Présidé par Nadine Labaki, accompagnée de Marina Foïs, Nurhan Sekerci-Porst, Lisandro Alonso et Lukas Dhont, le jury d'Un certain regard a rendu un verdict éclectique avec 8 films distingués sur les 18 de la sélection.
"Le Jury tient à témoigner du grand plaisir qu’il a eu à s’immerger dans la diversité de cette sélection, diversité quant aux sujets traités, quant à l’approche cinématographique et à la représentation des personnages. Il a été pour nous très stimulant de voir côte à côte des réalisateurs qui maîtrisent si bien leur langage et d’autres qui suivent ce même chemin. Constater la présence de 9 premiers films fut pour nous une belle surprise et voyager à travers ces différents univers, un réel privilège. Le cinéma mondial se porte à merveille !" a indiqué le jury dans le communiqué.
Si on peut regretter qu'aucun des deux films d'animation n'aient été récompensés, le jury a confirmé le bel accueil au film du cinéaste brésilien Karim Aïnouz, La vie invisible d'Euridice Gusmao, grande fresque mélodramatique autour de deux sœurs fusionnelles qui se retrouvent séparées par le destin. Le film reçoit le Prix Un Certain Regard, le plus grand prix du palmarès.
Le Prix du jury est revenu au film minimaliste d'Oliver Laxe, Viendra le feu.
Chiara Mastroïanni reçoit le Prix d'interprétation pour son plus grand rôle à date, dans Chambre 212 de Christophe Honoré. Une belle manière de distinguer ce film.
Kantemir Balagov, avec sa fresque formelle Beanpole reçoit le Prix de la mise en scène tandis qu'un Prix spécial du jury a été remis au déconcertant et libertin Libertéd'Albert Serra.
Le jury a aussi tenu à donné une mention spéciale à Jeanne, drame historique décalé de Bruno Dumont, et deux coups de cœur à des films qui mêlent l'humour et l'intime, avec un ton léger et des personnages dépressifs: La femme de mon père de Monia Chokri, qui avait fait l'ouverture d'Un certain regard, et The Climb de Michael Angelo Covino.
Le Festival de Cannes n'est pas que le célèbre tapis rouge, il rassemble les films en sélection officielle et dans les sections parallèles, mais se compose aussi d’autres programmations comme Visions Sociales ou la Semaine du cinéma positif. Ou encore la section Cannes Écrans Juniors qui présente neuf longs métrages internationaux qui présentent un intérêt particulier pour des jeunes à partir de 13 ans car "ils développent des thématiques ou mettent en scène des univers susceptibles de les confronter au monde et aux autres cultures, tout en leur faisant découvrir l’art cinématographique". Les films viennent de France, Argentine, Hongrie, Royaume-Uni, Canada ou encore Australie, et certaines séances sont suivies de débat.
Des lycéens originaires du lycée Edouard Belin de Vesoul (dont certains ont déjà une curiosité particulière de cinéma grâce au Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul) sont arrivés à Cannes pour quelques jours. A leur programme, donc, des films de Cannes Écrans Juniors mais aussi la possibilité de découvrir des films de la sélection officielle. Parmi ces lycéens, nous avons rencontré Adèle qui est en seconde et découvre Cannes pour la première fois :
Quelles ont tes premières impressions du Festival de Cannes, par rapport à ce que tu imaginais et ce que tu as découvert ?
J'imaginais que le Festival de Cannes était quelque chose de très privé, quelque chose qui n'était pas accessible pour tout le monde, pas pour une jeune lycéene de Vesoul comme moi. Arriver ici j'ai simplement réalisé un rêve, j'ai pu voir mes acteurs préférés comme Léa Seydoux, Leonardo Di Caprio, aussi Lupita Nyong'o. J'ai rencontré des gens très intéressants, j'ai vu des films magnifiques de réalisateurs supers que je ne connaissais pas du tout. Je pensais que le Festival de Cannes était fait essentiellement pour les gros films à gros budget et avec un gros casting. Et je me suis rendu compte qu'il y avait énormément de petits films avec des acteurs débutants qui font leurs premières fois au cinéma, et ça ça m'a énormément plu. J'ai totalement changé l'image que j'avais du Festival de Cannes.
Parmi les quelques films que tu as vus lequel t'as le plus marqué ?
On est plusieurs du lycée à avoir pu monter les marches pour Roubaix, une lumière de Arnaud Desplechin, avec Léa Seydoux justement. Le film qui m'a le plus marquée c'est 100 kilos d'étoiles de la réalisatrice Marie-Sophie Chambon avec un très jeune casting, le personnage principal n'avait jamais fait de cinéma jusqu'à présent, c'est une fille à peu près de mon âge. J'ai trouvé ce film très intéressant car il parle de complexes qu'une jeune fille peut rencontrer à la puberté notamment par rapport à son poids, les obstacles qu'elle peut rencontrer quand elle veut se lancer dans un domaine particulier juste parce qu'elle est une femme. Le jeu des acteurs était prenant, j'ai trouvé ce film très spontané, très vrai.
Cette initiative est également l'occasion pour les lycéens de parler ensemble des films et de s'exercer à la critique. Nous vous proposons de découvrir le texte écrit collectivement par Emma, Gwendoline et Suela au sujet du Jeune Ahmed de Jean-Pierre et Luc Dardenne :
C'est l'histoire dramatique d'un petit garçon musulman influencé par un imam lui imposant les mauvaises valeurs de l'Islam. Sa vie va prendre un tout autre tournant suite à un évènement bouleversant la vie de son entourage. C'est un film très intéressant qui touche l'actualité, et plusieurs jeunes de notre âge. C'est important de véhiculer ces histoires pour toucher tout le monde et faire prendre conscience de ce qui se passe aujourd'hui. Ce film fait preuve d'un grand réalisme, et les réalisateurs ont réussi à nous prouver qu'un personnage avec de mauvaises intentions, qui habituellement serait renié, peut être attachants et susciter de la compassion.
A 42 ans, la Belge devenue française Virginie Efirane cesse de ravir le public.
Connue des amateurs de télé-crochet, actrice régulière depuis 2010, où elle brille surtout dans des comédies romantiques et populaires. Elle s’offre un virage dramatique en 2016 pour notre plus grand plaisir. Cette année-là, elle présente aux côtés d’Isabelle Huppert Elle de Paul Verhoeven (compétition), qui, séduit par son jeu lui offrira le rôle principal de son prochain film, Benedetta. Elle remonte les marchées deux années plus tard avec l’incontournable comédie de Gilles Lelouche, Le Grand Bain (hors compétition).
4,3 millions d’entrées plus tard, elle est cette année plus armée que jamais à effectuer une nouvelle montée des marches avec Sibyl (compétition) de Justine Triet. La réalisatrice - qui a déjà dirigé Virginie Efira en 2016 dans Victoria (grand coup de cœur de la Semaine de la Critique à l'autre bout de la Croisette), lui valant une nomination aux César - l’a ici faite tourner aux côtés de son compagnon Niels Schneider et Adèle Exarchopoulos. Tout un programme !
A bientôt 59 ans, Elia Suleiman se fait rare. L’enfant de Nazareth, acteur, scénariste, réalisateur, navigant entre Chaplin et Tati, était absent des écrans depuis dix ans.
Enfin pas tout à fait. Le cinéaste palestinien a fait un des segments de 7 jours à la Havane, sélectionné à Un certain regard en 2012. Elia Suleiman est un abonné de la Croisette. Même en tant qu’acteur, puisqu’il avait un petit rôle dans Bamako d’Abderrahmane Sissako, hors-compétition à Cannes en 2006.
À l’exception de son premier film, Chronique d’une disparition (1996), prix du meilleur premier film à Venise, tous ont été à Cannes. Dès son premier long, Suleiman impose son style ironique, avec une narration fragmentée, comme des vignettes sur le quotidien absurde de ses concitoyens. Un assemblage de sketches dramatiques ou burlesques, émouvants ou cocasses. Sa marque de fabrique. Une poésie visuelle sans trop de dialogues pour conjurer les tragédies observées.
En 2001, il présente un moyen métrage, Cyber Palestine à la Quinzaine et l’année suivante il est en compétition. Avec Intervention divine, il maîtrise un peu plus son savoir-faire et bouscule les conventions narratives dans l’air du temps. Le cinéphile n’était plus vraiment habitué à voir ce genre de récits, aussi décousus que déconcertants. Maniant la métaphore à outrance, avec son physique à la Pacino et son regard à la Buster Keaton, il démontre que le cinéma peut encore être imaginatif et corrosif. Le film obtient le prix du jury sur la Croisette. Quatre ans plus tard, il sera membre du jury cannois.
Avec son long métrage suivant, Le temps qu’il reste, toujours en compétition, il repart bredouille. Pourtant le film est plus accompli. Il donne une dimension historique et affective à son histoire. Son regard est toujours aussi atterré, affligé, ouvert. Clown triste en errance, son personnage muet observe un monde qui lui échappe, et son monde qui le rassure.
On s’interroge sur son nouveau film, qui sera certainement dans la lignée des précédents. Le titre It Must Be Heaven porte déjà l’ironie mordante de son auteur. Engagé pour la paix, ce palestinien qui a vécu à New York puis à Jérusalem, conférencier et essayiste, Elia Suleiman a peut-être collé des morceaux de sa vie et des voyages dans un seul film sur l’exil et l’identité. Ici, il fuit la Palestine à la recherche d'une nouvelle terre d'accueil, avant de réaliser que son pays d'origine le suit toujours comme une ombre. Sa patrie est partout, même à Cannes.
Selon Variety,Robin Wright va prochainement réaliser Land, son premier long-métrage. Attendue devant et derrière la caméra, la star de House Of Cards y incarnera Edee Mathis, une femme rongée par le deuil qui décide de se retirer du monde moderne. Doté d’un scénario original écrit par Jesse Chatham et Liz Hannah (Pentagon Papers), le tournage du film devrait débuter cet été en Colombie-Britannique (Canada).
Productrice exécutive des trois dernières saisons de House Of Cards, Robin Wright n’en est pas à son coup d’essai. En effet, elle a réalisé 10 des 73 épisodes de la série qui a permis à Netflix de s’imposer sur le marché. Land est produit par Allyn Stewart (Sully), Peter Saraf (Little Miss Sunshine) et Leah Holzer (A Beautiful Day In the Neighborhood). Le film devrait trouver un distributeur international durant ce Festival de Cannes.
L’an dernier, il était deux fois à la Quinzaine des réalisateurs, avec Les joueurs de Marie Monge et Les confins du monde de Guillaume Nicloux. Cette année, Jonathan Couzinié revient sur la Croisette avec sa complice Aude Léa Rapin, pour Les héros ne meurent jamais, sélectionné à la Semaine de la critique. Avec Adèle Haenel en partenaire.
Il est fidèle Jonathan Couzinié, à moins qu’il ne préfère la famille. Il a tourné de nouveau avec Nicloux pour la série TV d’Arte, Il était une seconde fois. Après avoir été dans le court métrage Marlon de Jessica Palud (Grand prix Unifrance à Cannes en 2017), la réalisatrice l’a enrôlé pour son nouveau long métrage, Revenir, avec Niels Schneider et Adèle Exarchopoulos.
Mais c’est bien avec la réalisatrice Aude Léa Rapin que la collaboration est la plus fusionnelle. Entre naturalisme et improvisations, le comédien aime la surprendre. Non seulement, il en est son interprète fétiche, mais ils écrivent ensemble les scénarios. Ça a commencé avec La météo des plages et Ton cœur au hasard, primé à Namur, Brive et Clermont-Ferrand. En 2016, avec Que vive l’empereur, Jonathan Couzinié reçoit le prix du meilleur acteur à Cabourg, Pantin, Paris-Courts, et le court est récompensé par le prix du meilleur film à Namur et le prix du public à Pantin.
Les voici dans la cours des grands avec leur premier long. L’acteur, qui a suivi des formations de chant, de clown, de danse, et de masque, voit son agenda se remplir. Etoile montante du cinéma français, on a aussi vu cet acteur impressionnant dans Volontaire d’Hélène Fillieres et Ulysse et Mona de Sébastien Betbeder. Côté courts, il a tourné pour l’écrivain Laurent Mauvignier (Proches). Côté scène, il a brûlé les planches depuis 2003, d’abord à Saint-Etienne, où il s’est formé, puis il a tourné à Avignon, Nanterre, Aix-en-Provence…
Retenez bien son nom. L’an prochain, à Cannes ?, « Jona » incarnera Jésus dans le Benedetta de Paul Verhoeven.