Cannes 2013 : Lettre à Jafar Panahi – jour 5

Posté par MpM, le 19 mai 2013

image manquanteCher Jafar,

Il y a à Un Certain Regard un film qui te plairait, L'image manquante de Rithy Pan.

Je crois que tous les deux, vous avez du cinéma une vision commune : tu as toujours fait des films pour témoigner sur la situation actuelle de ton pays, lui effectue depuis la fin des années 80 un gigantesque travail de mémoire sur les exactions du régime khmer rouge. L'oeuvre de toute une vie, qui se poursuit aujourd'hui avec un documentaire plus intime sur l'expérience que le cinéaste fit lui-même du régime de Pol Pot dans sa jeunesse.

C'est comme un flot de souvenirs qui s'écoule sur fond de documents d'archives et de reconstitution des scènes d'époque avec de petites figurines d'argiles (ingénieux procédé imaginé par Rithy Pan pour pallier l'absence d'images). Les temps heureux avant l'arrivée des khmers rouges, puis l'exil, les camps de rééducation, la faim, la misère, la mort... On est comme emporté dans ce tourbillon d'événements, de règles, de slogans, d'injustices et d'horreur.

Au hasard, une mère dénoncée par son fils de neuf ans et exécutée froidement, des cadavres qui s'entrechoquent dans une fosse commune, une petite fille qui meurt de faim sous le regard d'autres enfants... Un monde où presque tout est interdit et d'où l'humanité disparaît peu à peu.

On est tout simplement bouleversé par ce document unique qui raconte des événements insoutenables et trouve malgré tout la force de redonner espoir en l'être humain. Parce que nombreux furent ceux qui ont résisté, même avec leurs pauvres moyens. Que les survivants de la terreur khmer ont gardé leur part d'humanité. Qu'au final, c'est Pol Pot qui a perdu.

Et en regardant ce document inestimable qui se double d'une véritable proposition cinématographique, on se dit que c'est exactement à ça que sert le cinéma, et que tous les Rithy Pan du monde doivent continuer à tourner, coûte que coûte. Toi y compris.

Cannes 2013 : où sont les femmes ? – Monsoon shoutout

Posté par MpM, le 19 mai 2013

moonsoon shootoutDans Monsoon shootout d'Amit Kumar, en séances spéciales à Cannes pour célébrer le centenaire du cinéma indien, un jeune policier est confronté à un dangereux tueur lors de sa première enquête sur le terrain. Durant ses investigations, il croise cinq personnages féminins qui se définissent tous par leur fonction plus que par leur personnalité. Il y a la mère du héros, sa petite amie, la responsable de sa division, l'épouse du tueur ainsi que sa maîtresse, qui est par ailleurs une prostituée. Très classiquement, la femme n'existe que dans sa relation à un homme.

D'ailleurs, aucune de ces femmes n'a de rôle véritablement important dans l'intrigue en elle-même. La figure maternelle est uniquement là pour mettre en garde le personnage principal contre ce qui l'attend. La petite amie est décorative (et sert selon les variantes de l'histoire de récompense pour avoir bien agi, ou de punition dans le cas contraire). L'épouse du tueur est une victime-type : son mari la bat, le Roi du taudis et les policiers veulent la violer. La maîtresse du tueur est ce qui se rapproche le plus de la femme fatale traditionnelle, mais sans grande venimosité. Elle aussi est purement décorative, soumise au désir commun de tous les hommes qu'elle rencontre.

La chef est quant à elle brossée à grands traits mais s'avère la plus ambiguë de toutes. Elle est la preuve que l'ambition et la corruptibilité ne sont pas l'apanage des hommes. De même, la petite amie se retrouve incidemment être médecin et avoir étudié à Londres. Des éléments contextuels relativement maigres, mais qui constituent une tentative louable de contrebalancer la caricature induite par le triptyque mère/épouse/maîtresse.

Curieusement, alors que la plus grande réussite du film est de dresser un portrait saisissant du contexte sociale et politique indien, il peine pourtant à s'extraire plus que ça des clichés dès lors qu'il s'agit des personnages et des relations qui les unissent. Cela dit, à la décharge du réalisateur, les protagonistes masculins ne sont pas franchement mieux traités, qui sont eux aussi de véritables stéréotypes ambulants dépourvus de toute subtilité.

Cannes 2013 : la 1ère Assemblée des Cinéastes s’interroge sur la production indépendante

Posté par kristofy, le 19 mai 2013

Assemblee cineastesLe thème de la 1e assemblée des cinéastes était "Comment faire des films indépendants aujourd’hui ?" et chacun a évoqué les différentes démarches possibles pour trouver un financement pour produire un film.

Rien de bien nouveau : ce sont les habituelles sources qui ensemble forment une coproduction. La question était en fait mal formulée à la base, rien n’empêche vraiment de produire des films indépendants et c’est souvent même plus facile que des films à gros budgets. Du coup le débat était biaisé et sans véritable dialogue.

Le panel de cinéastes (réalisateurs et producteurs) réunis était lui bien trouvé, tous d’âge et de pays différents : Raoul Peck (parrain du pavillon du monde), Joachim Trier, Costa Gavras, Anurag Kashyap (dont on a vu Ugly à la Quinzaine), et Amat Escalante (dont on a vu Heli en compétition).

Extraits choisis :

- Raoul Peck : Quel que soit le pays, préserver l’œuvre que l’on a en tête est un combat ou au moins une tension. Aux Etats-Unis, le dénommé "cinéma indépendant" n’est pas si indépendant que ça quand on regarde ses sources de financement, et on peut y voir des exigences parfois communes à celles des films de studios. En France il y a plusieurs types de cinémas qui vivent ou survivent en parallèle, et la question de l’utilisation de fonds publics est posée.

- Costa Gavras : Le système français est en grand danger actuellement. Il fonctionne sur les mots "exception culturelle". [Une pétition de plus de 5000 signatures est d'ailleurs adressée aux députés européens pour défendre les principes de l’exception culturelle.] C’est l’Etat qui prend en main le financement de la Culture, dont le cinéma. Ce système est actuellement mis en cause dans les négociations commerciales entre les Etats-Unis et l’Europe. Les autorités politiques françaises sont avec nous cinéastes, mais ce n’est pas le cas de beaucoup de pays européens. En Corée ils avaient établis un système de quotas de jours d’exploitation de films coréens, et alors il y a eu un vrai cinéma coréen intéressant qui a d’ailleurs circulé à travers le monde. Cet accord a ensuite été revu à la baisse sous l’influence américaine, et du coup le nombre de films produits en Corée a baissé car moins de possibilité d’être distribué face à la part de marché grandissante des films américains.

- Joachim Trier : J’ai réalisé deux films en Norvège, c’est presque la banlieue de l’Europe. On a une tradition cinématographique plutôt récente, avec depuis environ une quinzaine d’années un système d’aide à la promotion de notre cinéma. Pour l’indépendance, il faut simplement distinguer l’argent bon à prendre et l’argent qui va nuire au projet. Tout dépend de la source ou des partenaires. On peut aussi baratiner des financiers comme on peut le faire avec des acteurs parfois, les faire s’engager sur le projet et puis faire de toute façon le film que l’on veut au final.

- Anurag Kashyap : Le contexte indien est spécifique, avec environ 1000 films produits chaque année et une part de marché de 90% environ. La liberté est de faire le film que l’on veut. On ne peut travailler de façon libre que s'il y a peu d’argent en jeu. Par exemple, il m’arrive de choisir des nouveaux visages dans la rue pour beaucoup de rôles. Il faut rester fidèle à ce que l’on veut faire. L’étape suivante est que le film soit vu par des spectateurs, avec un de mes films je me suis rendu compte qu’il n’intéressait pas le public indien mais par contre beaucoup plus le public des autres pays.

- Amat Escalante : Au Mexique, il n’y a pas vraiment de cinéma indépendant face à un autre cinéma, tous nos films sont indépendants en quelque sorte, surtout vis-à-vis du cinéma américain. Aujourd’hui au Mexique, il y a un nouveau système de taxes, des entreprises peuvent verser 10% de leurs impôts à un fond pour le cinéma, c’est plutôt bien. Pour mettre en route mon film Heli ça m’a pris 5 ans passés à envoyer mon scénario à différents endroits pour obtenir des fonds.

Cannes 2013 : les télex du marché (3) : Maya l’abeille, Cantet, Assayas, Brosnan et Kurylenko

Posté par vincy, le 19 mai 2013

Petite oui mais espiègle. Maya l'abeille, le dessin animé japonais culte apparu en 1975 sur les petis écrans, et à l'origine le livre de l'Allemand Waldemar Bonsels publié en 1912, va devenir une héroïne de cinéma. La coproduction germano-australienne de 18 millions d'€ est en en développement dès la semaine prochaine pour une sortie programmée à l'automne 2014.

Vamos a Cuba. Laurent Cantet revient dans les Caraïbes. Après Haïti pour Vers le sud, le réalisateur d'Entre les murs, qui sort d'un échec (Foxfire), installera ses caméras à Cuba pour Vuelta a Itaca. Le scénario, en espagnol, a été coécrit par Cantet et le romancier Leonardo Padura. Le film raconte le retour d'Amadeo à La Havane, après 16 ans d'exil. L'homme partage ses souvenirs sur une terrasse de la ville cubaine. Vuelta devrait être en production d'ici la fin de l'année.

L'espion est de retour. L'ancien 007 Pierce Brosnan et Olga Kurylenko (ex-James Bond Girl aux côtés de Daniel Craig) partageront l'affiche de November Man, thriller d'action réalisé par Roger Donaldson. En cas de succès, cela pourrait donner lieu à une franchise. Il s'agit de l'adaptation du 7e volume, "There are no Spies" de la série Un nommé Novembre de Bill Granger. La CIA et un complot international seront au rendez-vous de ce film qui commence son tournage cette semaine.

Olivier et Juliette. Olivier Assayas s'apprête à tourner cet été Sils Maria en Allemagne, Suisse et Italie. Juliette Binoche, Chloë Moretz, Daniel Brühl et Tom Sturridge seront à l'affiche de ce film de genre coûteux (25 millions d'euros), en anglais. Binoche avait déjà été filmée par Assayas dans L'heure d'été. Il devrait être prêt pour le printemps prochain : pour Cannes 2014?

Cannes 2013 : Qui est Alex van Warmerdam ?

Posté par MpM, le 19 mai 2013

Alex van WarmerdamAlex van Warmerdam est ce que l'on appelle communément un "artiste complet". Très jeune, il souhaite devenir peintre et suit des études à l'Académie Rietveld d'Amsterdam dont il sort diplômé en graphisme et peinture. Pourtant, c'est vers le théâtre qu'il s'oriente finalement assez vite.

Il fonde ainsi deux compagnies mêlant musiciens et comédiens (Hauser Orkater et De Mexicaanse Hond) et met en scène de nombreuses pièces dont Regarder les hommes tomber (Zie de Mannen vallen) qui est sacré en 1980 meilleur spectacle étranger à Paris.

Vers la fin des années 70, il se tourne vers le cinéma. D'abord, il écrit deux scénarios de courts-métrages pour la troupe Hauser Orkater, puis se lance dans le format long avec Abel, l'histoire particulièrement décalée d'un trentenaire (incarné par van Warmerdam lui-même) qui n'est littéralement jamais sorti de l'appartement de ses parents. Le film est sélectionné à Venise où il reçoit le Prix de la critique internationale. Le ton ironique et original du cinéaste séduit également la presse néerlandaise qui lui décerne elle-aussi un prix.

Ainsi encouragé, Alex van Warmerdam poursuit sur sa lancée avec des œuvres atypiques et corrosives qui portent sur le monde un regard à la fois farfelu et perçant, dans lesquels il se donne malicieusement les rôles les moins flatteurs (en 2009, dans Les Derniers Jours d'Emma Blank, sélectionné aux Venice Days et à Toronto, il ira même jusqu'à interpréter... le  chien de la famille...).

Il renforce notamment sa réputation en 1992 avec Les habitants, comédie insolite sur un lotissement du nord de l'Europe où l'on croise un enfant fasciné par la guerre au Congo, un boucher obsédé sexuel, une femme qui s'entretient avec la Statue de St François, etc. Suivent La robe et l'effet qu'elle produit sur les femmes qui la portent et les hommes qui la regardent (1996), l'histoire d'une robe qui porte malheur à ses propriétaires ; Le P'tit Tony (1998), sélectionné au Certain regard cannois en 1998 ; Grimm, adaptation grinçante de Hansel et Graetel à l'époque contemporaine ou encore Waiter!, qui met en scène un personnage de fiction se rebellant contre l'écrivain responsable de son existence minable.

Alors que Les habitants a bénéficié d'une ressortie en salles en décembre 2012 (20 ans après sa création), Alex van Warmerdam a pour la première fois les honneurs de la compétition cannoise avec son nouveau film intitulé Borgman. Ce thriller noir et tordu sur un homme s'invitant dans une famille bourgeoise parfaite marque le retour d'un film néerlandais dans la course à la Palme d'or depuis Mariken van Nieumeghen de Jos Stelling il y a... 38 ans.

De quoi faire de van Warmerdam un quasi héros national, lui qui est déjà titulaire du Prix Sea Lion de bronze pour sa contribution au cinéma hollandais (en tandem avec son frère Marc van Warmerdam avec lequel il a créé la société de production Graniet Films) et dont les quatre premiers longs métrages ont été classés au top 100 des meilleurs films hollandais du siècle au Dutch Film Festival 1999. Si, en plus, il revenait tout auréolé d'une récompense cannoise, probablement deviendrait-il directement le plus grand cinéaste néerlandais de tous les temps... le plus provocateur, sans l'ombre d'un doute.

Les prix France Culture Cinéma pour Pascale Ferran et Haifaa Al-Mansour

Posté par vincy, le 19 mai 2013

Le prix France Culture Cinéma, cette année en association avec le quotidien Libération a été remis hier à Cannes.

La réalisatrice et scénariste Pascale Ferran a été récompensée avec la "Consécration" pour l'ensemble de sa carrière. Elle monte actuellement Bird People, qui pourrait être l'un des événements de la prochaine berlinale. Prix Louis-Delluc et césarisée pour Lady Chatterley, la cinéaste avait déjà été primée par une Caméra d'or au Festival de Cannes en 1994 pour Petits arrangements avec les morts.

Le prix avec la mention "Révélation" a été décerné à la réalisatrice saoudienne Haifaa Al-Mansour pour son film Wadjda, multi-récompensé à Venise l'an dernier. Wadjda est son premier long métrage de fiction et a séduit la critique et plus de 450 000 spectateurs. Il s'agit du premier film saoudien réalisé par une femme.