Brad Pitt et Steven Spielberg défendent le mariage gay
A quelques semaines de l'élection du nouveau président américain, un tout autre débat passionne la Californie. Après la légalisation du mariage homosexuel en juin dernier, suite à une modification du code civil de cet état, les adversaires de l'union gay ont en effet obtenu la tenue d'un référendum ("la proposition 8") visant à inscrire dans la Constitution californienne la nécessité formelle d'être un couple hétérosexuel pour avoir le droit de se marier. A l'approche de la date du vote (le 4 novembre, en même temps que la présidentielle), partisans et opposants s'affrontent à coups de milliers de dollars. Brad Pitt et Steven Spielberg ont ainsi chacun offert 100 000 dollars pour financer une campagne de soutien en faveur du mariage homosexuel. "En inscrivant la discrimination dans la Constitution de notre Etat, la proposition 8 vise à éliminer le droit de chaque citoyen à se marier, quel que soit son orientation sexuelle. Une telle discrimination n'a PAS sa place dans la Constitution californienne, ni dans une autre", écrit notamment le couple Spielberg dans un communiqué cité par Variety. Un bras de fer qui prouve les difficultés toujours constantes lorsqu'il s'agit de reconnaître des droits égaux aux homosexuels, le moindre acquis risquant d'être remis en question jusqu'à l'obtention de sa suppression.
Vu de France néanmoins, une telle situation laisse rêveur : même si le procédé est fondamentalement critiquable (car passant au-dessus d'une décision légale de la Cour suprême), le référendum a au moins le mérite de poser le débat, qui est plus est en donnant directement la parole aux électeurs, et sans s'abriter derrière le trop facile argument des mentalités qui ne sont pas prêtes. Si la proposition 8 est repoussée, l'Etat de Californie rejoindra ainsi le club encore relativement fermé des pays acceptant le mariage entre deux personnes du même sexe, parmi lesquels le Massachusetts (USA), l'Afrique du Sud, le Canada, la Belgique, les Pays Bas et l'Espagne. La comédienne Carmen Maura, dans un entretien à Ecran Noir, rappelait le combat de la communauté gay avant que Zapatero ne légalise le mariage gay : "c'est une question d'avoir les mêmes droits que les hétéros et on connaît beaucoup de couples qui ont des problèmes pour aller à l'hôpital ou pour hériter... bref avoir une vie normale." Le Brésil a fait part récemment de son envie de légaliser le mariage homosexuel.
Chez nous, après le compromis du PACS qui, même s'il a représenté une avancée, n'a pas satisfait grand monde, aucun gouvernement n'a pris le risque de remettre la question sur le tapis législatif. Ce qui effraie, derrière cette question du mariage gay, c'est évidemment le spectre de l'homoparentalité, qu'un consensus général continue à considérer comme "problématique"... quand ce n'est pas comme franchement "contre-nature". Un combat d'arrière-garde d'autant plus hypocrite qu'il consiste à nier une situation existant déjà de fait, que ce soit par le jeu des familles recomposées ou de la procréation médicalement assistée dans le cas des couples lesbiens. Qu'on préfère, en France, pays champion de la laïcité, permettre à des hétérosexuels célibataires d'adopter plutôt qu'à des couples homosexuels fait partie des nombreuses contradictions liées au passé judéo-chrétien de notre pays... et à la frilosité de ses dirigeants. Ca ne risque probablement pas de s'arranger avec les tendances très "Vatican friendly" de la droite française.
D'autres, plus fallacieux encore, prétendent faire le bien de la communauté gay (malgré elle) en la protégeant d'une institution bourgeoise et conventionnelle principalement destinée à les faire rentrer dans le rang, voire à les "hétéroïser". Même si l'on doute un peu qu'à notre époque, refuser le mariage soit réellement un acte de bravoure ultime... D'ailleurs, pourquoi ne pas simplement laisser le choix à chaque couple d'opter pour ou contre une institution derrière laquelle chacun, finalement, met bien ce qu'il veut ?
Le cinéma, curieusement, s'est peu emparé du débat ces dernières années, préférant aborder la question du couple homosexuel en tant qu'histoire d'amour comme une autre (Brokeback mountain, L'homme de sa vie) ou de cellule familiale de fait (Dancing). Dernièrement, Comme les autres abordait par exemple la question de l'homoparentalité mais mariait son personnage principal, gay patenté... avec une femme. C'est une constante du cinéma "traditionnel", les personnages homosexuels finissent toujours par goûter à l'hétérosexualité à un moment ou à un autre (Garçon d'honneur, Gazon maudit...)
Aussi, le 4 novembre, à l'heure où la Californie se prononcera, ira-t-on pour notre part au Festival du film gay et lesbien de Paris, où l'on pourra probablement poursuivre cette réflexion avec des œuvres conçues pour élargir un peu le débat et défier les préjugés... On aimerait d'ailleurs y croiser des talents français prêts à soutenir cette cause, comme Spielberg et Pitt l'ont fait sans se préoccuper de leur image.
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