Relativement snobé par les Oscars, Barry Jenkins, sacré par les Oscars justement il y a deux ans avec Moonlight, a triomphé aux Independent Spirit Awards hier soir avec Si Beale Street pouvait parler, meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur second-rôle féminin. Ce n'est que justice pour l'un des plus beaux films, formellement, du cinéma américain cette année. Et cela confirme tout le talent du cinéaste. D'autant que les Spirit n'ont pas été avare avec le cinéma afro-américain puisque l'excellent Sorry to Bother You a remporté le prix du meilleur premier film.
D'autres œuvres ont remporté plusieurs récompenses, comme Suspiria et Can You Ever Forgive Me?. Roma a une fois de plus raflé le prix du meilleur film étranger.
Film: If Beale Street Could Talk Réalisateur: Barry Jenkins, If Beale Street Could Talk Prix Robert Altman: Suspiria Premier film: Sorry to Bother You Film internationalRoma (Mexique) PhotographieSayombhu Mukdeeprom, Suspiria Montage: Joe Bini, You Were Never Really Here Scénario: Nicole Holofcener & Jeff Whitty, Can You Ever Forgive Me? Meilleur premier scénario: Bo Burnham, Eighth Grade Actrice: Glenn Close, The Wife Acteur: Ethan Hawke, First Reformed Second-rôle féminin: Regina King, If Beale Street Could Talk Second-rôle masculinRichard E. Grant, Can You Ever Forgive Me? Producteur: Shrihari Sathe Documentaire: Won’t You Be My Neighbor? Prix "Plus vrai que la fiction: Bing Liu, réalisateur de Minding the Gap Prix Bonnie: Debra Granik Prix John Cassavetes: En El Septimo Dia Prix espoir (Someone to Watch): Alex Moratto, réalisateur de Sócrates
Première rasade de prix américains. Les Oscars du cinéma indépendant ont révélé vendredi soir leurs nominations dans un contexte très ouvert. Si le premier film We the Animals domine les nominations des Independent Spirit Awards (5), Eighth Grade, First Reformed et You Were Never Really Here (double prix à Cannes en 2017) suivent avec 4 citations chacun.
On retiendra d'ailleurs que trois réalisateurs sur cinq sont des réalisatrices dans la catégorie. Pour le reste les Spirit ont été très équilibré entre les "gender" et les genres, les minorités et les âges. On remarquera juste que Blackkklansman de Spike Lee (Grand prix du jury à Cannes) et Come as you are de Desiree Akhavan (Grand prix à Sundance), Destoryer de Karyn Kusama ou encore Beautiful Boy de Felix Van Groeningen sont snobés.
Dans la catégorie film étranger, la Palme d'or affronte le Lion d'or (3 films cannois versus 2 films vénitiens). Et c'est le film européen Suspiria qui remporte le prestigieux Robert Altman Award, qui récompense le/la cinéaste, le(s) directeur(s) de castings et tous les interprètes. Côté business, A24, qui vient de signer un gros deal avec Apple, domine avec 12 nominations (c'est la 3e année consécutive qu'il réussit l'exploit d'être le meilleur distributeur) devant Amazon Studios, Netflix et The Orchard (6 chacun) et Annapurna Pictures (5). Les grands studios sont out et les plateforme de streaming prennent de l'ascendant.
Rappelons que ces récentes années, Moonlight, Spotlight, Birdman et 12 Years a Slave ont tous gagné le Spirit Award du meilleur film le samedi puis l'Oscar le dimanche. Cette année, la course est très ouverte et les studios devraient prendre leur revanche pour les Oscars.
Meilleur film Eighth Grade First Reformed If Beale Street Could Talk (photo) Leave No Trace You Were Never Really Here
Meilleur premier film Hereditary Sorry to Bother You The Tale We the Animals Wildlife
Meilleur(e) réalisateur/ réalisatrice
Debra Granik, Leave No Trace
Barry Jenkins, If Beale Street Could Talk
Tamara Jenkins, Private Life
Lynne Ramsay, You Were Never Really Here
Paul Schrader, First Reformed
Meilleure actrice
Glenn Close, The Wife
Toni Collette, Hereditary
Elsie Fisher, Eighth Grade
Regina Hall, Support the Girls
Helena Howard, Madeline’s Madeline
Carey Mulligan, Wildlife
Meilleur acteur
John Cho, Searching
Daveed Diggs, Blindspotting
Ethan Hawke, First Reformed
Christian Malheiros, Socrates
Joaquin Phoenix, You Were Never Really Here
Meilleur second-rôle féminin
Kayli Carter, Private Life
Tyne Daly, A Bread Factory
Regina King, If Beale Street Could Talk
Thomasin Harcourt McKenzie, Leave no Trace
J. Smith-Cameron, Nancy
Meilleur second-rôle masculin
Raúl Castillo, We the Animals
Adam Driver, BlacKkKlansman
Richard E. Grant, Can You Ever Forgive Me?
Josh Hamilton, Eighth Grade
John David Washington, Monsters and Men
Meilleur documentaire Hale County This Morning, This Evening Minding the Gap Of Fathers and Sons On Her Shoulders Shirkers Won’t You Be My Neighbor?
Meilleur film étranger Burning (Corée du sud) The Favourite (Royaume Uni) Heureux comme Lazzaro (Italie) Roma (Mexique) Une affaire de famille (Japon)
Meilleur scénario
Richard Glatzer, Rebecca Lenkiewicz & Wash Westmoreland, Colette
Nicole Holofcener & Jeff Whitty, Can You Ever Forgive Me?
Tamara Jenkins, Private Life
Boots Riley, Sorry to Bother You
Paul Schrader, First Reformed
Meilleur premier scénario
Bo Burnham, Eighth Grade
Christina Choe, Nancy
Cory Finley, Thoroughbreds
Jennifer Fox, The Tale
Quinn Shephard (Writer/Story By) and Laurie Shephard (Story By), Blame
Prix Robert Altman
Le réalisateur et le casting de Suspiria
Meilleure image
Ashley Connor, Madeline’s Madeline
Diego Garcia, Wildlife
Benjamin Loeb, Mandy
Sayombhu Mukdeeprom, Suspiria
Zak Mulligan, We the Animals
Meilleur montage
Joe Bini, You Were Never Really Here
Keiko Deguchi, Brian A. Kates & Jeremiah Zagar, We the Animals
Luke Dunkley, Nick Fenton, Chris Gill & Julian Hart, American Animals
Anne Fabini, Alex Hall and Gary Levy, The Tale
Nick Houy, Mid90s
Bonnie Award
Debra Granik
Tamara Jenkins
Karyn Kusama
John Cassavetes Award A Bread Factory En el Septimo Dia Never Goin’ Back Socrates Thunder Road
Prix des producteurs Jonathan Duffy and Kelly Williams
Gabrielle Nadig
Shrihari Sathe
Prix Someone to Watch (nouveau talent fiction)
Alex Moratto, réalisateur de Sócrates
Ioana Uricaru, réalisateur de Lemonade
Jeremiah Zagar, réalisateur de We the Animals
Prix Truer than Fiction (nouveau talent documentaire)
Alexandria Bombach, réalisateur de On Her Shoulders
Bing Liu, réalisateur de Minding the Gap
RaMell Ross, réalisateur de Hale County This Morning, This Evening
La première salve de prix (ils sont nombreux) a été remise au fil des heures à la 75e Mostra de Venise. Si le nouveau Laszlo Nemes a eu les faveurs de la critique internationale, ce sont d'autres films de la compétition qui récolte deux ou plusieurs prix tous jurys confondus. Les films de Florian Henckel von Donnersmarck et Julian Schnabel notamment, mais surtout Capri-Revolution de Mario Martone qui rafle six prix. Le cinéma italien se porte plutôt bien avec plusieurs prix pour Ricordi? et Sulla mia Pelle, distribution Netflix. La plateforme de streaming n'a, cependant, pas fait de razzia malgré des titres forts en compétition.
L'autre vainqueur est bien entendu le film de Saeed Al Batal et Ghiath Ayoub, Still Recording, déjà deux fois récompensé à la Semaine internationale de la critique. Le film repart avec deux autres prix, dont celui de la critique internationale pour les sections parallèles, et une mention spéciale. Mais, si deux films français ont les honneurs des sections parallèles (Giornate degli autore et SIC), aucun film français, toutes sélections confondues, n'a été distingué avant le palmarès suprême.
Une chose est certaine: hormis éventuellement le Martone, aucun film n'a réellement fait l'unanimité parmi ces jurys très divers, ce qui laisse le palmarès très ouvert.
FIPRESCI Award (Critique internationale) Napszállta (Sunset) de László Nemes Lissa Ammetsajjel (Still Recording) de Saeed Al Batal et Ghiath Ayoub (sections parallèles)
Lionceau d'Or Werk Ohne Author (Never Look Away) de Florian Henckel von Donnersmarck
Queer Lion Award José de Li Cheng
UNICEF What you gonna do when the world's on fire? de Roberto Minervini
CICT - UNESCO "Enrico Fulchignoni" Award (Conseil International du Cinema et de la Télévision) Pepe, une vie suprême d'Emir Kusturica
Smithers Foundation Award (UNESCO et observatoire culturel de l'ONU) A Star is Born de Bradley Cooper
Mention spéciale: The Mountain de Rick Alverso
HRNs Award (Droits de l'Homme) A Letter to a Friend in Gaza d'Amos Gitai
Mentions spéciales: Peterloo de Mike Leigh et 1938 Diversi de Giorgio Treves
Lanterna Magica Award Amanda de Mikhael Hers
Francesco Pasinetti Award (Syndicat national des journalistes de cinéma italiens) Capri-Révolution de Mario Martone
Prix spécial: Sulla mia Pelle d'Alessio Cremonini pour les interprétations d'Alessandro Borghi et Jasmine Trinca
FEDIC Award (Federation italienne des cinéclubs) Sulla mia Pelle d'Alessio Cremonini
Mentions spéciales: Ricordi? de Valerio Mieli et I Villani de Daniele De Michele
Gillo Pontecorvo Award (Institut pour le cinéma des pays latins)
Meilleur coproduction pour un premier film: The Road not taken de Tang Gaopeng
Lizzani Award – ANAC (Association nationale des auteurs pour le cinéma) Capri-Révolution de Mario Martone
Brian Award (Athées et Agnostiques) Sulla mia Pelle d'Alessio Cremonini
SIGNIS Award (Associations catholiques) Roma d'Alfonso Cuarón
Mention spéciale: 22 July de Paul Greengrass
Interfilm Award for Promoting Interreligious Dialogue (Organisation interreligieuse) Tel Aviv on Fire de Sameh Zoabi
Green Drop Award (Croix verte italienne) At Eternity's Gate de Julian Schnabel, et pour Willem Dafoe
ARCA Cinemagiovani Award (jeunesse)
Meilleur film italien: Capri-Révolution de Mario Martone
Meilleur film: Werk Ohne Author (Never Look Away) de Florian Henckel von Donnersmarck
Sorriso diverso Award (université) Un Giorno all'improvviso de Cirio D’Emilio
UNIMED Award (universités méditerranéennes) A Tramway in Jerusalem d'Amos Gitai
Edipo Re Award (Université de Padoue) Lissa Ammetsajjel (Still Recording) de Saeed Al Batal and Ghiath Ayoub
Fondazione Mimmo Rotella Award
Julian Schnabel et Willem Dafoe pour At Eternity's Gate
NuovoImaie Award (Droit des artistes)
Linda Caridi pour Ricordi? de Valerio Mieli et Giampiero De Concilio pour Un Giorno all'improvviso de Cirio D’Emilio
La Pellicola d'Oro Award
Franco Ragusa pour les effets spéciaux de Suspiria
Katia Schweiggl pour les costumes de Capri-Révolution
Prix pour l'ensemble de sa carrière: Atelier Nicolao du Stefano (costumes)
Premio Soundtrack Stars (musiques de film)
Meilleure BOF: Capri-Révolution de Mario Martone, musique de Sacha Ring et Philipp Thimm
Meilleure chanson: A Suspirium de Thom Yorke pour Suspiria de Luca Guadagnino
Mention spéciale: Judy Hill pour What You Gonna Do When the World's on Fire de Roberto Minervini
Premio Vivere da Sportivi, Fair play al cinema What You Gonna Do When the World's on Fire de Roberto Minervini
Mentions spéciales: Zen sul Ghiaccio Sottile de Margherita Ferri et Lissa Ammetsajjel (Still Recording) de Saeed Al Batal and Ghiath Ayoub
Sfera 1932 Award Capri-Révolution de Mario Martone
en attente: HFPA Award (Hollywood Foreign Press Association)
Casa Wabi – Mantarraya Award
C'est le film iconique d'un maestro du 'giallo': Suspiria de Dario Argento, sorti en 1977, peut-il faire l'objet d'un remake ? Déjà à Venise en 2010, la question avait été directement posée à Natalie Portman, présentant alors Black swan, qui était intéressée par coproduire le projet pour jouer un autre rôle de danseuse effrayée... Il y a eu une vague de remake des classiques du cinéma fantastique des années 70: des films mal vieillis devenaient parfois plus efficaces (comme La colline a des yeux de Wes Craven mais par Alexandre Aja) tandis que des chefs d'oeuvre étaient inutilement caricaturés (comme Carrie de Brian de Palma par Kimberly Peirce).
Alors, qu'allait-il en être de Suspiria ? C'est resté une mauvaise idée pendant plusieurs années puis finalement un tournage a commencé... Le voila en compétition cette année à Venise. Sans doute parce que le réalisateur est devenu "hype" depuis son dernier film, alors que Venise l'a souvent snobé tout au long de sa carrière.
Quand l'équipe arrive on retient son souffle : le réalisateur Luca Guadagnino (auréolé du succès de Call me by your name), le scénariste de films et séries de genre David Kajganich, les actrices Dakota Johnson, Chloë Grace Moretz, Mia Goth, la grande Tilda Swinton, mais aussii Jessica Harper (la vedette du Suspiria d'Argento), et Thom Yorke (du groupe Radiohead) qui signe là sa première musique de film. Avec une telle réunion de talents ce remake est forcément attendu : et il est très réussi car il est assez différent de celui de Dario Argento.
Le début du film de 1977 voit l'héroïne arrivée sous la pluie à une prestigieuse école de danse de Fribourg au moment où une pensionnaire s'enfuit perturbée (personne ne la reverra)... Dans ce nouveau film l'histoire se déroule toujours en 1977 et l'académie de danse est à Berlin (ce qui fait un lien avec Cabaret), une pensionnaire perturbée s'en va sous la pluie, elle va parler à quelqu'un, elle (nous) explique ce qui l'inquiète dans cette école, et l'héroïne arrive plus tard.
Les amateurs de frayeur viscérale continueront de préférer l'original de Dario Argento qui fait beaucoup plus peur (malgré la peinture rouge grossière pour imiter le sang), cette peur étant provoquée pour ses mises à mort (les coups de poignard, l'attaque du chien, le piège de barbelés, les hurlements) et par la combinaison des éclairages contrastés (les lumières rouge, vert, jaune, et les ombres) et la musique composée de bruitages stridents. Et c'est seulement en cours de film que l'on découvre la sorcellerie : «Que font les sorcières ? leur seul but c’est de faire souffrir c’est tout en faisant appel au monde de l’occulte elles peuvent obtenir le pouvoir leur permettant d’influer sur la réalité d’agir sur des personnes dans le sens maléfique du concept».
Ce nouveau Suspiria joue plutôt avec une angoisse étrange et diffuse qui devient au fur et à mesure oppressante. Dès le début l'hypothèse de la possibilité de sorcières est déjà exprimée, le spectateur ne cherche pas vraiment quoi mais découvre comment. La tonalité des décors est d'ailleurs plutôt neutre ou sépia, et ce n'est qu'au moment du climax final que la couleur rouge-sang arrive. Dans le pensionnat de Dario Argento il n'y avait qu'une seule séquence d'échauffement de danse, cette fois il s'agit bel et bien vraiment d'une école de danse : on y voit une séquence d'audition, des séances d'exercices et de répétition, et même un spectacle devant un public. Chez Argento les phénomènes surnaturels perturbaient surtout l'esprit de l'héroïne et d'une amie, chez Luca Guadagnino les mauvais sorts s'acharnent surtout sur les corps de danseuses : les corps torturés sont tordus, cassés et désarticulés. Là où Argento était efficace c'était d'avoir concentré l'histoire dans un quasi huis-clos (l'école). Ce nouveau Suspiria raconte cette histoire avec une autre perspective et en parallèle d'autres points de vue, extérieurs à l'école (un vieux médecin, une femme catatonique).
C'est en fait tout la structure de ce nouveau Suspiria qui est différente : le générique d'introduction indique qu'il y aura un découpage en six actes et une épilogue, et surtout le récit va prendre une ampleur inédite : le film dure 2h30 ! Moins effrayant, plus esthétique, plus chic moins choc, se rapprochant davantage du cinéma de Fassbinder, plus dramatique mais moins drôle que l'original.
Jennifer Lawrence sera la star de son prochain film, Burial Rites, un polar inspiré d'un fait réel qu'elle produit. Sony Pictures détient les droits de distribution mondiaux.
Une histoire vraie
Le scénario est l'adaptation du premier roman d'Hannah Kent paru en France en 2014, A la grâce des hommes. L'histoire se déroule en 1829, en Islande. Agnes Magnusdottir est condamnée à mort pour le meurtre de son amant. Dans l'attente de son exécution, elle vit dans une ferme en résidence surveillée. Toute la famille la fuit car elle est considérée comme une criminelle. Le révérend Totti fait exception à la règle et essaie de la comprendre. Ce qu'elle révèle est loin de ce que chacun pense.
Jennifer Lawrence, récemment vue dans Mother! de Darren Aronofsky (son premier flop depuis son avènement comme star internationale du box office), sera à l'affiche l'année prochaine du thriller d'espionnage Red Sparrow et du Marvel X-Men: Dark Phoenix. Malgré de nombreux projets lancés, elle n'a rien tourné depuis.
Luca Guadagnino a trois autres films en route: le remake du film d'horreur de Dario Argenta Suspiria, avec Chloë Grace Moretz, Dakota Johnson et Tilda Swinton, prévu pour une sortie en 2018 et le thriller Rio avec Benedict Cumberbatch, Jake Gyllenhaal et Michelle Williams qui doit se tourner l'an prochain. Il est aussi attaché au projet Le Lac des Cygnes avec Felicity Jones.