Berlin 2013 : la France envoie Huppert, Binoche, Deneuve… et des films sur l’enfermement

Posté par MpM, le 13 février 2013

binocheTrio gagnant pour le cinéma français : en l'espace d'une semaine, trois de ses plus grandes ambassadrices auront foulé le tapis rouge berlinois pour le plus grand bonheur de la presse internationale et du grand public. Réunir dans une même édition Isabelle Huppert (La religieuse de Guillaume Nicloux), Juliette Binoche (Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont) et Catherine Deneuve (On my way d'Emmanuelle Bercot), même le Festival de Cannes aurait de quoi être un peu jaloux. D'ailleurs, nos trois comédiennes éclipseraient presque les (rares) Américaines à avoir fait le déplacement.

Curieusement, le hasard de la sélection et du planning font que les deux films français présentés jusqu'à présent en compétition ont beaucoup en commun. D'abord, tous deux s'inscrivent presque malgré eux dans l'histoire du cinéma français. La religieuse de Guillaume Nicloux arrive en effet après celle, magistrale, de Jacques Rivette. Pauline Étienne marche donc dans les pas d'Anna Karina, inoubliable Suzanne Simonin, à laquelle on ne peut cesser de penser. La jeune actrice est convaincante, apportant à la jeune religieuse une vitalité et une modernité très spontanées. Elle n'efface pas Anna Karina et son masque de douleur muette, martyr opprimée dans sa chair comme dans les tréfonds de son âme, mais offre une relecture sensible du personnage.

Bruno Dumont, lui, situe son film après celui de Bruno Nuytten dont il est en quelque sorte la suite et la conclusion. Juliette Binoche reprend quasiment le rôle là où Isabelle Adjani l'avait laissé, interprétant une Camille Claudel mature et presque apaisée dont le visage est le théâtre de toutes les émotions humaines. Sa composition est aussi habitée que la précédente, mais dans un registre totalement différent, incomparable. Le scénario exige d'elle une immense retenue corporelle, voire une douceur qui se mâtine parfois d'angoisse ou de douleur. Son regard semble alors le dernier siège du feu intérieur qui la brûlait. Ce regard qu'elle porte sur le monde et sur ceux qui l'entourent, observatrice insatiable de la réalité et des merveilles qu'elle peut engendrer.

Toutefois, au-delà du clin d'œil cinématographique, La religieuse et Camille Claudel 1915 sont surtout deux histoires de femmes empêchées, deux destins contrariés, contraints à l'enfermement, et aspirant à la liberté. Dans les deux cas, la foi catholique sert de caution morale, si ce n'est de prétexte, au confinement dans lequel on les tient. Une foi bafouée par ceux-là mêmes qui prétendent la défendre : d'un côté la mère supérieure du couvent qui veut inculquer vocation et amour de Dieu par la force et la violence, de l'autre l'écrivain Paul Claudel tout infatué de sa foi profonde et mystique, mais incapable de faire preuve envers sa sœur de la plus élémentaire charité chrétienne.

La folie dont on accuse les deux femmes trouve systématiquement son reflet hideux et déformé dans le comportement de ceux qui les dénoncent. La cruauté vengeresse de la première mère supérieure, la passion échevelée de la deuxième, l'exaltation mystique de "l'illuminé" Paul Claudel sont autant de manifestations d'une instabilité mentale bien plus dangereuse et néfaste que celle d'une religieuse cloîtrée contre son gré ou d'une grande artiste que l'on enferme arbitrairement avec des malades mentaux. L'atteinte impardonnable que l'on fait à leur liberté, et donc à leur existence, le climat d'oppression dans lequel on les maintient, l'injustice criante qui les frappe les condamnent donc à mourir à petit feu, ne serait-ce que de désespoir.

Curieux, comme deux films aux ambitions esthétiques, stylistiques et même cinématographiques aussi dissemblables en arrivent au final à créer le même climat anxiogène et presque claustrophobe. Peut-être est-ce là la grande universalité du cinéma. Car bien que les époques et les circonstances soient différentes, bien que le rapprochement entre les deux histoires ne soit dû qu'au hasard, les destins de Suzanne Simonin et de Camille Claudel demeureront désormais intimement et inextricablement liés.

Vesoul 2013 : Jiseul d’O Muel et With you, without you de Prasanna Vithanage se partagent le Cyclo d’or

Posté par MpM, le 13 février 2013

vesoul 2013

Le jury du 19e Festival international des Cinémas d'Asie, composé de Garin Nugroho, Goutam Ghose, Sam Ho et Baran Kosari, n'a pas su trancher entre Jiseul d'O Muel (Corée du Sud) et With you, without you de Prasanna Vithanage (Sri Lanka) qui se partagent donc la récompense suprême, à savoir le Cyclo d'or.

Le premier revient sur le massacre organisé en 1948 sur l'île coréenne de Jeju (voir notre rencontre avec le réalisateur O Muel) tandis que le second, également récompensé par le jury NETPAC, est l'adaptation d'une nouvelle de Dostoïevski transposée dans la réalité contemporaine, "portrait à la fois intense et poétique d'une vie conjugale traumatisante", reflétant "les ravages des conflits ethniques et de la guerre civile" a précisé le grand jury.

Les autres prix ont globalement été bien répartis entre les différents films, récompensant au final la majorité des longs métrages de fiction présentés.

Le palmarès complet

Cyclo d'or
Jiseul de O Muel (Corée du Sud)
With you, without you de Prasanna Vithanage (Sri Lanka)

Prix NETPAC
With you, without you de Prasanna Vithanage (Sri Lanka)

Prix Emile Guimet
Bwakaw de Jun Robles Lana (Philippines)

Prix INALCO
Atambua 39°Celsius de Riri Riza (Indonésie)

Coup de cœur INALCO
Modest reception de Mani Haghighi (Iran)

Prix du public long métrage de fiction
All apologies d'Emily Tang (Chine)

Prix du Jury Lycéens
Bwakaw de Jun Robles Lana (Philippines)

Prix du public du film documentaire
Le lotus dans tous ses états de Philippe Rostan (Vietnam - France)

Prix Jury Jeunes
Le cercle de Rémi Briand (Inde - France).

Crédit photo : Michel Mollaret

Les sorties cinéma du 13 février 2013

Posté par redaction, le 13 février 2013

- La Poussière du temps (***) de Théo Angelopoulos (Grèce, 2H05) avec Willem Dafoe, Bruno Ganz, Michel Piccoli. Dernier film du cinéaste.

- Antiviral (***) de Brandon Cronenberg (Canada, 1H44, film interdit aux moins de 12 ans) avec Caleb Landry Jones, Sarah Gadon, Malcolm McDowell.

- Flight (**) de Robert Zemeckis (USA, 2H18) avec Denzel Washington, Don Cheadle, Kelly Reilly.

- Ici et là-bas (**) de Antonio Méndez Esparza (Espagne, 1H50) avec Teresa Ramírez Aguirre, Pedro De los Santos Juárez.

- Passion (**) de Brian De Palma (France/Allemagne, 1H41) avec Rachel McAdams, Noomi Rapace, Karoline Herfurth. Remake du film d'Alain Corneau, Crime d'amour.

- Les Misérables (*) de Tom Hooper (Grande-Bretagne, 2H30) avec Hugh Jackman, Russell Crowe, Anne Hathaway, Amanda Seyfried.

- Hôtel Transylvanie de Genndy Tartakovsky (USA, dessin animé) avec les voix françaises de Virginie Efira et Alex Goude.

Et aussi :

- Turf de Fabien Onteniente (France, 1H42) avec Alain Chabat, Edouard Baer, Philippe Duquesne - Quatre amis misent sur un cheval pour décrocher le jackpot. Un caïd des champs de courses vend aux trois amis le cheval "Torpille", un tocard.

- Scialla! de Francesco Bruni (Italie, 1H35) avec Fabrizio Bentivoglio, Barbora Bobulova, Filippo Scicchitano - De son talent passé d’écrivain, Il ne reste à Bruno que ce dont il a besoin pour écrire sur commande "les livres des autres", des biographies de footballeurs, de vedettes de la télé ou de pornostars. Sa passion pour l’enseignement a laissé place à un train-train de cours à domicile pour étudiants démotivés, parmi lesquels se démarque Luca, 15 ans.

- Des Morceaux de moi de Nolwenn Lemesle (France, 1H30) avec Zabou Breitman, Tchéky Karyo, Adèle Exarchopoulos - Un père lunaire et vieux avant l'âge, une mère malade et tyrannique, une soeur disparue et l'héroïne, Erell, qui filme tout, tout le temps.

- Goodbye Morocco de Nadir Moknèche (Maroc, 1H42) avec Lubna Azabal, Radivoje Bukvic, Faouzi Bensaïdi - Dounia, divorcée, un enfant, vit avec un architecte serbe à Tanger. Dounia se lance alors dans un trafic lucratif, espérant gagner très vite de quoi quitter le Maroc avec son fils et son amant.

- Naître père de Delphine Lanson (France, 1H20, documentaire) - Pacsés depuis 13 ans, Jérôme et François parlaient de leur désir d’enfant depuis le début de leur relation. Après un parcours du combattant qui les a menés de l’adoption à la coparentalité, ils avaient presque abandonné tout espoir de fonder une famille quand ils ont vu, il y a deux ans, un documentaire sur les mères porteuses.

- La Valise ou le cercueil de Charly Cassan, Marie Havenel (France, 1H35, documentaire) - La Guerre d'Algérie à travers de nombreuses interviews donnant la parole aux victimes et témoins de cette période, notamment des Français d'Algérie et des Harkis.

- D’une école à l’autre de Pascale Diez (France, 1H35, documentaire) - 45 enfants de quartiers différents ont mélangé leurs horizons et revu leurs préjugés au cours d'une année scolaire. Ensemble, ils ont créé un spectacle qui reflète la diversité de leurs origines, de leurs cultures et de leurs savoirs.

Wicked, prochain « musical » sur les grands écrans ?

Posté par vincy, le 13 février 2013

La version cinématographique du spectacle musical Les Misérables sort sur les écrans en France. Cela fait dix ans que le projet était en gestation... La tentation était grande : "Les Misérables" fait partie du club fermé des trois comédies musicales les plus prospères (et les plus longuement exploitées) à Broadway comme à West End. Mais le passage au grand écran était périlleux.

Des hits...

Si aujourd'hui les producteurs doivent pousser un soupir de soulagement (le film a encaissé 400 millions de $ de recettes dans le monde), les récentes adaptations ne furent pas toujours couronnées de succès. Au rayon des hits : Mamma Mia! (600 millions de $), Chicago (un Oscar du meilleur film et 300 millions de $), Hairspray (200 millions de $), Dreamgirls (155 millions de $), le culte The Rocky Horror Picture Show (112 millions de $ à son époque, en 1975) ou Annie (en 1982).

... et des flops

Au registre des fiascos, on compte Evita, Sweeney Todd, Le Fantôme de l'Opéra, Rock of Ages l'an dernier, Rent, Nine, The Producers, ... Enormes hits sur scène, gros flops dans les salles.

On comprend donc qu'Hollywood hésite à donner un successeur aux Misérables malgré les cartons de Broadway. L'inverse est moins vrai quand on remarque les cartons sur les planches du "Roi Lion", de "Sister Act", de "Mary Poppins" ou de "Spider-Man".

Ce sacré business (il faut ajouter les produits dérivés et les disques/téléchargements) inciterait n'importe quel studio à se jeter sur les comédies musicales en vogue comme "The Book of Mormon".

Universal mise sur les sorcières

Universal, qui a distribué Mamma Mia! et Les Misérables, pencherait actuellement sur "Wicked", variation du Magicien d'Oz. La pièce a été créée il y a dix ans à Broadway et cartonne depuis 7 ans à Londres. Elle s'est jouée plus de 3000 fois à New York, a été nommée 11 fois aux Tony Awards, et a récolté plus de 700 millions de $ de recettes (!) fin janvier 2013.

Universal a contacté Stephen Daldry pour réaliser le film et Winnie Holzman, l'auteure du livret, pour écrire le scénario. C'est le seul projet dans le genre officiellement en cours de développement à Hollywood. Sony songe malgré tout au remake d'"Annie" avec les producteurs Will Smith et Jay Z et GK Films a acquis les droits de "Jersey Boys". Mais le manque de notoriété de ces pièces à l'extérieur des USA et du Royaume Uni reste un handicap pour investir dans un film. Pour cette raison, les studios préfèrent regarder du côté de la télévision. Après High School Musical, c'est la version cinéma de Glee qui est convoitée.