The Wrestler met le Lido KO
Dernier film américain à être présenté en compétition, The Wrestler de Darren Aronofsky fait la démonstration du savoir-faire outre-atlantique quand il s’agit de raconter des histoires intéressantes, rythmées et humaines. On se rend compte à sa vision, et au plaisir qu’on y prend, du déficit de narration dont a souffert cette compétition. Il est vrai que même les compatriotes d’Aronofsky ont déçu avec des histoires inabouties ou des variations un peu vaines autour de sujets forts mais mal exploités. Vegas d’Amir Naderi suit le délitement d’une famille à travers la destruction systématique de son jardin : une fois l’histoire engagée, on se lasse de voir sur chaque plan le personnage principal en train de creuser. Rachel getting married de Jonathan Demme aborde le thème de la culpabilité en réunissant une famille meurtrie le temps d’une fête familiale : il y a tellement de scènes de danse ou de banquet nuptial que le cœur de l’intrigue est complètement noyé. Enfin, The hurt locker de Kathryn Bigelow nous emmène sur les pas d’un démineur en Irak, juxtaposant simplement cinq ou six opérations d’intervention censées donner un aperçu de la réalité du terrain… mais surtout sans prendre parti ni donner de point de vue clair (hormis le peu compromettant "la guerre est une drogue").
Du coup, The Wrestler n’est certes pas le meilleur film d’Aronofsky, ni ce qui se fait de plus novateur ou profond, mais force est de constater qu’il est presque réussi de bout en bout : interprétation sensible (Mickey Rourke impeccable, étonnamment touchant), rebondissements structurés, petites touches d’humour, combats spectaculaires sans être trashs, gestion pudique de l’émotion, etc. Malgré le classicisme absolu du sujet (au cheminement relativement prévisible) et de la réalisation (qui souffre d’une petite baisse de rythme dans la dernière partie), on se laisse emporter par ce portrait d’une ancienne gloire du catch sur le retour en forme de mélo flamboyant. Parce que le réalisateur ne force jamais ni le trait ni l’émotion, et surtout ne témoigne d’aucune ambition auteuriste disproportionnée, le film s’avère même pratiquement ce que l’on a vu de plus convaincant depuis le début du festival. Sur le Lido, la question qui brûle désormais toutes les lèvres est de savoir si le jury choisira de récompenser globalement le film ou uniquement la prestation de Mickey Rourke. A moins qu’il ne s’agisse d’un doublé...
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