Deauville Asia 2011 : retour sur le palmarès

Posté par kristofy, le 14 mars 2011, dans Festivals, Films, Personnalités, célébrités, stars.

laureats deauville asiaLe 13ème Festival du Film Asiatique de Deauville s’est achevé dimanche soir avec la cérémonie de clôture et la proclamation du palmarès par les deux jurys. Et c’est à la surprise générale que le Grand Prix a été remis au Thaïlandais Eternity, le film le moins apprécié du public.

Eternity était en effet le film plus ardu de la compétition, voire le plus hermétique ou le plus soporifique. Il comporte de nombreux plans-séquences fixes avec de longues scènes d’un quotidien banal (un repas en famille, le couple qui discute mythologie en nous tournant le dos…) qui ont provoqué un tel ennui chez certains qu'ils n'ont pas hésité à quitter  la salle en cours de projection. Le film raconte l’histoire d’un homme décédé qui se souvient de la femme qu’il aimait, et on assiste à des moments de complicité entre eux à la rivière et l’intégration de la jeune femme dans la famille de son amoureux. Au début il semble que le réalisateur use et abuse de longues scènes où la caméra immobile nous montre de manière naturaliste (et sans aucune musique) des moments de vie ordinaires à priori sans intérêt. Plus tard, on saisira que ce dispositif de mise en scène contemplative trouble la notion du temps avec ces séquences en temps réel (et avec des temps morts), le passé et le présent prennent une autre valeur au regard de la vie avant et après la mort. Si on n’est pas loin de l’univers de Apichatpong Weerasethakul on est encore plus près de la narration de Lisandro Alonso. Eternity est un film où l’exigence d’une narration par moments de simplicité conduit à une rigueur sans artifice qui désarçonne. Un étonnement salué donc par le Grand Prix pour le réalisateur Sivaroj Kongsakul.

Le jury était présidé par Amos Gitaï, qui était entouré de Jacques Fieschi, Mia Hansen-Love, Reda Kateb, Pavel Lounguine, Noémie Lvovsky, Catherine Mouchet, Anne Parillaud et Marc Weutzmann. Départager les dix films de la compétition n’a pas été facile car les films les plus remarquables ont aussi été ceux qui ont le plus divisé les spectateurs. Les films les plus appréciés ont été ceux où il était facile de s’attacher aux personnages mais sans véritable ressenti de cinéma : Buddha Mountain de la réalisatrice Li Yu (déjà été remarquée ici pour Dam Street), Donor du Philippin Mark Meily ou encore Udaan de Vikramaditya Motwane (qui était passé à Cannes).

Et c’est donc dans cette veine- là que Sketches of Kaitan City de Kazyoshi Kumikari et The journals of Musan de Park Jung-Bum ont reçu chacun ex-aequo le Prix du Jury. En compétition également le film le plus provocant et le plus extrême du festival, Cold Fish de Sono Sion (passé par Venise) qui est absolument étourdissant, un peu trop pour le jury, mais qui figure heureusement au palmarès avec le Prix de la Critique internationale. Les films qui ont montré, eux, une recherche esthétique et cinématographique plus exigeante sont aussi ceux qui proposaient une histoire moins linéaire : Birth Right de Naoki Hashimoto, La ballade de l’impossible de Tran Anh Hung, et donc Eternity de Sivaroj Kongsakul. En choisissant ce dernier pour le Grand Prix, le jury a su faire preuve de courage et d’audace.

Côté compétition Action Asia, le président du jury Pierre Morel était accompagné de Yannick Dahan, Lola Doillon, Lika Minamoto, Yves Montmayeur et Jules Pelissier. La sélection qui ne compte que cinq films gagnerait en intérêt avec l’ajout d’un sixième, d’autant plus que Ong Bak 3 et Wind blast sont plutôt dispensables (dommage qu’il n’y ait pas eu à la place The man from nowhere de Lee Jeong-Beom par exemple) et que Mr and Mrs Incredible est au final plutôt une comédie.

Les deux autres films intéressants étaient Blades of blood du coréen Lee Joonik (déjà remarqué à Deauville pour Le Roi et le clown) et True legend de Yuen Woo-Ping. Blades of blood met en scène un duo formé d’un bâtard qui veut venger son père et un aveugle expert en combat pris dans le tumulte d’un complot politique. Cette relation disciple-maître dans un contexte historique repose sur l’humour et le spectaculaire.

True legend de Yuen Woo-Ping est aussi une histoire de vengeance de la part d’un fils adoptif dont le père a été assassiné, et dont la soif de puissance l’amène à détruire sa famille adoptive. On y voit aussi le personnage de Su Chan à l’origine de la figure du Drunken Master (autre film de Yuen Woo-Ping avec Jackie Chan). Autour du couple Vincent Zhao et Zhou Xun il y a des figurants de luxe comme Michelle Yeoh et Jay Chou, et mêmes des apparitions navrantes de Gordon Liu et David Carradine. Le récit en lui-même tient la route mais il est handicapé d’une dernière partie (des combats opposant Asiatiques et Occidentaux qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’histoire d’avant) plutôt pénible. Même si l'on espérait quand même mieux de sa part, on se réjouit de voir le retour à la réalisation de l’illustre Yuen Woo-Ping couronné d'un Grand Prix Action Asia.

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Palmarès 2011

Grand Prix : Eternity de Sivaroj Kongsakul (Thaïlande)

Prix du Jury ex-aequo : Sketches of Kaitan City de Kazyoshi Kumikari (Japon) & The journals of Musan de Park Jung-Bum (Corée du Sud)

Prix de la Critique internationale : Cold Fish de Sono Sion (Japon)

Grand Prix Action Asia : True legend de Yuen Woo-Ping (Chine)

Crédit photo des jurys : Christophe  Maulavé
Crédit photo des lauréats : Dominique Saint

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commentaires2 commentaires
  1. Posté par Bruno Carmelo, le 14 mars 2011 à 12:44

    Bonjour,

    qu’est-ce que vous voulez dire exactement par « un vrai ressenti de cinéma » ? S’agit-il d’une attention à la forme ? De l’originalité ?

  2. Posté par Happy, le 18 mars 2011 à 11:10

    Bonjour, Kristofy,

    voici ma réaction à un festival, qui pourrait être le plus prodigieux de France, vu les moyens investis, mais qui – malheureusement – répond seulement à une démarche purement mercantiliste au détriment de la qualité…et surtout d’un public:

    http://www.eastasia.fr/fr/e/2011-03-18-deauville-2011-le-billet-d-humeur-de-bastian-meiresonne-un-cru-tout-cru.html

    Je suis totalement indépendant du site sur lequel mon billet a été publié, donc ce n’est absolument pas une démarche « publicitaire » pour aiguiller vers un autre site, même si j’ai toujours considéré l’Internet comme un lieu d’échange et de partage et les sites, même traitant d’un même sujet, comme « complémentaires…même si l’esprit de compétition prend malheureusement souvent le dessus.

    Et ce n’est également pas du tout pour contrarier le présent compte-rendu, passionnant en soi, car un autre point de vue…et une autre démarche de justement en rendre compte.

    Je vais diffuser mon message sur d’autres sites, pour tenter de toucher le plus grand nombre et de tenter de lancer un débat, que moi, personnellement, je perçois comme utile et nécessaire, à une période, où les coupes budgétaires réduisent certains événementiels à peau de chagrin, voire obligent simplement leur annulation et où des « grands groupes » en profitent pour créer une situation de « monopole »…bref, tout ce qui se passe dans d’autres secteurs…ECONOMIQUES, alors que je considère la culture avant tout comme un partage de connaissances, de passion et de découverte.

    Merci pour ce site et merci de l’espace d’exposition pour exprimer librement toutes les idées.

    Bastian

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