Cannes 2013 : Lettre à Jafar Panahi – Jour 8

Posté par MpM, le 22 mai 2013

grigrisCher Jafar,

Je sais comme cela te tient à cœur que chacun puisse tourner librement les films qu'il souhaite et les montrer le plus largement possible. Sur le sujet, tu aurais sûrement beaucoup d'idées à échanger avec Mahamat-Saleh Haroun, présent en compétition à Cannes avec son film Grigris.

Le cinéaste tchadien se bat contre l'invisibilité du cinéma africain en Afrique comme dans le reste du monde. "Je pense que c'est important que l'Afrique soit présente à Cannes" a-t-il déclaré lors de la conférence de presse de Grigris. "Et il faut que l'on se batte pour faire des films importants, qui soient présents dans les grands rendez-vous cinématographiques. Le cinéma a besoin d'Afrique, et l'Afrique a besoin de ces rendez-vous importants comme Cannes. Il faut que notre présence soit vraiment banalisée."

Il a également lancé un appel aux réalisateurs africains eux-même, les invitant à prendre les choses en mains : "Il n'y a pas de circuits de distribution, il n'y a pas de visibilité dans notre propre continent. Donc il revient à chaque cinéaste africain digne de ce nom de donner une visibilité à l'Afrique, en étant dans un grand rendez-vous cinématographique (...) On ne peut pas en permanence invoquer l'absence de financements, parce qu'à un moment, il arrive aussi que peut-être les cinéastes peuvent avoir une part de responsabilité. Je me dis que le coup de tête, il faut aussi pouvoir le donner soi-même, avant de dire qu'il faut qu'en permanence quelqu'un puisse nous donner un coup de pouce".

Un discours courageux et volontaire, qui te parle, j'en suis sûre, toi qui arrives à faire des films même quand on te l'interdit, même en étant assigné à résidence. Car le cinéma c'est aussi cela, un droit que l'on s'arroge coûte que coûte, un besoin insidieux, une nécessité qui se situe au-delà des autorisations et des questions matérielles. Filmer pour exister et surtout filmer pour ne pas mourir.

Cannes 2013 : où sont les femmes ? – François Ozon et la prostitution féminine

Posté par MpM, le 22 mai 2013

jeune et jolieFrançois Ozon aurait mieux fait de se taire... Lors d'une interview accordée au magazine professionnel Hollywood reporter en début de semaine, le cinéaste avait déclaré : "Je pense que les femmes peuvent ressentir une connexion avec l'héroïne du film, car la prostitution est un fantasme commun à de nombreuses femmes. (...) Cela ne veut pas dire qu'elles le font, mais le fait d'être payé pour coucher est quelque chose qui est assez évident dans la sexualité féminine."

Propos qui ont à juste titre ému, notamment dans les réseaux sociaux, poussant le réalisateur à essayer maladroitement de se rattraper sur son compte Twitter : "Propos maladroits et mal compris. Évidemment je ne voulais pas parler des femmes en général, juste des personnages de mon film". Rétro-pédalage en règle...

Dans l'imaginaire collectif (et pas uniquement masculin), la prostituée est une figure archi-classique du cinéma. En une semaine de festival, on en a déjà croisé chez Jia Zhang-ke, Amit Kumar, James Franco, Paolo Sorrentino, Guillaume Canet, Mahamat-Saleh Haroun, Nicolas Winding Refn et bien sûr François Ozon. Mais pour la plupart des personnages, il ne s'agit guère de réaliser des fantasmes sexuels. Se prostituer est parfois l'un des rares moyens, pour une femme, de subvenir à ses besoins. Comme le dit l'héroïne de Grigris : "il faut bien qu'elle mange, Mimi."

Pour d'autres réalisateurs, la prostituée est avant tout une jolie femme sur laquelle chacun peut projeter ses fantasmes. Toujours sexy, toujours consentante, facilement interchangeable. Une récompense pour les héros (Monsoon shootout), une proie facile pour les pervers (Only God Forgives). Pas très éloignée de la poupée gonflable, au fond. Même François Ozon aura rectifié de lui-même : peu de femmes rêvent de connaître une telle réalité.

Cannes 2013 / Un film, une ville : Bangkok

Posté par vincy, le 22 mai 2013

only god forgives bangkok ryan gosling

C'est au tour du danois Nicolas Winding Refn de nous perdre dans Bangkok, ville de débauche par excellence, dont la moiteur, les néons, les bordels et les embouteillages ont inspiré de nombreux films. Dans Only God Forgives, on passe d'un hôtel vertigineux - la terrasse a une vue imprenable sur la ville - aux ruelles sordides, d'un parc respirant le zen à des artères souvent désertes. Loin du Bangkok habituel...

Récemment, les compères de Very Bad Trip 2 ont subit tatouages, gangs et autres strip tease dans la capitale thaïlandaise, où se situait l'essentiel de l'action (et de la visite touristique). Escale (La plage) ou enfer des prisons (Bridget Jones : l'âge de raison, Bangkok aller simple), c'est aussi un lieu de prédilection pour des films d'action (Bangkok Dangerous, Bangkok Fighter) mais aussi érotique (Emmanuelle).

Sans compter que de nombreuses productions hollywoodiennes s'y tournent : Bangkok sert ainsi de décor pour remplacer des villes chinoises, vietnamiennes ou indonésiennes. C'est d'ailleurs là, sur le tournage de Stretch (où Bangkok joue à être Macao) que David Carradine a été retrouvé mort durant le tournage, dans sa chambre d'hôtel.

Cannes 2013 : les télex du marché (6) : James Franco & Wim Wenders, Le petit Nicolas, l’incroyable casting d’Audrey Dana, Dev Patel

Posté par vincy, le 22 mai 2013

Tabernacle! James Franco sera la star du prochain film (en 3D) de Wim Wenders, Every Thing Will Be Fine.  Le tournage commencera en août au Québec. Sarah Polley pourrait faire partie du générique.

Holidays! Le petit Nicolas, fort de son succès en salles en 2009 (5,5 millions d'entrées), aura une suite, Le petit Nicolas en vacances. Laurent Tirard sera toujours derrière la caméra et le film devrait sortir en juillet 2014.

Dana's Eleven. La comédienne Audrey Dana passe à la mise en scène. French Woman sera une comédie féminine racontant le destin croisé de 11 femmes. Et attention au casting : Vanessa Paradis, Isabelle Adjani, Laetitia Casta, Alice Taglioni, Marina Hands, Sylvie Testud, Géraldine Nakache, Julie Ferrier, Mélanie Doutey, Alice Bellaïdi (et Dana elle-même) formeront le casting. Le tournage débute mi juin à Paris.

Nombres premiers. Dev Patel, la vedette de Slumdog Millionaire, jouera dans The Man who Knew Infinity, biopic du légendaire mathématicien indien Srinivasa Ramanujan, d'après la biographie de Robert Kanigel. Le film sera scénarisé et réalisé par Matthew Brown.

Cannes 2013 : Qui est Lucia Puenzo?

Posté par vincy, le 22 mai 2013

Lucia Puenzo

Elle revient à Cannes, mais cette fois-ci en sélection officielle. La réalisatrice et scénariste argentine Lucía Puenzo entre dans la cour des grands. Celle où son père brilla avec L'Histoire officielle, en course pour la Palme d'or en 1985 : son film fut récompensé par un Prix d'interprétation féminine pour Norma Aleandro, un Prix du jury eucuménique et quelques mois plus tard par l'Oscar du meilleur film en langue étrangère.

L'héritage paternel est lourd. Même si Lucia, 36 ans, n'est pas en compétition mais à Un certain regard, avec Wakolda. 6 ans après son film choc XXY - Grand prix de la semaine de la critique à Cannes 2007 mais aussi prix Grand Rail d'or et prix OFAJ de la (toute) jeune critique avant qu'elle ne récolte le prix du meilleur film à Athènes, celui de la mise en scène à Edimbourg le Goya du meilleur film espagnol étranger et qu'elle ne représente l'Argentine aux Oscars - la fille Puenzo confirme son statut de grand talent du cinéma latino-américain.

Elle revient de loin. Lucia Puenzo a commencé à travailler pour la télévision argentine, en écrivant des séries. La plume dans la peau, elle écrit un roman, El niño pez, qui sera son deuxième long métrage en 2009 (sélectionné à Berlin). Ecrivaine (ancienne étudiante en littérature avant d'étudier le cinéma), elle publie chez Stock en 2010 La Malédiction de Jacinta, roman superbe, âpre, violent et envoûtant sur les bas fonds et l'univers rock de Buenos Aires.

Le cinéma de Puenzo n'a pourtant rien de littéraire. "Je préfère toujours quand la littérature et le cinéma se basent sur les personnes et les rapports humains plutôt que sur une simple intrigue. Comme par exemple dans les films de Haneke, Cassavetes ou Bruno Dumont. Ou dans les livres de Cheever, Nabokov ainsi que Aira et Pig pour les auteurs argentins" expliquait-elle lors de la sortie de XXY. Voilà pour les références.

Son style cinématographique s'amourache de gros plans, pour mieux cerner l'intime, les détails. Mais il ne rechigne pas aux plans larges, pour que la nature prenne toute sa place, réduisant l'homme à un simple élément. Elle aime se documenter, effectuer des mois de recherches, enquêter. Ses films sont risqués, engagés, mais ils n'oublient jamais l'aspect romanesque. L'amour reste le moteur de tout, dans ses livres comme dans ses films.

Avec Wakolda, elle nous emmène en Patagonie, cette vaste contrée du sud de l'Argentine, avec ses paysages immenses, où les animaux sont plus nombreux que les habitants. Lucia Puenzo a planté sa caméra à Bariloche, la ville la plus suisse du pays, entre montagnes enneigées et lacs sublimes. Là encore elle manie l'ambivalence, en opposant la pureté et la perfection avec le passé criminel d'un étranger. Et nul ne doute que l'issue de l'histoire ne sera pas celle attendue. Avec elle, l'humanisme l'emporte toujours sur la morale.