« Bientôt vous aurez les mêmes emmerdes que les autres : le mariage, les enfants et même le divorce. »
L'histoire : Manu et Philippe vivent ensemble depuis des années. Mais l'obsession de Manu de vouloir un enfant les conduit à se séparer, persuadés qu'ils ne voient plus la vie, et l'avenir, de la même manière. Après une tentative d'adoption avortée, Manu demande à Fina, jeune femme argentine sans papiers, de lui faire un gamin, en échange d'un mariage blanc qui la régulariserait...
Notre avis : Sur le papier, il était intéressant de voir le cinéma français s’attaquer frontalement à l’homoparentalité, avec thèse, antithèse, synthèse. Comme les autres est une comédie sociétale où les mœurs et la morale évoquent toutes les hypothèses du sujet.
Dans ce Belleville bourgeois mais faussement bohème, deux beaux quadras prospères vivent leur passage à l’âge adulte. Le pédiatre rêve d’enfant quand l’avocat plaide l’illégalité, l’immoralité et même le « contre-nature ». Le débat, entre progressiste et réac, est lancé.
Parfois cocasse (ou caricatural), le comique de situation n’est pas aidé par une mise en scène hésitant entre théâtralité et formatage télévisuel. Même le décor semble conçu pour un reality show cathodique. Quand la réalisation est banale, le scénario peut sauver un film s’il est délirant ou exceptionnel. Il y a bien ce parallèle entre l’embauche d’une jeune immigrée et la sélection d’un couple de lesbienne, distrayant et bien foutu ou la scène des révélations au repas familial dans le jardin, assez (im)pertinente. Mais rien de cruel, conflictuel, passionnel.
Il manque notamment quelques scènes qui nous auraient fait croire à la relation « longue durée » de Wilson et Elbé, qui fasse que leur séparation soit déchirante. D’ailleurs Elbé est zappé durant la moitié du film… Mais voila : on préfère nous montrer un homo qui fait l’amour à une fille plutôt que deux homos batifolant sous les draps. Grossier.
D’une part, il faudrait cesser de croire qu’un homo est capable d’être bi dans chaque film populaire. D’autre part, il aurait été bon, vu le sujet, de nous montrer un couple homo qui s’aime. Le cinéma espagnol ou même américain a déjà été plus audacieux. Or, là, dès ce postulat, nous pouvons constater que la production a décidé de « normaliser » le futur père et de « marginaliser » l’homosexualité en la réduisant à une cohabitation. L’aspiration à la normalité, avec ce passage de l’hétéro refoulé, l’emporte sur la justification d’un choix de vie, où homos comme hétéros, chacun peut refuser de suivre le schéma traditionnel.
Cette faute de goût dérègle l’ensemble du message et empêche le spectateur d’être choqué ou interpellé. On l’anesthésie avec l’idée qu’un gay peut être converti s’il veut un enfant… Après tout, on nous le dit bien, l’adoption est hypocrite et impossible dans ce pays.
Du coup le film n’est qu’une sage illustration d’un point de vue impopulaire. Le traitement aurait mérité plus de cran. L’homoparentalité est noyée dans d’autres débats : mère porteuse, mariage blanc, adoption gay… La surdose nuit à l’argumentation.
Reste les comédiens. Wilson est parfait, pas trop efféminé, juste ce qu’il faut. Elbé, naturellement viril, banalise l’homo en le rendant presque hétéro, presque dur, peut-être pas assez complice. Brochet, sur une note sensible, est exquise en vieille fille frustrée. Enfin la douce Lopez de Ayala est délicieuse, sensuelle, et apporte ce qu’il faut de passion à ce film un peu frigide. Ce sont d’ailleurs les deux femmes qui emportent le film dans une dimension plus touchante, quand la caméra s’éloigne d’elles, l’une seule dans son appartement, l’autre seule sur son lit d’hôpital ; le bonheur passant à côté d’elles. Pas comme les autres…