Cartoon movie 2020 : deux longs métrages à découvrir en salles dès la rentrée

Posté par MpM, le 9 mars 2020

C'est l'un des petits bonheurs du Cartoon movie, dont la 22e édition se tenait du 3 au 5 mars à Bordeaux : découvrir en grande avant-première les images des longs métrages d'animation attendus sur nos écrans dans les mois à venir. Car si la majorité des présentations est consacrée à des projets qui n'en sont parfois qu'au stade de concept, quelques films terminés sont toujours de la partie, annonçant les grands temps forts de l'année.

Et quels temps forts !, puisque l'on a pu découvrir des extraits de La Traversée, le premier long métrage de la réalisatrice Florence Miailhe, connue pour ses courts métrages récompensée notamment d'un César (Au premier dimanche d'août en 2002), et d'une mention spéciale à Cannes (Conte de quartier en 2006), ainsi que  les vingt premières minutes de Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé, à qui l'on doit le très beau et poétique Tout en haut du monde, qui mettait déjà en scène une héroïne libre et débrouillarde dans un monde d'hommes, celui des explorateurs.

La Traversée de Florence Miailhe (sortie le 9 septembre 2020)


Après plus de douze ans de travail, Florence Miailhe et sa productrice Dora Benousilio (Les Films de l'Arlequin) étaient passablement émues de nous annoncer que, ça y est, La Traversée est terminé, prêt à commencer une belle carrière en festival, avant d'être dévoilé au grand public début septembre.

Situé dans un pays imaginaire et dans un contexte atemporel, mais faisant évidemment écho à l'Histoire du XXe siècle comme à l'époque contemporaine, le film suit Kyona et Adriel, deux enfants jetés sur les routes de l'exil, à la recherche d'un pays plus clément où vivre libres. On a pu découvrir des extraits de quelques séquences emblématiques, comme le moment où ils assistent, impuissants, à l'arrestation de leurs parents, ou leur traversée clandestine dans une barque de fortune qui les amène vers un inconnu bien incertain, à la merci de trafiquants d'êtres humains.

Visuellement, on est une nouvelle frappé de stupeur devant la profusion de couleurs vives qui donnent une tonalité très picturale aux premières scènes. Qu'il s'agisse du corsage jaune de Kyona ou des feuilles orangées des arbres au début de l'automne, tout semble étinceler de lumière et de vie. Au fil du périple, bien sûr, l'esthétique se modifie, comme lors de ce passage plus hivernal, dans une forêt recouverte de neige, qui joue au contraire sur le contraste entre le noir et le blanc, et nous offre un passage quasi abstrait pour représenter la tempête qui fait rage. Un autre plan magnifique montre le souffle chaud d'un chien qui fait tout à coup apparaître le visage de la jeune fille ensevelie sous la neige. Il faut enfin dire un mot des séquences nocturnes, qui jouent sur un camaïeu de teintes plus bleutées, comme voilées par l'obscurité.

Cet aperçu nous a par ailleurs permis de se faire une idée des différentes épreuves traversées par les deux enfants, mais aussi des moments de douceur qui malgré tout s'offrent à eux, et du mélange de solidarité et de compassion qui, parfois, les accompagne. On sent ainsi que le film ne se veut pas un drame larmoyant, mais plutôt une fresque flamboyante et vibrante qui réunisse en un même mouvement humaniste tous les migrants, exilés et autre réfugiés de l'Histoire, laissant le spectateur libre de dresser les parallèles qui s'imposent avec la situation actuelle.

Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé (sortie le 15 octobre)


Voilà peut-être le cadeau le plus frustrant de cette édition du Cartoon movie : nous montrer les 20 premières minutes de Calamity, puis interrompre la projection en nous demandant d'attendre octobre pour connaître la suite des aventures de sa jeune héroïne ! On en a en tout cas vu assez pour savoir que le film réunit tous les ingrédients pour séduire largement au-delà du cadre purement familial.

Rémi Chayé s'attache en effet à l'enfance de celle qui deviendra "Calamity Jane", et plus précisément à ce moment de bascule qui l'amène à prendre conscience de sa condition de femme. Les séquences d'exposition la montrent ainsi en compagnie des autres enfants du convoi qui travers l'Ouest sauvage pour rejoindre l'Oregon. Pendant que les garçons chevauchent parmi les chariots et surveillent le troupeau, elle marche durant des heures, et met ce temps à profit pour imaginer la vie de rêve qui les attend à destination. Mais voyant qu'il lui à la fois impossible d'aider son père blessé, et qu'en plus personne ne la prend au sérieux, la jeune adolescente s'impose en secret un entraînement intensif pour être capable de monter à cheval et de manier le lasso comme un homme.

Si le début du film semble aller à cent à l'heure, détaillant de manière assez classique la rivalité entre la jeune fille et le fils du chef, net écho de la rivalité de classe qui existe entre leurs pères, la suite du récit devrait se resserrer principalement sur elle, et sur le parcours initiatique qui l'amènera à se révéler. On est bien sûr curieux de voir si la narration trouvera alors un rythme moins précipité, mais quoi qu'il en soit on est déjà convaincu par les choix formels de Rémi Chayé et de son équipe.

Le réalisateur reprend en effet une partie de l'esthétique au coeur de Tout en haut du monde (vastes aplats de couleurs et absence de traits de contours) qui donne aux paysages l'aspect quasi impressionniste de vastes tâches de couleurs. Les plans rapprochés sur le visage décidé de la petite héroïne alternent également avec les plans larges et les amples mouvements de caméra sur les grands espaces que traversent les personnages. De quoi assurer la personnalité visuelle du film, entre simplicité de représentation et incitation à l'imaginaire, et assumer son héritage cinématographiques forcément mâtiné de westerns et de films d'aventures.

Le meilleur de l’animation européenne se dévoile à Bordeaux

Posté par MpM, le 3 mars 2020

L'année dernière, on y découvrait les premières images de J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin et de l'Extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian, soit deux des films qui auront le plus marqués l'année cinéphile 2019 : le Cartoon Movie, rendez-vous européen des professionnels du film d'animation depuis 1999, voit ainsi passer chaque année les projets de longs métrages parmi les plus attendus du moment mais aussi ceux, parfois seulement au stade de concepts, qui figureront dans les grandes attentes de 2022, 2023... ou 2030.

Pour cette édition 2020, ce sont 66 projets de longs métrages d’animation en provenance de 20 pays européens qui seront présentés aux quelque 900 professionnels présents (producteurs, investisseurs, distributeurs, agents de vente, sociétés de jeux vidéos ou encore new media players). Si l'écrasante majorité est à l’état de concept ou en développement, 6 sont en production et 5 seront présentés en sneak preview, ce qui signifie qu'ils sont pratiquement terminés. Parmi ceux-là, on retrouve notamment Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé et La Traversée de Florence Miailhe, dont on vous parlait déjà l'an dernier, et qui pourrait (devrait ?) faire sa grande première sur la Croisette en mai prochain.

Parmi les autres projets qui attirent d'ores et déjà notre intérêt, il y a bien sûr le premier long métrage de Franck Dion (Cristal du meilleur court métrage à Annecy en 2016 avec Une tête disparait), L'héritage des Depanurge, destiné à un public adulte, et qui s'inspire des univers de Charles Dickens, Italo Calvino et Agatha Christie, ainsi que celui de Benoit Chieux (Tigres à la queue leu leu), Sirocco et le royaume des vents, un récit d'aventures familial co-écrit avec Alain Gagnol. On est évidemment curieux également de voir comment The Island d'Anca Damian, adaptation surréaliste de Robinson Crusoé en comédie musicale, pour le résumer rapidement, a évolué depuis sa présentation l'an dernier. Enfin, on est intrigué par They Shot the Piano Player de Fernando Trueba et Javier Mariscal (nommés aux Oscars pour Chico & Rita) et The Amazing Maurice, d’après le livre de Terry Pratchett Le Fabuleux Maurice et ses rongeurs savants.

Les adaptations représentent d'ailleurs un pourcentage important des projets présentés (quasiment un tiers), avec des propositions aussi variées que Verte de Marie Desplechin et Magali Huche, Métaphysique des tubes d’Amélie Nothomb, L'ours et l'ermite de John Yeoman et Quentin Blake, Molesworth de Geoffrey Willans et Ronald Searle, Les Légendaires de Patrick Sobral ou encore Fille et loup de Roc Espinet.

A noter pour finir que le Luxembourg est le pays à l'honneur de cette 22e édition. Le Grand Duché est en effet terre d'animation, en co-production notamment sur des projets comme Le Sommet des Dieux ou Where is Anne Frank?, mais aussi sur des films déjà sortis tels que Funan, Pachamama, Parvana, une enfance en Afghanistan, Le voyage du Prince ou encore Les hirondelles de Kaboul.

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Cartoon Movie 2020
Du 3 au 5 mars
Informations sur le site de la manifestation

Le Festival Ciné-Junior souffle ses 30 bougies

Posté par MpM, le 21 janvier 2020

Ciné-Junior, Trentième ! Le plus important festival international de cinéma Jeunes Publics de France fête en effet son 30e anniversaire du 22 janvier au 4 février dans plus de 50 lieux partenaires du Val-de-Marne et d'Ile-de-France.

Au programme, plus de 100 films et 450 séances pour les enfants à partir de 2 ans, mêlant à la fois une sélection d'avant-premières, une compétition internationale de longs métrages et 4 programmes de courts inédits, sans oublier une thématique autour de la Fête, une rétrospective spéciale 30 ans, et un focus sur la réalisatrice Florence Miailhe mais aussi des ateliers, des rencontres, des animations et de nombreuses surprises.

Côté nouveautés, on sera particulièrement attentifs au long métrage allemand Fritzi de Ralf Kukula et Mathias Bruhn qui restitue la chute du mur de Berlin à travers le regard d’une enfant éprise de justice et de liberté ; à Antigone de Sophie Deraspe, relecture contemporaine de la pièce de Sophocle qui a obtenu le prix du meilleur film canadien lors du dernier festival de Totonto (en salles le 8 avril), à l'Odyssée de Choum de Julien Bisaro, programme de courts métrages tous doux pour un très jeune public (en salles le 29 janvier), et bien sûr à Adolescentes de Sébastien Lifshitz, chronique documentaire contemporaine qui sortira le 25 mars.

Par ailleurs, la thématique autour de la fête propose des films passionnants à partager en famille, comme Panda petit Panda de Isao Takahata, Jour de fête de Jacques Tati, Le grand méchant renard et autres contes de Benjamin Renner et Patrick Imbert, ou encore Les demoiselles de Rochefort de Jacques Demy.

Enfin, il ne faudra pas passer à côté de la rétrospective consacrée à la réalisatrice Florence Miailhe dont on attend cette année le premier long métrage, La Traversée. Les jeunes spectateurs auront ainsi la chance de découvrir une dizaine de minutes inédites du film, ainsi que trois de ses courts métrages : Au premier dimanche d'août, Les oiseaux blancs, les oiseaux noirs et Conte de quartier.

Un festival indispensable pour former les jeunes cinéphiles et passer des moments de partage et d'échanges en famille, qui a déjà permis de découvrir pas mal de petites pépites cinématographiques pour la jeunesse, dont certaines, à l'image de La petite taupe de Zdenek Miler et du Chien jaune de Mongolie de Byambasuren Davaa seront à nouveau présentés dans le cadre de la rétrospective anniversaire.

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30e édition de Ciné-Junior
Du 22 janvier au 4 février 2020
Informations et programme sur le site de la manifestation

Blink Blank : le cinéma d’animation a enfin sa revue !

Posté par MpM, le 14 janvier 2020

La création d'une nouvelle publication sur le cinéma est toujours une bonne nouvelle, mais là, il faut avouer que l'on est particulièrement heureux de vous annoncer l'arrivée d'une revue bi-annuelle entièrement consacrée au cinéma d'animation !

Blink Blank, puisque c'est son nom, en hommage au film Blinkity Blank de Norman McLaren, Palme d'or du court métrage à Cannes en 1955, a pour ambition d'accompagner le grand élan actuel du cinéma d'animation et de "contribuer à sa reconnaissance en proposant une approche critique de l'animation en tant qu'art".

Né de la volonté conjointe de NEF Animation, de la Cinémathèque québécoise et des éditions Warm, ce bel objet s'adresse à ceux qui aiment déjà l'animation comme à ceux qui ont envie de mieux la connaître, et proposera dans chaque numéro un état des lieux critique de la production de courts comme de longs métrages, ainsi que différents dossiers thématiques.

Disponible en librairie et sur internet depuis le 10 janvier, le premier numéro s'interroge sur la maturité du cinéma d'animation ("enfin adulte ?") et revient sur les grands moments de 2019, de J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin à La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti, en passant par L'Heure de l'ours d'Agnès Patron ou Le Voyage du prince de Jean-François Laguionie.

Au-delà des éclairages critiques et analytiques,  il faut noter la grande richesse des rencontres et des interviews, qu'il s'agisse de Félix Dufour-Laperrière pour Ville Neuve ou des Frères Quay pour leur court métrage The doll's breath, sans oublier Anca Damian pour L'extraordinaire voyage de Marona et Florence Miailhe pour son premier long métrage, La Traversée, attendu (à Cannes ?) cette année.

Un autre grand maître du cinéma d'animation, Takahata Isao, est également présent par l'intermédiaire d'un texte inédit en France, issu des propos du réalisateur au moment de la production du Tombeau des Lucioles. Il y confie notamment son désir de faire un film dans lequel "la plus grande attention possible apportée aux détails permettra, sans que l'on sache quand ni comment, de faire surgir la beauté ineffable et la fragilité tragique de l'existence. " On sait maintenant avec quel virtuosité il y est parvenu, ce qui rend son témoignage d'autant plus fort et touchant.

Enfin, il faut citer parmi les innombrables contenus passionnants de ce premier numéro de Blink Blank un dossier sur les Looney Tunes, un portrait du réalisateur David OReilly, une rencontre avec la dessinatrice suisse Félicie Haymoz, character designer pour Fantastic Mr Fox et L'île aux chiens de Wes Anderson, ou encore une plongée dans les carnets de recherche de la réalisatrice Alice Saey pour son projet Careful.

On a hâte de découvrir les prochains numéros de cette revue indispensable, qui devrait s’ouvrir à d’autres regards, d’autres réflexions, d'autres facettes du cinéma d'animation, pour en raconter avec ferveur et passion l’histoire passée et contemporaine, mais aussi ses nombreux avenirs.

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Blink Blank, janvier 2020, numéro 1
Abonnement ou achat au numéro sur le site de la revue

Cartoon movie 2019 – Florence Miailhe, Alain Ughetto et Simone Massi : l’animation pour adultes au firmament

Posté par MpM, le 12 mars 2019

© CARTOON
© CARTOON

Dans les travées du Cartoon Movie 2019, carrefour professionnel du long métrage d’animation, la question de l’animation adulte a comme toujours occupé les conversations. Si tout le monde est d’accord pour vanter la richesse et le caractère indispensable de cette forme de cinéma, elle continue d’un point de vue économique à ne pas toujours aller de soi. Ou plus précisément, alors que la critique plébiscite semaine après semaine des films tels que Chris the Swiss ou Funan, à destination d’un public d’adultes et d’adolescents, les producteurs rencontrent eux des difficultés à les financer, et les diffuseurs restent frileux à l’idée de les montrer, et donc de les acheter.

L'animation adulte : plus ambitieuse et plus risquée ?


Et c'est vrai : le public n’est pas assez souvent au rendez-vous. D'une manière générale, l’animation adulte peine à capitaliser autant qu’un film « familial » à plus gros potentiel commercial, ce qui en fait un domaine plus risqué que la moyenne (s'il existait une formule magique pour qu'un film marche en salles, évidemment, ça simplifierait les choses pour tout le monde). Et pour cause, puisqu’on parle d’œuvres forcément plus ambitieuses, abordant des sujets pas faciles, et sortant des sentiers battus. Exactement le type de films qui, lorsqu’ils sont en prise de vue continue, peuvent malgré tout trouver leur public, et même atteindre de très beaux scores. On ne dira jamais assez le mal que l’assimilation dessins animés = jeune public a fait au cinéma d’animation.

On a donc parfois l’impression de deux mondes qui se croient séparés par un fossé profond et infranchissable, sans voir les multiples passerelles qui vont de l’un à l’autre. D’autant que la question de la tranche d’âge à laquelle est destiné un film reste floue, et subjective. Rien n’empêche de voir Parvana vers 10 ans, Wardi à 8 et Funan à 12, par exemple. Tout dépend des enfants, et de la manière dont on accompagne chaque film. Ce qui, en passant, est vrai pour toutes les formes de cinéma.

Bien entendu, les professionnels ont conscience de la nécessité d'agir.  Un groupe de travail créé en 2018 par Nicolas Schmerkin de la société Autour de Minuit, et coordonné par l'AFCA (Association française du Cinéma d'animation), réfléchit ainsi à des solutions concrètes pour accompagner les films d'animation pour adultes lors de leur sortie en salles,  par exemple en intervenant très en amont. L'idée serait notamment de mobiliser un réseau de salles et d'exploitants qui soient sensibilisés aux problématiques propres à ce type de cinéma, et informées régulièrement des projets existants.

Trois projets intimes, universels et indispensables

C'est dans ce contexte que l'on a découvert à Bordeaux trois projets de longs métrages qui viennent tout azimuts réaffirmer l'urgence de désenclaver l'animation adulte et de mettre fin au gâchis consistant à sacrifier film après film le potentiel artistique gigantesque qu'elle recèle. Car ce qui se joue dans ces trois films en devenir va au-delà de la question de la création et de l'oeuvre cinématographique : c'est une manière d'éclairer le présent par le prisme de l'Histoire collective et des destins individuels. Interdit aux chiens et aux Italiens d'Alain Ughetto, La traversée de Florence Miailhe et Trois enfances de Simone Massi ont en effet en commun de partir d'un matériau très intime pour rappeler le passé récent, et rendre hommage à ceux qui l'ont vécu, mais aussi pour éclairer notre propre époque dans laquelle subsistent les échos de ces destins personnels.

Interdit aux chiens et aux Italiens d'Alain Ughetto (produit par Les Films du Tambour de Soie, Vivement lundi ! Foliascope, Graffiti Doc, Nadasdy Film)


Après Jasmine, dans lequel il racontait poétiquement son histoire d'amour avec une jeune femme iranienne à la fin des années 70, Alain Ughetto propose un deuxième long métrage qui s'avère tout aussi ambitieux que le premier. Il s'agit cette fois d'une chronique familiale entre la Suisse, la France et l'Italie, doublée d'une grande fresque du XXe siècle qui fait évidemment écho avec aujourd'hui. Le réalisateur y racontera avec émotion et humour le périple de Luigi et de ses frères qui quittent au début des années 20 leur village natal du Piémont dans l'espoir d'une vie meilleure à l'étranger.

Luigi, c'était le propre grand-père d'Alain Ughetto. Le réalisateur a remonté le fil de ses souvenirs personnels pour retracer son parcours et raconter ainsi toute l'histoire de ce qui fut dans la première partie du XXe siècle une main d'oeuvre nomade et déconsidérée. Le titre fait ainsi référence à des pancartes ayant réellement été affichées dans des vitrines de cafés ou de restaurants français. Difficile, bien sûr, de ne pas voir un parallèle entre cette attitude d'exclusion et les comportements d'intolérance et de rejet qui se succèdent depuis à l'égard de tous ceux qui viennent d'ailleurs.

C'est évidemment un projet profond et bouleversant, universel, mais aussi extrêmement personnel, qui met en scène la famille et les souvenirs d'enfance d'Alain Ughetto. "De tous ces gens, il ne reste plus rien" explique-t-il. Ce qui l'a amené à s'interroger sur ce qui, en lui, subsiste de ce monde englouti dont il est directement issu. Pour lui redonner vie, il aura recours à des matériaux artisanaux pour les décors (des brocolis, des châtaignes, du sucre...) et à des marionnettes pour les personnages. La séquence que l'on a pu découvrir lors du Cartoon movie se passe en 1922, et montre avec un mélange d'humour et de suspense la manière dont les trois protagonistes franchissent la frontière vers la France au nez et à la barbe des soldats italiens en train d'écouter un discours de Mussolini. Des images qui confirment l'immense tendresse dont le réalisateur entoure ses personnages, et le ton à la fois sensible et léger qui sera celui du film.

La traversée de Florence Miailhe (produit par Les films de l'Arlequin, Xbo Films, MAUR Film, Balance Film)


Voilà un projet qui a démarré il y a plus de dix ans, attendus depuis presque aussi longtemps par les admirateurs (nombreux) de Florence Miailhe, cette incontournable réalisatrice de courts métrages récompensée notamment d'un César pour Au premier dimanche d'août en 2002, et d'une mention spéciale à Cannes pour Conte de quartier en 2006. A l'origine de ce magnifique projet en peinture animée, dont on a pu découvrir à Bordeaux un montage de 12 minutes qui nous a tout simplement éblouis, il y a le désir de la réalisatrice de faire un pont entre la situation actuelle et l'histoire de sa famille obligée de fuir l'Ukraine à cause des pogroms, au début du XXe siècle.

Accompagnée par l'écrivaine Marie Despleschins, elle a finalement réduit le nombre de personnages à deux enfants jetés seuls sur la route, et qui traversent tout le continent à la recherche d'un havre d'accueil et de liberté. Malgré tout, l'influence familiale persiste, notamment à travers le carnet de croquis de la mère de la réalisatrice, qui lui a servi d'inspiration pour les différents personnages du film.

En six chapitres, le film racontera le parcours presque "traditionnel" des réfugiés de tous les pays et de toutes les époques : obligés de fuir pour sauver leur vie, puis sans cesse pourchassés, menacés, exploités, vendus ou emprisonnés. On a déjà pu admirer le travail exceptionnel mené sur les couleurs, les contrastes et les mouvements, qui promettent une oeuvre d'une grande beauté formelle. Sur le fond, l'émotion est perceptible dans les quelques minutes que l'on a pu découvrir, de même que la dénonciation du système qui profite du malheur des réfugiés, et de notre propre indifférence. Vraisemblablement l'un des grands chocs de l'année prochaine, que l'on attend évidemment à Cannes.

Trois enfances de Simone Massi (produit par Offshore et Minimum Fax Media)


Simone Massi, illustrateur et réalisateur de courts métrages (La memoria dei cani, Nuvole mani...), travaille lui-aussi sur son premier long métrage après avoir signé 45 minutes d'animation dans le documentaire Samouni road présenté à Cannes en 2018. Il y racontera l'histoire d'une même famille sur trois générations, entre 1918 et les années 70, dans la région des Marche, en Italie, dont il est originaire. Lui aussi s'inspire en effet de ses racines, de sa terre natale et de sa famille, pour une histoire sensible et universelle qui parle à la fois des courants migratoires, de l'Histoire du XXe siècle et de l'évolution de l'Italie. Ses personnages sont trois enfants qui voient passer à trois époques successives le "manège sanglant de l'Histoire" et observent la manière dont il bouleverse à la fois leur territoire et leur existence.

Simone Massi explique qu'il souhaitait s'inscrire à contre-courant d'un contexte où tout le monde a l'obligation de tout comprendre. "L'Histoire du XXe siècle est très compliquée. Pas aussi simple qu'on la raconte. C'est pourquoi embrasser le regard d'enfants permet de la raconter du point de vue de ceux qui ne comprennent pas vraiment ce qui se passe." On assistera donc avec les personnages à deux guerres mondiales puis à une quasi guerre civile, croisant fascisme et terrorisme, famine et terreur, reconstruction et injustices. Le désir de Simone Massi est ainsi de partir d'une histoire personnelle, celle de sa famille, pour montrer comment les événements historiques conditionnent l'histoire personnelle des individus.

Visuellement, le film sera dans la lignée du travail de Massi, avec cette technique particulière en noir et blanc (et quelques taches de couleur rouge) qu'il obtient en grattant du papier enduit de pastel noir. On pourrait s'attendre à ce que le procédé soit terriblement long, et pourtant les 45 minutes d'animation de Samouni road avaient été réalisées en seulement un an, grâce notamment à la rotoscopie. Trois enfances passera également par cette technique, sans pour autant renoncer aux aspects les plus minutieux, et artisanaux du travail de Simone Massi, et devrait être prêt pour mai 2022.

Le meilleur du long métrage d’animation européen se retrouve au Cartoon Movie de Bordeaux

Posté par MpM, le 5 mars 2019

Rendez-vous européen des professionnels du film d'animation depuis 1999, le Cartoon Movie voit passer chaque année les projets de longs métrages les plus divers, qu'ils soient attendus ou confidentiels, classiques ou complètement fous, modestes ou extrêmement ambitieux. Si tous ne voient malheureusement pas le jour, chacun d'eux a la possibilité d'être présenté devant les producteurs, investisseurs, distributeurs, agents de vente, sociétés de jeux vidéos ou encore new media players présents, en tout 900 professionnels en quête de contenus, de coopérations ou de coproductions.

Cette année, ce sont 66 projets en provenance de 22 pays, dont 22 films français, qui ont été sélectionnés pour participer à cette 21e édition du Cartoon Movie. Si les deux tiers sont seulement à l’état de concept ou en développement, 7 sont en production et 7 seront présentés en sneak preview, ce qui signifie qu'ils sont pratiquement terminés. Parmi ceux-là, on retrouve notamment L’Extraordinaire Voyage de Marona d'Anca Damian (qui présente aussi un projet à un stade moins avancé, intitulé The Island) et Bunuel dans le labyrinthe des tortues de Salvador Simo, que l'on avait tous deux eu la chance de découvrir lors de l'édition 2018.

La répartition des projets entre comédies familiales (67%) et films à destination d'un public jeunes adultes / adultes (20%) est assez représentative de l'image que l'on se fait du cinéma d'animation, et reste constante. C'est pourtant parmi ces films pour adultes et adolescents que l'on trouve certains des projets d'ores et déjà les plus attendus, tels que Saules Aveugles, Femme Endormie de Pierre Földes, adapté de Murakami, La Traversée de Florence Miailhe, dont il s'agit du premier long métrage après une très belle carrière dans le format court, Interdit aux Chiens et aux Italiens d'Alain Ughetto, à qui l'on doit notamment Jasmine, J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin (adapté de Happy Hand de Guillaume Laurant), Trois enfances de Simone Massi, l'animateur derrière les plus belles séquences de Samouni road, ou encore Kiki de Peter Dodd, sur la vie d'Alice Prin, plus connue sous le nom de Kiki de Montparnasse.

Mais on suivra également de près certains projets plus "familiaux" comme Linda veut du poulet ! de Chiara Malta & Sébastien Laudenbach (La Jeune Fille sans Mains), Terra Willy d'Eric Tosti (Les as de la jungle) qui sort le 3 avril, ou Where is Anne Frank d'Ari Folman (Valse avec Bachir).

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Cartoon Movie 2019
Du 5 au 7 mars
Informations sur le site de la manifestation

La Fondation Gan pour le Cinéma s’engage en faveur de la jeune création

Posté par MpM, le 11 décembre 2017

Lundi 27 novembre s'est tenue la très attendue Soirée des lauréats de la Fondation Gan pour le cinéma durant laquelle sont traditionnellement annoncés les projets de longs métrages qui seront soutenus par l'Institution. Ces Prix, qui existent depuis la création de la Fondation en 1987, ont récompensé notamment Raymond Depardon (La captive du désert), Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro (Delicatessen), Tran Ahn Hung (L'odeur de la papaye verte), Catherine Corsini (Les amoureux), Christine Carrière (Rosine), Gaël Morel (A toute vitesse) ou encore Bruno Dumont (La vie de Jésus). En tout 182 projets ont été aidés, dont 90% ont été tournés. Près d’un lauréat sur deux aidé pour son premier film en réalise au moins un deuxième. Plus d'un quart est une réalisatrice.

Les projets soumis au jury, présidé cette année par le réalisateur Thomas Lilti, sont des scénarios de premier ou deuxième long métrage (jusqu'à 1998, il était également possible pour les troisièmes films de postuler). Les lauréats reçoivent une aide de 53 000 euros (50 000 pour le producteur, 3000 pour le réalisateur). En 2017, 146 projets ont été étudiés dont 80% de premiers films et 40% proposés par des réalisatrices.

Les 4 lauréats 2017 sont :
- Meryem Benm’Barek pour Sofia (premier long métrage) produit par Curiosa Films. La réalisatrice, née au Maroc, s'était fait remarquer avec son court métrage Jennah en lice pour les Oscars 2015.
- Jayro Bustamante pour Tremblements (deuxième long métrage) produit par Tu Vas Voir productions. Le réalisateur franco-guatémaltèque avait connu un important succès avec son premier long métrage, Ixcanul, prix Alfred Bauer à Berlin en 2015.
- Blaise Harrison pour Les particules (premier long métrage) produit par Les Films du Poisson. Le réalisateur a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs en 2011 avec le moyen métrage documentaire Armand, 15 ans l'été.
- Jean-Bernard Marlin pour Shéhérazade (premier long métrage) produit par Géko Films. Le réalisateur avait reçu l'Ours d'or du meilleur court métrage à Berlin en 2013 pour La fugue, également nommé aux César 2014.

Le prix spécial revient quant à lui à la réalisatrice Florence Miailhe, connue pour ses courts métrages en peinture et sables sur verre animés directement sous la caméra, tels que Au premier dimanche d'août ou Conte de quartier, et qui travaille actuellement sur son premier long métrage, La traversée, co-scénarisé par l'écrivaine Marie Desplechin et produit par Les Films de l'Arlequin.

Enfin, à l'occasion du 30e anniversaire de la Fondation, un prix exceptionnel a par ailleurs été attribué au projet de série L'image originelle réalisé par Pierre-Henri Gibert, dont le principe consiste à interroger des cinéastes de renom tels que David Lynch, Olivier Assayas ou Lars von Trier sur l'expérience fondatrice de leur premier film.

On n'a vraisemblablement pas fini d'entendre parler des projets lauréats : si l'on en croit les statistiques, un sur trois a en effet une chance d'être sélectionné lors d'un prochain Festival de Cannes. Rendez-vous sur la croisette, donc.

Ghibli, Ocelot, Morelli, Moore au 12e festival Carrefour du cinéma d’animation

Posté par kristofy, le 4 décembre 2014

Le 12e festival Carrefour du cinéma d’animation à Paris s'ouvre aujourd'hui au Forum des Images, et se tiendra jusqu'au 7 décembre. Une programmation dense (30 séances) et internationale (Chine, États-Unis, Estonie, Japon, Irlande, Canada, Palestine, France...), des réalisateurs et animateurs prestigieux à rencontrer: le rendez-vous est ambitieux.

En avant-première 8 longs métrages seront projetés: 108 rois-démons en ouverture présenté par son auteur Pascal Morelli, Rocks in my Pockets, Hôtel 12 étoiles, Le chant de la mer et pour les plus jeunes Gus, petit oiseau, grand voyage réalisé par Christian de Vita et Mune réalisé par Alexandre Heboyan et Benoit Philippon. A noter en clôture le très attendu Souvenir de Marnie, le dernier film d’animation du studio Ghibli, avant sa sortie prévue en janvier 2015.

C’est aussi l’occasion d’un coup de projecteur sur des films politiques avec un hommage à la Palestine et aussi d’une rétrospective de l’œuvre du japonais Okamoto Tadanari.

Invités d'ici et d'ailleurs
Cartes blanches à Michel Ocelot (Kirikou) et à Florence Miailhe.
Le belge Picha parlera d’érotisme dans le cinéma d’animation (Le Chaînon manquant était au Festival de Cannes en 1980).
A découvrir aussi les parcours de l’allemand Andreas Hykade ( Love & Theft ), de l’irlandais Tomm Moore (son sublime Le Chant de la mer, sort la semaine prochaine; il viendra avec un making-of ), du canadien Marv Newland ( Bambi meets Godzilla en 1969, puis fondateur du studio International Rocketship Limited au Canada), des frères Paul et Gaëtan Brizzi (Astérix et la surprise de César, Fantasia 2000.

Le public est invité à s’initier aux secrets de fabrication d’un film d’animation et à la diversité des techniques utilisées durant le festival, avec, notamment, la réalisation d’un ‘cadavre-exquis’ animé par 60 étudiants en animation. Il y aura aussi un florilège de films d’écoles audacieux et une sélection de courts-métrages du monde entier.

Voici une bande-annonce du festival, elle a été réalisée par les étudiants de l’Ecole des Métiers du Cinéma d’Animation et la bande-son par le compositeur Matthieu Gérard -Tulane :

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12e festival Carrefour du cinéma d’animation
Du 4 au 7 décembre.
Renseignements sur le site de la manifestation

Angers célèbrera Godard et Gamblin

Posté par vincy, le 26 octobre 2011

Le 24e Festival de cinéma Premiers Plans d'Angers (20-29 janvier 2012) mettra à l'honneur le cinéaste Jean-Luc Godard et le comédien Jacques Gamblin.

Godard aura le droit à une rétrospective. Claude-Eric Poiroux, délégué général du festival, explique que "c'est un penseur, un artiste, un plasticien et sans doute celui qui a été le plus loin pour démolir le cinéma classique, son oeuvre excite la curiosité". Une trentaine de films seront présentés en plus de rencontres autour de son oeuvre. Godard a débuté en 1955 et a été consacré sur la scène mondiale avec A bout de souffle en 1960. Son dernier film, Film Socialisme, avait été présenté au Festival de Cannes en 2010. Ours d'or à Berlin (Alphaville), deux fois César d'honneur, Oscar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière, Lion d'hor pour sa carrière en plus d'un Lion d'or pour Prénom Carmen, il est aussi l'un des derniers survivants de la Nouvelle Vague.

Cependant point de JLG sur les bords de la Loire. L'artiste ne se déplace plus.

Par conséquent, il faudra compter sur l'acteur Jacques Gamblin. Meilleur acteur à Berlin en 2002 (Laissez-passer), deux fois nommé aux Césars (Le premier jour du reste de ta vie, Pédale douce), populaire et respecté, Gamblin a su nous charmer dans des films comme Au petit Marguery, Les enfants du Marais, Mademoiselle, A la petite semaine, et récemment Le nom des gens. Il a tourné (et parfois plus d'une fois) avec Lelouch, Guédiguian, Blier, Chabrol, Tavernier, ... Épatant dans Ni à vendre ni à louer, ignoré du public (car très mal sorti cet été), il revient sur les écrans avec Le premier homme, de Gianni Amelio, d'après le roman d'Albert Camus. le film a reçu le prix de la critique internationale à Toronto en septembre.

Gamblin sera sur place avec la reprise au théâtre Le Quai de deux de ses spectacles, "Tout est normal, mon coeur scintille" et un concert-lecture avec le pianiste jazz Laurent de Wilde, "Gamblin Jazze De Wilde Sextete". Six de ses films seront projetés.

Outre ces deux vedettes de premier plan, Angers rendra hommage à Alan Clark, avec une sélection dédiée, à Jorge Semprun avec une lecture de ses textes, à Florence Miailhe avec une diffusion de ses courts métrages animés et une exposition. Le festival organisera aussi un panorama Danse / Cinéma (fictions comme documentaires).

Le festival Premiers Plans a réuni près de 68 000 spectateurs en janvier dernier, battant son record de fréquentation.