John Carpenter. Son nom de prince des ténèbres est déjà légendaire, car il évoque un assaut de souvenirs de films qui ont vraiment marqué l'antre de la folie de notre mémoire de vampires de cinéma.
« En France, je suis un auteur. En Angleterre, je suis un réalisateur de films. Et, aux Etats-Unis, je suis une sorte de clochard », John Carpenter.
C'est l'un des plus grands cinéastes, dont la longue filmographie se résume presque à une confrontation avec le Mal. La majorité de ses films est une exploration du fantastique et de la science-fiction. Son surnom de 'Big John' est d'ailleurs synonyme à la fois de respect et d'admiration, il a connu des grands succès, mais aussi quelques échecs, où le temps a finalement joué en sa faveur : « Je ne changerais absolument rien à ma carrière. Je suis ravis des films que j’ai fait. Il y en a que j’aime moins, mais je peux les regarder en me disant : c’est pas si mal ! S'il y en a qui ne les aiment pas, qu’ils aillent se faire foutre. »
Entre lui et la France s'est nouée une relation un peu intime. Il a eu le plaisir de recevoir plusieurs fois des prix pour ses films au Festival international du film fantastique d’Avoriaz (qui a migré à Gérardmer) où il a remporté trois fois le Prix de la Critique : en 1979 pour Halloween, en 1980 pour Fog et en 1988 pour Prince des ténèbres.
Il a grandi avec les westerns de Sam Peckinpah, John Ford, et Howard Hawks (il y fait plusieurs références) mais il aime aussi La Bonne année de Claude Lelouch ! En 2019, c'est (enfin) Cannes qui le célèbre, à la Quinzaine des réalisateurs, avec un Carrosse d'or (succédant à Martin Scorsese).
En 1970 un Oscar du meilleur court-métrage est attribué au court The Resurrection of Broncho Billy réalisé par des étudiants de la fameuse école de cinéma USC (University of Southern California’s School of Cinematic Arts). John Carpenter en est le co-scénariste, le monteur, et le compositeur de musique. De son premier long-métrage en tant que réalisateur - Dark Star en 1974 - à son dernier film - The Ward en 2011-, il y a plus d'une vingtaine de films (dont une poignées pour la télévision) où John Carpenter en est à la fois producteur, réalisateur, scénariste, monteur (parfois sous un pseudonyme), et compositeur. Et depuis sa contribution pour cet Oscar d'un court-métrage, avant que ne débute vraiment sa carrière professionnelle, il n'a jamais reçu la prestigieuse statuette dorée sur son nom. Il est grand temps que ses pairs et héritiers de cinéma rendent hommage à son cinéma, et c'est donc le cas via la SRF (Société des Réalisateurs de Films) et Cannes avec cet hommage à sa carrière.
Retour sur 4 films essentiels en particulier de la filmographie de John Carpenter :
- Assaut (Assault on Precinct 13), 1976 :
Le premier film de Carpenter Dark Star était une plaisante fantaisie spatiale. Ça n'a pas marqué l'époque, mais c'était tout de même précurseur : les images de déplacement du vaisseau à toute vitesse 'hyper-drive' ont été l'influence de la vitesse 'hyper-espace' du Star Wars de George Lucas, le co-scénariste de Dark Star, Dan O'Bannon, en a d'ailleurs repris plusieurs éléments pour le scénario de Alien de Ridley Scott. En fait John Carpenter veut retrouver une structure de western, genre tombé en désuétude mais qu'il adore. Il va d'ailleurs faire référence au Rio Bravo de Howard Hawks au travers d'un polar urbain un peu violent et assez novateur : Assaut. Carpenter est à la fois réalisateur, scénariste, monteur, et compositeur de la musique.
Un commissariat où il ne reste qu'une poignée de policiers pour cause de déménagement reçoit en transit, pour une nuit, un criminel. Mais un furieux gang va attaquer... Le détenu dangereux est blanc et le valeureux policier est noir (ce qui à l'époque est assez subversif). Ils vont devoir s'allier pour se défendre contre cet assaut. Le film est devenu une référence incontournable du film d'action. Second film pour John Carpenter, mais le premier qui va compter, le succès est relatif et prendra du temps sauf en Angleterre où il triomphe, la carrière de Carpenter est lancée.
- Halloween, la nuit des masques (Halloween), 1978 :
Suite à Assaut, il y a l'idée faire quelque chose de très différent avec un tueur qui poignarde une babysitter. L'histoire sera simple mais diablement efficace. Un soir d'Halloween, le petit garçon Michael Myers de 6 ans tue sa sœur à coups de couteau. Il est alors interné en hôpital psychiatrique, dont il s'échappe à l'âge de 21 ans, le jour d'Halloween. Avec un masque et un couteau, il va assassiner de nouveau en s'attaquant à des lycéennes. L'une d'elle va essayer de ne pas se faire tuer (et c'est la révélation de jeune actrice Jamie Lee Curtis).
Le succès est tellement énorme (325 000 $ de budget, 46 millions $ de recettes de l'époque soit l'équivalent de 180M$ aujourd'hui) que ça en devient un des films les plus rentables, et même le début d'une franchise aux multiples suites et remakes. John Carpenter est sur un tremplin pour faire ce qu'il veut ensuite. Halloween avec son iconique tueur masqué et sa musique angoissante (de Carpenter) est devenu un film d'horreur culte.
- The Thing, 1982 :
En 1979 John Carpenter avait réalisé pour la télévision Le roman d'Elvis, un biopic sur Elvis Presley (donc bien avant la mode des biopics musicaux qui nous arrive en ce moment, parmi lesquels Rocketman cette année à Cannes) avec l'acteur Kurt Russell dont la carrière sera alors vraiment lancée. Kurt Russell deviendra le héros fétiche de Carpenter qui le caste par la suite quatre autres fois : New-York 1997 en 1981 et sa suite Los Angeles 2013 en 1996, Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin en 1986 et surtout The Thing, îson premier film de studio, avec Ennio Morricone à la bande musicale. Ici John Carpenter se lance dans l'adaptation d'un de ses films préférés La Chose d'un autre monde de 1951 (en noir et blanc) de Howard Hawks et Christian Nyby, il trouve là matière à faire un grand film de science-fiction.
Dans le froid de l'Antarctique, une station de recherche avec quelques scientifiques américains découvrent que des collègues norvégiens ont trouvé quelque chose mais qu'ils sont tous morts, sauf un chien. Ils vont découvrir eux aussi cette chose qui va les tuer un par un... The Thing est l'un des plus grands films de John Carpenter mais à l'époque cela va devenir sa plus grande désillusion : ça sera une déception commerciale, car juste avant il y avait eu la sortie triomphale du bienveillant E.T. de Steven Spielberg. Le public de l'époque ne voulait pas voir une forme de vie extraterrestre exterminatrice des humains. The Thing, avec sa célèbre dernière séquence où il faut deviner qui est contaminé ou pas, a su gagner son public plus tard au fil des années jusqu'à devenir un classique.
- Christine, 1983 :
Suite à l'accueil décevant de The Thing, le studio producteur retire à John Carpenter la réalisation d'un film adapté d'un roman de Stephen King avec un enfant poursuivis pour ses dons : Charlie (Firestarter) sera mis en image par Mark L. Lester avec comme héroïne justement la petite gamine de E.T. Drew Barrymore. Mais ça n'a pas suffit pour faire un succès.
Les romans de Stephen King sont à cette époque presque tous transposés au cinéma (Carrie, Shining, Dead Zone...) et ça semble naturel que John Carpenter soit parmi les cinéastes destinés à l'adapter,. Il fera alors un film d'après un autre de ses thrillers : Christine. Un jeune lycéen plutôt solitaire et peu sûr de lui achète une vieille voiture, une Plymouth Fury rouge en mauvais état. Il va la réparer (et elle va se réparer elle-même aussi). Entre la voiture et lui se développe une relation spéciale, lui prend de l'assurance et drague une fille, mais il se pourrait que cette voiture prénommée Christine, par jalousie, tue les gens qui approche de trop près son conducteur...
Le livre n'est pas le plus passionnant de Stephen King, mais John Carpenter a su ici le mettre un image de belle manière en élevant une histoire de série B au niveau d'un (grand) film d'auteur, renouant avec le style des mélos et des drames des années 1950-1960. Avec Christine, le réalisateur montre son de talent au service d'une commande d'un grand studio de cinéma (et n'oublions pas encore une fois cette BOF splendide). Il signera ensuite, avec un même sens de qualité le très beau Starman en 1984 ou Les Aventures d'un homme invisible en 1992. Prouvant une fois de plus que l'humain et le fantastique font bon ménage.
Il connaît divers échecs commerciaux avec ses films suivants, mais le John Carpenter plus iconoclaste et imprégné de western se retrouve par exemple dans Vampires en 1998 et Ghost of Mars en 2001. Après deux participations à la série de téléfilms Masters of horror, et symboliquement 10 ans après son épique Ghost of Mars, Carpenter a repris la caméra en 2011 pour The Ward avec Amber Heard dans un hôpital avec un esprit maléfique.
John Carpenter ne tourne plus de films mais il continue de faire la musique: il a d'ailleurs composé celle du Halloween de David Gordon Green, le 11ème film de la saga. L'empreinte de John Carpenter dans le cinéma est telle que plusieurs de ses films font l'objet de suite, préquelle, remake : c'est le cas de Assaut, Halloween, The Fog, The Thing.