est sensiblement différent. Hormis les films déjà mentionnés plus haut, on ne peut qu’être attristé par le faible (et mauvaise) représentation de la diversité dans nos productions "locales". Alors que Green Book de Peter Farrelly et Creed 2 de Steven Caple Jr. ont tous deux passé la barre symbolique du million d’entrées, il faut chercher un moment avant de trouver un film français qui ait réussi cet exploit.
Par chance, l’édition 2019 du Festival de Cannes a relevé la barre. Présidé par le réalisateur mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu, ce nouveau cru a été l’occasion de voir de belles surprises. Bien évidemment, la Palme d’or revenue au sud-coréen Parasite était une évidence. Et l’on ne peut que féliciter le 1,6 million de Français qui a laissé sa chance à cette oeuvre complexe et unique en son genre. A côté, le grand prix Atlantique de Mati Diop a permis de faire évoluer les consciences sur les immigrés venus du Sénégal. A l’heure où les extrêmes se font de plus en plus incontournables, une telle oeuvre méritait reconnaissance et visibilité.
A l’instar des Misérables de Lady Ly et Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, Prix du jury ex-aequo cette année. Centré sur l’impact que peuvent avoir les violences policières, le premier est rapidement devenu un sujet de conversation incontournable dans « les banlieues » mais pas que tandis que le second a brillé par son casting arc-en-ciel, véritable révélateur d’une société brésilienne plus hétérogène qu’on ne le pense. Enfin, notons le Prix SACD de la Quinzaine des Réalisateurs remis à Une Fille facile de Rebecca Zlotowski. Porté un duo improbable d’actrices d’origine maghrébine (Mina Farid et Zahia Dehar), cette comédie dramatique était immanquable à la fin de l’été !