Nos coups de coeur de l’année : la poésie de Still the Water de Naomi Kawase

Posté par Morgane, le 30 décembre 2014

En réfléchissant à mon coup de cœur 2014, je réalise que cette année cinématographique a été plutôt riche en belles surprises.

Diverses, elles ont pourtant toutes en commun ce côté surprenant qui fait qu'un film, une image, une histoire réussit à nous transporter, nous prendre aux tripes. On sort alors d'une salle obscure un peu différemment qu'en y entrant. Et quand ce petit phénomène se produit c'est que la magie du 7e Art opère…

Pour ma part cette magie a opéré plusieurs fois cette année. Grâce à la comédie policière loufoque et décalée The Grand Budapest Hotel, aux dialogues superbes du huis-clos enneigé Winter Sleep, à la découverte de Wake in the fright lors du festival Lumière, à la grande claque que m'a mise Mommy, au long fleuve de la vie sublimé par Boyhood et à la photo à couper le souffle de Timbuktu.

Mais comme un coup de cœur, il ne faut en garder qu'un, alors ce serait Still the water. Intriguée par les belles critiques que le film avait reçu à Cannes, je l'ai quand même loupé à sa sortie. Heureusement pour moi, les CNP lyonnais l'ont programmé lors de leur week-end de clôture mi-décembre (avant fermeture pour travaux) reprenant alors les films qui ont marqué 2014. J'ai alors eu le grand plaisir de découvrir ce film sublime, entre force et douceur.

La caméra de Naomi Kawase est au plus près de ses personnages mais ne les étouffe jamais. Elle les suit lentement, les regarde évoluer et laisse peu à peu la mer devenir le reflet de leurs sentiments, tour à tour déchaînée puis calme et reposée. L'amour et la mort s'y mêlent étrangement à merveille et toutes les générations confondues sont amenées à fusionner dans cet environnement qui les entoure. Les corps filmés sont beaux, pleins de vie, et même les corps qui meurent sont magnifiés et envoutés (nous avec) par des chants chamaniques au caractère magique.

La réalité du quotidien (un amour adolescent, une mère mourante, etc.) se mêle à l'envoutement de la nature, tout comme c'était déjà le cas dans La forêt de Mogari. La nature, amicale mais également très violente, est le pivot central de ce film qui place le mot "FIN" sur ce très beau plan des deux adolescents nageant nus dans l'océan. Une très belle manière de clore ce film à mi-chemin entre réalisme et fable poétique.

Laura Wade (The Riot Club): « Pour cette élite, les femmes sont une autre espèce, qu’ils ne comprennent pas vraiment »

Posté par kristofy, le 30 décembre 2014

laura wade Lone Scherfig

Ecran Noir a rencontré l'équipe de The Riot Club récemment à Paris. Un trio aux voix concordantes: la cinéaste Lone Scherfig et les deux jeunes acteurs principaux Sam Clafin (Hunger Games) et Max Irons (fils de Jeremy).
Il y a trois mois au Festival du cinéma britannique de Dinard, nous avions déjà pu nous entretenir avec l'auteure de la pièce Posh et scénariste de l'adaptation qui a donné The Riot Club.

EcranNoir : L’existence et les règles d’un club tel que The Riot Club sont plutôt secrètes, comment avez-vous connaissance de leur fonctionnement ?
Laura Wade :
C’est plutôt difficile, parce que les gens membres d’un tel club ne doivent pas en parler en effet où ne veulent pas en parler. Il faut rencontrer quelqu’un de proche, par exemple une fille dont le petit ami à l’université est dans un club et qu’elle parle des choses de son point de vue à elle, ou par exemple une personne qui a été invitée à faire partie d’un club mais qui a décliner l’invitation. En fait il y a plusieurs clubs différents et similaires en même temps. Pour moi il s’agissait surtout d’écrire à propos d’un club de fiction pour la pièce de théâtre et ensuite pour le film. Donc j’ai dû faire quelques recherches sur des vrais clubs et ensuite utiliser mon imagination pour en créer un nouveau.

EN : Entre votre pièce Posh et le scénario du film quels ont été les changements ?
Laura Wade :
La pièce se déroule principalement dans un seul lieu, là où se passe le dîner. Pour le film l’histoire devait respirer un peu plus et il fallait faire mieux connaissance avec les personnages. J’ai donc rajouté des séquences de rentrée universitaire où chacun se rencontre, et aussi d’autres choses à propos des conséquences du dîner par exemple au poste de police. C’est plutôt amusant de re-écrire mon texte en y ajoutant des choses auxquelles j’avais pu penser mais qui ne pouvaient alors pas figurer dans une pièce de théâtre, comme par exemple une séquence où ils font le tour de la ville la nuit en voiture.

EN : Comment les gens passés par l’université de Oxford ont pu réagir au film ?
Laura Wade :
Certains ont bien reconnus les personnages qui pouvaient ressembler à des élèves qu’ils ont côtoyés. D’autres déclarent qu’ils n’ont pas vécu ce genre d’expériences durant leurs années d’université à Oxford. Ma réponse est qu’il s’agit d’une histoire à propos de ce petit groupe d’étudiants à Oxford qui forment ce Club, ils se considèrent comme un top 10 de l’élite dans une communauté de plusieurs milliers d' étudiants. Le comportement des jeunes du film ne prétend pas représenter celui de ceux qui sont à Oxford. Le film montre un microcosme.

EN : Ce film The Riot Club a été écrit par une femme et réalisé par une femme alors qu’il s’agit d’un club réservé aux hommes, cela aurait été différent par un homme ?
Laura Wade :
En tant que femme je crois qu’on a peut-être un œil plus détaché sur ce sujet, on peut le regarder presque de manière anthropologique. Dans la longue scène de dîner des membres du Club les hommes veulent profiter des quelques femmes qui arrivent de plusieurs manières, il y a là un regard critique sur le genre masculin. En fait ce n’est pas tant un rapport homme/femme qu’un rapport de classe entre riche/pas riche.  Les membres du Club ont des expériences que l’on n’imagine pas comme derrière une porte secrète, raconter cette histoire c’est permettre aux spectateurs de découvrir ce qui se passe derrière cette porte. Avec l’écriture je veux explorer des domaines que je ne connais pas. Je n’aime pas faire des généralisations comme les hommes c’est comme ci et les femmes c’est comme ça, les choses sont plus complexes. Ceci dit les personnages masculins du film veulent dominer le monde, les autres, les femmes. En fait ils n’ont pas beaucoup d’expériences d’amitié ou d’amour avec des filles, et ces garçons se sentent plus dans une zone de confort entre eux. Ceux qui sortent de cette prestigieuse université peuvent se retrouver dans la banque ou dans la politique ou le droit, qui sont encore des univers dominés par les hommes. Pour eux les femmes sont une autre espèce, qu’ils ne comprennent pas vraiment…

Le Festival de Rome rêve de devenir le Toronto européen

Posté par vincy, le 30 décembre 2014

Le Festival international du film de Rome a décidé de changer de stratégie. L'échec médiatique de sa compétition et la baisse de fréquentation l'ont poussé à abandonner sa guerre frontale avec le Festival de Venise.

Dorénavant, le Festival de Rome arrête la compétition. Le prestige restera à Venise, la cinéphilie à Turin. Rome ambitionne de devenir le Toronto de l'Europe. Le Festival de Toronto, le plus important marché du film après Cannes et le premier festival d'Amérique du nord, ne décerne aucun prix majeur hormis celui du public et des prix thématiques sponsorisés.

Il faut dire que le ministère de la Culture en avait assez de financer un événement qui lui coûtait 1,4 million d'euros (20% du budget) sans aucune retombées réelles. Les billets ne se vendaient plus. Les stars ne venaient plus. Seules les accréditations professionnelles se maintenaient.

Conséquence: le ministère veut bien maintenir sa part dans le budget, mais le festival doit changer. Il investira essentiellement dans un marché mondial du film, qui fait cruellement défaut en Europe à cette période de l'année, hormis celui de Londres, peu flamboyant. Le Festival de Rome, parallèlement, lancera une section consacrée aux nouvelles formes de cinéma.

Rome s'est également engagé à créé les conditions nécessaires à un partenariat avec la Mostra de Venise.

Enfin, en annonçant que la compétition serait remplacée par un prix du public, sur le modèle de Toronto, Rome pourrait devenir une rampe pour les avant-premières européennes de films qui refusent la compétition dans les grands festivals. Londres et New York s'en inspirent aussi pour leurs festivals d'octobre. Mais cela ne peut fonctionner que si le public romain est au rendez-vous.

Le Festival de Rome complètera sa mue avec un nouveau nom, un nouveau directeur et une nouvelle date dans le calendrier.