[2019 dans le rétro] Le triomphe ambivalent de l’animation adulte

Posté par MpM, le 10 janvier 2020

Un regard rapide sur l'année écoulée suffit pour se réjouir de la vitalité du cinéma d'animation en France. Avec 50 longs métrages et 20 programmes de courts, il représente en effet en moyenne plus d'une sortie par semaine, sans compter les ressorties, ce qui témoigne d'une offre riche et diversifiée.

L'animation française s'en sort bien, avec 9 longs métrages, contre 16 pour les Etats-Unis, et 8 pour le Japon. Côté box-office, cette année encore ce sont les blockbusters américains qui dominent : Le Roi lion est en tête avec 10 millions d'entrées, suivi de La Reine des neiges 2 et de Toy Story 4. Le premier film français est loin derrière avec 750 000 entrées (Minuscule 2), tandis que le premier film d'auteur et à destination d'un public adulte, Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec, affiche 320 000 entrées. Evidemment, on préférerait que ce soit le contraire, et que l'animation exigeante (et de manière générale le cinéma d'auteur) triomphe dans les salles, au nez et à la barbe des blockbusters et autres sequels en série.

Pourtant, on peut aussi voir le verre à moitié plein et se dire que si l'adaptation du roman de Yasmina Khadra pouvait sans doute prétendre à mieux (n'est-ce pas toujours le cas ?), surtout avec Zabou Breitman, personnalité connue et appréciée du grand public à la co-réalisation, son résultat au-dessus des 300 000 entrées prouve malgré tout qu'il existe un public art et essai susceptible de se mobiliser pour aller voir un long métrage d'animation qui aborde un sujet complexe et difficile (en l'occurence, l'Afghanistan des Talibans). Ce qui signifie qu'un "transfert" de spectateurs amateurs d'art et essai est bel et bien possible entre prise de vue continue et animation.

La question est plutôt de savoir pourquoi le transfert marche dans certains cas, et pas dans d'autres. On pense notamment à Funan de Denis Do, premier long métrage sensible et bouleversant sur la période terrible de la dictature des khmers rouges au Cambodge. Inspiré de l'histoire vraie de la mère et du frère du réalisateur, le film nous plonge sans fard dans le quotidien des camps de travail khmers, et expose toute la complexité d'une situation dans laquelle chacun joue sa vie à chaque instant. Malgré sa force, malgré son sujet, malgré le Cristal du meilleur long métrage à Annecy en 2018, le film n'a pas trouvé son public. Hélas, il est loin d'être le seul.

Et s'il fallait une démonstration plus cruelle encore du fait que la qualité est parfois inversement proportionnelle au nombre d'entrées, il faudrait citer ce qui demeure comme l'un des plus beaux films (tout court) de l'année 2019, Ville neuve de Félix Dufour-Laperrière, malheureusement sorti sur très peu d'écrans, et donc vu par un nombre limité de spectateurs. Ville neuve démontre pourtant autre chose que les injustices grossières du box-office.

Il est l'exemple parfait de ce que les amateurs de cinéma d'animation attendaient depuis longtemps : un long métrage qui bouscule les habitudes, tente des choses d'ordinaire bannies en animation (un long plan fixe sur deux personnages à la fenêtre, des passages abstraits au milieu du récit, un plan-séquence virtuose sur deux personnages qui marchent dans la rue...) et affirme à chaque image que l'animation n'est pas du sous-cinéma. Son histoire de couple qui tente de renouer avec le passé nous touche autant que sa variante en prise de vue continue chez Christophe Honoré dans Chambre 212, l'autre grand film sur le couple de 2019. De la même manière, son aspiration à rapprocher les espaces du rêve, de l’imaginaire, du souvenir, de l’intime et du collectif, nous interpelle et nous interroge. Ville neuve est non seulement un film destiné à un public adulte, mais aussi un film doté d'une incontestable maturité formelle et narrative.

L'autre exemple criant en la matière est bien entendu J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, qui fait lui aussi la démonstration d'une maîtrise formelle peu fréquente. Attention, il ne s'agit pas ici de technique, mais bien de mise en scène, avec un sens du cadre et du point de vue qui dénotent une connaissance millimétrée du langage cinématographique. Une virtuosité qui ne doit pas faire oublier les autres qualités de ce premier long métrage singulier, à commencer par sa mélancolie douce-amère et son émotion sous-jacente. Là encore, Jérémy Clapin déjoue les attentes en proposant, entre deux scènes d'action qui flirtent avec le cinéma de genre, une longue séquence presque statique de dialogue entre les deux personnages principaux, par interphone interposé. Cerise sur le gâteau, même s'il n'a pas battu de record, J'ai perdu mon corps est loin d'avoir démérité au Box-Office, surtout en comparaison avec nos précédents exemples...

Il faut encore mentionner Bunuel après l'âge d'or de Salvador Simó et Another day of life de Raul de la Fuente et Damian Nenow qui, s'ils nous ont moins enthousiasmés, participent également à ce mouvement général de longs métrages d'animation résolument tournés vers un public plus adulte. De la même manière que le documentaire Zero impunity de Nicolas Blies, Stéphane Hueber-Blies et Denis Lambert (grand succès de festival encore inédit en salles), qui dénonce l'impunité des violences sexuelles dans les conflits armés actuels.

Quelques films, enfin, prennent le parti de s'adresser à un public certes familial, mais tout en offrant un niveau de lecture particulièrement développé aux spectateurs adultes. C'est le cas dans une moindre mesure de La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti, et surtout du formidable Voyage du Prince de Jean-François Laguionie, qui aborde sans fard la question des réfugiés et de l'accueil que leur réservent nos sociétés contemporaines bien pensantes.

Et puis, bien sûr, il y a L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian, qui vient tout juste de sortir en salles, mais qui dès sa première projection au festival d'Annecy, montrait lui-aussi les facilités qu'a le cinéma (qu'il soit d'animation ou non) pour s'adresser simultanément à tous les publics. Brillant, splendide et d'une grande intelligence, le film est ainsi à la fois une fresque colorée qui retrace la vie douce amère d'une petite chienne et une réflexion profonde sur le bonheur, et notre incapacité à le saisir, ou même à le reconnaître.

A noter enfin qu'il serait impossible de prétendre à un quelconque tour d'horizon du cinéma d'animation en omettant sa part la plus foisonnante, celle du court et du moyen métrage. Cette année encore, on a vu des films superbes, comme en témoignent nos deux focus sur les meilleurs courts métrages de 2019, qui comptent une dizaine de films d'animation sur les 25 titres cités. Afin de ne pas se répéter, on ne citera donc que deux d'entre eux, qui ont d'ores et déjà marqué durablement les esprits : L'Heure de l'ours d'Agnès Patron et Physique de la Tristesse de Théodore Ushev.

Mon Premier Festival 2019 : une ouverture élégante et ironique avec Le Voyage du prince de Jean-François Laguionie

Posté par MpM, le 28 octobre 2019

Les nombreux enfants présents lors de l'ouverture de la 15e édition de Mon Premier Festival n'en avaient pas forcément conscience, mais c'est un beau cadeau que leur avait réservé la manifestation en invitant Jean-François Laguionie à présenter son nouveau film, Le Voyage du Prince, co-réalisé avec Xavier Picard. Peu savaient sans doute que le réalisateur, qui s'est adressé à la salle avec chaleur et simplicité, est l'un des plus grands auteurs de cinéma d'animation vivants, et qu'on lui doit une oeuvre riche et éclectique de longs et de courts métrages élégants, poétiques, délicats et intelligents. De Gwen (ressorti récemment) à Louise en Hiver, en passant par Le Tableau, sa filmographie fait la part belle à l'imaginaire, à la mélancolie et à des réflexions douces-amères sur le temps qui passe, sans oublier un regard distancié, quand ce n'est pas ironique, sur les travers de l'être humain.

Le voyage du Prince, qui est plus un spin-off qu'une suite de son Château des singes sorti en 1999, reprend le personnage du Prince, et le fait échouer seul et blessé sur un rivage inconnu, de l'autre côté de la mer. Recueilli par des scientifiques chevronnés qui en font leur objet d'études, il découvre une autre civilisation, plus avancée technologiquement que la sienne, mais basée sur une organisation quasi militaire, des injonctions à (sur)consommer en permanence, et une peur auto-entretenue. Le réalisateur réunit ainsi ses thèmes de prédilection dans un récit qui n'en est pas moins romanesque et souvent malicieux.

Son personnage principal, malgré, ou peut-être en raison de son âge, ne s'embarrasse guère de formalités, et joue quelques tours amusants à ses hôtes, dont il vient troubler la vie paisible. Il remet également en cause les croyances de cette société repliée sur elle-même jusqu'à l'immobilisme, et qui préfère nier l'évidence plutôt que se laisser bousculer par la nouveauté ou l'inconnu. Les Académiciens affirment sans trembler leur "supériorité morale" face un étranger qui ne peut être que "brutal et primitif", et toutes les preuves apportées ne sauraient avoir raison de leurs certitudes confortables. Jean-François Laguionie s'en donne ainsi à coeur joie lors de la scène éloquente de la présentation à l'Académie, dans laquelle l'ironie infuse dans chaque ligne de dialogue.

Il est alors facile de dresser des correspondances entre le monde où atterrit le Prince et le nôtre, dans lequel les étrangers, les naufragés, et globalement tout ce qui est un tant soit peu différent est considéré avec méfiance et angoisse, quand ce n'est pas avec haine. Ce sous-texte politique échappera vraisemblablement aux plus jeunes (le film est conseillé à partir de 7 ans), mais ils y trouveront autre chose, à commencer par une belle histoire d'amitié (entre le Prince et Tom, l'écolier qui le sauve) et d'aventure (lors de l'escapade à la "fête de la peur", ou dans la dernière partie qui conduit les personnages loin de la ville), beaucoup d'humour, et des décors souvent spectaculaires, qu'il s'agisse de la nature sauvage ou des deux cités que visite le Prince. Les enfants sont également tout à fait capables d'éprouver à leur échelle la notion centrale de rejet et d'injustice, qui peut malheureusement leur être déjà familière, ainsi que l'antagonisme entre la ville industrielle grandiose et la forêt qui tente de reprendre ses droits.

C'est aussi la grande beauté du film : s'adresser à tous les spectateurs avec des niveaux de lecture adaptés, et ne jamais douter de leur intelligence. La fin ouverte évite notamment tout angélisme, et si elle ne donne pas raison au pessimisme qui baigne tout le récit, elle laisse clairement percevoir le peu d'espoir que Jean-François Laguionie semble mettre dans ses semblables, à l'exception de ce Prince vieillissant (son double ?) qui est d'ailleurs condamné à une exploration solitaire du monde, sa curiosité et sa soif de découvertes l'excluant de fait des différentes sociétés qu'il rencontre.

Rendez-vous donc dès le 4 décembre pour découvrir au cinéma ce conte brillant qui se savoure véritablement en famille. Et pour achever de vous convaincre, voici l'avis de Raphaël, 7 ans, qui a eu la chance d'assister à la projection.

Le Résumé de Raphaël

Il était une fois, dans un village de singes : un nouvel arrivant vient d’arriver ! Le Pr Abervrach, qui cherche à être réhabilité auprès de l’académie, a une idée : il va faire un énorme rapport qu’il montrera au Maire de la ville…

L’avis de Raphaël

Ce que j’ai aimé : L’histoire ; l’arrivée du prince ; la fête de la peur ; l’escalade dans l’arbre ; la musique…
Ce que j’ai moins aimé : quand le Prince est prisonnier ; quand on lui jette des cailloux.

18e Fête du cinéma d’animation : des films, des ateliers, des rencontres, et un hommage à Jean-François Laguionie

Posté par MpM, le 3 octobre 2019

C'est avec la projection en avant-première du très attendu J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin (en salles à partir du 6 novembre) que s'est ouverte la 18e Fête du cinéma d'animation organisée depuis 2002 par l'Association française du cinéma d'animation (AFCA). Une manifestation qui se poursuit tout au long du mois d'octobre en France et dans 32 pays à travers près de 450 films programmés et une tournée de 5 réalisatrices et réalisateurs. Son but, au-delà de proposer une programmation riche et variée de films d’animation, est bien entendu de sensibiliser les différents publics au cinéma "image par image" qui, on l'oublie trop souvent, préexista au cinéma en prise de vues continues.

C'est en effet le 28 octobre 1892 qu'Emile Reynaud, pionnier du genre, organisa la première projection publique de "bandes animées" au Musée Grévin à Paris. Afin de célébrer ce moment historique dans l'histoire du 7e art, une Journée mondiale de l'animation se tient chaque année le 28 octobre. Par ailleurs, le Prix Emile Reynaud sera quant à lui remis lors d'une soirée spéciale le 25 octobre. Cette récompense, créée en 1977,  est décernée par les adhérents de l'AFCA à un court métrage d’animation français. Parmi les films en lice pour succéder à Je sors acheter des cigarettes d'Osman Cerfon, on retrouve notamment quatre films primés à Annecy : Mémorable de Bruno Collet (Cristal du court et prix du public), Oncle Tomas de Regina Pessoa (prix du jury), Flow d'Adriaan Lokman (mention du Prix André Martin) et Tétard de Jean-Claude Rozec (Prix Fipresci).

La programmation de cette 18e Fête de l'animation s'articule autour de trois thématiques, qui proposent chacune un mélange de longs et courts métrages : En pleine mer (avec notamment La Prophétie des grenouilles et Capitaine Morten et la reine des araignées), La famille dans tous ses états (Ernest et Célestine, Panda, petit Panda...) et Le Chien, meilleur ami de l'homme ? (Croc-Blanc, Le chien, le général et les oiseaux...). Il sera également possible de redécouvrir l'oeuvre de l'invité d'honneur de cette édition, le cinéaste Jean-François Laguionie, qui accompagnera lui-même ses cinq longs métrages lors de plusieurs projections à Paris, mais aussi à Nice et Douardenez. En parallèle, son premier long métrage Gwen et le livre de sable vient de ressortir en salles en version restaurée, ainsi que deux programmes de courts métrages (voir notre actualité du 2 octobre).

Quatre autres réalisateurs participeront eux-aussi à une "tournée" dans toute la France, afin de présenter leur travail et partager leur passion pour le cinéma d'animation. Il s'agit de Lia Bertels (Nuit chérie), Julie Rembauville (Merci mon chien), Nicolas Bianco-Lévrin (Merci mon chien) et Denis Walgenwitz (La mort, père et fils).

De nombreux ateliers (bruitage, papiers découpés...), ciné-concerts et spectacles sont également organisés dans toute la France, ainsi que plusieurs expositions rendant hommage au cinéma d'animation. Enfin, le grand temps fort des 25 et 26 septembre au Carreau du Temple permettra au public d'assister à des projections de courts métrages, à des ateliers de pixilation et de pâte à modeler, et à une masterclass de Jean-François Laguionie autour de son nouveau film Le Voyage du prince.

Les films en lice pour le prix Emile Reynaud 2019

Alien TV d'Eléonore Geissler
Flow d'Adriaan Lokman
Les songes de l'homme de Florent Morin
Mémorable de Bruno Collet
Moutons, Loups et Tasse de thé de Marion Lacourt
Mr Mare de Luca Toth
Oncle Tomas de Regina Pessoa
Tétard de Jean-Claude Rozec

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18e Fête du cinéma d'animation
Jusqu'au 31 octobre
Infos et programme sur le site de la manifestation

Les mondes animés de Jean-François Laguionie

Posté par MpM, le 2 octobre 2019

Alors qu'il s’apprête à fêter son 80e anniversaire ce 4 octobre, Jean-François Laguionie semble n'avoir jamais connu année plus remplie. Après avoir reçu un hommage en juin dernier au Festival du film d'animation d'Annecy, puis avoir été l'invité du Festival de la Rochelle en juillet, il est à l'honneur tout le mois d'octobre dans le cadre de la Fête de l'animation, ce qui l'amènera à accompagner une rétrospective de ses films à travers la France.

En parallèle, trois possibilités de (re)découvrir son travail sont offertes au spectateur, en attendant son nouveau long métrage Le Voyage du prince (le 4 décembre), et le suivant, Slocum, annoncé en 2020. Ce 2 octobre, place donc à la sortie restaurée de son premier long métrage ainsi qu'à deux programmes de courts.

Gwen et le livre de sable

Gwen et le livre de sable est sorti en 1984, réalisé au sein de l'aventure collective et indépendante de La Fabrique, dans les Cévennes. Il s'agit d'un "conte pour tout le monde" réalisé dans une "addition" de dessins animés et de papiers découpés, selon les propres mots du réalisateur. Après le départ des Dieux, les Hommes vivent dans le désert, au milieu d'objets étranges qui ont perdu pour eux toute signification. Leur vie est ponctuée par la chasse aux sortes d'autruches colorées dont ils mangent les plumes et par les apparitions du "Makou", une créature féroce qu'ils craignent plus que tout.

Construit en trois parties, le film est un mélange de récit d'aventures et de voyage initiatique existentiel qui porte sur le monde réel un regard distancié, ironique et moqueur. Jean-François Laguionie, avec le ton qu'on lui connaît, fustige la société de consommation, le poids des religions, la tentation du repli sur soi et l'absurdité galopante de nos modes de vie. Les personnages croisent ainsi des pyramides d'objets à l'abandon, devenus obsolètes ou détournés de leur usage, que les êtres humains appelle "images". Une fourchette gigantesque devient un pont-levis, un enchevêtrement de portes forme un labyrinthe. Quant à la "cité des morts", on y voue un culte très sérieux à un livre trouvé dans le désert, qui n'est autre qu'un catalogue de vente par correspondance plein d'arrosoirs, de caisses à outils et autres perceuses dont le "prêtre" psalmodie avec dévotion les descriptifs.

Si le ton du film est une merveille d'humour et de poésie mêlés, avec notamment une voix-off d'une très grande beauté, son esthétique est tout aussi admirable, avec ses textures douces et ses mille nuances de couleurs dans le ciel. Le surréalisme, et notamment une certaine parenté avec le travail de Dali, affleure dans les paysages où des mannequins démembrés, des téléphones géants, ou encore des lunettes démesurées surgissent quand on ne les attend pas, au beau milieu d'un désert qu'on devine à perte de vue. L'une des très belles idées visuelles du film consiste également à faire se déplacer les personnages sur de hautes échasses qui leur donnent des airs d'oiseaux gracieux et libres, mais on pourrait citer mille autres petits détails (l'horloge-ascenseur, les rêves projetés sur les murs, les lampions-papillons multicolores...) qui offrent au film un univers singulier à la beauté et à la force incomparables.

Il faut absolument voir et revoir Gwen et le livre de sable pour s'imprégner de ces visions, qui sont celles d'un monde nouveau bâti sur les vestiges de notre civilisation. Un futur non pas apocalyptique, mais dans lequel l'être humain apparaît comme finalement libéré d'une partie de ses chaînes, et où la vie (mais aussi l'amour) reprend le dessus sur tout ce qui n'est pas essentiel. A sa manière, légère et décalée, Jean-François Laguionie annonce au fond l'issue qu'il semble appeler de ses vœux : la fin de l'ère des objets au profit du temps de l'humain.

Bas les masques & Les mondes imaginaires

Côté courts, le programme Bas les masques, destinés aux enfants à partir de 6 ans, comporte quatre films réalisés entre 1964 et 1976 : La demoiselle et le violoncelliste (rencontre sous-marine surréaliste entre un musicien et une jeune pêcheuse de crevettes), Potr' et la fille des eaux (une légende celtique sur un pêcheur et une sirène qui veulent gommer leurs différences pour mieux vivre leur amour), L'acteur (les multiples transformations d'un jeune comédien qui joue un vieillard) et enfin Le Masque du diable (la rencontre, un soir de carnaval, d'une vieille femme et du diable, autour d'un jeu de dominos).

On retrouve dans ces films le goût de Jean-François Laguionie pour le jeu des apparences et des faux semblants, les personnages étant souvent différents de ce qu'ils paraissent au premier abord. Il aime lancer de fausses pistes et ménager des retournements de situation. Il propose également en fil rouge, et toujours avec humour, une réflexion sur les masques que chacun porte au quotidien, sur la question de l'âge, et sur le couple et la dualité. Visuellement, on retrouve là-aussi son style posé fait de larges plans fixes et de lents travellings à l'intérieur de l'image, et un goût certain pour les ciels et les fonds sous-marins.

Le deuxième programme, intitulé Les mondes imaginaires, comporte quant à lui trois films en plus des quatre déjà cités. Il y a tout d'abord L'arche de Noé (1967), dans lequel des scientifiques sont à la recherche des vestiges de l'arche mythique. Mais alors que des pluies diluviennes s'annoncent, un vieil ermite répare l'arche, et entreprend de la repeupler. Une variation plutôt joyeuse autour du récit biblique, qui montre notamment les difficultés concrètes rencontrées par le nouveau Noé pour réunir un couple de chaque espèce.

Une bombe par hasard (1969) raconte quant à lui avec ironie l'arrivée d'un vagabond dans une ville désertée par ses habitants. Mais ces derniers, qui se sont réfugiés à distance à cause d'une bombe sur le point d'exploser, l'observent et, ne pouvant supporter qu'il prenne possession de leurs biens, reviennent juste à temps pour sauter avec l'engin. Là encore, c'est la dérision qui l'emporte, mais aussi la fantaisie, avec ce personnage farfelu qui repeint les maisons en rose, et déchaîne le courroux de villageois plus étroits d'esprit.

Enfin, le programme ne pouvait faire l'impasse sur La Traversée de l'Atlantique à la rame, probablement le court métrage le plus connu de Jean-François Laguionie, qui reçut la Palme d'or en 1978. On y suit un jeune couple qui se lance dans la folle aventure de cette traversée de tous les dangers, et qui rencontre en chemin plus d'obstacles (intérieurs) que prévus. Brillante métaphore de la vie de couple, mêlant à égalité la poésie et l'humour, le film brasse les thèmes évoqués dans les autres films, du temps qui passe aux faux-semblants, en passant par une réflexion plus profonde sur l'existence et sur le couple.

Festival de la Rochelle : le rendez-vous estival des cinéphiles

Posté par redaction, le 27 juin 2019

Pour tous les cinéphiles, le Festival de cinéma de La Rochelle est un des événements incontournables du début de l’été. Lors de cette 47e édition, qui aura lieu du 28 juin au 7 juillet,  quelque 200 films seront projetés : fictions, documentaires, films d’animation provenant de très nombreux pays.

Organisé depuis 1973 dans le chef-lieu de Charente-Maritime, ce festival a la particularité de ne pas  présenter de compétition, ce qui permet de mettre les films et les réalisateurs sur un même pied d’égalité, sans en privilégier certains.

Marraine de l’édition 2019, l’actrice canadienne Alexandra Stewart présentera trois films de sa filmographie : Le feu follet de Louis Malle, Mickey One d’Arthur Penn et La duchesse de Varsovie de Joseph Morder.

Des hommages seront rendus, en leur présence, au réalisateur italien Dario Argento (Les frissons de l’angoisse, Suspiria), à la directrice de la photographie Caroline Champetier (collaboratrice de Leos Carax, Jean-Luc Godard et Claude Lanzmann notamment), à la cinéaste autrichienne Jessica Hausner (Lourdes, Little Joe), au réalisateur de films d’animation Jean-François Laguionie (Louise en hiver, Le voyage du prince) et au cinéaste palestinien Elia Suleiman (Intervention divine, It Must Be Heaven).

Des rétrospectives seront consacrées à l’acteur Charles Boyer, séducteur français qui a fait l’essentiel de sa carrière aux Etats-Unis, au réalisateur américain Arthur Penn (Bonnie and Clyde, Miracle en Alabama, Little Big Man), et à la réalisatrice ukrainienne Kira Mouratova (Brèves rencontres, Le syndrôme asthénique).

La comédie aura une place de choix cette année, avec la projection de films de Louis de Funès et de Jim Carrey, deux maîtres dans l’art de la mimique et de la grimace. Le premier a fait les beaux jours de la comédie populaire dans les années 1960 avec notamment La grande vadrouille (1966), qui est longtemps resté le film ayant réalisé le plus d’entrées au cinéma en France, avec plus de 17 millions de spectateurs. Il n’a été détrôné que ces dernières années par Bienvenue chez les Ch’tis (2008) et Intouchables (2011). Le second, Jim Carrey, a fait briller la comédie américaine dans les années 1990, notamment avec son interprétation déjantée dans The Mask.

Les festivaliers pourront aussi découvrir 13 films venus d’Islande, ainsi que neuf films muets du réalisateur suédois Victor Sjöström, accompagnés au piano par Jacques Cambra. Parmi les autres événements proposés : des films pour les enfants, un concert hommage à François de Roubaix, compositeur de bandes originales de films (L’homme orchestre, Le samouraï) et des films inédits ou présentés en avant-première.

L’an dernier, la manifestation rochelaise a présenté 158 longs métrages et 56 courts métrages, accueillant au total 86 037 spectateurs. Une belle affluence montrant qu’il n’est pas indispensable pour un festival d’organiser une compétition pour attirer le public dans les salles obscures.

Pierre-Yves Roger

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47e Festival de la Rochelle
Du 28 juin au 7 juillet
Retrouvez toute la programmation sur le site de la manifestation

Cartoon Movie 2018 : retour sur nos projets préférés

Posté par MpM, le 26 mars 2018

Les 8 et 9 mars dernier se tenait la 20e édition du Cartoon Movie, grand rendez-vous européen des professionnels du film d'animation.  Sur la grosse cinquantaine de projets en cours (sous forme de concept, en développement ou en production) présentés à cette occasion, nous en avons retenus douze dont nous espérons qu'ils atteindront un jour nos grands écrans.

Petit tour d'horizon des longs métrages d'après-demain.

* Allah n'est pas obligé de Zaven Najjar (Special Touch Studio, Paul Thiltges Distributions)


Pour son premier long métrage, le réalisateur, animateur et illustrateur Zaven Najjar adapte Allah n'est pas obligé d'Ahmadou Kourouma, prix Renaudot et Goncourt des Lycéens 2000. Dans un ton très libre, un enfant-soldat du Libéria de la fin des années 90 raconte son quotidien au cœur de la guerre civile. Pensé comme un road movie tragi-comique, le film mettra en scène le garçon et son ami, "féticheur en chef", deux pieds-nickelés pris dans les aléas de l'Histoire.

Le réalisateur a conservé le ton très spécifique du roman, à la fois drôle, émouvant et corrosif, qui permet de filtrer la dureté du contexte, au même titre que le travail réalisé sur l'animation, assez épurée, et constituée notamment de grands aplats de couleurs pastels avec des touches de couleurs vives.

Pourquoi on attend le film
On est assez curieux de découvrir comment le film relèvera le défi de transcrire à l’écran le ton si particulier du roman d'Ahmadou Kourouma, tout en lui apportant une forme de réalité forcément plus frontale du fait de la représentation concrète du contexte de guerre. Avec, à la clef, l'idée d'utiliser l'animation (encore trop souvent considérée comme une forme d'expression à destination du jeune public) pour aborder des événements tragiques et universels.

* Bunuel dans le labyrinthe des tortues de Salvador Simo (The glow animation studio, Submarine)


Le film de Salvador Simo est déjà très avancé, et on a pu en découvrir une dizaine de minutes à Bordeaux. Adapté du livre éponyme de Fermin Solis, il raconte un épisode particulier de la vie du cinéaste Luis Bunuel, le tournage du film Terre sans pain financé avec l’argent gagné à la loterie par son ami Ramon Acin.

Dans une forme assez classique, Bunuel dans le labyrinthe des tortues se concentre sur l’amitié indéfectible entre les deux hommes, et mêle la reconstitution du tournage aux véritables images tournées à l’époque par Bunuel. Ces archives offrent un contre champ frappant au récit et viennent en support à la démonstration de la prise de position de Bunuel contre la société. L’un des défis esthétiques du film est de reconstituer au plus près les lieux de l’époque, et d’incarner les rêves fantastiques de Bunuel dans des séquences que ne renierait pas le surréalisme.

Pourquoi on attend le film
C’est un aspect méconnu de l’œuvre éclectique de Bunuel qu’explore le film. Ce faisant, il revisite sa confrontation avec les réalités sociales les plus cruelles de son pays, et révèle un tournant capital dans l’œuvre du cinéaste.

* La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti (Prima Linea Productions)


Cette adaptation par l'illustrateur et auteur de BD Lorenzo Mattotti du seul roman jeunesse de Dino Buzatti est elle aussi à un stade assez avancé, et on a pu voir à Bordeaux de nombreuses images alléchantes du film qui s'annonce assez spectaculaire, avec pas loin de mille décors différents. Le rendu est assez lissé, avec des personnages relativement minimalistes, mais des paysages grandioses conçus dans de grands aplats de couleurs. Le réalisateur s'est inspiré des illustrations de Buzatti lui-même, et a ajouté au récit deux personnages féminins (les femmes étaient absentes du roman original).

C'est Thomas Bidegain et Jean-Luc Fromental qui se sont chargés de l'adaptation. Le film raconte comment, suite à l'enlèvement de son fils Tonio par des chasseurs, le roi des Ours décide d'envahir la Sicile. Mais Humains et Ours ne sont pas fait pour cohabiter.

Pourquoi on attend le film
En plus d'être une grande fresque pleine de couleurs et de rebondissements, La fameuse invasion des ours en Sicile parle de choses dures et réelles (la guerre, l'intolérance, le vivre ensemble) par le biais du merveilleux, et fait ainsi écho à sa manière à la situation mondiale.

* Le Noël des animaux d'Olesya Shchukina, Camille Alméras, Caroline Attia, Ceylan Beyoglu et Haruna Kishi (Les Valseurs)


Il s’agit d’un programme de cinq courts métrages conçus avec une identité visuelle commune, dans des techniques d’animation artisanales (2D, papiers découpés) et un rendu un peu rétro. Les films auront en commun les thématiques de Noël, des animaux et de l’hiver, dans une tonalité tendre et gaie.

La société Les Valseurs qui est à l’initiative du projet a fait appel à 5 réalisatrices ayant une expérience sur ce genre de techniques et d’univers : Olesya Shchukina, Camille Alméras, Caroline Attia, Ceylan Beyoglu et Haruna Kishi. Le programme est prévu pour Noël 2019.

Pourquoi on attend le film
C’est une jolie proposition de cinéma simple et tendre, mais pas mièvre, à destination des plus petits.

* Raven girl and the mother of the sea de Konrad Nuka Godtfresden (Angel Films)


Au stade du concept seulement, Raven girl and the mother of the sea mêle la mythologie du Groenland à la question fondamentale du changement climatique. L’héroïne est une petite fille qui a le pouvoir de se transformer en animal, et dont la mission est de sauver son village. Celui-ci est en effet menacé par la « mère de l’océan », exaspérée par la surpêche dans ses eaux. Le récit initiatique est ainsi très ancré dans une réalité contemporaine, où les enjeux environnementaux n'épargnent personne.

Pourquoi on attend le film
L’héroïne prise entre le monde moderne et celui des mythes ancestraux est a priori un personnage fort, susceptible d’initier intelligemment le spectateur au monde magique des anciennes légendes.

* The sea Wolf d'Emmanuel Gorinstein (Elda productions, Je suis bien content, Melusine Productions)


Autre adaptation ambitieuse, The sea Wolf s’attaque à un roman moins connu de Jack London (Le loup des mers) qui raconte comment un jeune journaliste enrôlé de force sur un bateau se retrouve en lutte avec son capitaine. À travers leur antagonisme, ce sont deux visions du monde qui s’opposent : d’un côté le respect de la justice et la protection des faibles, de l’autre la tyrannie et la loi du plus fort.

Le long métrage s’annonce comme un récit d’aventures mâtiné de quête initiatique, qui recherche la profondeur et la réflexion en plus du divertissement. Les quelques images présentées trahissent des choix esthétiques forts, entre modélisation 3D minutieuse du bateau et importance donnée aux visages des protagonistes, cadrés de près, comme pour souligner le duel qui s’annonce.

Pourquoi on attend le film
L’univers ultra romanesque de Jack London et le style graphique proposé forment un cocktail intrigant et prometteur.

* Slocum de Jean-François Laguionie (JPL Films)


Ce nouveau projet de Jean-François Laguionie (en parallèle de la suite au Château des singes, Le voyage du prince) s’annonce comme un film intimiste dans lequel les souvenirs de jeunesse du réalisateur serviront de cadre à la dramaturgie. Sur les bords de Marne, après guerre, un homme décide de construire un bateau dans son jardin. Son fils, avec lequel il a une relation complexe, pleine de pudeur et de non-dits, l’accompagne avec enthousiasme dans le projet, tout en découvrant le journal intime de Slocum (premier navigateur à avoir réalisé un tour du monde en solitaire sur un voilier).

Le scénario et l’animatique (maquette visuelle qui synchronise les images du story-board avec la bande-dialogues) se sont construits en même temps que la musique, et l’on a déjà pu découvrir de nombreuses belles images du projet conçu en gouache sur papier, de manière à laisser voir le grain. Jean-François Laguionie lui-même a avoué être de plus en plus attiré par « une image vraie », précisant :« C’est une question d’état d’esprit plus que de technique ».

Pourquoi on attend le film
L’histoire, ténue et intimiste comme c’était déjà le cas dans Louise en hiver, avec lequel Slocum formera d’ailleurs une sorte de diptyque, semble à priori d’une extrême sensibilité, portée par les magnifiques images-tableaux de Laguionie. La poésie sera indubitablement au rendez-vous.

* Unicorn Wars d'Alberto Vazquez (Autour de minuit, Uniko, Schmuby Productions, Abano Productions)


Attention, projet incontournable dans le monde de l’animation pour adultes et jeunes adultes ! Alberto Vazquez, le réalisateur multi-primé de Psiconautas et de Decorado, adapte son court métrage Sangre de Unicorno en un film de 85 minutes réalisé en animation traditionnelle.

Au cœur de la forêt magique, les gentils nounours et les jolies licornes s’entretuent dans une guerre terrible. Deux frères ennemis (des ours), se perdent après avoir échappé à l’embuscade qui a décimé toute leur patrouille. Commence pour eux un voyage réel et intérieur qui va mettre au jour leurs plus lourds secrets.

Pour nous donner une idée de l’ambiance de ce conte plutôt cauchemardesque qui mélange à la fois la religion, la nature et les relations hommes / femmes, Alberto Vazquez a précisé qu’il s’agirait en quelque sorte d’un mélange de Bambi, Apocalypse now et la Bible « trois de [ses] histoires de fiction préférées ».

Pourquoi on attend le film
Déjà parce que l’on a suffisamment aimé les précédents films d’Alberto Vazquez pour être prêt à le suivre sur n’importe quel projet. Mais surtout parce que cette guerre violente entre deux des créatures les plus mignonnes qu’on puisse imaginer est prometteuse en terme de dynamitage de codes, de satire au vitriol et de portrait désespéré de notre époque. Franchement, que demander de plus ?

* Les Voisins de mes voisins sont mes voisins d'Anne-Laure Daffis et Léo Marchand (Lardux Films)


Anne-Laure Daffis et Léo Marchand se lancent dans l’aventure du long métrage en « recyclant » certains de leurs anciens courts (La Saint festin, La vie sans truc...), réécrits et repensés pour s’intégrer dans un tout plus général. Comme dans un film choral traditionnel, quoi qu’à destination des enfants, les personnages (un ogre belge, un magicien qui a perdu les jambes de son assistante, un ingénieur en sudoku coincé dans l’ascenseur avec son chien qui parle...) se croisent et se répondent.

Les réalisateurs sont plus à la recherche de la cohérence que de la beauté, et citent notamment Le père Noël est une ordure en référence. Côté techniques, elles seront toutes mélangées, du collage à la prise de vue continue, en passant par la 3D ou l’animation traditionnelle.

Pourquoi on attend le film
Un long métrage qui devrait être joyeux et foutraque, si l’on en juge par l’existant !

* Le Voyage extraordinaire de Marona d'Anca Damian (Aparte Film, Sacrebleu Productions, Minds meet)


Autre film très attendu, le nouveau long métrage d’Anca Damian (Le voyage de M. Crulic, La montagne magique) s’annonce comme une fresque virtuose et intense portée par l’incroyable inventivité de sa réalisatrice. Le film est raconté à la première personne par son héroïne, une petite chienne qui a connu plusieurs foyers. Il mêlera différentes techniques (2D, 3D, cut-out) et proposera une identité visuelle propre à chacune des trois parties.

On a déjà pu voir quelques extraits du film (attendu pour janvier 2019) qui témoignent de la richesse des univers imaginés par Anca Damian dans une profusion d'inventions visuelles et de propositions formelles. L'une des séquences est notamment un hommage à 2001 Odyssée de l'espace, avec la petite chienne flottant au milieu de la profusion de crêpes fabriquées par son maître.

Pourquoi on attend le film
C'est une oeuvre ambitieuse qui met la barre très haut en terme d'expérimentation formelle, tout en s'adressant à un public familial élargi. Soit la définition de ce que devrait être l'animation jeune public.

* White plastic Sky de Tibor Banoczki et Sarolta Szabo (paprika Films, Salto Film, Artichoke)


Voilà un projet ambitieux et atypique que l’on rêve absolument de voir aboutir : un récit de science fiction sombre et follement romantique qui se déroule dans un univers post-apocalyptique magnifiquement transposé à l’écran dans des décors arides et désolés. En 2220, la terre est devenue infertile, les survivants vivent sous un gigantesque dôme de plastique, et les plantes doivent être cultivées dans des corps humains vivants.

Le couple de personnages principaux s’interroge sur le sens que la vie peut encore avoir dans ces conditions, et se lance dans un road movie en forme de course contre la montre pour sauver la jeune femme, à qui des plantes ont déjà été implantées. Un film qui se veut dans la lignée des grands récits de science fiction sombres et pessimistes sur l’avenir de l’Humanité. Le duo de réalisateurs cherche ainsi à s’inscrire dans la lignée de films tels que Les fils de l’homme pour le contexte, Valse avec Bashir pour l’esthétique (le film utilisera la rotoscopie) et On body and soul pour la formidable histoire d’amour qui unit les personnages principaux.

Pourquoi on attend le film
Les récits de science fiction qui n’hésitent pas à explorer les recoins les plus sombres de l’humanité sont si rares que l’on adhère sans hésiter à ce projet torturé et audacieux.

* Yuku et la fleur de l’Himalaya d'Arnaud Demuynck et Rémi Durin (La boîte,... Productions, Les films du Nord, Nadasdy Films)


Encore au stade du concept, ce projet musical destiné aux plus jeunes est porté par la même équipe artistique que celle qui avait réalisé Le parfum de la carotte. On y suit une famille de souris dont l’héroïne a des pouvoirs musicaux magiques. La partie musicale est déjà conçue, avec des chansons qui devraient faire un carton dans les cours de maternelle, comme le swing de l’écureuil amnésique ou le slam du lièvre bègue.

Pourquoi on attend le film
Avec le très beau duo Arnaud Demuynck (Le vent dans les roseaux, Sous un coin de ciel bleu) / Rémi Durin (De si près, La Licorne...)  à sa tête, le film bénéficie d’emblée d’une longue expérience dans une forme de cinéma jeune public intelligent et audacieux. On est forcément curieux de voir comment leur univers peut s’épanouir sur un format long.

Le Cartoon Movie de Bordeaux met le long métrage d’animation à l’honneur

Posté par MpM, le 8 mars 2018

Cartoon Movie, le rendez-vous européen des professionnels du film d'animation créé en 1999 avec le soutien de Creative Europe - MEDIA, est de retour à Bordeaux pour sa 20e édition. Entre le jeudi 8 et le vendredi 9 mars, ce sont 60 projets en provenance de 22 pays, dont 20 films produits ou coproduits par la France, qui seront présentés devant environ 900 professionnels de l'animation : producteurs, investisseurs, distributeurs, agents de vente, sociétés de jeux vidéos ou encore new media players dans le but d'établir coopérations et coproductions.

Les comédies familiales et films d'aventures pour enfants ont toujours la cote, puisqu'ils représentent 46 des 60 films présents, ce qui laisse malgré tout presque un quart des projets destinés à un public adulte ou adolescent. Vingt et un films sont encore à l’état de concept, six sont en cours de production, 26 sont en cours de développement et sept sont terminés, parmi lesquels Croc-blanc d'Alexandre Espigares qui sortira en salles le 28 mars prochain. Tous cherchent à accélérer le montage financier du projet, nouer des coproductions et coopérations transfrontalières ou simplement intéresser des distributeurs européens et internationaux.

Sont notamment attendus les nouveaux projets d'Alberto Vazquez (Psiconautas, Decorado), Jean-François Laguionie (Louise en hiver, Le Tableau) et Anca Damian (La montagne magique, Crulic), mais aussi l'adaptation par Lorenzo Mattotti du roman jeunesse de Dino Buzzati La fameuse invasion de la Sicile par les Ours, celle d'Allah n'est pas obligé d'Ahmadou Kourouma par Zaven Najjar ou encore celle de Dans la forêt sombre et mystérieuse de Winshluss alias Vincent Paronnaud par l'auteur lui-même et son complice Alexis Ducord.

Sur le papier, on est impatient et curieux de découvrir les longs métrages d'animation qui nous feront rêver dans les années à venir. En pratique, certains ne verront peut-être jamais le jour, ou seront de retour au Cartoon Movie l'année prochaine dans l'attente de passer une nouvelle étape de production. De quoi nous rappeler que l'animation est parfois un travail de très longue haleine (l'un des films  en développement présenté cette année, Kara de Sinem Sakaoglu, avait déjà fait l'objet d'un pitch au Cartoon Movie de 2013, et Croc-Blanc d'Alexandre Espigares y avait vu le jour en... 2006) et surtout un parcours du combattant rendu plus ardu par la potentielle frilosité des décideurs et l'incertitude de l'accueil en salles.

Il faudrait, pour continuer demain à découvrir au cinéma des longs métrages d'animation singuliers et audacieux, commencer par aller voir ceux qui sortent aujourd'hui, et montrer l'adhésion d'une part non négligeable du public à des oeuvres non formatées, voire exigeantes, qui s'adressent à des spectateurs adultes, ou font assez confiance aux enfants pour leur proposer des projets intelligents et éclectiques. C'est un début, mais il a le mérite d'être à la portée de tous.

Première édition du Cartoon Movie de Bordeaux

Posté par MpM, le 5 mars 2017

Cartoon Movie, le rendez-vous européen des professionnels du film d'animation créé en 1999 avec le soutien de Creative Europe - MEDIA, s'installe pour la première fois à Bordeaux. Du 8 au 10 mars prochain, 55 projets en provenance de 19 pays, dont 17 films français, seront présentés devant plus de 800 producteurs de longs métrages d’animation, investisseurs, distributeurs, agents de vente, sociétés de jeux vidéos et new media players de 38 pays dans le but d'établir coopérations et coproductions.

Les comédies familiales et films d'aventures pour enfants ont toujours la cote, puisqu'ils représentent 35 des 55 projets, mais les longs métrages à destination d'un public plus adulte sont également bien présents, avec des thématiques tournant autour des abus sexuels, de la maladie d’Alzheimer ou encore du franquisme. Certains films sont encore à l’état de concept, d'autres en cours de production et la majorité en cours de développement. Tous cherchent à accélérer le montage financier du projet, nouer des coproductions et coopérations transfrontalières ou simplement intéresser des distributeurs européens et internationaux.

Sont notamment attendus Zombillenium, de l'auteur de bande dessinée Arthur de Pins, Buñuel in the Labyrinth of the Turtles de Salvador Simó qui retrace la vie de Luis Buñuel après la projection de L'âge d'or, Calamity, a childhood of Martha Jane Cannary, le nouveau projet de Rémi Chayé (Tout en haut du Monde) sur le personnage historique de Calamity Jane, Ooops! 2 de Toby Genkel et Sean McCormac, la suite de Ooops! Noah is gone ou encore Unicorn Wars d’Alberto Vazquez (Decorado, Psiconautas), Le Grand Méchant Renard et Autres Contes de Benjamin Renner et Patrick Imbert et Le voyage du Prince de Jean-François Laguionie (Louise en hiver).

Pour tous les participants, c'est un excellent début car Cartoon movie obtient depuis ses débuts des résultats impressionnants avec plus de 274 longs métrages présentés ayant trouvé leur financement, ce qui représente un budget de 1,9 milliard d’euros.

Mais cette première édition bordelaise du Cartoon Movie permettra également de connaître les lauréats des Cartoon Movie Tributes qui récompensent "une personnalité ou une société ayant eu une influence dynamique et positive sur l’industrie européenne du long métrage d’animation". Trois prix seront remis le 10 mars : meilleur producteur, meilleur distributeur et meilleur réalisateur européens de l'année.

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Cartoon Movie Bordeaux
Du 8 au 10 mars 2017
Site de la manifestation