[On va tous au cinéma] Calamity (14 octobre)

Posté par redaction, le 21 juin 2020

Le pitch: 1863, dans un convoi qui progresse vers l’Ouest avec l’espoir d’une vie meilleure, le père de Martha Jane se blesse. C’est elle qui doit conduire le chariot familial et soigner les chevaux. L’apprentissage est rude et pourtant Martha Jane ne s’est jamais sentie aussi libre. Et comme c’est plus pratique pour faire du cheval, elle n’hésite pas à passer un pantalon. C’est l’audace de trop pour Abraham, le chef du convoi. Accusée de vol, Martha est obligée de fuir. Habillée en garçon, à la recherche des preuves de son innocence, elle découvre un monde en construction où sa personnalité unique va s’affirmer. Une aventure pleine de dangers et riche en rencontres qui, étape par étape, révélera la mythique Calamity Jane.

Le cast: Réalisé par Rémi Chayé, avec les voix de Salomé Boulven, Alexandra Lamy, Alexis Tomassian.

L'atout: Grand prix à Annecy hier, Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary est le film d'animation français (pour les plus de six ans) qui s'annonce idéal pour les vacances d'automne. Alors que l'animation française est reconnue comme l'une des meilleures (jusqu'à être nommée aux Oscars, sélectionnée à Cannes, etc...), il reste à retrouver un large public qui se déplace pour Astérix mais qui, depuis les films de Michel Ocelot (Kirikou), n'a pas forcément répondu présent dans les salles.

Annecy 2020 : une édition en ligne ouverte à tous

Posté par MpM, le 12 juin 2020

Puisqu'une édition physique était impossible, le Festival d'Annecy se tiendra donc en ligne du 15 au 30 juin prochain. L'ambiance électrique du festival, les rencontres, les retrouvailles avec la petite planète animation, les fondues au champagne et le lac nous manqueront. Voir les films sur grand écran, aussi.

Mais à quelque chose malheur est bon puisque cette année, la manifestation s'offre au monde entier par le biais d'accréditations grand public au tarif attractif de 15 euros. L'occasion de mettre le festival à la portée de tous, ou presque, et d'apporter le cinéma d'animation sous toutes ses formes jusque dans votre salon.

En plus des différentes compétitions de courts métrages dévoilées en avril dernier, l'accréditation permettra de découvrir une grande partie des deux compétitions de longs métrages : 12 films sur 20 pourront en effet être regardés intégralement sur la plate-forme. Pour des questions de droits, il ne sera possible de découvrir que des extraits des autres, ainsi que des making-off ou vidéos de présentation.

Parmi les films sélectionnés cette année, on retrouve Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé (dont on vous parlait ici), Petit Vampire de Joan Sfar, Lupin III The First de Takashi Yamazaki ou encore Kill it and leave this town de Mariusz Wilczynski, qui avait fait sensation à Berlin en février dernier. Pour des raisons logiques de calendriers, des films très attendus comme Josep d'Aurel (Label Cannes 2020) ou La Traversée de Florence Miailhe (dont la sortie a été reportée à 2021) ne sont pour leur part pas présents cette année... Il faudra donc s'armer une nouvelle fois de patience avant de les découvrir.

Les festivaliers frustrés pourront se consoler (et probablement voir naître de nouveaux motifs de frustrations) avec les Work in Progress et les Preview, qui mettent en avant des films en train de se faire, présentant notamment les différentes étapes de fabrication et parfois des images inédites. En l'occurence, il y a de quoi faire avec Insula d'Anca Damian, Interdit aux chiens et aux Italiens d'Alain Ughetto (dont on vous parlait ici), Le Sommet des Dieux de Patrick Imbert, Sirocco et le royaume des courants d'air de Benoit Chieux, Wolfwalkers de Tomm Moore et Ross Stewart ou encore Inu-Oh de Masaaki Yuasa.

Enfin, les festivaliers pourront aussi découvrir la compétition VR, des programmes spéciaux, dont l'incontournable sélection What The Fuck qui réunit des films "décloisonnés, décomplexés et libres", et assister (virtuellement) aux différentes leçons de cinéma : "la violence sexuelle en animation" par les frères Blies (Zero impunity, découvert l'an dernier), Conversation entre Henri Selick et Bruno Coulais, Conversation avec Dean DeBlois...

Pour compléter cette offre pléthorique, les courts d'animation fleurissent un peu partout sur la toile. Dès maintenant, Arte propose sept films en avant-première, dont Something to remember, le nouveau film de Niki Lindroth von Bahr (The Burden, Cristal en 2017). Le magazine en ligne Bref mettra lui-aussi le Festival à l'honneur dès le 17 juin à travers plusieurs films sélectionnés et primés lors des éditions précédentes. Enfin, Format Court proposera à partir du 15 juin sa propre sélection de films passés par Annecy disponibles gratuitement en ligne, dont trois qui concourent cette année : No I don't want to dance de Andrea Vinciguerra, Mashrou' Leila "Radio Romance" de Vladimir Mavounia-Kouka et Catgot de Tsz Wing Ho.

De son côté, Ecran Noir vous fera vivre la manifestation au plus près, avec des conseils quotidiens sur les films à ne pas louper, et un guide des courts métrages d'animation à découvrir facilement sur la toile. Pour commencer, on ne résiste pas à la tentation de partager avec vous un court métrage étudiant présenté l'an dernier à Annecy dans la sélection What The Fuck : We are Future shock de Zohar Dvir avec rien de moins que Jesus Christ et Elvis Presley aux côtés d'un grizzli, d'un chat qui fume et de poissons volants.

Cartoon movie 2020 : deux longs métrages à découvrir en salles dès la rentrée

Posté par MpM, le 9 mars 2020

C'est l'un des petits bonheurs du Cartoon movie, dont la 22e édition se tenait du 3 au 5 mars à Bordeaux : découvrir en grande avant-première les images des longs métrages d'animation attendus sur nos écrans dans les mois à venir. Car si la majorité des présentations est consacrée à des projets qui n'en sont parfois qu'au stade de concept, quelques films terminés sont toujours de la partie, annonçant les grands temps forts de l'année.

Et quels temps forts !, puisque l'on a pu découvrir des extraits de La Traversée, le premier long métrage de la réalisatrice Florence Miailhe, connue pour ses courts métrages récompensée notamment d'un César (Au premier dimanche d'août en 2002), et d'une mention spéciale à Cannes (Conte de quartier en 2006), ainsi que  les vingt premières minutes de Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé, à qui l'on doit le très beau et poétique Tout en haut du monde, qui mettait déjà en scène une héroïne libre et débrouillarde dans un monde d'hommes, celui des explorateurs.

La Traversée de Florence Miailhe (sortie le 9 septembre 2020)


Après plus de douze ans de travail, Florence Miailhe et sa productrice Dora Benousilio (Les Films de l'Arlequin) étaient passablement émues de nous annoncer que, ça y est, La Traversée est terminé, prêt à commencer une belle carrière en festival, avant d'être dévoilé au grand public début septembre.

Situé dans un pays imaginaire et dans un contexte atemporel, mais faisant évidemment écho à l'Histoire du XXe siècle comme à l'époque contemporaine, le film suit Kyona et Adriel, deux enfants jetés sur les routes de l'exil, à la recherche d'un pays plus clément où vivre libres. On a pu découvrir des extraits de quelques séquences emblématiques, comme le moment où ils assistent, impuissants, à l'arrestation de leurs parents, ou leur traversée clandestine dans une barque de fortune qui les amène vers un inconnu bien incertain, à la merci de trafiquants d'êtres humains.

Visuellement, on est une nouvelle frappé de stupeur devant la profusion de couleurs vives qui donnent une tonalité très picturale aux premières scènes. Qu'il s'agisse du corsage jaune de Kyona ou des feuilles orangées des arbres au début de l'automne, tout semble étinceler de lumière et de vie. Au fil du périple, bien sûr, l'esthétique se modifie, comme lors de ce passage plus hivernal, dans une forêt recouverte de neige, qui joue au contraire sur le contraste entre le noir et le blanc, et nous offre un passage quasi abstrait pour représenter la tempête qui fait rage. Un autre plan magnifique montre le souffle chaud d'un chien qui fait tout à coup apparaître le visage de la jeune fille ensevelie sous la neige. Il faut enfin dire un mot des séquences nocturnes, qui jouent sur un camaïeu de teintes plus bleutées, comme voilées par l'obscurité.

Cet aperçu nous a par ailleurs permis de se faire une idée des différentes épreuves traversées par les deux enfants, mais aussi des moments de douceur qui malgré tout s'offrent à eux, et du mélange de solidarité et de compassion qui, parfois, les accompagne. On sent ainsi que le film ne se veut pas un drame larmoyant, mais plutôt une fresque flamboyante et vibrante qui réunisse en un même mouvement humaniste tous les migrants, exilés et autre réfugiés de l'Histoire, laissant le spectateur libre de dresser les parallèles qui s'imposent avec la situation actuelle.

Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé (sortie le 15 octobre)


Voilà peut-être le cadeau le plus frustrant de cette édition du Cartoon movie : nous montrer les 20 premières minutes de Calamity, puis interrompre la projection en nous demandant d'attendre octobre pour connaître la suite des aventures de sa jeune héroïne ! On en a en tout cas vu assez pour savoir que le film réunit tous les ingrédients pour séduire largement au-delà du cadre purement familial.

Rémi Chayé s'attache en effet à l'enfance de celle qui deviendra "Calamity Jane", et plus précisément à ce moment de bascule qui l'amène à prendre conscience de sa condition de femme. Les séquences d'exposition la montrent ainsi en compagnie des autres enfants du convoi qui travers l'Ouest sauvage pour rejoindre l'Oregon. Pendant que les garçons chevauchent parmi les chariots et surveillent le troupeau, elle marche durant des heures, et met ce temps à profit pour imaginer la vie de rêve qui les attend à destination. Mais voyant qu'il lui à la fois impossible d'aider son père blessé, et qu'en plus personne ne la prend au sérieux, la jeune adolescente s'impose en secret un entraînement intensif pour être capable de monter à cheval et de manier le lasso comme un homme.

Si le début du film semble aller à cent à l'heure, détaillant de manière assez classique la rivalité entre la jeune fille et le fils du chef, net écho de la rivalité de classe qui existe entre leurs pères, la suite du récit devrait se resserrer principalement sur elle, et sur le parcours initiatique qui l'amènera à se révéler. On est bien sûr curieux de voir si la narration trouvera alors un rythme moins précipité, mais quoi qu'il en soit on est déjà convaincu par les choix formels de Rémi Chayé et de son équipe.

Le réalisateur reprend en effet une partie de l'esthétique au coeur de Tout en haut du monde (vastes aplats de couleurs et absence de traits de contours) qui donne aux paysages l'aspect quasi impressionniste de vastes tâches de couleurs. Les plans rapprochés sur le visage décidé de la petite héroïne alternent également avec les plans larges et les amples mouvements de caméra sur les grands espaces que traversent les personnages. De quoi assurer la personnalité visuelle du film, entre simplicité de représentation et incitation à l'imaginaire, et assumer son héritage cinématographiques forcément mâtiné de westerns et de films d'aventures.

Le meilleur de l’animation européenne se dévoile à Bordeaux

Posté par MpM, le 3 mars 2020

L'année dernière, on y découvrait les premières images de J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin et de l'Extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian, soit deux des films qui auront le plus marqués l'année cinéphile 2019 : le Cartoon Movie, rendez-vous européen des professionnels du film d'animation depuis 1999, voit ainsi passer chaque année les projets de longs métrages parmi les plus attendus du moment mais aussi ceux, parfois seulement au stade de concepts, qui figureront dans les grandes attentes de 2022, 2023... ou 2030.

Pour cette édition 2020, ce sont 66 projets de longs métrages d’animation en provenance de 20 pays européens qui seront présentés aux quelque 900 professionnels présents (producteurs, investisseurs, distributeurs, agents de vente, sociétés de jeux vidéos ou encore new media players). Si l'écrasante majorité est à l’état de concept ou en développement, 6 sont en production et 5 seront présentés en sneak preview, ce qui signifie qu'ils sont pratiquement terminés. Parmi ceux-là, on retrouve notamment Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé et La Traversée de Florence Miailhe, dont on vous parlait déjà l'an dernier, et qui pourrait (devrait ?) faire sa grande première sur la Croisette en mai prochain.

Parmi les autres projets qui attirent d'ores et déjà notre intérêt, il y a bien sûr le premier long métrage de Franck Dion (Cristal du meilleur court métrage à Annecy en 2016 avec Une tête disparait), L'héritage des Depanurge, destiné à un public adulte, et qui s'inspire des univers de Charles Dickens, Italo Calvino et Agatha Christie, ainsi que celui de Benoit Chieux (Tigres à la queue leu leu), Sirocco et le royaume des vents, un récit d'aventures familial co-écrit avec Alain Gagnol. On est évidemment curieux également de voir comment The Island d'Anca Damian, adaptation surréaliste de Robinson Crusoé en comédie musicale, pour le résumer rapidement, a évolué depuis sa présentation l'an dernier. Enfin, on est intrigué par They Shot the Piano Player de Fernando Trueba et Javier Mariscal (nommés aux Oscars pour Chico & Rita) et The Amazing Maurice, d’après le livre de Terry Pratchett Le Fabuleux Maurice et ses rongeurs savants.

Les adaptations représentent d'ailleurs un pourcentage important des projets présentés (quasiment un tiers), avec des propositions aussi variées que Verte de Marie Desplechin et Magali Huche, Métaphysique des tubes d’Amélie Nothomb, L'ours et l'ermite de John Yeoman et Quentin Blake, Molesworth de Geoffrey Willans et Ronald Searle, Les Légendaires de Patrick Sobral ou encore Fille et loup de Roc Espinet.

A noter pour finir que le Luxembourg est le pays à l'honneur de cette 22e édition. Le Grand Duché est en effet terre d'animation, en co-production notamment sur des projets comme Le Sommet des Dieux ou Where is Anne Frank?, mais aussi sur des films déjà sortis tels que Funan, Pachamama, Parvana, une enfance en Afghanistan, Le voyage du Prince ou encore Les hirondelles de Kaboul.

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Cartoon Movie 2020
Du 3 au 5 mars
Informations sur le site de la manifestation

Première édition du Cartoon Movie de Bordeaux

Posté par MpM, le 5 mars 2017

Cartoon Movie, le rendez-vous européen des professionnels du film d'animation créé en 1999 avec le soutien de Creative Europe - MEDIA, s'installe pour la première fois à Bordeaux. Du 8 au 10 mars prochain, 55 projets en provenance de 19 pays, dont 17 films français, seront présentés devant plus de 800 producteurs de longs métrages d’animation, investisseurs, distributeurs, agents de vente, sociétés de jeux vidéos et new media players de 38 pays dans le but d'établir coopérations et coproductions.

Les comédies familiales et films d'aventures pour enfants ont toujours la cote, puisqu'ils représentent 35 des 55 projets, mais les longs métrages à destination d'un public plus adulte sont également bien présents, avec des thématiques tournant autour des abus sexuels, de la maladie d’Alzheimer ou encore du franquisme. Certains films sont encore à l’état de concept, d'autres en cours de production et la majorité en cours de développement. Tous cherchent à accélérer le montage financier du projet, nouer des coproductions et coopérations transfrontalières ou simplement intéresser des distributeurs européens et internationaux.

Sont notamment attendus Zombillenium, de l'auteur de bande dessinée Arthur de Pins, Buñuel in the Labyrinth of the Turtles de Salvador Simó qui retrace la vie de Luis Buñuel après la projection de L'âge d'or, Calamity, a childhood of Martha Jane Cannary, le nouveau projet de Rémi Chayé (Tout en haut du Monde) sur le personnage historique de Calamity Jane, Ooops! 2 de Toby Genkel et Sean McCormac, la suite de Ooops! Noah is gone ou encore Unicorn Wars d’Alberto Vazquez (Decorado, Psiconautas), Le Grand Méchant Renard et Autres Contes de Benjamin Renner et Patrick Imbert et Le voyage du Prince de Jean-François Laguionie (Louise en hiver).

Pour tous les participants, c'est un excellent début car Cartoon movie obtient depuis ses débuts des résultats impressionnants avec plus de 274 longs métrages présentés ayant trouvé leur financement, ce qui représente un budget de 1,9 milliard d’euros.

Mais cette première édition bordelaise du Cartoon Movie permettra également de connaître les lauréats des Cartoon Movie Tributes qui récompensent "une personnalité ou une société ayant eu une influence dynamique et positive sur l’industrie européenne du long métrage d’animation". Trois prix seront remis le 10 mars : meilleur producteur, meilleur distributeur et meilleur réalisateur européens de l'année.

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Cartoon Movie Bordeaux
Du 8 au 10 mars 2017
Site de la manifestation

Arras 2015 nous emmène Tout en haut du monde

Posté par MpM, le 8 novembre 2015

Tout en haut du mondeFruit de la collaboration entre la scénariste Claire Paoletti, accompagnée de Patricia Valeix et Fabrice de Costil, et le réalisateur Rémi Chayé, Tout en haut du monde est un film d'animation exigeant et subtil qui confirme la bonne santé actuelle de l'animation française. Après avoir fait l'ouverture du festival d'Annecy, où il a également reçu le prix du public, il est présenté à Arras dans le cadre du Festival des enfants, ce qui ne l'empêche nullement de séduire un public adulte. Il faudra d'ailleurs en finir, un jour, avec ce raccourci systématique entre cinéma d'animation et cinéma pour enfants.

Tout en haut du monde raconte la quête mouvementée de Sasha, jeune aristocrate russe de la fin du XIXe siècle, pour retrouver contre l'avis de tous le bateau de son grand-père disparu lors d'une expédition au Pôle Nord. Volontaire, courageuse et déterminée, l'adolescente (doublée par l'actrice Christa Théret) entraîne équipage comme spectateur dans les eaux glaciales de l'océan arctique, et jusqu'aux confins de la banquise hostile.

Au-delà d'un récit plus dur qu'on pourrait l'imaginer, allant parfois jusqu'à être inquiétant, on est ébloui par les choix formels du film qui a fait le pari d'un dessin épuré à l'extrême, sans contours, donnant l'impression de vastes aplats de couleurs dont les teintes évoluent au gré des émotions et des lieux traversés par l'héroïne. Un style singulier que le réalisateur a accepté de nous détailler.

Ecran Noir : Pouvez-vous nous décrire les choix esthétiques qui ont déterminé formellement le film ?

Rémi Chayé : Avant tout, c'est une recherche de simplicité. Pour un spectateur, ce qu'il faut expliquer, c'est que c'est un film d'animation en dessin animé, tous les personnages sont dessinés, et il n'y a pas de 3D, à part un tout petit peu sur le bateau. Ca fait 56000 dessins réalisés par 40 personnes à Paris et une vingtaine au Danemark. C'est un dessins sans ligne de contour, ça fait partie de son originalité par rapport aux dessins animés qu'on voit souvent, où il y a des lignes de contour qu'on remplit de couleur. C'est aussi très coloré et il y a un gros travail de recherche sur la lumière, sur les ambiances lumineuses. Cela va avec le sujet puisque Sasha va jusqu'au Pôle Nord et les lumières là-bas sont fantastiques. L'idée, c'est que les rayons du soleil arrivent de manière très oblique sur la surface de la terre et donc cela diffracte la lumière comme un prisme et la palette des couleurs est extrême et très riche. L'idée c'était de travailler là-dessus, et aussi sur Saint-Pétersbourg qui est une ville très colorée, avec du rose, du vert, des dorures... Et le fait de ne pas avoir de trait noir autour des personnages permet à la lumière d'exploser. Elle réagit beaucoup plus fortement que si les contours l'empêchent d'exister.

EN: Vous vous êtes basé sur quelque chose de réel pour recréer l'atmosphère des différentes séquences.

RC : Dans un certain sens, c'est une interprétation de la réalité. C'est ça l'avantage de l'animation. On peut donner des émotions au paysage. On peut faire un ciel vert ou rose. On peut pas dire que c'est réaliste, parce que c'est simplifié mais ça donne une certaine idée de la réalité. On a essayé d'aller à l'extrême de tout ce qu'on pouvait dans le côté sombre, quand c'est la nuit polaire et quand ils sont au dernier degré de la catastrophe, quand elle lutte contre les éléments. Et au contraire, à certains moments, on fait exploser la couleur. L'animation permet cette liberté-là. On s'est aussi basé en partie sur les affiches des compagnies ferroviaires des années 40-50 qui vantent par exemple des voyages pour les Rocheuses. Ce sont des partis pris très forts, avec des couleurs très saturées. Le directeur artistique Patrice Suau est reparti de ça pour donner le style final au film.

EN : Comment s'est passée concrètement la réalisation ?

RC : On utilise des palettes qui sont à la fois des écrans d'ordinateur et des palettes graphiques, sur lesquelles on dessine directement. On voit le dessin qu'on fait, on peut tracer comme sur un papier, et on utilise un soft qui s'appelle flash et qui permet en appuyant sur un bouton l'animation qu'on vient de faire défiler. On gagne un temps fou. Et si on a besoin de réduire la tête, on n'a pas besoin de gommer et de redessiner entièrement... Mais attention, la machine est là pour nous aider, mais il a quand même fallu les dessiner et les peindre, ces décors ! Ca reste une combinaison entre la tradition et la modernité.

EN : L'un des vecteurs d'émotion, c'est la musique, écrite par Jonathan Morali du groupe Syd Matters. Il y a également une chanson du groupe dans le film. Comment s'est faite la rencontre ?

RC : Je connaissais quelques-uns de leurs disques. J'aimais beaucoup, notamment leurs parties musicales qui sonnent incroyablement riches, et puis les chansons, j'adore ! Je cherchais à savoir si c'était possible de travailler avec lui, et j'ai découvert qu'il faisait déjà des musiques de film. Il avait déjà pris ce cap. C'était aussi une évidence de travailler avec lui car stylistiquement, Jonathan travaille de manière très simple comme nous au dessin. Il a une grosse caisse, un petit clavier des années 70, une guitare, et quand il a besoin il fait venir un copain violoncelliste. Il fait une maquette et après il la pousse, mais jamais beaucoup plus loin. C'est hyper délicat, c'est très précis. Il ne va jamais chercher un orchestre. Ca se mariait très bien avec le film, sachant que l'idée depuis le départ, c'était le contrepied musical. Ne pas être dans la musique d'aventures comme on entend beaucoup d'habitude, et ne pas être dans la caricature de la Russie. On voulait une musique pop d'aujourd'hui, pour un film en costumes. J'avais adoré Marie-Antoinette de Sofia Coppola ou Deadman de Jarmush, c'était ce genre de contrepied-là que je trouvais intéressant aussi en dessin animé.

La fondation Groupama Gan récompense un film d’animation

Posté par cynthia, le 7 février 2014

tout en haut du mondeLa Fondation Groupama Gan pour le Cinéma a attribué un Prix Spécial à Rémi Chayé pour son projet de film d’animation: Tout en haut du Monde.

Durant l'année 2013, la Fondation a compté 7 lauréats: Fejria Deliba, Sara Forestier, Louis Garrel, Elad Keidan, Alireza Khatami, Laurent Teyssier et Rémi Chayé. Ce dernier s'est vu recevoir le prix pour son histoire d'une jeune fille de l'aristocratie russe, Sacha, qui rêve de Grand Nord à la fin 19ème siècle. Le scénario original était signé par Claire Paoletti (Lauréate du Prix Animation SACD 2010) et Patricia Valeix. Une nouvelle version de l'histoire a été écrite et dialoguée par Fabrice de Costil. Le projet est produit par Sacrebleu productions, Maybe Movies et le studio d'animation danois Norlum. La fabrication du film vient de commencer.

Le réalisateur s'est dit "très heureux d'apprendre que Tout en haut du Monde était lauréat de la Fondation Groupama Gan". Il ajoute que "le parcours de production et de fabrication d'un film d'animation est souvent long et sinueux" et que "le soutien de la Fondation est arrivé à un moment clé, celui du démarrage de la fabrication lorsque les marges de manœuvres sont les plus réduites. Cela a donné de l'oxygène à la production et permis un démarrage plus serein".

Le projet Tout en haut du Monde s’inscrit ainsi parmi les 10 Prix Spéciaux décernés par la Fondation depuis 1987 et rejoint des films tel que Microcosmos de Claude Nuridsany et Marie Perennou, Persepolis de Marjane Strapi ou encore Le chat du Rabbin de Joann Sfar et Antoine Delesvaux.

Créée en 1987, la Fondation d’entreprise Groupama Gan participe à la sauvegarde du patrimoine cinématographique et soutient la création du cinéma contemporain de la production à la diffusion. Depuis sa création, on compte plus de 30 films restaurés, plus de 160 premiers films soutenus, plus de 4 000 scénarios lus. Une quinzaine de festivals sont accompagnés chaque année.