Cannes 2019 : 3 questions à Alaa Eddine Aljem, réalisateur du Miracle du saint inconnu

Posté par MpM, le 15 mai 2019

Alaa Eddine Aljem est un réalisateur marocain qui a étudié le cinéma à Marrakech et à Bruxelles, avant de réaliser plusieurs courts métrages. Son premier long, Le miracle du saint inconnu, est sélectionné en compétition à la Semaine de la Critique. Il raconte la vie d'un petit village perdu dans le désert, où se dresse le mausolée d'un Saint inconnu. Toute une galerie de personnages hauts en couleurs s'y croisent, d'un voleur cherchant à retrouver son argent caché dans la tombe du prétendu Saint à un gardien préférant son chien à son fils, en passant par un docteur qui n'a guère que de l'aspirine pour soigner ses patients, dressant un portrait cocasse et absurde du Maroc et de l'Humanité en général.

Ecran Noir : Quelle est la genèse du film ?
Alaa Eddine Aljem : C'est un film burlesque, une comédie absurde, dont j'avais l'idée depuis longtemps. Il y a une continuité avec les courts que je faisais avant, c'est-à-dire que je pars d'une situation absurde et que je cherche à l'exploiter à la fois dans son potentiel dramatique et comique. Ce n'est jamais de la grande comédie, mais c'est quelque chose qui fait sourire. Pour le long métrage, c'est un peu la même chose. Le point de départ, c'est donc ce voleur qui vole de l'argent et qui l'enterre, et qui à sa sortie de prison s'aperçoit qu'on a construit un marabout autour et qu'on pense qu'un saint est enterré là. Il s'installe dans un village qui s'est construit autour de ce mausolée et cherche à récupérer son argent. A chaque fois, il se retrouve dans des situations absurdes qui le mettent en interaction avec les habitants de ce village. Le point de départ, c'était à la fois ces situations, et des images de mon enfance. Ma mère vient du sud du pays, et je voyageais souvent avec elle quand j'étais petit, et ces paysages arides et désertiques me reviennent souvent en tête et sont souvent dans mes films.

EN : Quelle vision aviez-vous envie de donner du Maroc en faisant ce film ?
AEA : Il n'y a pas spécialement un message à délivrer sur le Maroc. C'est plus un constat, une observation. Il s'agit d'une micro-société qui est en mouvement, à la croisée des chemins entre le traditionnel et le moderne. Une société qui doit changer de mode de vie, et où la route et la modernité arrivent, et qui en même temps vit de ses vieilles croyances parce que c'est son seul gagne-pain. Le Maroc est un pays qui est en mouvement. On a atteint un point sensible entre tradition et modernité, et même entre croyance et matière, entre le règne d'un roi qui était jeune quand il est arrivé au trône, qui a apporté un nouveau souffle, et qui aujourd'hui n'est plus si jeune que ça. Il y a besoin d'autre chose, d'un nouveau projet national. J'ai des amis qui détestent le foot et qui priaient pour qu'on ait l'organisation de la Coupe du Monde, juste pour qu'on ait un événement national, quelque chose auquel on puisse croire, qui nous fasse aller de l'avant. Et dans le film c'est exactement ça. Un groupe d'individus qui ont besoin de croire en quelque chose ensemble pour aller de l'avant. C'est un besoin qu'on a tous. Ce n'est pas un film pour dire que telle croyance est bien ou pas bien. C'est plus une manière d'observer un changement, et comment il se reflète chez l'humain.

EN : Quels ont été vos choix de mise en scène pour le film ?
AEA : Dans tous les courts que j'ai fait, il y a une sorte de continuité dans la mesure où je n'ai jamais aimé les mouvements de caméra, je ne sais pas pourquoi. Donc ça a toujours été caméra sur pied et fixe, sans aucun mouvement. Je ne sais pas si c'est l'âge, mais je deviens de moins en moins sensible à certaines focales. J'ai tourné tout le film entre le 35mm et le 50mm, et un tout petit peu le 20mm. Tous les outils de la cinématographie se réduisent, je n'en garde que le strict minimum : une caméra, un pied, trois objectifs. J'aime beaucoup fragmenter les espaces et avoir comme des tableaux avec les personnages qui se déplacent d'un cadre à l'autre. Et souvent, dans les espaces, c'est les mêmes cadres et les mêmes axes, c'est juste monté différemment. Quelqu'un se lève et rentre dans 'autre cadre pour s'assoir. J'aime beaucoup les films japonais, l'esthétique de Ozu, j'aime cette rigidité qu'il y a dedans. Et même culturellement, je trouve qu'il y a quelque chose d'assez proche. Dans les décors marocains, on n'a pas de plan-tatami, mais on a des assises assez basses nous aussi, on a une position de caméra assez similaire.

J'ai aussi un côté assez maniaque sur le découpage, sur la préparation. J'ai besoin que tout soit prêt avant le tournage. Donc avec le chef opérateur, on a fait tout le film plan par plan en photos avant de commencer à tourner. On a pris 821 photos, avec des doublures sur tous les décors. Et des fois on cherchait, on faisait 25 photos avec différentes focales... En plus ce désert où on a tourné, il est habité aujourd'hui. Il y a des routes, des poteaux électriques, des quads, et du coup si on tourne un tout petit peu la caméra, on voit plein de choses dans le cadre ! Il a aussi fallu inventer tous les lieux, car rien n'existait : le mausolée, la colline... Donc j'ai tout préparé avant, méticuleusement. J'aime que tout soit bien préparé. Mais une fois sur le tournage, je ne regarde rien. J'ai tout dans la tête.

Cannes 2019 : La star du jour… Jean Dujardin

Posté par wyzman, le 15 mai 2019

Représentant le plus emblématique de l’humour français, Jean Dujardin est à 46 ans une figure majeure du cinéma hexagonal. Pourtant, sa carrière est loin d’être truffée de montées des marches. A vrai dire, l’acteur que l’on a découvert dans la sitcom Un gars, une fille n’a vraiment marqué le Festival qu’à deux reprises.

Et c’était en 2011. Cette année-là, il assure la voix-off du documentaire Belmondo, itinéraire… diffusé à Cannes Classics avant de surprendre critiques et public dans The Artist de Michel Hazanavicius. Le film lui vaut surtout un Prix d’interprétation masculine à Cannes, première étape de sa consécration avant un César et un Oscar du meilleur acteur qu'il remportera l'année suivante.

Cette année, Jean Dujardin présente Le Daim de Quentin Dupieux en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, aux côtés d’Adèle Haenel. En attendant son retour en agent OSS 117.

Cannes 2019 : Qui est Ladj Ly ?

Posté par MpM, le 15 mai 2019

Ce sera pour beaucoup l’une des révélations de ce 72e festival de Cannes. Ladj Ly, 41 ans, entre en compétition avec son premier long métrage, Les Misérables, qui réunit Damien Bonnard, Alexis Manenti et Djibril Zonga en membres de la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil (Seine Saint-Denis), et suscite une certaine forme de curiosité, quand ce n’est pas d’enthousiasme. Et c’est vrai qu’on se réjouit de découvrir, sur la Croisette qui plus est, le passage au long de celui qui est très loin d’être un inconnu.

Tout commence au milieu des années 90, avec la création du collectif Kourtrajmé dont le but est de tourner clips et courts métrages avec les moyens du bord, l’énergie de la jeunesse et la foi des autodidactes. Aux côtés de Kim Chapiron, Romain Gavras ou encore Toumani Sangaré, Ladj Ly est l’un des membres fondateurs du collectif qui pose notamment ses caméras à la cité des Bosquets à Montfermeil. Kourtrajmé, qui réunit peu à peu jusqu’à 134 membres, autoproduit de nombreux courts métrages et clips imprégnés de culture urbaine.

On retrouve Ladj Ly en 2005 à l’affiche de Sheitan de Kim Chapiron, puis derrière la caméra à nouveau pour le documentaire 365 jours à Clichy-Montfermeil, qui capte les émeutes de 2005. Peu après, il s’adonne à la pratique du "cop watch", c’est-à-dire le fait de suivre des policiers pendant leurs interventions. "Dès que j’arrivais, ça calmait tout le monde, autant les flics que les jeunes", se souvient-il. En 2008, la vidéo d’une bavure policière qu’il met en ligne aboutit même à une enquête suivie d’une condamnation. La force des images, encore. Pas difficile d’imaginer qu’il tire de ces faits réels l’inspiration pour ses films suivants.

Après un autre documentaire, 365 jours au Mali (son pays natal), 2017 est sa grande année, celle qui lui vaudra deux nominations aux César l’année suivante. D'un côté pour le documentaire A voix haute, la force de la parole, qu’il coréalise avec Stéphane de Freitas, et de l’autre pour son propre court métrage Les Misérables, qui constitue en quelque sorte la genèse du long métrage du même nom. Un film tendu, anxiogène, qui décortique les mécanismes d’une bavure policière dans la cité des Bosquets à Montfermeil, tout en captant l’ambiance de la cité.

Le film passe à côté du César, mais il avait reçu le prix Canal + l’année précédente à Clermont)Ferrand, ce qui a suffi pour alerter les professionnels : talent définitivement à suivre. Il n’aura pas fallu attendre longtemps. Immédiatement sous le feu des projecteurs, le réalisateur (qui a entre temps créé une école de cinéma gratuite et ouverte à tous en Seine Saint Denis), investit Cannes avec un long métrage au titre tout aussi hugolien que le précédent (l’écrivain était d’ailleurs nommément cité dans le préambule du court), tourné avec un calendrier et un budget serrés, sans l’aide du CNC. D'où l'impression que cette sélection a un goût de revanche autant que de victoire. Car pour le film, quel que soit le résultat de cette présentation sur la Croisette, le pari est déjà plus que gagné.

Marché du film : Clint Eastwood s’attaque à l’attentat des JO d’Atlanta

Posté par wyzman, le 15 mai 2019

Selon les informations de Deadline, le réalisateur de La Mule est en discussion avec Disney/Fox pour réaliser le drame The Ballad Of Richard Jewell. Ecrit par Billy Ray (Capitaine Phillips), ce drame sera produit par la société de Leonardo DiCaprio (Appian Way) ainsi que les deux journalistes auteurs de l’article de Vanity Fair dont il est adapté : Hill et Kevin Misher.

Le film met en scène le parcours inhabituel d’un agent de sécurité, Richard Jewell, dont la vie a complètement basculé après que son nom a été divulgué par un journaliste dans la foulée de l’explosion survenue lors des Jeux olympiques d’Atlanta de 1996 et qui a fait un mort et 111 blessés. A l’époque, Jewell avait découvert un sac à dos suspect tandis que la presse en avait rapidement fait un suspect potentiel. Un moment annoncés au casting, Jonah Hill et Leonardo DiCaprio n'en seront finalement pas.

Le tournage doit débuter cet été.

3 raisons d’aller voir Tous les dieux du ciel de Quarxx

Posté par kristofy, le 15 mai 2019

Le pitch : Simon, trentenaire, travaille à l’usine et vit reclus dans une ferme décrépite. C’est un homme solitaire, en charge de sa sœur Estelle, lourdement handicapée à la suite d’un jeu qui a mal tourné dans leur enfance. Malgré ses remords et l’agressivité du monde environnant, Simon garde au plus profond de sa chair le secret espoir de sauver sa sœur en la libérant de la pesanteur terrestre. Et si leur salut venait des cieux ?

On avait déjà pu voir le court-métrage de Quarxx Un ciel bleu presque parfait, avec une ambiance étrange et quelques scènes qui mettait mal à l’aise, et même un final où on pouvait douter de ce qui était réel ou pas… Ce court était tellement riche qu’il y avait matière à un long-métrage. C’était d’ailleurs l’intention de Quarxx : trouver des financements pour un long. Le film est maintenant en salles ce 15 mai 2019, avec quelques variations et des ajouts de personnages. Tous les dieux du ciel est une perle rare qui va vous bousculer.

Un film français détonnant
Les personnages ont des ‘gueules’ de terroir; les décors que sont la maison entourée de champs, l'usine, le garage illustrent une ruralité qui change des comédies parisiennes dans des appartements huppés. Le films est porté par un Jean-Luc Couchard, habité par son personnage : il nous avait habitués à ses rôles de Belge rigolo et expansif, mais ici il se 'DanielAuteuilise' en livrant une interprétation surprenante de taciturne, entre ruminements intérieurs et accès de colère. Tous les dieux du ciel parvient à explorer plusieurs univers. C'est autant un polar campagnard qu'une possible proposition de fantastique et surtout une tragédie familiale. Un film qui joue sur autant de registres n'a pas été vu depuis longtemps...

Entre trauma et culpabilité...
La racine de l'histoire est un jeu d'enfance qui a provoqué un tragique accident entre un frère et sa sœur. Celle-ci devenue adulte en est restée handicapée dans un état presque végétatif et défigurée. Mélanie Gaydos est celle qui parle le moins mais qui en dit le plus tout le long du film ; son visage si particulier hante son frère et perturbe tout le monde, à commencer par le spectateur. La jolie idée du scénario est d’ailleurs qu’un seul personnage en particulier ne voit pas son apparence comme un handicap, une fillette du voisinage. Qu'il s'agisse de cette sœur alitée, de la fillette qui ne semble pas être à sa place, de l'assistante sociale de passage; les personnages féminins sont tous à divers degrés victimes de la brutalité des hommes...

À la frontière entre folie et imaginaire
Tous les dieux du ciel intrigue, interroge, bouscule comme aucun film ne l'a fait depuis des lustres, peut-être depuis le fameux Calvaire de Fabrice Du Welz en 2004. Quarxx, dont c'est le premier film, développe une imagerie forte, en particulier avec cette femme qui semble presque monstrueuse alors que le véritable monstre se cache dans l'esprit de son frère. Il ose en particulier se confronter au fantastique avec l'attente de possibles êtres venus d'ailleurs. Tout le film est rempli de diverses confrontations avec les autres : le psychiatre, les services sociaux, le voisin du champs, et surtout le passé trop lourd à supporter. Tous les dieux du ciel se révèle être un film plein d'audaces, tant visuelles et narratives, qui prend le risque d'un rare mélange des genres, entre drame et fantastique.

Cannes 2019: Les quatre grands films de John Carpenter (Carrosse d’or)

Posté par kristofy, le 15 mai 2019

John Carpenter. Son nom de prince des ténèbres est déjà légendaire, car il évoque un assaut de souvenirs de films qui ont vraiment marqué l'antre de la folie de notre mémoire de vampires de cinéma.

« En France, je suis un auteur. En Angleterre, je suis un réalisateur de films. Et, aux Etats-Unis, je suis une sorte de clochard », John Carpenter.

C'est l'un des plus grands cinéastes, dont la longue filmographie se résume presque à une confrontation avec le Mal. La majorité de ses films est une exploration du fantastique et de la science-fiction. Son surnom de 'Big John' est d'ailleurs synonyme à la fois de respect et d'admiration, il a connu des grands succès, mais aussi quelques échecs, où le temps a finalement joué en sa faveur : « Je ne changerais absolument rien à ma carrière. Je suis ravis des films que j’ai fait. Il y en a que j’aime moins, mais je peux les regarder en me disant : c’est pas si mal ! S'il y en a qui ne les aiment pas, qu’ils aillent se faire foutre. »

Entre lui et la France s'est nouée une relation un peu intime. Il a eu le plaisir de recevoir plusieurs fois des prix pour ses films au Festival international du film fantastique d’Avoriaz (qui a migré à Gérardmer) où il a remporté trois fois le Prix de la Critique : en 1979 pour Halloween, en 1980 pour Fog et en 1988 pour Prince des ténèbres.

Il a grandi avec les westerns de Sam Peckinpah, John Ford, et Howard Hawks (il y fait plusieurs références) mais il aime aussi La Bonne année de Claude Lelouch ! En 2019, c'est (enfin) Cannes qui le célèbre, à la Quinzaine des réalisateurs, avec un Carrosse d'or (succédant à Martin Scorsese).

En 1970 un Oscar du meilleur court-métrage est attribué au court The Resurrection of Broncho Billy réalisé par des étudiants de la fameuse école de cinéma USC (University of Southern California’s School of Cinematic Arts). John Carpenter en est le co-scénariste, le monteur, et le compositeur de musique. De son premier long-métrage en tant que réalisateur - Dark Star en 1974 - à son dernier film - The Ward en 2011-,  il y a plus d'une vingtaine de films (dont une poignées pour la télévision) où John Carpenter en est à la fois producteur, réalisateur, scénariste, monteur (parfois sous un pseudonyme), et compositeur. Et depuis sa contribution pour cet Oscar d'un court-métrage, avant que ne débute vraiment sa carrière professionnelle, il n'a jamais reçu la prestigieuse statuette dorée sur son nom. Il est grand temps que ses pairs et héritiers de cinéma rendent hommage à son cinéma, et c'est donc le cas via la SRF (Société des Réalisateurs de Films) et Cannes avec cet hommage à sa carrière.

Retour sur 4 films essentiels en particulier de la filmographie de John Carpenter :

- Assaut (Assault on Precinct 13), 1976 :
Le premier film de Carpenter Dark Star était une plaisante fantaisie spatiale. Ça n'a pas marqué l'époque, mais c'était tout de même précurseur : les images de déplacement du vaisseau à toute vitesse 'hyper-drive' ont été l'influence de la vitesse 'hyper-espace' du Star Wars de George Lucas, le co-scénariste de Dark Star, Dan O'Bannon, en a d'ailleurs repris plusieurs éléments pour le scénario de Alien de Ridley Scott. En fait John Carpenter veut retrouver une structure de western, genre tombé en désuétude mais qu'il adore. Il va d'ailleurs faire référence au Rio Bravo de Howard Hawks au travers d'un polar urbain un peu violent et assez novateur : Assaut. Carpenter est à la fois réalisateur, scénariste, monteur, et compositeur de la musique.

Un commissariat où il ne reste qu'une poignée de policiers pour cause de déménagement reçoit en transit, pour une nuit, un criminel. Mais un furieux gang va attaquer... Le détenu dangereux est blanc et le valeureux policier est noir (ce qui à l'époque est assez subversif). Ils vont devoir s'allier pour se défendre contre cet assaut. Le film est devenu une référence incontournable du film d'action. Second film pour John Carpenter, mais le premier qui va compter, le succès est relatif et prendra du temps sauf en Angleterre où il triomphe, la carrière de Carpenter est lancée.

- Halloween, la nuit des masques (Halloween), 1978 :
Suite à Assaut, il y a l'idée faire quelque chose de très différent avec un tueur qui poignarde une babysitter. L'histoire sera simple mais diablement efficace. Un soir d'Halloween, le petit garçon Michael Myers de 6 ans tue sa sœur à coups de couteau. Il est alors interné en hôpital psychiatrique, dont il s'échappe à l'âge de 21 ans, le jour d'Halloween. Avec un masque et un couteau, il va assassiner de nouveau en s'attaquant à des lycéennes. L'une d'elle va essayer de ne pas se faire tuer (et c'est la révélation de jeune actrice Jamie Lee Curtis).

Le succès est tellement énorme (325 000 $ de budget, 46 millions $ de recettes de l'époque soit l'équivalent de 180M$ aujourd'hui) que ça en devient un des films les plus rentables, et même le début d'une franchise aux multiples suites et remakes. John Carpenter est sur un tremplin pour faire ce qu'il veut ensuite. Halloween avec son iconique tueur masqué et sa musique angoissante (de Carpenter) est devenu un film d'horreur culte.

- The Thing, 1982 :
En 1979 John Carpenter avait réalisé pour la télévision Le roman d'Elvis, un biopic sur Elvis Presley (donc bien avant la mode des biopics musicaux qui nous arrive en ce moment, parmi lesquels Rocketman cette année à Cannes) avec  l'acteur Kurt Russell dont la carrière sera alors vraiment lancée. Kurt Russell deviendra le héros fétiche de Carpenter qui le caste par la suite quatre autres fois :  New-York 1997 en 1981 et sa suite Los Angeles 2013 en 1996, Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin en 1986 et surtout The Thing, îson premier film de studio, avec Ennio Morricone à la bande musicale. Ici John Carpenter se lance dans l'adaptation d'un de ses films préférés La Chose d'un autre monde de 1951 (en noir et blanc) de Howard Hawks et Christian Nyby, il trouve là matière à faire un grand film de science-fiction.

Dans le froid de l'Antarctique, une station de recherche avec quelques scientifiques américains découvrent que des collègues norvégiens ont trouvé quelque chose mais qu'ils sont tous morts, sauf un chien. Ils vont découvrir eux aussi cette chose qui va les tuer un par un... The Thing est l'un des plus grands films de John Carpenter mais à l'époque cela va devenir sa plus grande désillusion : ça sera une déception commerciale, car juste avant il y avait eu la sortie triomphale du bienveillant E.T. de Steven Spielberg. Le public de l'époque ne voulait pas voir une forme de vie extraterrestre exterminatrice des humains. The Thing, avec sa célèbre dernière séquence où il faut deviner qui est contaminé ou pas, a su gagner son public plus tard au fil des années jusqu'à devenir un classique.

- Christine, 1983 :
Suite à l'accueil décevant de The Thing, le studio producteur retire à John Carpenter la réalisation d'un film adapté d'un roman de Stephen King avec un enfant poursuivis pour ses dons : Charlie (Firestarter) sera mis en image par Mark L. Lester avec comme héroïne justement la petite gamine de E.T. Drew Barrymore. Mais ça n'a pas suffit pour faire un succès.

Les romans de Stephen King sont à cette époque presque tous transposés au cinéma (Carrie, Shining, Dead Zone...) et ça semble naturel que John Carpenter soit parmi les cinéastes destinés à l'adapter,. Il fera alors un film d'après un autre de ses thrillers : Christine. Un jeune lycéen plutôt solitaire et peu sûr de lui achète une vieille voiture, une Plymouth Fury rouge en mauvais état. Il va la réparer (et elle va se réparer elle-même aussi). Entre la voiture et lui se développe une relation spéciale, lui prend de l'assurance et drague une fille, mais il se pourrait que cette voiture prénommée Christine, par jalousie, tue les gens qui approche de trop près son conducteur...

Le livre n'est pas le plus passionnant de Stephen King, mais John Carpenter a su ici le mettre un image de belle manière en élevant une histoire de série B au niveau d'un (grand) film d'auteur, renouant avec le style des mélos et des drames des années 1950-1960. Avec Christine, le réalisateur montre son de talent au service d'une commande d'un grand studio de cinéma (et n'oublions pas encore une fois cette BOF splendide). Il signera ensuite, avec un même sens de qualité le très beau Starman en 1984 ou Les Aventures d'un homme invisible en 1992. Prouvant une fois de plus que l'humain et le fantastique font bon ménage.

Il connaît divers échecs commerciaux avec ses films suivants, mais le John Carpenter plus iconoclaste et imprégné de western se retrouve par exemple dans Vampires en 1998 et Ghost of Mars en 2001. Après deux participations à la série de téléfilms Masters of horror, et symboliquement 10 ans après son épique Ghost of Mars, Carpenter a repris la caméra en 2011 pour The Ward avec Amber Heard dans un hôpital avec un esprit maléfique.

John Carpenter ne tourne plus de films mais il continue de faire la musique: il a d'ailleurs composé celle du Halloween de David Gordon Green, le 11ème film de la saga. L'empreinte de John Carpenter dans le cinéma est telle que plusieurs de ses films font l'objet de suite, préquelle, remake : c'est le cas de Assaut, Halloween, The Fog, The Thing.

Cannes 2019: Qui est Monia Chokri ?

Posté par vincy, le 15 mai 2019

A bientôt 36 ans, la québécoise Monia Chokri va goûter les saveurs du Palais des festivals avec son premier long métrage en tant que réalisatrice, La femme de mon frère, qui ouvre aujourd'hui la section Un Certain regard.

Cannes, elle connaît. Elle y est venue plusieurs fois en tant qu’actrice pour Denys Arcand (L’âge des ténèbres) mais surtout pour Xavier Dolan (Les amours imaginaires, Laurence Anyways). Dans Les amours imaginaires, elle était Marie, partagée entre deux hommes, Dolan et Niels Schneider, dans ce trio amoureux. C’est ainsi qu’on la remarque.  Avec Laurence Anyways, elle franchit un cap en étant nommée aux Jutra en tant que meilleur second-rôle féminin.

Formée au conservatoire de Montréal puis au théâtre, la comédienne est rapidement repérée. On la croise en France chez Claire Simon (Gare du nord), Katell Quillévéré (Réparer les vivants), Morgan Simon (Compte tes blessures).

Elle était aussi à l'affiche de Je suis à toi du belge David Lambert, encore un trio amoureux qui se déjoue du genre. puisque Lucas (Nahuel Pérez Biscayart), un prostitué argentin vient travailler comme apprenti dans une petite boulangerie de Belgique. Le patron tombe amoureux de lui, alors que Lucas ne pense qu'à la vendeuse. Le film a été deux fois récompensé à Angoulême.

A cette filmographie libre et vagabonde, elle réplique: "Je pense surtout qu'on attire les gens qui nous ressemblent. Avec Xavier Dolan, on a des goûts communs, de fortes affinités. Ma filmographie, c'est donc un semi hasard, et un semi choix de ma part."

Pourtant, c’est son  premier court-métrage, il y a six ans, qui va la distinguer. Quelqu’un d’extraordinaire, avec une autre fidèle du clan Dolan, Anne Dorval, fait le tour du monde des festivals. Il glane plusieurs prix importants : le Jutra du meilleur court métrage au Québec, le prix jeunesse du meilleur court métrage à Locarno, le Grand prix du court métrage au festival du Nouveau cinéma à Montréal et le Grand prix du jury au festival d’Austin, le très hype SXSW. Cet étrange film est une histoire hivernale où l’on suit la reconstruction d’une jeune femme poussée à régler ses comptes avec son entourage, avec quelques digressions assez comiques.

Pour elle, "Raconter ou interpréter une histoire, c'est un peu le même métier, mais on a une prise différente sur la narration." Elle affirme que ce qui l'intéresse "c'est de créer. Quel qu'en soit le moyen." En voulant valoriser les rôles de femmes dans ce milieu encore trop masculin. "Il est temps que les femmes, elles aussi, racontent le monde et racontent les autres femmes. Avec, peut-être, un peu plus d'acuité et de vérité" explique-t-elle.

Pour son long métrage, tourné entre février et juin 2018 et concourant pour la Caméra d’or, c’est encore une relation tortueuse qui sera au centre d’un duo fusionnel entre une sœur et son frère, perturbés par l’arrivée d’une femme.