Point tristement final pour Ray Bradbury (1920-2012)

Posté par geoffroy, le 8 juin 2012

Cet auteur prolifique né dans l’Illinois le 22 août 1920 (plus de 300 nouvelles, une cinquantaine de romans, des poèmes, des contes, du théâtre), véritable pape du roman fantastique, se fait connaître au début des années 50 par la publication de classiques tels que les Chroniques Martiennes (1950), l’Homme illustré (1951) et Fahrenheit 451 (1953), adapté à l’écran par François Truffaut en 1966.

Son succès est immédiat et pose les bases d’une littérature fantastique au style concis, beaucoup plus onirique que scientiste. Ce qu’il confirma dans une interview donnée en 1999. "Avant tout, je n'écris pas de science-fiction. J'ai écrit seulement un livre de science-fiction et c'est Fahrenheit 451, basé sur la réalité. La science-fiction est une description de la réalité. Le fantastique est une description de l'irréel. Donc les Chroniques martiennes ne sont pas de la science-fiction, c'est du fantastique".

Sans surprise, le style et les histoires développées par Ray Bradbury intéressent la télévision. Si ses nouvelles sont adaptées dans deux séries devenues cultes – "Alfred Hitchcock présente" (1955-1965) et la Quatrième Dimension (1959-1964) –, c’est le cinéma qui l’attire. Ainsi, il se retrouve aux commandes du scénario du Météore de la nuit (1953) réalisé par Jack Arnold. La même année, il est engagé par John Huston pour adapter le Moby Dick d’Herman Melville. Le film sort en 1956 avec, dans les rôles principaux, Gregory Peck et Orson Welles.

Son incursion dans le cinéma ne survivra pas à l’échec du film, contrairement à son œuvre, inspiration constante d’un certain cinéma hanté par sa vision à la fois pessimiste et poétique de l’humanité.

Illustration reproduite avec l'aimable courtoisie de son auteur, Bryant Arnold

Cannes 2012 : Thierry Frémaux revient sur les deux polémiques de cette 65e édition

Posté par MpM, le 7 juin 2012

Il y a d'abord eu la polémique sur l'absence de femmes en compétition officielle (actus du 12 mai et du 6 juin). Puis celle sur le palmarès : quatre des six films primés par le jury de Nanni Moretti sont distribués par Le Pacte, son propre distributeur (actu du 3 juin). Alors, après avoir réagi sur son compte twitter, Thierry Frémaux a accepté de répondre aux questions de notre confrère du Monde, Aureliano Tonet, pour tenter de mettre définitivement un terme aux procès d'intention et suspicions.

Concernant la place des femmes à Cannes et dans le monde du cinéma en général, Thierry Frémaux réaffirme son attachement à la parité et reconnait que la question est parfaitement légitime. "Mais accuser le Festival ne mène à rien", assure-t-il. "La preuve : Cannes terminé, le problème est-il résolu ? Nous n'instaurerons rien qui empêchera la seule chose qu'on attend de nous : produire la meilleure sélection possible et dire le cinéma qui vient." Avant de citer Yourcenar ("On ne crée pas avec son sexe") et de rappeler que "la discrimination positive, les quotas, c'est en amont de Cannes qu'il faut le tenter". Il plaisante également sur le reproche qui lui est fait de ne choisir que des femmes pour l'affiche du Festival : "C'est le paradoxe de cette affaire : (...) il va nous falloir mettre un homme-objet !" (Juliette Binoche et Faye Dunaway - implicitement renvoyées au statut de "femmes-objet", donc ? - apprécieront).

Pour ce qui est du palmarès, on sent poindre un certain agacement. Peut-être parce que les accusations de corruption reviennent année après année... "Tout questionnement est naturel mais pas la controverse idiote", assène-t-il avant de rappeler que les neuf jurés ont une voix chacun, président compris, et que le scrutin se fait à deux tours, suivant des règles précises. "Aucune manipulation possible", assure le délégué général, ironisant : "Quatre jurés se laisseraient corrompre sous nos yeux par le président pour former une majorité destinée à offrir secrètement cinq prix à un distributeur français ? Cinq prix mais pas la Palme d'or ? Avec les fortes personnalités qui composaient le jury de cette année ? Et alors qu'aucun prix n'a été décerné à l'unanimité ? Je vous laisse conclure."

En l'occurrence, on se contentera de réaffirmer ce que l'on a déjà écrit ici : le palmarès n'est pas parole d'évangile. Au final, rien n'empêche le public (bien au contraire) d'aller voir ailleurs, et de se tourner notamment vers les films préférés par les critiques ou les festivaliers, histoire de se faire sa propre opinion sur la sélection, le palmarès, et même la controverse.

Le cinéma d’animation en progression sur l’année 2011

Posté par MpM, le 7 juin 2012

Alors que le Festival du film d'animation d'Annecy bat son plein, le CNC a publié pour la 4e année consécutive une étude sur le marché de l'animation. On y apprend que les entrées des films d'animation ont connu une forte progression en 2011 (+7 %) avec 32 millions d’entrées, soit le plus haut niveau depuis plus de dix ans. Les neufs films français (sur les 34 longs métrages ayant fait l'objet d'une exploitation en salles sur cette période) réalisent à eux-seuls 4,58 millions d'entrées, soit près de 15% de part de marché.

Côté recettes en salles, la progression est de 6,8 % avec plus de 211 millions d'euros tandis que dans un marché de la vidéo physique en recul, les ventes de longs métrages d’animation augmentent de 12,8 % pour atteindre 133 M€, soit 17,4 % du chiffre d’affaires du cinéma en vidéo.

Enfin, le public du cinéma d'animation semble se diversifier, puisqu'il est composé à part quasiment égale d’enfants et d’adultes, avec une percée des jeunes hommes entre 15 et 24 ans pour les films en 3D.

Arrête de pleurer Pénélope : du rire théâtral à la déception cinématographique

Posté par cynthia, le 6 juin 2012

L'histoire : Chloé, Léonie et Pénélope, trois amies d’enfance qui se sont perdues de vue depuis de nombreuses années, sont convoquées chez le notaire. La tante de Chloé, chez qui elles avaient l’habitude de passer leurs vacances d’été, leur a légué à toutes les trois sa maison à la campagne.

Encouragées par Chloé, elles décident de partir un week-end pour vider la maison afin de la vendre. Une fois sur place, les souvenirs refont surface. Entre règlements de comptes, vieux secrets à moitié oubliés et fous rires, les filles s’apprêtent à passer un très très long weekend...

Notre avis : Un énorme succès au théâtre peu devenir une banale comédie parmi tant d'autres quand le septième art s'en mêle. Et ce n'est pas la célèbre pièce humoristique Arrête de pleurer Pénélope qui nous contredira.

Sur les planches, c'était un peu les soirées de Carrie Bradshaw et de ses copines dans Sex and the city. On y cassait les hommes, on y racontait des anecdotes croustillantes et drôles à souhait... Mais au cinéma, c'est un peu trois copines perdues en pleine cambrousses qui enchaînent les situations loufoques pour nous faire rire en vain. Les délires en boîte, le gag des toilettes à l'extérieur, sans oublier le scénario beaucoup trop prévisible : du vu et du revu.

Bien qu'il y ait un semblant de scène qui améliore légèrement le jugement, il ne peut qu'être négatif face au reste du film. La déception est donc énorme, ce qui est quand même dommage pour une pièce à succès pleine de personnages et de situations hauts en couleurs.

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Arrête de pleurer Pénélope de Corinne Puget et Juliette Arnaud
Avec : Juliette Arnaud, Corinne Puget, Christine Anglio...
Sortie le 6 juin 2012

Woody Allen embarque Cate Blanchett, Sally Hawkins, Alec Baldwin et Peter Sarsgaard à New York et San Francisco

Posté par MpM, le 6 juin 2012

Woody Allen pourrait faire une pause dans son tour des capitales européennes (Londres, Barcelone, Paris...). Alors que son prochain film, To Rome with love, est attendu le 4 juillet, on en sait en effet un peu plus sur le suivant dont le tournage débutera cet été aux Etats-Unis.

Ce nouveau projet se tournera entre New York et San Francisco, deux villes bien connues du cinéaste. On savait déjà que Cate Blanchett et Sally Hawkins figureraient au casting, qui vient de s'enrichir d'Alec Baldwin (déjà présent dans To Rome with Love), Peter Sarsgaard (Une éducation, Green Lantern), Michael Emerson (Lost), Louis C.K. (un humoriste réputé aux Etats-Unis) et Andrew Dice Clay (Divine mais dangereuse).

En toute logique, le film devrait arriver sur nos écrans en 2013, avec peut-être un petit passage par Cannes ou Venise.

Cannes 2012 : un Festival trop masculin? Ou quand l’absence de femmes fait des vagues…

Posté par MpM, le 6 juin 2012

Cela aura définitivement été la grande polémique du 65e Festival de Cannes. A l'annonce de la sélection officielle, l'absence de femmes en compétition avait soulevé l'indignation de plusieurs artistes (voir actu du 12 mai), obligeant Thierry Frémaux à réagir. Le délégué général avait ainsi rappelé que Cannes ne sélectionnerait  "jamais un film qui ne le mérite pas, simplement parce qu'il est réalisé par une femme. Dans le cinéma, nul doute que la place faite aux femmes doit être augmentée. Mais ce n'est pas à Cannes, ni au mois de mai, qu'il faut poser le problème, c'est toute l'année."

Difficile de lui donner tort, surtout quand on sait que les réalisatrices restent encore très largement minoritaires dans le milieu du cinéma. Minoritaires, mais pas inexistantes, comme le prouve (modestement) la présence de trois réalisatrices en sélection Un certain regard ainsi qu'en séances spéciales. Incontestablement, le plus grand festival du monde peut faire mieux. De là à réfléchir en termes de quota, il y a toutefois un pas à ne pas franchir. Imagine-t-on un festival qui bâtirait sa sélection sur des distinctions de sexe, mais aussi de couleur, de race, de préférences sexuelles ou encore de handicap ?

Le conseil d'administration du Festival a d'ailleurs prix les devants en apportant son entier soutien à Thierry Frémaux, et en rappelant que "pour tenir son rang et fidèle à des convictions ancrées dans le droit universel, [le Festival de Cannes] continuera à programmer les meilleurs films "sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation"".

Plusieurs artistes présentes lors du Festival ont ensuite pris parti dans ce sens. "C'est stupide", a ainsi déclaré Jessica Chastain (Des hommes sans loi de John Hillcoat) au sujet de l'objet même de la polémique. "Je pense qu'un film doit être jugé sur ce qu'il est et non pas sur le sexe de la personne qui l'a réalisé". "In fine, ce qui compte est de savoir quel est le meilleur film", a renchéri Mia Wasikowska. La cinéaste Andrea Arnold, plusieurs fois sélectionnée en compétition, s'est quant à elle montrée encore plus catégorique : "Je n'aimerais pas que l'un de mes films soit sélectionné ici tout simplement parce que je suis une femme, comme un peu pour me faire l'aumône." On ne saurait mieux dire.

C'est toutefois Gilles Jacob lui-même qui a relancé le débat en fin de festival en déclarant au quotidien britannique The Observer : "Je suis sûr que l'an prochain le responsable de la sélection Thierry Frémaux cherchera avec davantage de soin des films de femmes. La responsabilité des féministes et de gens comme moi qui aimons le travail des réalisatrices, c'est de lui dire : "Etes-vous sûr qu'il n'y a pas quelque part un film réalisé par une femme qui mérite d'aller en compétition?""

Bien sûr, seuls les sélectionneurs du festival, qui visionnent chaque année des centaines et des centaines de films pour trouver les vingt-deux "dignes" de figurer en compétition, peuvent répondre à cette question. Mais il faut bien garder à l'esprit que ce genre de choix reste toujours très subjectif... et donc potentiellement contestable.

Pourtant, avant de se lancer dans une politique de "bienveillance éclairée" à l'égard des œuvres réalisées par des femmes, il ne faudrait pas perdre de vue le danger de stigmatisation que représenterait une telle démarche érigée en principe. Si d'aventure, en 2013, la compétition réunissait autant de réalisateurs que de réalisatrices, qui croirait désormais que les femmes sélectionnées ne le doivent qu'à leur seul talent ? On entend déjà les commentaires acerbes et les remarques moqueuses, et ce quelle que soit la qualité des œuvres en question. Quel cadeau empoisonné pour ces artistes qui, parfois, ont déjà bien des difficultés à exercer leur métier dans les meilleures conditions !

Aussi, plutôt que de se focaliser sur les "films de femmes" (quelle horrible expression ! parle-t-on de "films d'hommes" ?), permettons déjà aux jeunes réalisatrices d'être prises au sérieux, de se voir proposer les moyens d'accéder à leur rêve de cinéma, de travailler dans les meilleures conditions et de s'imposer sur la scène internationale par la qualité de leurs œuvres, au même titre que leurs collègues masculins. Lorsque la question ne se posera plus en termes de sexe, et qu'un film sur deux sera réalisé par une femme, Thierry Frémaux n'aura plus de difficultés à bâtir une sélection qui respecte la parité... et plus aucune excuse pour ne pas le faire.

Le dernier docu provocateur de Morgan Spurlock décliné en série web sur Yahoo!

Posté par vincy, le 5 juin 2012

Le réalisateur de Super Size Me (2004), Morgan Spurlock, est boulimique depuis quelques temps. Il a réalisé pas moins de six documentaires ces deux dernières années pour la télévision et le cinéma. Freakonomics, le film est sorti en France au début de l'année. Comic-Con Episode IV: A Fan's Hope a été présenté au Festival de Toronto l'an dernier et pourrait être distribué en Amérique du nord cet été, à l'occasion du Comic Con de San Diego. En attendant, Spurlock a présenté Mansome au dernier festival de Tribeca. Le film vient de sortir sur les écrans américains. Sorti dans 20 salles, il n'en disposait déjà plus que de 5 la semaine suivante. Un flop. Super Size Me avait récolté 11 millions de $. Mansome fera à peine plus de 50 000$ de recettes.

Pourtant Yahoo a décidé d'en faire une série quotidienne en ligne, à raison de cinq épisodes par semaine, dès juillet. Le format sera diffusé sur Yahoo Screen, la plateforme vidéo du portail web, mais accessible également à partir de toutes les sections ciblant les hommes, comme le sport et la finance.

Spurlock avait déjà réalisé une série pour Yahoo, plus tôt dans l'année, The Failure Club, destinée aux femmes.
Mansome est un documentaire sarcastique et subversif qui s'intéresse à l'identité masculine de nos jours à l'époque des métrosexuels, produits cosmétiques, manucure et autres tendances à l'épilation, accessoirisation à outrance, soin du système pileux sur le visage (barbe, moustache, bouc...) ou encore sous-vêtements aussi stylés que coûteux qu'une lingerie féminine...

Coproduit et interprété par l'acteur Jason Bateman (In the Air, Comment tuer son boss?), on y croise aussi Zach Galifianakis, Judd Apatow, Paul Rudd et John Waters.
Pour l'instant, le documentaire n'est pas programmé en France.

L’instant Court : Les interdits, avec Charlotte Barrière et Mikhail Ahooja

Posté par kristofy, le 4 juin 2012

Comme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après la bande-annonce du film Gunnin’ for that #1 spot produit et réalisé par Adam Yauch récemment décédé, voici l’instant Court n° 79.

Le Festival de Cannes vient de récompenser d’une palme d’or le court-métrage Sessis-Be Deng (Silencieux) réalisé par le Turc L. Rezan Yesilbas. Si, sur la croisette, l’espace Short Film Corner était l’espace de rencontre avec le plus grand nombre de courts-métrages, ceux-ci avaient aussi leur place dans les autres sélections. A la Quinzaine des Réalisateurs, il y a avait par exemple Wrong cops de Quentin Dupieux, et à la Semaine de la Critique, il y a eu Ce n’est pas un film de cow-boys de Benjamin Parent (d’ailleurs remarqué par le jury de la Queer Palm) et même une séance spéciale avec Howard Cantour.com de Shia LaBoeuf.

Voici donc le court-métrage Les interdits, avec Charlotte Barrière et Mikhail Ahooja dans les rôles principaux. Celui-ci figurait cette année au Short Film Corner du Festival de Cannes, il avait par ailleurs déjà été remarqué au Fort Lauderdale International Film Festival et au Festival de Films du Monde de Montréal. Alors que souvent une histoire de science-fiction perd de sa crédibilité faute de moyens appropriés pour le décor, ici on découvre de manière habile une société où des personnes privilégiés sont protégées dans un intérieur à condition de suivre des règles strictes comme éviter les gens de l’extérieur…

Crédit photo : image modifiée, d’après un extrait du film Les Interdits

Pascal Morelli passe de la Sibérie à la Chine

Posté par cynthia, le 4 juin 2012

Après l'adaptation de l'album de Corto Maltese en Sibérie - Corto Maltese - La cour secrète des arcanes -, le réalisateur et scénariste français de 52 ans, Pascal Morelli, revient avec une nouvelle adaptation, en collaboration avec Jean Pêcheux. Cette fois, il s'agira d'un roman d'aventures chinois, tiré de la tradition orale du pays, intitulé Au bord de l'eau. Écrit par différents auteurs il est généralement attribué à Shi Nai'an (il est disponible en deux volumes aux éditions poche Folio). Il s'agit de l'histoire d'un prince âgé de dix ans, vivant au XIIème siècle, qui, accompagné d'un moine âgé, d'une jeune mendiante à la gourmandise démesurée et d'une douzaine de hors-la-loi effrayants, tente de vaincre les armées impériales du terrible Régent Gao-le Bel. Ils ne savaient pas que cette cause était vaine... alors ils l'a tente!C e roman populaire chinois est un ensemble d'aventures violentes et subtiles, mêlant ruse et ribauderie, farce et stratégie, panache et poésie.

Le film s'appellera Le prince et les 108 démons. Il sera produit par la production française Same Player, la Fundemantal pour la Chine, la Scope Pictures pour la Belgique et la production luxembourgeoise Bidibul Production. Ce film d'animation en 3D sera tournée en Chine à partir du mois de novembre. Les scènes d'action seront tournées en live dans un premier temps puis retraiter en animation.

D'un budget de 9,2 millions d'euros et distribué par MK2, Le prince et les 108 démons sera dans les salles à l'été 2014.

Cannes 2012 : Une absurde accusation de corruption contre le jury de Nanni Moretti

Posté par vincy, le 3 juin 2012

Il y avait un précédent à l'affaire qui suivit la remise des prix cannois dimanche soir. Souvenez-vous en 2004, Quentin Tarantino remettait la Palme d'or à Fahrenheit 9/11, le documentaire de Michael Moore. Or Tarantino et Moore ont le même producteur, Harvey Weinstein. Il n'en suffisait pas plus pour croire à une connivence, un cadeau, que renforça le Lion d'or que Tarantino, alors président du jury de Venise, décerna à son ex-copine Sofia Coppola en 2010.

Un complot? une corruption passive? De quoi était accusé le jury de Moretti? Que de grands mots! En effet, selon un article du Monde, si "la Palme d'or décernée à Michael Haneke pour Amour n'a guère souffert de contestation", sur internet,  "les critiques se sont concentrées sur le reste des prix attribués. Quatre des six films récompensés par le jury présidé par Nanni Moretti sont en effet coproduits et/ou distribués par une même société, Le Pacte." Le quotidien établissait ainsi un lien insidieux entre la société de production et de distribution Le Pacte et Nanni Moretti, dont le dernier film Habemus Papam a également été produit (et distribué en France) par Le Pacte.

Certes, on pouvait s'étonner de la concentration par un distributeur des films primés ; d'autant que le film de Mungiu a récolté deux prix, le très contesté (pour ne pas dire rejeté) Reygadas a eu les honneurs de la mise en scène et l'italien Matteo Garonne, moyennement apprécié par les festivaliers, a hérité du Grand Prix. Mais Le Pacte, créé par Jean Labadie en 2007, monte en puissance années après années. Rien d'étonnant donc à le voir avec autant de films en compétition. En 2011, le distributeur avait 7 films sur la Croisette (dont le Moretti, Drive, Les bien-aimés, ...). Cette année, idem : 7 films (dont cinq en compétition et le film d'ouverture de la Semaine de la critique).

Thierry Frémaux, délégué artistique du Festival, a remis les pendules à l'heure, sur Twitter, en jouant la transparence. Déjà il est revenu en arrière en mentionnant le soupçon qui pesait sur le jury de Tarantino : « Sans enquête et en se faisant l'écho "des réseaux sociaux", Le Monde affirme l'existence d'un supposé conflit d'intérêt Moretti/Palmarès. C'est oublier que Moretti n'a qu'une voix sur 9, c'est mal le connaître que le croire corrompu, comme le serait tout le jury. Aggravant son cas, Aureliano Tonet dénonce Tarantino accordant en 2004 la Palme à Michael Moore produit comme lui par Harvey Weinstein. En 2004, Michael Moore l'avait emporté 5 voix à 4 contre Park Chon-wok (Old Boy). Il y a prescription: TARANTINO N'AVAIT PAS VOTE MOORE! »

Voilà, désormais, on le sait, Park Chan-wok a frôlé la Palme, et ce n'est pas la faute de Tarantino. Frémaux a raison de rappeler qu'un jury est une somme d'individualités. Même si Gilles Jacob a rappelé dans ses livres que certains Présidents avaient une autorité parfois trop pressante, que certains choix ont divisé et même déchiré des jurys, il reste qu'il faut choisir 7 ou 8 films sur 22. Le reproche que l'on peut faire à Moretti et son jury, outre l'absence du Carax, c'est d'avoir gâché un prix en en remettant deux à un même film ou encore de ne pas avoir utilisé le cadeau bonus du prix du 65e anniversaire. Mais reconnaissons que le Mungiu, le Garrone et le Loach avaient toute légitimité d'être sur scène dimanche soir.

Il a fallu 8 ans pour connaître les détails des délibérations du jury de Tarantino. Le temps est souvent long à Cannes. Il y a une sorte de durée de prescription respectée par la direction du Festival. Peut-être qu'en 2020, on saura pourquoi et à cause de qui Reygadas l'a emporté sur Carax.

Thierry Frémaux rappelle le bon sens de ce jeu injuste qu'est une délibération de jury : « Que le jury fasse bien ou mal, c'est une chose et on peut le juger. Le soumettre à cette culture du soupçon, c'en est une autre ». Il ajoute : « Vous savez quoi? A Cannes comme ailleurs, les jurés votent selon leurs… convictions. Décevant, non? Rassurant, plutôt, hein. »

Concentration et transparence

Rien n'empêche le public d'aller voir ailleurs, les films préférés par les critiques ou les festivaliers par exemple (même si trois des primés ont fait plutôt consensus). Le palmarès n'est pas parole d'évangile. Le Festival de Cannes cette année fut bon, mais son palmarès n'en est pas la meilleure illustration.

Quant au soupçon généralisé, il traduit deux choses : les films présentés dans les festivals sont de plus en plus liés à un petit nombre de sociétés qui misent encore sur une politique d'auteurs et de cinéma art et essai (c'est le cas du Pacte comme celui des frères Weinstein) ; et puis, il y a ce diktat contemporain de la transparence. Les rumeurs cannoises le dimanche font partie du jeu, mais celui-ci devient de plus en plus agressif. Comme si la frustration de ne pas en être - ce qui explique pourquoi on fait payer si cher un jury qui se serait égaré - accentuait la nervosité de chacun. Faut-il skyper ou webcamer les délibérations? Les diffuser le lendemain comme on filme le moindre pas d'une campagne électorale? En cela, pas sûr que les tweets ludiques et légers de Gilles Jacob, Président du Festival, photographiant les jurés dans leur conclave, révélant l'animation des débats avec des gestes saisis sur le vif, arrangent les choses : les médias en voudront toujours plus, encore plus, insatiables.

Ce serait regrettable d'aller plus loin. Le mystère et la surprise ont du bon. Cela sert un certain suspens. Et par conséquent, le plaisir (ou pas) de découvrir le palmarès, à égalité avec tous les téléspectateurs. Journalistes, nous avons quand même eu l'immense privilège de voir ces films avant tout le monde. C'est aussi notre rôle de ne pas se soucier des prix (les Oscars et les Césars ont rarement récompensés les meilleurs films de l'année) et de convaincre le public, parce que nous avons vu ces films dans des conditions exceptionnelles, de nous faire confiance en suivant nos recommandations.

Mise à jour 4 juin 2012