En salle dès aujourd’hui, Sorry to Bother You est de ces oeuvres qui divisent tant il est inclassable. Voici pourquoi :
Le pitch est génial. Après avoir décroché un boulot de vendeur en télémarketing, Cassius Green (à prononcer "cash is green") découvre une méthode magique pour gagner beaucoup d’argent. Au moment où sa carrière décolle, amis et collègues se révoltent contre leur propre exploitation. Malheureusement, Cassius semble bien plus intéressé par sa prochaine augmentation. Annoncé comme une comédie, Sorry to Bother You oscille constamment entre la satire anarchique, le thriller politique et le film de science-fiction. Le spectateur rit — beaucoup — mais ne manque pas d’être bousculé voire révolté par certaines scènes.
Le scénariste-réalisateur a mis tout son coeur. Plus connu sous le nom de "Boots Riley", Raymond Riley s'est fait un nom grâce aux groupes The Coup et Street Sweeper Social Club. Très apprécié dans le milieu du hip-hop pour ses textes politiques, le rappeur de 47 ans se mue ici en cinéaste de génie. Sa mise-en-scène rappelle par moments celles de Michel Gondry chez les Français et de Charlie Kaufman chez les Américains. Coloré et sombre à la fois, Sorry to Bother You est un grand film, drôle et effrayant, réfléchi et réflexif, à ranger près des oeuvres de Spike Lee et Stanley Kubrick.
Le sous-texte politique est ahurissant. Sur les conseils du sympathique Langston, Cassius adopte "une voix de Blanc", véritable symbole de l’Amérique actuelle. En effet, pour éviter de se fermer des portes et avoir une chance de réussir dans un pays où le taux de chômage des Noirs est deux fois supérieur à celui des Blancs, le particulièrement fauché Cassius est prêt à tout. Peut-être même un peu trop puisque Sorry to Bother You raconte ici et là comment des minorités sont contraintes d'atténuer certaines de leurs spécificités pour mieux s'intégrer. Running gag qui ne déçoit jamais, les changements de voix sont l’oeuvre d’un doublage réussi. Raison de plus voir Sorry to Bother You en version originale !
Le casting vaut le détour. Pour incarner son héros un peu salaud sur les bords, Boots Riley a fait confiance au génial Lakeith Stanfield (Get Out, Atlanta). Les incontournables Tessa Thompson et Danny Glover incarnent respectivement et avec brio la petite amie arty de Cassius et son collègue pragmatique. Bien que l’on note les présences des hilarants Terry Crews et Steven Yeun, c’est finalement par Armie Hammer que l’on ressort encore plus conquis. En PDG déjanté et cocaïnomane, la star de Call Me by Your Name fait des merveilles.
Le résultat final est passionnant. A la fois drôle, piquant et complètement barré, Sorry to Bother You est la comédie dont nous avions cruellement besoin pour commencer l’année. Indépendant sur le papier mais aussi foutraque qu’un projet trop ambitieux de major hollywoodienne une fois à l’écran, Sorry to Bother You est presque incomparable, une oeuvre que l’on adore ou que l’on déteste mais qui ne peut pas être mise devant tous les yeux. Si vous avez aimé la folie de Get Out, celle de Sorry to Bother You vous fera un bien fou.
La Berlinale approche et quasiment tout est désormais révélé. Il restait les jurys et les hommages.
Pour la compétition, la présidente du jury Juliette Binoche (lire notre actualité du 11 décembre) sera entourée du critique américain Justin Chang, de l'actrice allemande Sandra Hüller (Toni Erdmann), du réalisateur chilien Sebastian Lelio (Une femme fantastique), du conservateur au MoMA à New York Rajendra Roy, de l'acteur britannique Trudie Styler (Maniac).
Le jury pour élire le meilleur premier film parmi les 16 proposés par les sélections berlinoises sera composé de l'auteure et journaliste allemande Katja Eichinger, du réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis et de la cinéaste chinoise Vivian Qu.
Pour le prix du meilleur documentaire, qui concerne 17 films des différentes sélections, le jury comprendra la réalisatrice italienne Maria Bonsanti, le réalisateur américain Gregory Nava, et la cinéaste brésilien Maria Ramos.
Par ailleurs, le Festival de Berlin décernera quatre prix hommages avec sa Berlinale Camera: la fondatrice de Independent Filmmaker Project Sandra Schulberg, l'ancien patron de la section Panorama Wieland Speck, la cinéaste française Agnès Varda et le réalisateur allemand Herrman Zschoche. On sait déjà qu'un Ours d'or d'honneur sera attribué à Charlotte Rampling.
Par ces choix, on voit bien que Dieter Kosslick, pour sa dernière année à la tête de la Berlinale a fait le choix d'un festival moins glamour et presque radical, privilégiant ceux qui défendent un cinéma d'auteur parfois pointu. Il sera intéressant de voir si Berlin suit cette voix, comme l'a fait Locarno il y a quelques années, ou décide de revenir dans une compétition plus frontale avec Cannes et Venise.
Loin des oublis des César, le Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des films de Télévision a dévoilé hier soir son palmarès réjouissant pour les cinéphiles.
Mektoub my love, canto uno d'Abdellatif Kechiche a reçu le prix Cinéma. Le réalisateur a annoncé une suite, Mektoub my love, intermezzo, qui sous-entend une trilogie et non plus un diptyque. Le film a été snobé par les César et avait été un échec au box office.
Dans la catégorie cinéma, les critiques français ont également récompensé Phantom Threadde Paul Thomas Anderson (film étranger), Jusqu'à la garde de Xavier Legrand (premier film), Girl de Lukas Dhont (premier film étranger) et Guy d'Alex Lutz (film singulier francophone). Ces quatre films sont en lice pour les César, soit dans la catégorie meilleur film soit dans la catégorie meilleur film étranger. Jusqu'à la garde avait déjà remporté deux prix majeurs à Venise en 2017. Girl avait été distingué à Cannes par quatre prix (Queer Palm, Caméra d'or, prix de la critique internationale, prix du meilleur acteur dans la sélection Un Certain regard).
Dans la catégorie court-métrage, le prix a été remis à La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel, qui faisait partie de nos 15 courts français préférés de l'année.
Côté télévision, Un homme est mort d'Olivier Cossu (Arte) a été distingué par le prix de la meilleure fiction, Histoire d'une nation de Yann Coquart (France 2) par le prix du meilleur documentaire, l'excellent Hippocrate de Thomas Lilti (Canal +) par le prix de la meilleure série française.
Le SFCC décerne aussi des prix pour les supports vidéos et les livres de cinéma. L'insulte de Ziad Doueri (meilleur DVD/Blu-ray), L'intégrale Jean Vigo (meilleur coffret), Memories of Murder de Bong Joon-ho (meilleur patrimoine) et Cinq et la peau de feu Pierre Rissient (prix curiosité) forment la liste des primés en DVD/Blu-ray.
Pour la littérature, les Critiques ont choisi Godard, inventions d'un cinéma politique de David Faroult (éd. Amsterdam), meilleur livre français sur le cinéma, Federico Fellini, le métier de cinéaste de Rita Cirio (éd. du Seuil), meilleur livre étranger sur le cinéma, et Conversations avec Darius Khondji de Jordan Mintzer (éd. Synecdoche), meilleur album sur le cinéma.
Les concerts "Michel Legrand & Friends" initialement prévus les 17 & 18 avril 2019 au Grand Rex à Paris seront maintenus. Ils prendront la forme d'un hommage en présence de nombreux invités dont Richard Galliano, Natalie Dessay, Michel Portal et Sylvain Luc. D'autres invités seront ultérieurement annoncés.
Le décès de Michel Legrand a conduit à ce changement. "Conformément aux souhaits de Michel Legrand et en accord avec sa famille, ces deux concerts seront maintenus et prendront la forme d’un hommage à sa musique et à son incomparable carrière" explique le communiqué. "Compositions originales et standards du Maestro seront à l’honneur pour célébrer l’empreinte indélébile qu'il a laissé dans l’histoire du jazz, de la chanson et la musique de film" seront au programme.
Les billets des spectateurs ayant déjà réservé leurs places resteront valables, sans aucune manipulation à effectuer de leur part. Les personnes ne souhaitant plus assister à ces soirées pourront s’adresser à leurs revendeurs (FNAC, Ticketmaster, Digitick…) pour obtenir remboursement de leurs billets.