La Loi du marché, film le mieux amorti en salles en 2015

Posté par vincy, le 26 février 2016

Le Film Français a publié la semaine dernière son classement des films français les plus rentables, soit le ratio entre le nombre d'entrées et le devis budgétaire des films. Seulement 5 films ont complètement couverts leur budgets: La loi du marché, Demain, Mustang, Much Loved et Babysitting 2. Hormis ce dernier, tous sont nommés aux Césars. Demain est un documentaire. La loi du marché, Mustang et Much Loved était présentés à Cannes. Much Loved a même la particularité d'avoir coûté moins de 700 000 euros. A l'inverse, malgré son budget frôlant les 10 millions d'euros, Babysitting 2 réussi à se faire une place au soleil, surclassant ainsi Connasse princesse des coeurs, Les nouvelles aventures d'Aladin, Papa ou maman, Les profs 2 et Les souvenirs, qui complètent le Top 10.

Notons que deux autres documentaires sont dans le Top 30 (La vie des gens, Le caravage). En revanche, le premier film d'animation est Pourquoi j'ai pas mangé mon père, seulement 50e (mais aussi l'un des plus gros budgets de l'année). Le classement ne prend pas en compte les recettes à l'export (qui changerait considérablement le tableau avec des films comme Taken 3 et Le petit prince).

Ils sont huit nommés au César du meilleur film cette année, et ils n'ont pas connu le même sort au box office.

Côté rentabilité, avec trois films à petits budget qui triomphent en salles, et cinq films du milieu dont seulement deux ont réussi à séduire un public assez large, les inégalités se creusent. A noter que La loi du marché et Mustang sont respectivement 1er et 3e au classement général des films français les plus rentables de l'année.

Nommée aux César, menacée de mort, réfugiée en France, Loubna Abidar est « sans papiers »

Posté par vincy, le 23 février 2016

loubna abidar much loved

Loubna Abidar sera vendredi sur le tapis rouge des 41e César. Sans papiers, menacée de mort et exilée. L'actrice de Much Loved (Quinzaine des réalisateurs à Cannes, 275 000 spectateurs en France, des prix en pagaille à Namur, Gijon, Angoulême) se console sans doute d'être nommée au César de la meilleure actrice dans le film de Nabil Ayouch. Elle y incarne une prostituée marocaine, à la fois chef de bande et fille rejetée, business woman et femme émancipée.

Une plainte rejetée

Depuis la présentation du film à Cannes, elle n'est plus tranquille. Le film a soulevé une polémique nationale au Maroc, avant même d'avoir été vu. La comédienne a été agressée physiquement en novembre, à Casablanca par trois fêtards qui la séquestrent dans leur voiture pour la frapper plusieurs fois. Elle est même poursuivie par une association, Défense du citoyen, pour "attentat à la pudeur", "pornographie" et "incitation de mineurs à la débauche". On croit rêver. Elle risque, avec le cinéaste Nabil Ayouch, une peine de cinq ans de prison et 100 000 euros d’amende. Le procès a eu lieu il y a douze jours et la plainte a été rejetée pour vice de forme.

Une presse aux ordres

Dans un entretien à Télé Obs, Loubna Abidar explique que "Le problème, aujourd’hui, n’est même plus la nature soi-disant pornographique de Much Loved, mais ma réussite personnelle." Son rôle a attisé les passions, suscitant le mépris des uns, la haine des autres. Pourquoi une telle folie? Elle n'est que l'interprète d'un personnage dans un film qui dénonce les hypocrisies d'une société schizophrène.

Aujourd'hui, elle est réfugiée en France. Suite à son agression, menacée de mort, persécutée par une presse devenue hystérique à son encontre ("la plupart des sites internet marocains reprennent les articles de la presse d’Etat, qui se montre à la fois très hostile et très inventive à mon égard"), elle est partie du Maroc, avec un simple visa touristique de trois mois. Le visa a expiré. "Aujourd’hui, je suis en situation illégale en France. Je n’ai pas de papiers" explique-t-elle.

Un visa expiré

Elle ne peut plus retourner au Maroc. Ses projets sont en France: "Je veux vivre ici, continuer à défendre la femme et l’enfant arabes, tourner des films engagés. Je vais monter une association qui vient en aide aux prostituées. J’ai quelques économies, des projets de tournage, un contrat de travail avec les éditions Stock pour un livre. Je loue un appartement... La procédure normale m’impose de me rendre au Maroc pour y faire une demande de visa long séjour. Mais si je retourne là-bas, je crains qu’on ne me laisse plus repartir. J’ai demandé l’aide de Fleur Pellerin" (à l'époque ministre de la Culture et de la Communication). "Elle est la première Française à m’avoir téléphoné à la suite de mon agression. Mais, pour l’instant, je n’ai pas de réponse. J’ai laissé ma fille de 6 ans au Maroc avec mon mari. Je ne peux pas la ramener" poursuit la comédienne. Mais elle précise: "Ma fille a déjà des problèmes. Elle ne joue plus avec les enfants des voisins, qui lui disent que sa mère est une prostituée. Sa maîtresse d’école lui a fait la même réflexion."

Le dossier est entre les mains de la nouvelle ministre de la Culture et de la Communication, Audrey Azoulay, franco-marocaine, et fille de fille du journaliste, banquier et homme politique André Azoulay, conseiller du roi du Maroc Hassan II puis de Mohammed VI. Epineux.

Mustang domine les Prix Lumières 2016

Posté par vincy, le 9 février 2016

La presse étrangère basée à Paris a rendu son verdict. S'espérant aussi clairvoyante que les Golden Globes qui influent sur les Oscars, les prix Lumières de la presse étrangère auront-ils anticiper le palmarès des César? Cette 21e édition pourrait en effet "matcher" avec les 43e César, à quelques exceptions près.
Premier enseignement: Mustang, candidat français pour les Oscars, repart avec quatre prix dont celui du meilleur film et du meilleur premier film. C'est le seul film qui reçoit plusieurs prix avec Trois souvenirs de ma jeunesse (meilleur réalisateur, meilleure musique).
Deuxième enseignement: avec Mustang, Fatima (scénario), Much Loved (film francophone), le cinéma français valorise son métissage et ses liens avec la Méditerranée.
Troisième enseignement: le festival de Cannes monopolise le palmarès avec 11 prix pour 9 films, sur 13 films récompensés au total. Mention spéciale pour la Quinzaine des réalisateurs qui s'octroie 8 prix (dont 2 partagés), devant la sélection officielle (compétition, hors compétition, un certain regard) qui repart avec 4 trophées (dont deux partagés) et la semaine de la critique qui en partage un. Les quatre autres films qui sont distingués étaient à Berlin (Le bouton de nacre, Journal d'une femme de chambre), à Locarno (La belle saison) et à Venise (Marguerite).

Cette année, les prix Lumières ont rendu hommage à Isabelle Huppert.

Le palmarès

Meilleur film: Mustang de Deniz Gamze Ergüven
Meilleur réalisateur: Arnaud Desplechin pour Trois souvenirs de ma jeunesse
Meilleur scénario: Philippe Faucon pour Fatima
Meilleure actrice: Catherine Frot dans Marguerite
Meilleur acteur: Vincent Lindon dans La loi du marché et Journal d’une femme de chambre
Meilleures révélations féminines: Günes Nezihe Sensoy, Doga Zeynep Doguslu, Elit Iscan, Tugba Sunguroglu et Ilayda Akdogan dans Mustang
Meilleur révélation masculine: Rod Paradot dans La tête haute
Meilleur premier film: Mustang de Deniz Gamze Ergüven
Meilleur film francophone: Much Loved de Nabil Ayouch (France, Maroc)
Meilleure image: David Chizallet pour Mustang, Les Anarchistes, Je suis un soldat
Meilleure musique: Grégoire Hetzel pour La belle saison et Trois souvenirs de ma jeunesse
Meilleur documentaire (ex-aequo): Le bouton de nacre de Patricio Guzmán et L’image manquante de Rithy Pan

Trois souvenirs de ma jeunesse et Mustang en tête des nominations des Prix Lumières 2016

Posté par vincy, le 4 janvier 2016

La 21e cérémonie des prix Lumières, les prix de la presse étrangère, aura lieu le 8 février prochain. En attendant, les nominations viennent de tomber. Peu de surprise, même si les catégories meilleur film et meilleur réalisateur ne coïncident pas vraiment. On regrettera quelques gros absents comme Le grand jeu ou Fatima, tous deux primés par le Delluc, des snobés comme Je suis un soldat ou L'affaire SK1. on peut aussi s'étonner de la présence dans 5 catégories de La belle saison ou se réjouir de la belle performance des premiers films dans différentes catégories. On est ravis de croiser Bébé tigre, Vincent n'a pas d'écailles, Les bêtises, Ni le ciel ni la terre, Trois souvenirs de ma jeunesse, ... Le Desplechin et Mustang dominent avec 6 nominations.

MEILLEUR FILM

La belle saison, de Catherine Corsini
Dheepan, de Jacques Audiard
L’hermine, de Christian Vincent
Marguerite, de Xavier Giannoli
Mustang, de Deniz Gamze Ergüven
Trois souvenirs de ma jeunesse, de Arnaud Desplechin

MEILLEUR REALISATEUR
Jacques Audiard (Dheepan)
Catherine Corsini (La belle saison)
Arnaud Desplechin (Trois souvenirs de ma jeunesse)
Philippe Garrel (L’ombre des femmes)
Xavier Giannoli (Marguerite)
Maïwenn (Mon roi)

ACTRICE
Emmanuelle Bercot (Mon roi)
Clotilde Courau (L’ombre des femmes)
Catherine Frot (Marguerite)
Izïa Higelin (La belle saison)
Isabelle Huppert (Valley of Love)
Elsa Zylberstein (Un + une)

ACTEUR
Gérard Depardieu (Valley of Love)
André Dussollier (21 nuits avec Pattie)
Vincent Lindon (La loi du marché et Journal d’une femme de chambre)
Fabrice Luchini (L’hermine)
Vincent Macaigne (Les deux amis)
Jérémie Renier (Ni le ciel ni la terre)

REVELATION FEMININE
Golshifteh Farahani (Les deux amis)
Sara Giraudeau (Les bêtises)
Baya Medhaffar (À peine j’ouvre les yeux)
Lou Roy-Lecollinet (Trois souvenirs de ma jeunesse)
Sophie Verbeeck (À trois on y va)
Günes? Nezihe S?ensoy, Dog?a Zeynep Dog?us?lu, Elit Is?can, Tug?ba Sungurog?lu et Ilayda Akdog?an (Mustang)

REVELATION MASCULINE
Stany Coppet (La vie pure)
Quentin Dolmaire (Trois souvenirs de ma jeunesse)
Alban Lenoir (Un Français)
Félix Moati (À trois on y va)
Harmandeep Palminder (Bébé tigre)
Rod Paradot (La tête haute)

PRIX HEIKE HURST DU PREMIER FILM
Bébé tigre, de Cyprien Vial
Les deux amis, de Louis Garrel
Mustang, de Deniz Gamze Ergüven
Ni le ciel ni la terre, de Clément Cogitore
La vie pure, de Jérémy Banster
Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador

FILM FRANCOPHONE
À peine j’ouvre les yeux, de Leyla Bouzid (Tunisie, Belgique, France)
L’année prochaine, de Vania Leturcq (Belgique, France)
Much Loved, de Nabil Ayouch (France, Maroc)
Les Terrasses, de Merzak Allouache (France, Algérie)
Le tout nouveau testament, de Jaco van Dormael (France, Belgique, Luxembourg)
La vanité, de Lionel Baier (Suisse, France)

IMAGE
David Chizallet (Mustang, Les Anarchistes, Je suis un soldat)
Matias Boucard (L'affaire SK1)
Irina Lubtchansky (Trois souvenirs de ma jeunesse)
Claire Mathon (Le dernier coup de marteau, Mon roi et Les deux amis)
Arnaud Potier (Les Cowboys)
Sylvain Verdet (Ni le ciel ni la terre)

SCENARIO
Catherine Corsini et Laurette Polmanss (La belle saison)
Arnaud Desplechin et Julie Peyr (Trois souvenirs de ma jeunesse)
Philippe Faucon (Fatima)
Deniz Gamze Ergüven et Alice Winocour (Mustang)
Xavier Giannoli (Marguerite)
Arnaud et Jean-Marie Larrieu (21 nuits avec Pattie)

MUSIQUE
Bruno Coulais (Journal d’une femme de chambre)
Warren Ellis (Mustang)
Grégoire Hetzel (La belle saison et Trois souvenirs de ma jeunesse)
Mike Lévy, alias Gesaffelstein (Maryland)
Béatrice Thiriet (L’astragale)
Jean-Claude Vannier (Microbe et Gasoil)

DOCUMENTAIRE
Le bouton de nacre, de Patricio Guzmán
Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent
Human, de Yann Arthus-Bertrand
Sud Eau Nord Déplacer, de Antoine Boutet
L’image manquante, de Rithy Pan
Nous venons en amis, de Hubert Sauper

Much Loved, Je ne suis pas un salaud et Je suis à toi trustent le palmarès d’Angoulême

Posté par vincy, le 30 août 2015

La 8e édition du Festival du film francophone d'Angoulême s'est achevée ce soir avec la remise des prix. Le jury présidé par Jean-Hugues Anglade a couronné Much Loved, présenté à la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, qui succède à Hippocrate, Valois d'or 2014.

Le film de Nabil Ayouch, au coeur d'une polémique au Maroc depuis juin, a aussi remporté le Valois de la meilleure actrice pour Loubna Abidar, qui interprète une prostituée de Marrakech.

Le Valois de la meilleure mise en scène a été décerné à Emmanuel Finkiel pour Je ne suis pas un salaud, avec Nicolas Duvauchelle et Mélanie Thierry. Nicolas Duvauchelle a reçu également le Valois du meilleur acteur.

Les autres prix ont récompensé le film belge Je suis à toi (Valois du scénario et Valois Magelis du prix du jury étudiants), de David Lambert, l'histoire d'un escort-boy argentin débarqué en Belgique, La passion d'Augustine (Valois du public), de la québécoise Léa Pool, qui raconte l'épopée musicale d'un couvent québécois, Chaud lapin d'Alexis Magaud, Soline Béjuy, Maël Berreur, Géraldine Gaston et Flora Andrivon (Valois René Laloux du court métrage), et la société Nord Ouest (Valois Martin Maurel), décerné par un collège de distributeurs à un producteur francophone.

Le Maroc censure Much Loved sans avoir vu le film: appel à soutien et pétition pour défendre la liberté d’expression

Posté par vincy, le 30 mai 2015

Comme nous vous l'annoncions plus tôt cette semaine, le film Much Loved de Nabil Ayouch, présenté à la dernière Quinzaine des réalisateurs, a été interdit d'exploitation au Maroc, suite à un climat de violence et d'agressivité sur les réseaux sociaux autour du réalisateur et de son actrice principale au Maroc. Cette décision a soulevé un vent de contestation du côté de la profession.

Much Loved raconte l'histoire de Noha, Randa, Soukaina, Hlima et d'autres femmes qui vivent d’amours tarifés dans le Marrakech aujourd'hui. Ce sont des prostituées, des objets de désir. Joyeuses et complices, dignes et émancipées dans leur royaume de femmes, elles surmontent la violence d’une société marocaine qui les utilise tout en les condamnant.

Le gouvernement marocain a annoncé lundi que le film serait interdit de projection au Maroc. Pour le gouvernement marocain, il comporte un "outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine". "Cette interdiction encourage les pires attaques des courants conservateurs marocains envers le film, Nabil Ayouch et Loubna Abidar faisant l’objet de menaces de mort sur les réseaux sociaux", souligne l'appel à soutien diffusé sur le site de la SRF.

Près de 80 cinéastes et producteurs ont dénoncé cette censure: Stéphane Brizé, Claire Burger, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Costa-Gavras, Yann Gonzalez, Mahamat-Saleh Haroun, Michel Hazanavicius, Agnès Jaoui, Laurent Cantet, Pascale Ferran, Costa-Gavras, Michel Hazanavicius, Rithy Panh, Pierre Salvadori, Riad Sattouf, Volker Schlöndorff, Céline Sciamma, Bertrand Tavernier et Rebecca Zlotowski figurent parmi les "premiers signataires" de ce texte.

"De tous temps, le cinéma a eu vocation à montrer la réalité sous tous ses aspects. De toute évidence, ce film sur le milieu de la prostitution à Marrakech montre une réalité que les autorités marocaines refusent de regarder en face. Pourtant cette réalité niée ne sera modifiée en rien par cet acte de censure délibérée.
Alors que le Maroc accueille de très nombreux tournages français et internationaux et que se tient à Marrakech annuellement un grand festival de cinéma, nous condamnons cette interdiction avec la plus grande fermeté.
Nous nous associons à l’Union des Réalisateurs Auteurs Marocains et au large courant de solidarité qui s’est levé autour du cinéaste franco-marocain Nabil Ayouch et de son film, pour dénoncer l’obscurantisme et les violentes atteintes à la liberté que cette interdiction constitue : atteinte à la liberté d’expression, atteinte à la liberté du metteur en scène d’exposer son travail, atteinte à la liberté des spectateurs qui ne peuvent avoir accès au film dans les salles de cinémas marocaines.
"

Par ailleurs déjà plus de 400 personnes ont signé la pétition initiée par l'actrice principale du film Loubna Abidar sur Avaaz.org.

"Nous, artistes, intellectuels, créateurs, journalistes et acteurs dans différents secteurs de la société, déclarons notre attachement à la liberté de pensée, d’expression et de création en tant que droit garanti par la constitution marocaine et les conventions internationales. Nous appelons les spécialistes et l’ensemble des amateurs à se ranger du côté de la critique constructive et élever le niveau du débat loin de la diffamation et l'incitation à la haine qui s’appuient sur de prétendus arguments moraux sans considération aucune ni à la liberté d’expression ni de création dans les domaines de la production intellectuelle et esthétique" explique la pétition, qui ajoute : "Aucune tutelle sur la création, aucune prohibition de la créativité! Par la même occasion, nous désavouons la décision illégale impartiale et apriori prise par le Ministre de la communication d’interdire la diffusion du film dans les salles de cinéma au Maroc."

Stupéfait, Edouard Waintrop, directeur de la Quinzaine des réalisateurs, s'est exprimé en rappelant, qu'à l'évidence, "ce film sur la prostitution à Marrakech montre une réalité que les autorités marocaines refusent de voir. Cependant ce déni de réalité ne devrait pas amené à un acte délibéré de censure."

Le plus ironique dans cette histoire est que le réalisateur du film a expliqué à Variety qu'aucun des cinq membres de la Commission de censure n'avait vu le film et que lui-même n'avait pas encore demandé un visa de sortie au ministère. La décision a été prise suite à la diffusion de deux extraits sur Internet, qui ont entraîné un flot de commentaires et de critiques sur les réseaux sociaux.

Un Français, le film de Diastème, entre menaces, peur et censure cachée

Posté par vincy, le 26 mai 2015

Il y a des sujets qui continuent de fâcher. La liberté d'expression, on l'a vu en début d'année, peut-être meurtrière. La liberté de création continue de déranger. Par exemple, le Maroc a décidé d'interdire la projection du dernier film de Nabil Ayouch, Much loved, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes: pour le gouvernement du Royaume, il comporte un « outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine ». Ce film traite du problème de la prostitution au Maroc à travers le portrait de plusieurs femmes. La diffusion d'extraits a entraîné de vives réactions à l’encontre du réalisateur marocain et de son actrice principal, Loubna Abidar.

C'était hier. C'était au Maroc.

En France, hormis quelques films critiquant les religions, qui ont subit une censure avant tout économique (refus des exploitants), on ne pouvait pas penser, croire, qu'un film puisse faire peur. Pourtant on a eu des exemples récents avec Timbuktu (lire notre article du 16 janvier), Au nom du fils (lire notre article du 22 avril 2014), sans oublier les affiches de L'inconnu du lac (lire notre article du 10 juin 2013). Et pourtant c'est bien le cas.

Hier, en France, le réalisateur, dramaturge, scénariste et écrivain Diastème a reçu un coup de batte de baseball sur le crâne. Son dernier film, Un Français, qui doit sortir le 10 juin prochain, suscite trop de réactions violentes, semble-t-il.

"Ils ont peur"

Sur son blog, Diastème écrit que le distributeur [Mars films] vient d'annoncer à sa coproductrice "que les 50 avant-premières du film qui devaient avoir lieu dans 50 villes de France le mardi 2 juin sont annulées. Certains exploitants ne veulent pas le film, lui a-t-on dit, ils ont peur. — Peur de quoi ? je lui demande. — Je ne sais pas, elle répond. — Les 50 !? — Ben faut croire…"

"Comme si cela ne suffisait pas, elle m’annonce également que les « plus de 100 salles » prévues par Mars pour la sortie du film se transforment en « moins de 50, et encore, pas sûr… »" ajoute-t-il.

Dans son blog, Diastème raconte qu'un exploitant l'invite à la date qui l'arrange pour présenter son film et en débattre. Mais il n'oublie pas que "deux exploitants, de Toulon et de Lille, quoi qu’aimant beaucoup [son] film, avaient « peur » de le prendre."

De deux craintifs on passe donc à cinquante couards, en une semaine. Diastème entame donc un marathon médiatique: message Facebook aux amis, texte sur son blog, communiqués aux journalistes, passage au Grand Journal. Il explique son film, justifie le titre, mais reste stupéfait que des exploitants refusent un film par "peur". Syndrome Dernière tentation du Christ?

Un film nécessaire

En passant de 100 à 50 ou 60 copies, le film a peu de chances d'être rentable. "Le film est quasiment mort-né, il ne fera pas d’entrées dans les salles, alors qu’on n’arrête pas de me dire, depuis que les premières projections ont eu lieu, que c’est un film « important », un film « nécessaire », un film « que les gens doivent aller voir », « surtout ici et maintenant », un film avec « un sujet que personne n’a jamais traité », un film avec une « actualité » et un « engagement » – grandes valeurs cinématographiques ne dit-on pas depuis hier soir ?"

Jusqu'au dernier moment, il avait été pressenti pour être sélectionné à Cannes. Il aurait été intéressant, en contrepoint à la vision Fox News du Audiard, d'avoir un film comme celui de Diastème, à la Quinzaine par exemple, où il avait toute sa place.

Un film de paix sur un repenti

"J’ai raconté l’histoire d’un homme qui se débarrasse de la violence et de la haine en lui. C’est un film de paix. Un film de cinéma. Et ce que je reçois, depuis quelques semaines, n’est que violence et haine, guerre, et ce n’est pas du cinéma…" C'est un film anti-FN, certes, mais c'est avant tout le parcours sur près de trois décennies et des poussières de Marco, qui cogne les Arabes et colle les affiches de l'extrême droite. Mais, malgré lui, toute cette haine va l'abandonner. Il va devoir se débarrasser de la violence, de la colère, de la bêtise qu'on a en soi. C'est le destin d'un salaud qui va tenter de devenir quelqu'un de bien.

Et donc ce pitch fait peur. Mais pas seulement, le film a été interdit aux moins de 12 ans. Cette censure a forcément un impact économique et limite le nombre de salles. Pourquoi un tel film subit une telle censure? Parce qu'il fait le lien entre les deux France, "celles qui se crachent à la gueule, “Travail Famille Patrie” d’un côté, “Liberté Égalité Fraternité” de l’autre." Dérangeant, vraiment?

Diastème rappelle que "c’est un film de fiction, avec des personnages fictifs, c’est un film de cinéma, pas un film de skinheads – le côté “skinheads”, ce ne sont que les 25 premières minutes, et le film fait 1h40, se déroule sur vingt-huit ans ; non, ça n’a rien à voir avec American History X, mais alors rien du tout, le contraire, à la limite Alan Clarke, Shane Meadows – mais personne ne connait Alan Clarke, Shane Meadows."

Une campagne de haine

Mars, le distributeur de film, vient d'envoyer un communiqué de presse, et confirme le climat agressif autour du film: "Depuis plusieurs semaines, le film de Diastème, Un Français, fait l'objet, sur les réseaux sociaux, d'une spectaculaire campagne de haine attisée par des commentaires violents, agressifs, menaçants autour de sa bande-annonce." Selon Mars, le film n'a pas été déprogrammé avant sa sortie et aucune avant-première n'a été annulée.

Pour le distributeur, la sortie prévue initialement sur une centaine de copies (un minimum aujourd'hui pour exister) a été ramené à 60 "afin d'optimiser au mieux chaque copie et de valoriser chaque salle diffusant le film."

Mars explique également que les cinémas contactés pour organiser des avant-premières et débats "n'ont pas donné suite à cette proposition". La raison officielle: complexité de mettre en place un événement aussi particulier, nécessitant des précautions (sécurité etc...)". Donc il y a bien une peu diffuse ...

Et en effet, le distributeur ne dément pas le climat créé autour du film par "certaines personnes aussi anonymes que mal intentionnées".

Une société menacée

Remerciant les nombreux exploitants courageux qui soutiennent Un Français, Mars persiste à vendre le film comme une oeuvre "nécessaire dans toute son authenticité". "Que cette chronique d'un extrémiste repenti puisse donner des boutons à certains qui y voient un signe de lâcheté en dit long sur les menaces pesant sur notre société." On ne dirait pas mieux.

"La diffusion de ce film constitue un acte militant fort dans la simple liberté de l'expression artistique et citoyenne".

Alors, n'y aura-t-il que seulement soixante salles qui défende cette liberté d'expression et qui auront le courage de diffuser Un Français?