Cannes 2013 : Où sont les femmes ? – My sweet pepper land
Hiner Saleem est un grand cinéaste féministe. On a pu le deviner avec ses films précédents, et notamment Si tu meurs, je te tue, où son héroïne interprétée par Golshifteh Farahani devait s'émanciper par elle-même, sans l'aide d'un homme, aussi aimant soit-il.
Dans My sweet pepper land, l'actrice incarne une jeune institutrice confrontée à la méfiance et à l'intolérance des habitants du village où elle est mutée. Elle ne demande rien d'autre que le droit d'exercer sa profession en toute quiétude, sans être systématiquement infantilisée et surveillée. Mais le seigneur local, bien décidé à la faire renoncer à son poste, lance la rumeur selon laquelle elle a une aventure avant le nouveau commandant.
Les deux calomniés gardent la tête haute et, au lieu de nier et chercher à prouver leur bonne foi, ils répondent immanquablement que cela ne regarde pas leur interlocuteur. Jusqu'au bout, ils garderont cette ligne qui redonne à l'héroïne un statut de sujet n'ayant à répondre de ses actes auprès de personne, pas plus les potentats locaux qu'à sa famille. "Je m'occupe de mon honneur, occupe-toi du tien" lance-t-elle à celui de ses frères qui veut la "punir" pour avoir porté atteinte à la réputation de la famille.
On sent dans ces quelques scènes toutes simples que pour Hiner Saleem, l'absolue liberté des êtres n'est pas négociable, quelles que soient les coutumes ou la tradition. Dans le Kurdistan fraîchement indépendant, tout reste à construire et réinventer, à commencer par une vraie égalité des sexes. Le cinéaste prouve avec My sweet pepper land que bien du chemin reste à accomplir, mais il montre en même temps les premières lueurs d'espoir, à travers le personnage de Goven, parfaitement émancipée, mais aussi des combattantes ayant pris le maquis ou encore de certains hommes (le commandant, l'un des frères de Goven) qui la traitent rigoureusement comme une égale. Dans une société encore profondément patriarcale, affirmer que l'on peut avoir du respect pour sa famille tout en vivant sa vie comme on l'entend est à la fois un acte courageux, militant et éminemment humaniste.
Tags liés à cet article : cannes, cannes 2013, festival de cannes, hiner saleem, My sweet pepper land, où sont les femmes.