Cannes 2013 / Un film, une ville : Beverly Hills & environs

Posté par vincy, le 16 mai 2013

The Bling Ring Los Angeles

Après New York, migrons vers la capitale du cinéma, Los Angeles, l'éternelle rivale américaine. On se concentrera sur la partie ouest de la métropole tentaculaire, là où Sofia Coppola a filmé The Bling Ring, entre les banlieues bourgeoises d'Agoura Hills et de Calabasas, et les quartiers chics de Brentwood, Bel Air et Beverly Hills. Maisons de banlieue cossues, plages à un quart d'heure de voiture, d'un côté de la montagne, villas chics et lieux tendances de l'autre. La réalisatrice nous décrit une ville aux larges avenues et aux rues sinueuses désertes, aux multiples boutiques et surtout, surtout, nous fait visiter les maisons les plus improbables de la région : architecture insolite, jardins mégalos, situations vertigineuses avec vues imprenables sur la ville, piscine obligatoire....

Rien de nouveau à l'Ouest : le shopping à Beverly Hills (sur Rodeo Drive) restera le terrain de jeu de Pretty Woman, les paysages entre la San Fernando Valley et Hollywood demeureront ceux de David Lynch dans Mulholland Drive. Des villas insolites, le cinéma en a souvent fait son décor de prédilection pour glorifier la richesse de son art et la folie de ses stars, de Sunset Boulevard à Drôles de dames. La bourgeoise locale et ses (déjà) "desperate housewives" ont été magnifiées dans Le Lauréat. Quant à la racaille du coin, on en avait déjà tâté des plus coriaces que ce gang de voleurs de bijoux, fringues et autres chaussures de luxe avec Le flic de Beverly Hills (et ses suites).

Cannes 2013 : Lettre à Jafar Panahi – jour 2

Posté par MpM, le 16 mai 2013

attentatCher Jafar,

Pendant la cérémonie d'ouverture de cette 66e édition, il a été beaucoup question d'un sujet qui te tient particulièrement à cœur : la liberté d'expression. Gilles Jacob a rappelé une nouvelle fois que Cannes a vocation à être une "terre d'accueil". Pour les cinéastes, et par extension pour tous ceux qui se battent pour avoir le droit d'émettre librement des opinions.

En l'occurrence, ce sont des dessinateurs de presse qui sont à l'honneur cette année, avec une exposition de dessins humoristiques autour du cinéma. Comme le souligne Gilles Jacob : "en programmant un ensemble où vibre un appel à l'indocilité, le festival n'a pas craint de prendre le risque qu'on l'applique à lui-même ! " Joli clin d'oeil.

Mais un homme qu'une telle propension à l'autodérision doit faire rêver, c'est Zaid Doueri, le réalisateur libanais de L'attentat. Lui ne s'est moqué de personne, et subit malgré tout les foudres de son pays et de la Ligue arabe dans sa globalité.

Son crime ? Avoir tourné son film en partie en Israél avec des acteurs israéliens, ce que proscrit le bureau de boycottage d'Israël. L'attentat, d'après le best-seller de l'écrivain algérien Yasmina Khadra, sur un médecin arabe israélien découvrant que sa femme est l'auteur d'un attentat suicide à Tel-Aviv, a donc été interdit dans les 22 pays membres de l'organisation.

La ministre française à la Francophonie, Yamini Benguigui, est déjà montée au créneau pour défendre Zaid Doueri et le film est attendu en France le 29 mai. On garde donc espoir qu'il connaisse la carrière qu'il mérite.

Mais il faut t'avouer que sur la croisette, cette censure déguisée ne fait pas vraiment le buzz. Peut-être les journalistes ont-ils la tête trop farcie des frasques de la jeunesse américaine obsédée par les fringues et les starlettes vue dans The Bling Ring de Sofia Coppola ? Le pire, c'est que le film trouve un étrange écho chaque soir au moment de la montée des marches, quand le monde entier se focalise... sur une poignée de stars et les robes de marque qu'elles portent.

Cannes 2013 : le nécessaire travail de restauration en pleine lumière

Posté par MpM, le 16 mai 2013

affiche cannes 2013 © agence bronxDepuis 2004,  la sélection Cannes classics permet de (re)voir les plus grands films du cinéma mondial dans des versions restaurées parfois plus belles que les originales. Ces dix dernières années, le colossal travail de préservation du patrimoine cinématographique a en effet pris une ampleur réjouissante, ravivant la beauté de classiques inoubliables comme Le guépard, La 317e section ou  Le voyage dans le lune. Pourtant, le grand dynamisme des restaurations ne doit pas masquer les efforts qui restent nécessaires en la matière.

Martin Scorsese a ainsi lancé début avril un vibrant appel en faveur d'une conservation systématique du patrimoine cinématographique. Le réalisateur américain, qui œuvre depuis plus de vingt ans pour la restauration de films comme Journal d'une femme de chambre de Jean Renoir, New York-Miami de Franck Capra ou encore Salon de musique de Satyajit Ray via l'organisation The Film Foundation, réclame un renforcement de l'engagement national envers la restauration et la conservation des films.

"Nous devons insister sur la culture visuelle dans les écoles", a-t-il notamment déclaré."Les jeunes ont besoin de comprendre que toutes les images ne sont pas là pour être consommées puis oubliées, vous voyez. Nous devons leur apprendre à comprendre la différence entre les images animées qui participent au développement de leur humanité et de leur intelligence, et les images animées qui ne font que vendre quelque chose."

Soulignant les bénéfices de la technologie numérique, qui permet de numériser des centaines de films, le réalisateur "oscarisé" de Raging bull et Taxi driver a réaffirmé la nécessité de "tout préserver" : blockbusters, films d'auteur, films expérimentaux...

"Tout comme nous avons appris à être fiers de nos poètes et de nos écrivains, du jazz et du blues, nous devons être fiers de notre cinéma, c'est une forme d'art américain" a-t-il souligné.

En France, la question de la préservation du patrimoine cinématographique se pose également depuis de nombreuses années. Un plan national a ainsi été mené de 1991 à 2006 pour sauvegarder des joyaux du 7e art menacés par le temps.

"Environ 13 000 films anciens (réalisés avant 1953) et quelques autres estimés en danger ont ainsi été sauvés, certains restaurés, d'autres seulement transférés sur un support pérenne" explique Béatrice de Pastre, directrice des collections et des archives du Centre national du cinéma. Le CNC a d'ailleurs lancé l'été dernier un vaste programme de numérisation qui devrait toucher 15 000 oeuvres pour un budget de 400 millions d'euros sur six ans.

La sauvegarde du patrimoine a en effet un coût, estimé entre 80 000 et 150 000 euros pour une restauration complète, et pouvant parfois atteindre des sommets, comme dans le cas de Lola de Jacques Demy (200 000 euros) dont le négatif avait brûlé, ou du Voyage dans la lune de Georges Méliès, 500 000 euros pour 15 minutes de film, tant la pellicule était abîmée.

parapluies de CherbourgAussi, pour entamer la restauration des Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, la société Ciné-Tamaris a choisi de faire appel au site participatif Kisskissbankbank. "C'est un mode économique novateur qu'on va reproduire car l'Etat ne peut pas tout financer", dit Rosalie Varda. Le film fait justement partie des pépites présentées en copies neuves lors de la nouvelle édition cannoise.

Cette année, on pourra par ailleurs découvrir des œuvres du patrimoine en dehors de la section qui leur est traditionnellement consacrée.  Dans le cadre du fameux "cinéma de la plage" sont en effet programmés Jour de fête de Jacques Tati, Le mécano de la General de Buster Keaton, Les Oiseaux d'Alfred Hitchcock ou encore L'homme de Rio de Philippe de Broca. Autant de preuves, en images, qu'il est indispensable de poursuivre et d'intensifier, au-delà de toute idéologie ou esprit de chapelle, la politique de sauvegarde systématique des œuvres du passé.

Cannes 2013 : le cinéma de Taiwan se sent pousser des ailes

Posté par MpM, le 16 mai 2013

taipei factoryChaque année, le cinéma taïwanais est à l'honneur dans les plus grands festivals internationaux. Cannes ne fait pas exception. Rarement en compétition, mais souvent dans les sections parallèles, et toujours dans les allées des marchés du film. Si la cinématographie de l'île a le vent en poupe, ce n'est pas seulement grâce à la notoriété de ses grands chefs de file comme Hou Hsiao-Hsien ou Tsai Ming-Liang. Il y a derrière cette visibilité croissante la volonté affirmée de valoriser Taïwan, et notamment sa capitale Taipei, à la fois en tant que centre artistique névralgique d'Asie et comme lieu incontournable dans l'industrie cinématographique mondiale.

La Taipei Film Commission (qui réunit le Maire de Taipei et les professionnels du secteur cinématographique) se consacre ainsi depuis 2008 à la tâche (ardue) de "relier l’industrie du film taïwanais au monde". Pour ce faire, elle assiste et facilite tous les projets se tenant à Taipei, de la recherche des décors aux demandes de subventions, en passant par la gestion des tournages sur la voie publique et la promotion des films. L'idée est avant tout de remettre à flot une industrie en perte de vitesse... et de financements. Et ça marche : en moins de quatre ans, la commission avait déjà aidé 645 films tournés à Taipei, dont 70 en partie financés par des fonds étrangers. Justement, les coproductions avec l'international sont implicitement l'objectif premier de la commission, qui va chercher l'argent là où il se trouve.

Nouvelle étape dans cette redynamisation du cinéma local, la mise en place cette année de la Taipei Factory, une résidence réunissant 8 jeunes cinéastes (4 Taïwanais, 4 venant du reste du monde) invités à écrire, tourner et finaliser (en binôme) un court métrage de 15 minutes. Cette initiative, qui cherche à "déclencher des idées originales à travers les différences culturelles, de langue, de passé et d’expériences" des 8 réalisateurs, a été menée en partenariat avec la Quinzaine des Réalisateurs qui présente le 16 mai en avant-première mondiale les 4 films réalisés.

Edouard Waintrop, le délégué général de la Quinzaine, y voit l'opportunité de vanter sa sélection comme "le coeur artistique du Festival de Cannes et l’événement qui s’engage vraiment à soutenir les nouveaux talents" comme il le déclarait lors de la conférence de presse inaugurale de l'événement en février 2013, soulignant un peu malicieusement : "La Quinzaine cherche toujours des moyens pour permettre aux cinéastes d’échanger, de faire face aux problèmes ensemble et de ne pas seulement fouler le tapis rouge pour regarder des films".

La Commission du Film de Taipei, quant à elle, trouve dans cette expérience l'occasion de renforcer les liens entre cinéastes taïwanais et européens. Mais aussi de faire connaître de nouveaux talents à l'international tout en mettant en valeur les infrastructures de production de la région. Histoire d'attirer des tournages du monde entier, le modèle affiché étant clairement celui de L'odyssée de Pi, d'Ang Lee, membre du jury de la compétition cannoise cette année, en partie tourné au zoo de Taipei, et devenu depuis un succès planétaire (et oscarisé). L'île s'offre ainsi une jolie visibilité sur la Croisette... et se pose dans le même temps en chevalier blanc (asiatique) de la création cinématographique.

Cannes 2013 / Où sont les femmes ? : The Bling Ring

Posté par MpM, le 16 mai 2013

bling ringEt si le sexisme au cinéma ne se mesurait pas tant au nombre de réalisatrices sélectionnées dans les festivals qu'au traitement réservé aux personnages féminins en général ?

Toutes ces "femmes de", "mères de", qui n'ont rien d'autre à jouer que la ménagère appliquée ou l'épouse attentive. La plupart du temps en arrière-plan, et avec une épaisseur psychologique proche du néant.

Quelle image des femmes ce genre de stéréotype véhicule-t-il ? Petite démonstration au cours de la Quinzaine cannoise.

Avec, pour commencer en beauté, le casting féminin de The bling ring (Sofia Coppola), qui fait l'ouverture d'Un Certain regard à Cannes ce soir, quasiment dans sa globalité. Les héroïnes sont jeunes et jolies, issues de milieu favorisé, et complétement obsédées par la mode et les célébrités. Par désœuvrement, par jeu, ou tout simplement parce que c'est possible, elles "visitent" les maisons de leurs stars favorites et emportent des trophées de plus en plus important.

L'histoire étant tirée de faits réels, difficile d'attaquer le film sur le fond. La manière dont sont imaginés les personnages laisse toutefois pantois : interchangeables, dénuées d'intelligence ou de sens moral, futiles et surtout d'une fadeur vertigineuse. Ce qui les distingue les unes des autres, c'est une coup de cheveux ou un goût prononcé pour le léopard. Pas de personnalité, aucun trait de caractère saillant, et pas une once d'imagination.

Même en s'appuyant sur la réalité, Sofia Coppola aurait pu choisir d'affiner ses personnages ou de leur donner un peu de relief. Mais elle a au contraire choisi de les styliser au maximum, pour les réduire à des corps affublés de vêtements de marque et à la personnalité indéfinie. Renvoyant ainsi malgré elle l'image d'êtres décérébrés juste avides de toucher du doigt l'existence de leurs idoles.

Des rêves, des désirs, des fêlures et des frustrations se cachaient forcément derrière les actes des apprenties cambrioleuses. Mais on n'en connaîtra rien. Pourtant, le seul personnage masculin du lot, lui, bénéficie de ce petit supplément d'âme qui permet  de passer de stéréotype désincarné à être humain. On apprend à le connaître, et des bribes du récit donnent des clefs sur sa nature profonde (mal dans sa peau, complexé, solitaire...). Au final, il est le seul à exister individuellement au milieu de poupées à peine esquissées, et c'est logiquement à lui que s'identifie le spectateur.

Cannes 2013 : Qui est Marine Vacth ?

Posté par vincy, le 16 mai 2013

Marine VacthElle est jeune (23 ans) et (très) jolie. François Ozon en a fait sa nouvelle muse pour son film, Jeune et jolie, en compétition au Festival de Cannes. Nul ne doute que Marine Vacth va faire briller les pupilles et faire crépiter les flashs lorsqu'elle foulera le tapis rouge.

Les flashs, elle connaît. Il y a huit ans, elle débute une carrière de mannequin, qui la consacrera en devenant l'égérie des parfums Parisienne d'Yves Saint Laurent et de la marque Chloé, en signant un contrat avec Ralph Lauren. La lyonnaise incarne la parisienne contemporaine, blouson de cuir et baskets, avec en arrière plan un décor de carte postale.

Fille de chauffeur-routier, un peu alcoolique et violent, et d'une mère qui ne voulait rien voir, cette taiseuse écorchée qui aime laisser voguer ses pensées dans un ailleurs indéfinissable a grandi en banlieue parisienne : un endroit sordide mais pas répulsif, sans âme mais à elle. Son univers, elle se l'est construit, en quittant tôt le domicile familial, en habitant à Paris. Elle est belle, mais veut être actrice. Le mannequinat est une transition qui lui permet d'acheter son indépendance et de financer ses voyages.

Marine Vacth ne magasine pas, sort peu, aime réfléchir chez elle. En 2011, elle débute sur les plateaux avec Cédric Klapisch : Ma part du gâteau, titre prémonitoire? Le cinéaste a craqué sur elle lors des essais et lui offre un petit rôle. Cette comédie sociale séduit le grand public. Alexandre Arcady aussi succombe. Il l'enrôle pour un personnage plus important dans Ce que le jour doit à la nuit. Elle incarne la fille de Vincent Perez, convoitée pour sa beauté et la richesse de son père, et s'affranchissant des règles imposées par la situation familiale et politique.

Elle confiait récemment qu'elle avait envie de se salir, de tourner un film sur l'inceste, de montrer sa face cachée. Marine pas si candide, mais authentique, pourrait affoler la Croisette : Ozon lui a composé un hymne en 4 saisons et 4 chansons...