Cannes 2015: un palmarès très socio-politique et un peu romanesque

Posté par redaction, le 24 mai 2015

Pas de Cate Blanchett (incompréhensible) aux côtés de Rooney Mara. Pas de Sorrentino ni de Moretti (favori de la critique française). Pas de Jia Zhang-ke. Bref, comme toujours, il y a de gros oublis, des choix étranges dans le classement, et même des injustices. On se félicitera de quelques récompenses pour The Lobster, Vincent Lindon (enfin!), Hou Hsiao-hsien, le premier film de Laszlo Nemes... Le cinéma français est arrivé en force ce soir. Le jury des frères Coen a surtout donné une tonalité socio-politique à son palmarès: l'immigration et les cités chez Audiard, les camps de concentration chez Nemes, la diplomatie plutôt que la guerre chez HHH, les chômeurs et précaires chez Brizé, la fin de vie chez Franco.

Trois parcours romanesques ont pu quand même séduire les jurés: dans un monde dicté par des normes tyrannique, on cherche le grand amour chez Lantimos, l'amour est transgressif et pudique chez Haynes, passionnel et douloureux chez Maïwenn.

Mais ce qu'on retiendra de cette 68e édition, c'est l'absence d'un très grand film et la multiplication de bons films aux regards acérés et esthétiques assumés. Quitte à prendre de forts risques qui ont souvent divisé les festivaliers.

Palme d'or: Dheepan de Jacques Audiard

Grand prix du jury: Le fils de Saul de Laszlo Nemes

Prix de la mise en scène: Hou Hsiao-hsien pour The Assassin

Prix d'interprétation masculine: Vincent Lindon pour La loi du marché. "C'est la première fois que je reçois un prix dans ma vie."

Prix du jury: The Lobster de Yorgos Lanthimos

Prix d'interprétation féminine: Emmanuelle Bercot pour Mon Roi et Rooney Mara pour Carol

Prix du scénario: Michel Franco pour Chronic (Mexique)

Palme d'honneur: Agnès Varda, "Palme de résistance et d'endurance". "Cette palme dorée sera placée dans un placard à côté de celle de Jacques [Demy]".

Caméra d'or du meilleur premier long métrage: La tierra y la sombra de César Augusto Acevedo (Colombie)

Palme d'or du court métrage: Waves'98 de Ely Dagher (Liban)

Cannes 2015: Qui est László Nemes ?

Posté par MpM, le 13 mai 2015

laszlo nemesRares sont les cinéastes à avoir bénéficié des honneurs de la compétition officielle cannoise avec leur premier long métrage. Sur les dernières années, Andrea Arnold avec Red road (2006), Sergei Loznitsa avec Mon bonheur (2010), Markus Schleinzer avec Michael et Julia Leigh avec Sleeping beauty (2011).  Chaque fois, pour les festivaliers, c’est une attente particulière, accompagnée d’une petite pointe d’excitation à l’idée de découvrir un style, une écriture ou un univers singuliers et atypiques. Pour les auteurs, forcément, la pression est palpable.

C’est dans ces conditions délicates que Laszlo Nemes s'apprête à présenter au Festival de Cannes Le fils de Saul au Grand Théâtre Lumière. Or le film est déjà précédé d’un parfum de scandale. Lors de la conférence de presse qui dévoile traditionnellement la sélection officielle du Festival, le délégué général Thierry Frémaux avait en effet déclaré qu’il s’agit d’un "film qui fera beaucoup parler" en raison de son sujet sensible, le camp d’extermination d’Auschwitz. Il est vrai qu’à Cannes, les torrents de haine (comme d’amour) ne mettent jamais longtemps à couler… On se souvient notamment d’un précédent célèbre, l’invraisemblable polémique suscitée par Roberto Benigni en 1998 avec La vie est belle parce qu’il avait osé traiter la question de la Shoah sous le mode de la comédie.

Quoi qu’il en soit, le cinéaste âgé de 38 ans est d’autant plus attendu au tournant qu’il est tout auréolé de sa collaboration avec le maître du cinéma hongrois Bela Tarr dont il a été le second assistant sur L’homme de Londres (2007), lui aussi présenté à Cannes. On espère qu’il a retenu de cette expérience le sens du cadre et la virtuosité de mise en scène de son mentor.

Avant de produire son premier long métrage, le jeune réalisateur avait fait ses armes dans le court, non sans un certain succès, puisque ses films Türelem et The Counterpart ont raflé de nombreuses récompenses dans pas moins de 100 festivals internationaux dont Prix du meilleur court métrage au Magyar Filmszemle, Prix Mikeldi d'argent à Bilbao, Grand prix au Festival international du film d'Odense, etc. Invité dans le programme de la Mostra de Venise, il a ensuite passé cinq mois à Paris (où il avait vécu dans sa jeunesse) dans le cadre de la résidence de la Cinéfondation pour écrire le scénario du Fils de Saul avec la scénariste française Clara Royer. Cannes, déjà, veillait sur son destin.

En montant les marches rouges les plus célèbres du monde pour montrer son film à la planète cinéma, sans doute mesurera-t-il le chemin parcouru depuis l’époque où, adolescent, il réalisait des films d’horreur dans sa cave.