Vinyan : les âmes errantes envahissent Venise

Posté par MpM, le 1 septembre 2008

VinyanCeux qui avaient vu, et apprécié, Calvaire lors de sa présentation à Cannes en 2004 attendaient avec impatience le nouvel opus de Fabrice du Welz. Vinyan, présenté à Venise hors compétition, sans doute à cause de son affiliation au cinéma de genre. Malgré la présence de Emmanuelle Béart , ça ne doit pas être assez chic pour concourir pour le Lion d’Or. L’histoire, celle d’un couple partant à la recherche de son fils disparu lors du Tsunami, a même déjà créé une mini-polémique par "l’exploitation" qu’elle fait du drame survenu en Asie du Sud-Est en 2004. A la vision du film, point de scandale (le cinéaste ne fait que partir de l’événement réel pour raconter autre chose) et finalement pas vraiment de raison d’être choqué. La séquence finale, qui fait couler un peu d’encre, s’avère même l’une des plus belles du film. Plus important, elle apporte un véritable sens à la fuite en avant désespérée des personnages. On sent, au cours de ces dernières minutes, le fossé qui sépare occidentaux et orientaux lorsqu’il s’agit d’appréhender la mort. Le concept d’âmes errantes ("Vinyan") s’applique alors à ceux qu’une mort trop violente a interdit de trouver la paix, mais aussi aux survivants, à qui la douleur interdit pareillement de retourner du côté des vivants.

Hélas, pour apprécier le message de Vinyan, il faut aussi en supporter les longueurs, le rythme inégal et les effets de style maniérés. La bande-son, tapageuse, nous vrille les tympans à chaque fois qu’il faudrait au contraire être à l’écoute de sons plus subtils. Même chose pour la mise en scène qui privilégie systématiquement le caméra à l’épaule et la tentation du cinéma vérité. Il en fallait bien sûr, mais l’abus de mouvements, de cuts, d’ellipses, d’éclats immédiatement contenus empêche l’intrigue de se construire et de mûrir. Fabrice du Welz impose certes un récit et un style très personnels, intelligemment attentif à éviter la plupart du temps le sensationnalisme gratuit, mais morcèle tant son propos que cela en devient ennuyeux, en parfaite opposition avec le climat de tension et de suspense qui préside pourtant au film. Dommage, car une ligne narrative plus soutenue lui aurait probablement permis d’être passionnant au-delà de la dernière demi-heure.

Eté indien à l’auditorium Guimet

Posté par MpM, le 1 septembre 2008

Devdas - Aishwarya RaiPour la 5e année consécutive, le Musée des arts asiatiques de Paris propose une rentrée à l’heure indienne, avec un cycle de films entièrement consacré à la cinématographie du plus gros producteur de longs métrages du monde. Tandis que Bollywood a désormais son magazine en France (Bollywood Stars, 3,9 euros) et que les financiers indiens investissent dans Hollywood (DreamWorks, notamment), on connaît mal le patrimoine de ce cinéma si particulier.

Du 8 septembre au 5 novembre prochains, les stars du cinéma hindi envahissent ainsi l’auditorium Guimet avec une sélection de 23 films (dont 9 inédits) articulés autour de trois grandes périodes.

Les années 50-60 : considérées comme l’âge d’or du cinéma indien, elles virent la production d’œuvres lyriques et poétiques devenues part intégrante du patrimoine national. C’est l’époque de l’acteur et réalisateur Guru Dutt, spécialiste du romantisme mélodramatique à qui l’on doit L’assoiffé (1957) et Fleurs de papier (1959), mais aussi des actrices Madhubala (Mr and Mrs 55) et Waheeda Rehman (Guide de Vijay Anand).

Les années 70-80 : elles marquent l’apogée du cinéma commercial hindi aux extravagances les plus débridées. Le plus célèbre de tous les acteurs indiens, Amitabh Bachchan, remporte son premier succès avec le "western curry" Sholay de Ramesh Sippy, record absolu de fréquentation. Les films se laissent aller à la violence mais également à une certaine liberté de mœurs, comme lors de l’apparition de Dimple Kapadia en bikini rouge dans Bobby de Raj Kapoor.

Les années 1990-2000 : celles de la modernisation, qui voient les chorégraphies devenir plus sophistiquées et les stars faire l’objet de véritables cultes. L’occident lorgne du côté de Bollywood : Devdas de Sanjay Leela Bhansali est présenté à Cannes en 2002 et l’année suivante, Aishwarya Rai est la première actrice indienne à être membre du jury. L’ex-Miss monde, mais aussi ses collègues comme Nandita Das (Fire de Deepa Mehta) et surtout Shah Rukh Khan (Veer-Zaara de Yash Chopra) deviennent aussi incontournables chez nous que chez eux.

En guise d'introduction générale à une programmation aussi foisonnante, Martine Armand (qui a choisi les films du cycle) donnera une conférence publique et gratuite le 10 septembre sur le thème des "Stars du cinéma populaire hindi". Des spectacles de danse et de musique complèteront enfin cette programmation sur tout la période, avec notamment de la danse bharatanatyam (Inde du Sud) et du chant khayâl (Inde du Nord). C'est donc parti pour deux mois d'été supplémentaires... en attendant la "deuxième saison japonaise", Akitsu Shima ("L'île aux libellules"), et son invitation au voyage à travers le Japon spirituel (novembre 2008 - janvier 2009).

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Du 8 septembre au 5 novembre 2008
Séances à 12h15 les lundis, mercredis ou vendredis selon les semaines
Programme complet et informations sur le site de l’Auditorium Guimet

Miyazaki fait retomber Venise en enfance

Posté par MpM, le 1 septembre 2008

Ponyo sur la falaise

La présentation de Ponyo sur la falaise ,le dernier opus de Hayao Miyazaki, s'annonçait comme l'un des grands moments de ce festival et, vu le tonnerre d'applaudissements lors de la présentation aux professionnels, il a sans aucun doute tenu ses promesses. Il s'agit donc de l'histoire de Ponyo, un poisson-clown vivant au fond de la mer, qui donne au célèbre réalisateur des studios Ghibli l'occasion d'explorer le mystérieux monde sous-marin au cours de séquences tour à tour poétiques (un ballet de méduses), spectaculaires (un tsunami de poissons bleus géants) et bien sûr écologiques (les détritus immombrables ramassés dans le filet du pêcheur).

Mais comme toujours chez Miyazaki, cet univers apparemment magique se doit d'être confronté à un autre monde qui lui soit étranger, voire opposé. Ponyo fait ainsi la connaissance de Sosuke, un jeune garçon vivant sur la terre ferme, et, à son contact, décide de devenir une petite fille. On est alors en terrain connu car la transformation est un thème récurrent de la filmographie du cinéaste, de même que celui de la réconciliation entre l'homme et la nature. Une fois encore, il s'évertue à prôner l'espoir d'une entente et d'une cohabitation véritables entre les deux espèces. Car en acceptant Ponyo telle qu'elle est, et en l'aimant quelle que soit sa forme, Sosuke signifie l'égale importance de l'Humanité et de la Nature.

Le message est charmant, de même que l'animation est délicate et subtile, mais la na?veté de l'intrigue, ajoutée aux tons très pastels des dessins, a de quoi secrètement décevoir le spectateur adulte, qui ne se sent pas vraiment la cible du film. On avait rarement vu autant de bons sentiments chez Miyazaki, et surtout aussi peu de contrepoids cyniques ou décalés. Le seul personnage vaguement méchant n'a aucune envergure, et les autres ne sont guère plus développés. Pire, le fond de l'histoire est bâclé, la plupart des enjeux étant survolés, voire complétement négligés. Si le film fait au départ penser au Monde de Nemo, force est d'avouer que le poisson-clown de Pixar recelait plus de fantaisie et d'irrévérence que ce gentillet Ponyo aux vrais faux-airs de petite sirène à ne conseiller qu'aux très jeunes enfants.