Cannes 2013 / Un film, une ville : Rome

Posté par vincy, le 21 mai 2013

la grande bellezza toni servillo

Rome, ville éternelle, capitale d'un cinéma autrefois glorieux, peut s'enorgueillir d'être l'une des rares cités de la planète à inspirer des titres de films : Rome ville ouverte, To Rome with Love, Vacances romaines, Fellini Roma etc... Logique que le cinéma italien de Fellini (La dolce vita est un hymne à la ville) à Scola, de Rosselini à De Sica, en passant par Moretti, s'en soit emparé, la filmant sous toutes ses coutures, en construction ou en fête.

Mais ce ne furent pas les seuls : William Wyler fit faire des tours de scooters à Audrey Hepburn et Gregory Peck, Woody Allen y tourna l'un de ses films européens, Daniel Day-Lewis s'y promena en voiture dans Nine, Jarmusch y passa une nuit dans Night on Earth, Julia Roberts y fait étape dans Mange Prie Aime, Tom Cruise ne put résister à son appel dans Mission Impossible III, Belmondo s'y balade en clown Piazza Navona dans Hold-up, le gang de braqueurs de Soderbergh ont voulu y faire un casse spectaculaire dans Ocean's 12, et Matt Damon et Jude Law y firent quelques méfaits dans Le talentueux Monsieur Ripley...

Et tant d'autres films qui tournèrent autour du Colisée, s'extasièrent devant le Vatican, admirèrent la Place d'Espagne ou la Fontaine de Trevi... Paolo Sorrentino à son tour lui déclare sa flamme dans La grande bellezza : terrasse avec vue sur le Colisée, promenade le long des forums romains, visite de jardins, promenade au lever du jour Piazza Navona, et d'autres détours par les Thermes de Caracalla. Il ne faudrait pas oublier le long générique de fin, où la caméra sillonne la ville, en naviguant sur le Tibre, entre quartiers du Trastevere et Château Saint-Ange. Rome sublimée. Une fois de plus.

Cannes 2013 : Où sont les femmes – We are what we are

Posté par MpM, le 21 mai 2013

we are what we areWe are what we are de Jim Mickle se déroule au coeur d'une famille dysfonctionnelle. Sous le joug sévère et inquiétant du père de famille, deux jeunes filles (Iris et Rose) sont chargées à la mort de leur mère de gérer la maison et de surveiller leur petit frère Rory.

On est là face à une vision éminemment traditionnelle de la famille, soumise à l'autorité toute-puissante du patriarche incontesté qui s'arroge un droit de vie et de mort sur ses enfants, et se révèle absolument prêt à tout pour garder le contrôle sur leur existence.

Mais loin de Jim Mickle l'idée d'encenser ce type d'organisation familiale. Au contraire, tout son film peut être vu comme l'implosion du modèle à travers la lente et (au départ) timide rébellion des deux adolescentes.

Loin du stéréotype classique des jeunes filles effacées et dociles, Iris et Rose ont en elle une part de violence qui finit par s'exprimer à travers le meurtre,  le sexe,  et la brutalité la plus sauvage à l'égard de leur père.  C'est à ce prix que ces deux héroïnes atypiques et ambiguës gagnent leur indépendance et reprennent le contrôle de leur existence.

La séquence finale, qui mêle cannibalisme et amour filial, peut même être interprétée symboliquement comme la seule contre-attaque possible de la part  d'individus dont on a vampirisé l'existence. Il y a quelque chose de très fort dans la vision de ces deux belles adolescentes blondes aux visages angéliques qui se transforment brutalement en êtres assoiffées de sang. Comme le désir de prendre le contre-pied des clichés en vigueur en transformant des personnages de victimes-type en amazones vengeresses. Après We are what we are, vous ne regarderez plus jamais Barbie de la même façon.

Cannes 2013 : les télex du marché (5) : Mortensen, Mikkelsen, Bellocchio, Mullan et « Limonov »

Posté par vincy, le 21 mai 2013

Première fois. Viggo Mortensen va tourner dans un film français. David Oelhoffen a convaincu l'acteur d'être sa star dans Loin des hommes, adaptation de l'une des nouvelles du recueil d'Albert Camus, L'exil et le Royaume. Mortensen incarnera un professeur français résidant dans un petit village algérien en 1957.

Sauveur. Prix d'interprétation masculine l'an dernier et futur Hannibal pour la TV américaine, Mads Mikkelsen sera un héros dans le western de Kristian Levring, The Salvation. Le film est en vente au marché. Il faut amortir les 14 millions de $ de budget. Mikkelsen joue un immigrant danois arrivant aux USA en 1870 qui voit sa famille se faire massacrer par une bande de gangsters. Il ne songera alors qu'à les venger.

Un fidèle. Quelques mois après La belle endormie présenté à Venise, Marco Bellocchio enchaîne avec un nouveau film, qui sera tourné cet été. La prigione do Bobbio (La Monaca pour les marchés internationaux), basé sur une histoire vraie du XVIIe siècle, raconte la vie d'une aristocrate contrainte à devenir nonne et qui finira en prison pour cause de débauche. Le rôle sera interprété par l'actrice ukrainienne Lidia Liberman.

Corner. Peter Mullan espère signer avec Daniel Day-Lewis pour son prochain film Paradise. Le comédien va revenir derrière la caméra avec le récit de la création par un prêtre du club de football écossais les Celtics, en pleine ère victorienne.

Anti-Poutine. Enfin, le roman d'Emmanuel Carrere décrivant la vie du poète et politicien Limonov (Prix Renaudot en 2011) sera adapté par un italien, Saverio Costanzo (La solitude des nombres premiers). Budgété aux alentours de 20 millions de $, le film sera tourné en anglais au deuxième semestre 2014.

Cannes 2013 : Qui est Tatsuya Fujiwara ?

Posté par MpM, le 21 mai 2013

Tatsuya FujiwaraLe cinéma japonais? On en connaît quelques cinéastes (Kawase, cette année au jury cannois, Kore-eda, Miike, tous deux en compétition, Kitano et les grands de l'animation comme Miyazaki). L'essentiel de la production locale ne dépasse pas les frontières de l'archipel. Le marché local, le 3e pays dans le monde par le nombre de spectateurs dans les salles, se suffit à lui-même. Nous avons décidé de nous pencher sur un jeune visage du cinéma japonais qui monte les marches cette année. Le jeune Tatsuya Fujiwara pour Wara no Tate de Takashi Miike.

Difficile de deviner derrière le physique d'éternel adolescent androgyne de Tatsuya Fujiwara l'un des meilleurs acteurs japonais de sa génération. Et pourtant. A presque 30 ans, le jeune homme semble avoir déjà exploré tous les styles et tous les univers : films de genre ou drames télévisés, doublage pour des films animés japonais et américains, et même rôles classiques au théâtre.

C'est en effet sur les planches qu'il débute sa carrière au milieu des années 90 avec le rôle titre de Shintoku-Maru de Shuji Terayama et Rio Kishida, l'histoire d'un adolescent qui a une relation conflictuelle avec sa belle mère. La pièce lui permet de rencontrer le metteur en scène de théâtre Yukio Ninagawa, l'un des plus influents du pays, avec lequel il collabore régulièrement par la suite. Il joue ainsi dans plusieurs de ses adaptations de Shakespeare, dont Hamlet et Roméo et Juliette.

Comme la plupart des jeunes acteurs japonais, Tatsuya Fujiwara fait en parallèle ses armes à la télévision. Mais c'est en 2000 que sa carrière prend une tournure décisive, quand il décroche coup sur coup deux rôles au cinéma, dont le personnage principal de Battle royale de Kinji Fukasaku. Le film, adapté d'un best-seller japonais, suit les élèves d'une classe de troisième contraints de s'entretuer sur une île déserte. Tatsuya Fujiwara incarne l'un des élèves au centre du récit, qui est bien décidé à s'en sortir sans tuer personne. Trois ans plus tard, l'acteur renouera d'ailleurs avec son personnage dans Battle Royale II: Requiem, le sequel imaginé par Kinji Fukasaku et réalisé par son fils Kenta Fukasaku.

En 2006, Tatsuya Fujiwara revient sur le devant de la scène avec une autre franchise à succès : il est Light Yagami, l'étudiant qui découvre un cahier aux pouvoirs surnaturels dans Death note de Shûskue Kaneko, l'adaptation cinématographique du manga culte. Son personnage, ainsi investi du pouvoir de déterminer qui doit mourir, est entraîné dans une spirale infernale où il se perd lui-même. Là encore, le film connaîtra une suite ainsi qu'un spin-off où il reprendra son rôle.

Le chemin du jeune acteur est dès lors bien tracé. Il poursuit dans une veine de films violents ou adaptés de mangas à succès comme Kaiji de Tôya Satô (et sa suite) ou The Incite Mill de Hideo Nakata, qui ont en commun de montrer une société japonaise dominée par la loi du plus fort. Dans la même veine, il rejoint le casting de Wara no tate de Takashi Miike où il incarne un jeune homme accusé de meurtre et poursuivi par des chasseurs de prime prêts à tout pour l'éliminer.

Heureusement, entre deux thrillers horrifiques et sanglants, le comédien se "repose" en doublant des films d'animation. Il est ainsi la voix japonaise de Kuzco dans Kuzco l'empereur mégalo et celle de Stuart Little dans les deux volets de la franchise. Par ailleurs, il double Spiller, l'un des personnages principaux d'Arrietty le petit monde des chapardeurs de Hiromasa Yonebayashi.

Eclectique et complet, Tatsuya Fujiwara apparaît ainsi comme le chef de file naturel d'une nouvelle génération d'acteurs nippons. Peut-être son rôle le plus difficile... car il reste à confirmer dans les années à venir.