Berlin 2010 : Shah Rukh Khan plus fort que les extrêmistes

Posté par vincy, le 19 février 2010

my name is khanHors-compétition, la Berlinale présentait un film bollywoodien pas comme les autres. My Name is Khan, de Karan Johar, met en vedette la superstar indienne Shah Rukh Khan (ou Sha Rukh Khan ou Shahrukh Kha), après quasiment une année de disette pour ses fans. Surtout, son sujet était éminemment politique puisqu'il traite de la discrimination subie par les musulmans aux Etats-Unis après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, tout en prêchant un retour à la tolérance.

Mais le film n'est sorti que dans quelques salles à Mumbay (Bombay) car les exploitants ont du céder aux pressions du Shiv Sena, parti d'extrême droite local.  Le parti voulait que l'on boycotte cette production coûteuse. Les producteurs ont alors réclamé auprès de la police que l'on garantisse la sécurité des spectateurs à l'entrée et à la sortie des cinémas. De quoi plomber un démarrage.

Car ne plaisantons pas, les membres de ce parti sont extrêmement violents. Ils avaient attaqué des salles, brûlé des affiches et encerclé la résidence de l'acteur dans les jours qui précédaient la sortie du film la semaine dernière. Au total, la police a arrêté 1 800 extrêmistes.

Mais qu'on ne se méprenne pas : leur colère n'est pas à l'égard du film mais de l'acteur. Shah Rukh Khan a en effet osé dire publiquement qu'il regrettait qu'aucun joueur pakistanais n'était dans la sélection de la Ligue de cricket indienne! Outrage patriotique! Quant au parti xénophobe Shiv sena, il a de moins en moins de crédit et cherche ainsi à rebondir médiatiquement.

Manque de chance, leur calcul s'est avéré faux. Quelque soit leur communauté, les habitants de la métropole sont venus manifestés, se mobilisent pour pacifier la ville et sont allés voir le film en masse. Le film a effectué le plus gros démarrage pour une production indienne en trois jours, avec au niveau mondial des recettes s'élevant à 18 millions de $, dont 2 millions de $ dans les 120 cinémas d'Inde. Aux USA, il a rapporté 2,5 millions de $ le même week-end, lui permettant, en étant 13e du box office, de devenirle plus gros succès bollywoodien en Amérique.

De là à dire que les extrêmistes lui ont fait sa pub...

Berlin 2010 : vous reprendrez bien un peu de polémique nazie ?

Posté par MpM, le 19 février 2010

judsuss.jpgQue serait un festival sans polémique ? Mérité, recherché ou fabriqué de toute pièce, le scandale permet d'entretenir le buzz, de provoquer la curiosité et surtout de faire parler. C'est bon pour l'image comme pour le business, même si la plupart du temps "l'affaire" retombe d'elle-même comme un soufflé en moins de 48h. Que voulez-vous : un film chasse l'autre.

Deux jours avant la remise de l'Ours d'or, et alors qu'il ne reste que trois films en compétition à découvrir, la Berlinale a donc connu sa première mini-polémique 2010, forcément politique. Comme cela arrive souvent ici, la cause en est un film traitant de l'époque nazie. Jud Süss (Film ohne Gewissen) d'Oskar Roehler (Les particules élémentaires) raconte la genèse du film de propagande nazie "Le juif Süss" commandé par Goebbels dans le but de renforcer la haine des Allemands envers le peuple juif. Cette œuvre, qui fut à l'époque montrée à plus de 20 millions de personnes, met en scène un marchand juif censé personnifier la lâcheté, la duplicité et la perversité dans la Prusse du 18e siècle. Elle est aujourd'hui encore interdite en Allemagne.

Le plus grand scandale provient probablement de sa mise en scène outrée et grandiloquente

Ce qui a le plus choqué les journalistes présents à la séance de presse (et qui ont sifflé le film, pratique bien plus rare à Berlin qu'à Cannes), c'est la liberté prise par Oskar Roehler et son scénariste Klaus Richter avec la vérité historique. L'épouse de Ferdinand Marian (l'acteur qui jouait Süss) devient ainsi juive pour les facilités du scénario (plus de compassion, moins de réflexion). Le film oublie aussi de préciser que le comédien continua sa carrière après le succès de Süss, donnant l'impression qu'il n'est qu'une malheureuse victime de Goebbels. Ces "évolutions arbitraires" revendiquées par le réalisateur ôtent à Jud Süss (Film ohne Gewissen) toute caution documentaire, ou au moins historique.

Privé de cela, il ne lui reste plus grand chose tant il est artistiquement raté. Le plus grand scandale provient probablement de sa mise en scène outrée et grandiloquente... mais d'une courte tête seulement devant son scénario si mal ficelé qu'il oublie la moitié des enjeux en route. Ne parlons pas des personnages qui sont au-delà de la caricature, réduits au degré zéro de la psychologie (alcoolique, neurasthénique, fanatique...).

Le sujet, malgré tout, éveille une nouvelle fois la mauvaise conscience et le sentiment de culpabilité des Allemands. D'où la réaction épidermique de certains, et l'ambiance gênée durant la projection. Probablement afin d'éviter tout débordement, la conférence de presse avec l'équipe du film a quant à elle été particulièrement bordée. Le modérateur a très largement monopolisé la parole en interrogeant longuement (et de manière purement inoffensive) les différents intervenants. Ensuite, les autres questions ont surtout porté sur des points de détail concernant les différences entre fiction et réalité.

Pas de quoi lancer une vraie polémique, mais suffisant pour souligner le malaise qui, aujourd'hui encore, accompagne systématiquement toute œuvre touchant au nazisme. Etant Allemand lui-même, Oskar Roehler savait à quoi s'en tenir en choisissant précisément la forme du mélodrame flamboyant et approximatif pour un sujet pareil. De là à penser que les sifflements et la menace de scandale faisaient partie de ses calculs, ou de ceux du Festival de Berlin...

Berlin 2010 : les secrets de l’hospitalité taïwanaise

Posté par MpM, le 18 février 2010

taiwan_directors.jpgA Berlin comme dans tous les festivals de cinéma du monde, après les quatre ou cinq films courageusement enchaînés, il est temps de se détendre en se rendant dans l'un des cocktails, soirées ou fêtes organisés chaque soir. Dans des lieux souvent select se pressent ainsi les heureux détenteurs d'invitations, sésame indispensable pour atteindre le buffet, le bar et la piste de danse.

Exemple avec la sympathique Taïwan Party qui se tenait le 16 février dans une des salles de réception du Ritz-Carlton : ambiance bon enfant (comme on l'avait précédemment remarqué à Cannes et à Vesoul, la représentation cinématographique de Taïwan sait s'amuser), service impeccable, animation joyeusement débridée et défilé permanent des équipes de films présents à Berlin. Avec, cerise sur le gâteau, la visite éclair de Jackie Chan, star internationale qui a provoqué quelques minutes de pur délire.

Les enjeux d'une telle soirée ne sont pas difficiles à comprendre, quoi que multiples. Une fête réussie, c'est bon pour l'image d'un pays, mais c'est surtout excellent pour les affaires. Il est ainsi primordial de promouvoir les quelque 100 films taïwanais (fictions, documentaires, animations, courts métrages et projets en cours de réalisation) disponibles sur le marché pendant la Berlinale. Parmi ces films (dont les plus anciens datent de 2008), on retrouve par exemple Cape n°7, prodige du box-office taïwanais en 2008, toujours pas sorti en France, No Puedo Vivir Sin Ti de Leon Dai, Cyclo d'or à Vesoul en début de mois, ou encore le dernier Tsai Ming-Liang (Visages), présenté à Cannes en 2009. Aux acheteurs, distributeurs et organisateurs de festival de tous les pays de faire leur choix !

Autre cible de la délégation taïwanaise : les producteurs et réalisateurs étrangers désireux de venir tourner à Taipei. Un guide très bien fait détaille ainsi les hauts lieux  de la capitale susceptibles d'accueillir un tournage. Temples, musées, monuments, clubs... tous les décors du monde sont là ! Et ce n'est pas tout.

Depuis janvier 2008, la commission du film de Taipei (une organisation semi-gouvernementale) est chargée d'assister les productions ayant lieu sur son territoire. Il s'agit notamment de faciliter les autorisations de tournage, favoriser les coproductions, fournir aux réalisateurs toutes les informations dont ils ont besoin... Un système d'aides financières est par ailleurs prévu pour les productions répondant à certaines conditions. En 2008, 660 000 dollars auraient ainsi été distribués.

Et Taïwan n'est qu'un exemple parmi d'autres, chaque pays présent ayant dans une certaine mesure des films à vendre, un paysage à louer et surtout sa part de rêve à gagner. Un joli cercle vertueux (?) qui devrait permettre d'alimenter les festivals en oeuvres comme en festivités pendant encore un bon moment...

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photo : les réalisateurs Hou-Chi-jan (One Day), Niu Chen-zer (Monga) et Arvin Chen (Au revoir Taipei)

Berlin 2010 : l’Iran prive Jafar Panahi (???? ?????) de Festival

Posté par vincy, le 16 février 2010

jafar_panahi.jpgLe réalisateur iranien Jafar Panahi, invité d'honneur de la 60e Berlinale, n'a pas reçu la permission de quitter l'Iran. Le régime de Mahmoud Ahmadinejad continue de défier le mone occidental avec une répression toujours plus sévère.

Panahi est un symbole en soi. Le réalisateur a été découvert en 1995 avec Le ballon blanc (Caméra d'or à Cannes) avant d'enchaîner les prix les plus prestigieux. Léopard d'or à Locarno en 1997 (Le Miroir), Lion d'or à Venise en 2000 (Le cercle), Prix du jury d'Un certain regard à Cannes en 2003 (Sang et or) et enfin Ours d'argent - prix du jury en 2006 (Hors-jeu).

Il devait participer un une conférence très attendue - Cinéma iranien : Présent et futur. Le Festival s'est déclaré surpris et a exprimé ses regrets.

Mais Pahani est aussi un des porte-paroles les plus critiques du pouvoir iranien.  Il avait déjà été interpellé à Téhéran en juillet 2009, quand, avec des partisans, il avait rendu hommage dans un lieu public, à des manifestants tués lors des révoltes qui ont suivi l'élection présidentielle contestée du 12 juin.

C'est évidemment inacceptable. Ce n'est pas tant l'artiste qui est baillonné, mais bien un citoyen iranien qui est confiné dans un pays qui censure chacun de ses films.

Berlin 2010 : Werner Herzog aime-t-il le cinéma ?

Posté par MpM, le 16 février 2010

"Je n'ai vu que deux films en 2009 et ils étaient si mauvais que je préfère ne pas les nommer." Cette charmante boutade relevée par Screen est signée Werner Herzog, président du jury de cette 60e Berlinale, à qui cela doit du coup faire tout bizarre de voir en dix jours environ dix fois plus de films que pendant toute l'année écoulée...

Rendez-vous le soir du palmarès pour savoir si l'un d'entre eux, au moins, aura eu l'heur de ne pas lui déplaire.

Berlin 2010 : Central do Brasil, premier Ours latino-américain

Posté par vincy, le 15 février 2010

En 1998, Berlin ne découvre pas le cinéma latino-américain, mais le prime pour la première fois de son histoire. Walter Salles émeut le jury, et le public, avec Central do Brasil. Il remportera aussi le prix d'interprétation féminine, le prix du jury eucuménique, avant de cartonner dans différents palmarès internationaux. Ce sera aussi le début d'une histoire d'amour entre le cinéma de ce continent et la Berlinale puiqu'en 2008 avec Tropa de Elite (Brésil) et en 2009 avec Fausta (Pérou) recevront la prestigieuse récompense, à chaque fois en surprenant les journalistes.

Pour le documentariste Walter Salles, cela va le propulser immédiatement dans la grande planète du cinéma d'auteur "à festival". Venise le sélectionnera trois ans plus tard avec Avril désespéré et Cannes attendra 2004 pour lui apporter une reconnaissance justifiée, avec Carnets de Voyage. A l'origine, le film retraçant les années de jeunesse du Che devait être l'un des événements du Festival de Berlin. Mais Cannes, comme ce sera de plus en plus souvent le cas dans les années 2000, fait un forcing auprès des producteurs et se le "réserve".

Comme souvent, Berlin ne parvient pas à "fidéliser" ses primés, ce qui l'oblige aussi à aller chercher de nouveaux talents, constamment. Quand Central do Brasil arrive dans la capitale allemande, il est face à des mastodontes : Quentin Tarantino, Gus Van Sant, Pupi Avati, Alain Resnais, les Frères Coen, Jim Sheridan, Neil Jordan, Stanley Kwan, qui signent tous l'un de leur meilleur film cette année-là.

Le jury de Ben Kingley récompense alors un réalisateur en devenir, mais déjà très talentueux. Mais personne n'a pu succomber l'histoire d'une femme d'âge mûr, assez cynique et pas très aimable, confrontée à un garçon de neuf ans cherchant son père dans un Brésil très pauvre et très religieux. Ce voyage au bout de soi-même et l'apprivoisement de l'Autre bouleversent les plus insensibles. Ce sera d'ailleurs l'un des rares Ours couronnant un film qui joue sur le registre du mélo social dans l'histoire d'un palmarès davantage politique. Mais quelques années après la chute du Mur, le Festival s'ouvrait au monde, et allait se transformer avec la construction d'un complexe à Potsdamer Platz qui allait devenir le coeur battant de la manifestation.

Berlin 2010 : le plus grand festival ouvert au(x) public(s)

Posté par vincy, le 15 février 2010

berlin2010_tickets.jpg270 000 tickets vendus l'an dernier, combien cette année? A voir les files chaque jour dans l'un des quatre points de vente de la Berlinale, le succès est toujours au rendez-vous. Même un film entre documentaire et expérimental diffusé à 22h30 à l'autre bout de la ville remplit les deux tiers d'une énorme salle... Le Festival du film de Berlin n'a pas le soleil et la mer mais il a son public. Berlinois, Germanophone mais aussi Européen avec Français, Anglais, Italiens de passage. Tout le monde peut voir tous les films de toutes les sélections. Avec une contrainte : les places partent vite, notamment pour les films des réalisateurs les plus connus, ou ceux disposant de vedettes internationales dans leur générique.

Il faut donc parfois être patient (dans les queues), curieux (pour remplacer le Polanski par un film lituanien), et connaître le plan de métro de la ville par coeur. Car ce sont 25 complexes cinématographiques qui sont réquisitionnés durant le Festival, répartis dans toute la ville, même si l'essentiel se fait sur quatre sites situés sur la ligne U2 (à 30 minutes d'écart du plus à l'Est au plus à l'Ouest). Prévoir, donc, les trajets entre les salles, remplir les cases de son agenda, piétiner pour obtenir un sésame. Il y a bien sûr des astuces. Des séances de rattrapage (notamment le dimanche 21 quand toute la compétition sera rediffusée). Deux points de vente un peu excentré mais du coup beaucoup moins fréquenté (l'Urania à l'Ouest et l'International à l'Est). On peut aussi réserver par Internet, mais mieux vaut s'y prendre très longtemps à l'avance pour certains films.

Le billet est à 11 euros pour les projections de la compétition officielle au Berlinale Palast, 8 euros dans les salles les plus grandes et à 7 euros dans les autres. Exception pour la soirée de Gala de Metropolis : 20 euros. Les invendus sont soldés à 50% une demi-heure avant la projection. Il est globalement facile de trouver des places 48 heures avant une projection, même su r un film très attendu, si l'on ne rechigne pas à passer une demi heure dans le métro. Il y a quand même des oeuvres qui ont fait le plein dès le premier jour, et pour toutes leurs séances, comme Shutter Island, Howl, ou encore The Ghost Writer...

Berlin 2010 : James Franco réalise deux poèmes sur la frustration et le fantasme

Posté par vincy, le 14 février 2010

jamesfranco_real.jpg

James Franco est partout à Berlin cette année. L'acteur connu pour son rôle dans Spider-Man est notamment présent dans la compétition à travers Howl, où il incarne le poète gay de la Beat Generation, Allen Grinsberg. Le film est réalisé par Rob Epstein et Jeffrey Friedman, les réalisateurs des documentaires The Celluloïd Closet et de The Times of Harvey Milk. Franco a aussi été remarqué pour avoir interpréter l'amant de Sean Penn dans Harvey Milk, le film de Gus Van Sant.

Après trois courts métrages - Fool's Gold, The Ape, Good Time Max - il est à Berlin pour montrer ses deux derniers films courts, tous deux produits et réalisés en 2009. Deux poèmes où l'homosexualité ne rode jamais loin. Pour la première fois, il écrit aussi ses scénarii tout seul. Herbert White, titre du film tourné au printemps et nom du personnage joué par un Michael Shannon plus vrai que nature, s'inspire d'un poème de l'auteur "gay" Frank Bidard. Mais là aucune homosexualité sous-jascente. Le film traque un père de famille, col bleu et classe moyenne, qui essaie de réfréner ses pulsions sexuelles. Son désir le domine et le pousse à ne plus être lui-même. White, l'homme quelconque, est pourtant un monstre. Il ne tue pas que la forêt en découpant des arbres - c'est son métier -, il ne fait pas que l'amour et assouvir ses besoins éjaculateurs dans cette même forêt...

La forêt est aussi présente dans The Feast of Stephen, d'après la pièce homoérotique d'Anthony Hecht. Mais le film est raidcalement différent, et pa seulement à cause du noir et blanc. Un ado (très bien casté : Remy Germinario) mate des mecs de son âge jouant au basket. Il ne voit que leur peau, les muscles, les regards. Il s'imagine avec eux nus dans les bois... Sans qu'il ne montre quoique ce soit de son attirance, ces jeunes ont compris sa tendance et vont lui faire sa fête. Castagne, simulation de viol... Mais Stephen prend son pieds, s'imagine objet sexuel dans cette forêt avec ses "camarades", dans des séquences violentes d'une sensualité troublante. La perversité du plan final résume toutes les intentions de Franco-réalisateur : le désir enfoui comme un secret, la frustration de ne pas pouvoir l'exprimer, le vivre, la réalisation d'un fantasme, en réalité plus sordide.
Outre ses sujets, son style n'est pas sans rappeler le cinéma de Gus Van Sant. Prometteur. The Feast of Stephen est en lice pour le Teddy Award du court-métrage.

Berlin 2010 : Rainman, symbole hollywoodien, Ours d’or

Posté par vincy, le 13 février 2010

En 1989, Rainman remporte l'Ours d'or. Tout un symbole. Car si le film fut marquant cette année-là, notamment grâce à ses Oscars et la "performance" de Dustin Hoffman, il est surtout le représentant d'un cinéma hollywoodien : un blockbuster dans une sélection très inégale. Jusqu'au milieu des années 90, les studios américains bénéficiaient d'un passe-droit pour placer leurs films "à Oscars", sortis en fin d'année aux USA et prêts à envahir l'Europe. Berlin servait de tête de pont idéale.

En 89, la sélection offrait ainsi un Jonathan Kaplan (The Accused), un Oliver Stone (Talk Radio) et un Alan Parker (Missippi Burning) face à Nuytten (Camille Claudel), Yamada (Dauntaun hirozu), Rivette (La bande des quatre), Saura (La noce oscura),  Greengrass (Resurrected), entre autres. Etonnant que le Levinson, le plus formaté de tous, fut le gagnant (sans doute consensuel), alors que le palmarès couronna aussi bien Adjani, que le réalisateur Dusan Hanak ou le film de Ziniu Wu. Les Américains repartirent avec le prix spécial du scénario (Eric Bogosian), le prix d'interprétation masculine (Gene Hackman) et un Ours d'honneur pour... Dustin Hoffman.

Ce sera le chant du cygne pour le cinéma américain au palmarès de Berlin. Le pays détenteur de six Ours d'or, très variés, en moins de 39 édition, en récoltera encore quelques uns, mais seulement trois de cinéastes américains, et aucun depuis 2001.

La Berlinale fut créée pour des raisons de propagande anti-communiste en 1951 par les Américains, et dans une moindre mesure par les Anglais. L'influence anglo-saxonne va se réduire comme peau de chagrin après la chute du Mur, et de plus en plus de films indépendants prendront la place de studios qui sortent les films désormais simultanément en Amérique et en Europe.

Rainman est à ce titre symbolique. Dernière machine hollywoodienne efficace et mémorable a recevoir autant d'honneur, ce sera aussi l'ultime gros succès public et mondial de l'histoire des Ours d'or, en dehors du Miyazaki (Le voyage de Chihiro).

Dorénavant, ces films aux budgets marketing imposants se retrouvent hors-compétition pour des soirées de galas et assurer le parterre de stars sur le tapis rouge. Et les Ours d'or vont être décernés à des talents prometteurs plutôt qu'à des cinéastes confirmés. D'ailleurs Levinson, jamais sélectionné à Cannes ou Venise, y a ses plus beaux souvenirs. Bugsy et Toys furent sélectionnés (on se demande pourquoi) mais malchanceux tandis que Wag the Dog est reparti avec prix spécial du jury.

Mais là au moins c'était cohérent avec l'orientation historique du Festival : la politique. Ironiquement, c'est aussi un réquisitoire contre la puissance américaine et le pouvoir des images fabriquées par Hollywood.

Berlin 2010 : La résurrection de Metropolis

Posté par vincy, le 13 février 2010

metropolis_berlin10.jpgIl avait beau faire froid, la neige imprégnant son humidité à travers les semelles, un bon millier de Berlinois et d'étrangers sont venus découvrir un film vieux de... 83 ans en plein air. Métropolis, de Fritz Lang. La toile blanche couvrait la Porte de Brandebourg. Cinéma de plein-air monumental, avec les invités de l'Ambassade de France (au chaud), aux premières loges. Jeunes ou vieux, attentifs ou l'esprit bon enfant, l'événement fera date dans la Berlinale, qui avait organisé cet happening, en plus des traditionnelles projections de presse et de gala (où l'orchestre interprétait en direct la partition d'origine composée par Gottfried Huppertz. La Berlinale recréait ainsi les conditions de la première mondiale du film, le 10 janvier 1927 à Berlin (au cinéma berlinois Ufa-Palast am Zoo).

Vendredi 11 février à 20h, le projecteur éphémère lançait sa première "bobine" tandis que le son enregistré par 'orchestre symphonique de la Radio de Berlin, jouait la partition qui accompagne le film muet de 1927, réalisé par l'immense Fritz Lang. Outre qu'il s'agit d'un chef d'oeuvre épique, Metropolis est une somptueuse synthèse allégorique où le progrès se confronte aux dogmes et à l'espérance des Hommes. Sa narration, très ambitieuse pour un film de l'époque, lui donne encore un aspect "moderne" et en fait une oeuvre atemporelle. Surtout,il fut le premier grand film de science-fiction de l'histoire du cinéma (si l'on excepte les Méliès).

L'événement n'était pas seulement de voir ce film dans un cadre aussi singulier. Il s'agissait surtout de la renaissance d'un film grâce à la découverte de 26 minutes de pellicules qu'on croyait disparues. La quasi-totalité des scènes manquantes ont été retrouvées en juin 2008 en Argentine. Lorsque la fondation Friedrich Wilhelm Murnau, propriétaire des droits du film a annoncé que "presque toutes les scènes qui manquaient jusqu'à présent ont été retrouvées dont deux grandes scènes importantes" . Une pellicule 16 millimètres a été découverte chez un particulier par des collaborateurs du musée du cinéma de Buenos Aires.  "Grâce à cette découverte sensationnelle" et en dépit de la mauvaise qualité des images, le film pouvait retrouver sa durée originelle. Paramount, producteur du film avait en effet, par la suite, largement amputé l'oeuvre, afin d'en simplifier l'histoire. Le studio avait retiré un quart de sa durée par un nouveau montage qui en obscurcissait l'intrigue. En fait cette mutilation (le film fait 4 189 mètres de longueur) était due à un énorme flop. Quatre mois de présence dans une salle sans succès. On le raccourcit alors à 3 241 mètres pour la sortie nationale.

Metropolis avait été assassiné par la critique (et par H.G. Wells, au passage) et boudé par le public. Oeuvre incomprise, devenue culte et source d'inspiration de Kubrick, Lucas, Scott et Cameron, il a été le premier film à avoir été inscrit sur le Registre de la Mémoire du monde de l’UNESCO, dans sa version transformée. On considérait que les scènes manquantes avaient été disparues. En 2002 une version numériquement remastérisée (et reconnue comme l'une des meilleures restauration cinématographique de la décennie) avait été réalisée, accompagnée de fiches résumant aux spectateurs les scènes manquantes.Un DVD de cette version intégrale (145 minutes) va être prochainement disponible. metropolis2_berlin10.jpg

C'est donc un véritable miracle cinématographique qui eut lieu lorsqu'on retrouva les négatifs manquants.  On a pu admirer hier l'imposant travail de Fritz Lang (quatre ans avant M le Maudit). Incroyable production qui dura deux ans et employa jusqu'à 37 000 figurants, elle coûta 5 millions de marks (150 millions d'euros actuels) de l'époque dans une Allemagne qui ne parvenait pas à se remettre de la première guerre mondiale.

Ecran Noir vous offre quelques courts films pour revivre la soirée du 12 février. Pardon pour les tremblements (le froid) de l'image. Si vous passez à Berlin, ne manquez pas, en plus, l'exposition "The Complete Metropolis" au Musée du cinéma et de la Télévision, jusqu'au 25 avril, avec 200 objets (caméras, pages du scénario, décors en trompe-l'oeil, extraits de la partition de la musique du film ...)

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Ecran Noir, en direct de la Porte de Brandebourg

Extrait 1

Extrait 2

3 autres extraits à venir durant le week-end...